Chapitre 3
Logan Grey n’était pas un imbécile. Il avait beaucoup voyagé, rencontré beaucoup de monde, obtenu les faveurs d’un grand nombre de femmes, mené une vie pleine d’aventures de toutes sortes. D’innombrables souvenirs s’accumulaient dans sa mémoire.
Mais il était sûr de ne pas avoir épousé cette femme.
A moins que… Il y avait eu cette fête insensée, jadis, la danse, les baignades dans la mer.
— Attendez une seconde… Oui, vous meniez la revue, à La Nouvelle-Orléans ! J’avais beaucoup trop bu, comme tout le monde d’ailleurs, et le chaman vaudou nous a mariés en tuant un poulet, pour rire ?
— Non, répondit-elle sèchement, en le fusillant du regard.
Conscient de son ridicule, car ses amis l’observaient en silence, Logan reprit ses recherches. Le matin, à la banque, l’émotion qu’il avait ressentie lorsque cette femme s’était jetée dans ses bras était d’ordre purement sensuel. Ses beaux yeux violets, sa chevelure d’or et de feu, sa taille naturellement mince, puisqu’il avait pu se rendre compte qu’elle ne portait pas de corset, faisaient en effet d’elle une créature extrêmement séduisante, de celles que l’on n’oublie pas.
Caroline ? Qui pouvait-elle être ?
Comme beaucoup d’hommes d’action, Logan avait tendance à chasser de son esprit les souvenirs fâcheux. Ces yeux, ils n’auraient pu les oublier aussi facilement pourtant. A quelle mésaventure pouvaient-ils bien être associés ? Une idée lui vint soudain à l’esprit.
— En Californie, peut-être ? Pour passer inaperçu dans l’affaire Watson, j’avais embauché une…
Il ne trouvait pas de mot convenable. Celle qui se nommait Caroline ferma un instant les yeux, pour se contenir, et rougit aussitôt, non par pudeur, mais de rage, cela se voyait.
— Non, gronda-t-elle.
— A Nuevo Laredo, alors ?
De guerre lasse, elle lui adressa un sourire amer et résigné.
— Nous nous sommes rencontrés pour la première fois lorsque nous étions enfants, dit-elle. En été, je rendais visite à ma grand-mère, dans l’Est. Elle s’appelait Nellie Jennings et s’occupait d’orphelins.
— Bien sûr ! s’exclama Holt Driscoll en faisant claquer ses doigts.
Cade Hollister, ravi de la découverte, opina lui aussi avec empressement. Logan hésitait encore.
— La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, poursuivit Caroline, c’était il y a quinze ans, lors de notre nuit de noces à l’hôtel Magnolia, à Georgetown.
Une nuit de noces ? Les yeux écarquillés, Logan contempla de nouveau des pieds à la tête l’inconnue de la banque. Des détails lui revenaient à la mémoire. Jack Kilpatrick, le mauvais perdant. Cette Caroline était la fille de Jack Kilpatrick. Quel âge avait-elle, à cette époque-là ? Seize ans ? Il en avait dix-neuf, alors.
Il n’aimait guère se souvenir de ce pan de passé. Ce qui expliquait un peu les choses. C’était avant le Mexique, avant le massacre dans l’Oklahoma. Lorsqu’il pouvait encore se regarder dans un miroir sans se mépriser, ou se haïr.
Pourtant, il avait quelques vagues souvenirs d’elle. De sa robe, du même jaune que celle qu’elle portait ce soir. Dans le temps, elle avait les cheveux d’un blond très pâle, sans doute décolorés, une allure et une corpulence de fillette, l’air timide, et une poitrine presque plate. Quelle métamorphose !
— Je vous reconnais à présent, affirma-t-il avec assurance. Vous êtes Caroline Kilpatrick.
— Non, dit-elle. Depuis quinze ans, je suis Caroline Grey.
L’annonce ne manqua pas de faire sensation. On se récriait en silence, des regards interrogateurs se croisaient de toutes parts. Logan, le souffle coupé, dut se rasseoir.
— Pendant quinze ans, vous avez prétendu être ma femme ?
Elle s’enflamma.
— Je suis votre femme !
Elle serra les poings. Allait-elle le frapper ?
— La signature, à l’église, vous l’avez oubliée, elle aussi ? lança-t-elle.
— Il y a si longtemps, plaida-t-il maladroitement.
— Bien longtemps, murmura-t-elle. Et puis, reprit-elle d’une voix furieuse et qui portait loin, les voyous oublient si facilement les filles séduites, qui se réveillent seules au matin de leur nuit de noces !
— Lucky ! s’écria Kate Kimball, comment avez-vous pu commettre une pareille horreur ?
Ses sœurs s’indignaient, elles aussi. Logan, qui se remémorait à présent le détail de l’affaire, leva sa main ouverte pour imposer le silence et mettre les choses au point.
— Une minute ! protesta-t-il. Ce n’était pas un vrai mariage !
Les femmes avaient les bras croisés, prêtes à le condamner. Les hommes se crispaient, à l’exception de Dair MacRae, qui retenait visiblement, le traître, une forte envie de rire.
