SCÈNE VII
 
L’ABBÉ, SEVRAIS, SOUPLIER
 


L’ABBÉ

Enfin, c’est inadmissible : qu’est-ce que vous fabriquez ici à cette heure ? (Il pénètre plus avant dans la resserre, aperçoit Souplier.) Ah ! c’est cela ! (Il prend Souplier par le bras et le fait passer derrière lui. À Sevrais :) Ainsi donc, pendant qu’on vous conviait à une sorte de direction de ce gamin, voilà ce que vous faisiez ! Petit voyou que vous êtes ! Et vous vous prétendiez son ami !


SEVRAIS

Qu’est-ce que je faisais ? Je n’ai rien fait qui soit contraire à ce que j’ai promis.


L’ABBÉ

Non ! C’était pour attraper des mouches que vous vous enfermiez à clef avec lui ! Voilà le résultat de la confiance qu’on a eue en vous ! En étude, il avait sa tête des jours où il va faire une bêtise. Avachi sur son pupitre, les doigts dans ses cheveux mal peignés, le regard ailleurs, et respirant par tous les pores le désordre de son âme et l’avidité de se défendre de nous à tout prix. Je m’échinais à lui faire son devoir d’allemand, pauvre niais que j’étais. Mais, lui, il ne vivait que pour venir vous retrouver !


SEVRAIS

C’est hier, dans votre bureau même, que je lui ai donné rendez-vous ici. Je voulais lui dire ce que serait notre vie nouvelle. Vous souhaitez que j’aie de l’influence sur lui : comment ? où ? quand ? puisqu’il est pensionnaire et que moi je suis externe. On ne peut se voir que le dimanche matin, et un dimanche sur deux il est collé. On me dit : « Allez-y ! » et puis on me barre ; alors, ce n’est plus possible. Je ne lui ai dit que des choses bonnes. Un instant avant que vous reveniez, j’étais sur le point d’aller vous avouer que c’était lui qui était ici avec moi.


L’ABBÉ

Allons, ne vous défendez pas ! Vous avez la réputation d’être intelligent, et votre défense est celle d’un imbécile. Et vos « choses bonnes » et tout le reste !… S’il n’y avait pas un attrait de lui à vous, cette amitié serait-elle même concevable ? Vous voulez le voir ? Mais vous n’avez rien à vous dire : croyez-vous que j’ai été dupe de tout cela ? Retournez à votre étude. Cette histoire n’est pas finie.


SEVRAIS

Quoi qu’il arrive, je prends toutes les responsabilités.


L’ABBÉ

Eh ! je pense bien ! Il ne manquerait plus que ça, que vous ne preniez pas les responsabilités ! Et, je vous prie, pas un mot à votre mère, avant que nous ayons décidé quelle sera la version officielle de tout ceci.

Comme Sevrais va pour sortir, Souplier, au passage, lui tend la main. Ils se serrent la main. Sevrais se dirige de nouveau vers la porte. Souplier fait un pas vers lui, et lui tend de nouveau la main.


SOUPLIER

Donne-moi la main encore une fois.