— Nous avons dîné. Je suggère que nous passions dans le salon, dit-il. Les sièges y sont plus confortables et la cave à liqueurs plus aisément accessible. Logan aimerait sans doute régler cette affaire… en tête à tête ?
— Non, je tiens à m’expliquer publiquement, dit l’accusé, qui reprenait son calme. Ce mariage n’était qu’un simulacre, un stratagème imaginé par son père. J’ai joué le rôle de l’époux, voilà tout.
— C’est incroyable ! s’écria Caroline. Le menteur ! Il ne se souvenait plus de rien, tout à l’heure !
— Eh bien je me souviens de tout, maintenant ! dit Logan.
Il revoyait encore le Texan, impressionnant de taille et de puissance, qui était entré dans le bar comme en terrain conquis. Logan était en train de faire une réussite, tout seul, pour ne pas risquer de perdre en jouant avec d’autres les deux dollars qu’il avait en poche.
— C’est toi, le gars qui cherchait du boulot chez moi hier et qui s’est fait jeter ? lui avait-il demandé sans préambule.
— C’est moi, patron.
— Le gars qui vient de l’Est et qui connaît des gens de ma famille ? Les Jennings, ils s’appellent. Tu connais ma fille ?
— J’ai quitté l’orphelinat depuis quatre ans, patron. La petite-fille de Nana Nellie venait la voir tous les étés.
— Nana Nellie, avait répété la brute par dérision. Laisse tomber les cartes, fiston. Du boulot, tu vas peut-être en avoir, après tout. Viens prendre un verre.
— Tiens, prends un verre, on dirait que tu en as besoin, dit Luke Prescott, qui lui mettait un whisky sous le nez.
Logan secoua la tête et accepta le whisky que le shérif lui offrait d’autant plus généreusement qu’il sortait directement de la réserve de son beau-père.
Par bonheur, Trace MacBride et sa femme, Jenny, n’assistaient pas à la soirée. Devenu avec l’âge très chatouilleux sur le respect dû aux femmes, Trace n’aurait pas apprécié cette scène.
Quelques détails du prétendu mariage lui échappaient encore. Mais deux épisodes l’avaient profondément marqué : celui de son recrutement, qu’il venait de revivre, et celui de la nuit passée à l’hôtel.
Toute la compagnie passa dans le salon. Emma MacRae installa Caroline à la place d’honneur, dans le fauteuil de Jenny, et lui servit de l’eau, qu’elle préférait, disait-elle, à toute autre boisson. Les autres femmes prirent place à ses côtés, comme pour assurer sa défense tandis que les maris s’installaient diplomatiquement en terrain neutre, à l’autre bout de la pièce. Cade et Holt restaient à proximité de la cave à liqueurs.
Logan ne s’avança que d’un pas dans la pièce et prit une lampée de whisky. Comme il devait surtout convaincre ses amies, c’est à elles qu’il s’adressa.
— J’avais oublié cette histoire pour la bonne raison que ce mariage n’était qu’une comédie imaginée par Kilpatrick. Il fallait que sa fille soit mariée pour avoir droit à je ne sais quel héritage…
— D’accord pour l’héritage, dit Caroline en se dressant, mais notre mariage n’a pas été une comédie ! Il a été bel et bien célébré !
Logan attendit qu’elle se soit rassise et que les murmures de ses voisines se soient tus pour poursuivre ses explications.
— Kilpatrick faisait peur à tout le monde, expliqua-t-il. Il était propriétaire d’un ranch. Il me restait deux dollars en poche. Quand il m’en a offert vingt pour faire semblant de me marier avec sa fille, je n’ai pas hésité une seconde. J’aimais bien faire des farces, et à cette époque-là je n’étais pas à cheval sur les principes.
— Ce mariage a été célébré au temple baptiste de Georgetown, martela Caroline, les deux mains crispées l’une sur l’autre.
— Par un faux pasteur ! Pour présenter un faux certificat aux hommes de loi et toucher l’héritage ! Kilpatrick devait d’ailleurs le déchirer après l’avoir montré, ce papier…
La bouche ouverte, il se tut. Il fallait qu’il ait été bien sot, pour faire confiance à un tricheur professionnel.
Caroline triomphait.
— Le révérend Harwell est toujours pasteur à Georgetown, il y prêche tous les dimanches, dit-elle en s’adressant plus particulièrement à ses voisines. Le mariage est inscrit au registre officiel du comté.
— C’est bien simple, il n’y a qu’à le consulter, fit observer Prescott.
Logan commençait à douter de lui-même. Non, ce n’était pas possible. Sa gorge ne s’était pas serrée, sa respiration semblait normale. Son fameux sens de la prémonition ne s’était pas manifesté. Cette Caroline mentait.
— Vous saviez qu’il s’agissait d’un simulacre, vous ne pouviez pas l’ignorer ! lança-t-il en désespoir de cause.
Caroline haussa les épaules en levant les yeux au ciel.
— Puisqu’il a la mémoire courte, dit-elle en signifiant d’un regard circulaire qu’elle s’adressait à l’assemblée tout entière, voilà le détail de l’histoire.
Hochant la tête ou fronçant les sourcils, chacun se mit en position d’écoute. Elle dominait son auditoire.
— Mon oncle, qui venait de mourir, avait stipulé dans son testament que j’hériterais seule de sa fortune, le jour de mon mariage. J’ignorais que mon oncle avait fait de moi son héritière tout comme j’ignorais que mon père s’était tellement endetté qu’il se trouvait dans le besoin de me confisquer cet héritage.
Il y eut des murmures d’indignation.
— Pour hâter les choses, il a voulu me faire épouser l’un de ses amis, un homme de son âge. J’étais bien jeune, mais j’ai eu le courage de protester et de lui dire non. Il m’a giflée, alors je me suis enfuie. Mais je ne savais pas où me cacher. Ses valets m’ont rattrapée et ramenée à la maison. Je suis restée enfermée dans ma chambre, avec le plus fort des palefreniers en haut de l’escalier pour m’empêcher de sortir.
— Pauvre petite, murmurèrent ensemble Emma et Kate.
— Un quart d’heure avant le moment où on aurait dû venir me chercher pour m’obliger à épouser ce vieux bonhomme, Logan Grey est arrivé. Il a assommé mon gardien, devant ma porte, et s’est introduit dans ma chambre comme un voleur. Je n’ai pas crié, parce que je me souvenais bien de lui quand j’allais en vacances chez Nana Nellie.
Logan éprouva une douleur à l’estomac. Il l’avait en effet bien occulté, cet épisode, sans doute parce qu’il en avait vraiment honte. Gros Jack, plus retors que jamais, avait inventé cette mise en scène. Il n’avait même pas eu à assommer le gardien, qui était complice. En jouant le rôle de mari de remplacement, il avait obtenu sans difficulté le consentement de l’insoumise.
Caroline poursuivit son récit.
— Logan prétendait qu’il avait entendu parler de ma fugue, et qu’il voulait m’aider à m’enfuir, parce qu’il avait depuis longtemps un faible pour moi. En me mariant avec lui, j’empêchais mon père de m’obliger à épouser son vieil ami. Il avait déjà tout prévu, m’expliquait-il, et l’affaire pouvait se régler en quelques minutes.
Sous les regards réprobateurs de ses amis, Logan baissa les yeux. Dieu qu’il aurait aimé être ailleurs en ce moment !
— Je ne demandais qu’à le croire, reprit Caroline. Toute jeune, je rêvais déjà de lui. Je reconnais d’ailleurs parmi vous quelques-uns des anciens pensionnaires de Nana Nellie. J’allais chez elle, pendant les vacances. Un été, vous aviez comme projet de construire une grange. Vos journées commençaient tôt, parce qu’il faisait très chaud.
— Vous nous apportiez de la limonade et des biscuits, dit rêveusement Cade Hollister. Des biscuits au gingembre.
— Et du sucre candi, pour nous donner des forces, ajouta Holt Driscoll.
— Je m’amusais bien, murmura-t-elle. Avec vous trois, je m’amusais bien. J’aurais suivi Logan jusqu’au bout du monde, cet été-là.
Pour la première fois depuis le début de son récit, elle le regarda dans les yeux. Il ressentit un choc.
— J’avais douze ans, dit-elle. Tu m’as donné mon premier baiser. Tu ne t’en souviens pas, naturellement ?
Logan ne s’en souvenait pas, en effet. Valait-il mieux l’avouer, ou mentir ? Dans le doute, il se contenta de hausser les épaules. Caroline secoua la tête en signe de découragement et reporta son attention sur l’auditoire.
— Aussi étonnant que cela puisse paraître, quand il m’a proposé de passer par la fenêtre pour aller signer l’acte de mariage au temple, je n’ai pas réfléchi une seconde. De la même façon que je l’avais suivi derrière les arbres à douze ans, chez Nana Nellie, je suis allée avec lui, à seize, patienter derrière les autres couples, qui attendaient la bénédiction et le certificat de mariage qui allait avec. Mon nom était déjà inscrit, il a donné le sien, et l’affaire était faite.
Elle marqua une pause. Logan observa avec un peu de dépit que ses amis, muets d’étonnement, hochaient la tête en évitant de croiser son regard. Tous, à l’exception bien sûr de Dair MacRae, dont l’œil pétillait de malice. Caroline, qui décidément savait ménager ses effets, poussa son avantage.
— Ce n’est pas tout, dit-elle. J’étais tellement sotte à cette époque-là que je suis allée avec lui à l’hôtel. L’hôtel Magnolia.
Les trois sœurs poussèrent des cris. Tous les regards, indignés, réprobateurs ou seulement ironiques, convergeaient à présent vers Logan, qui pestait intérieurement.
— Lucky ! s’exclama Maribeth Prescott, vous prétendez que ce mariage n’était qu’un simulacre et vous l’avez…
Elle ne trouvait pas ses mots.
— … consommé, lui souffla Dair MacRae
— D’accord, ce n’était pas prévu, admit Logan. On devait aller à l’hôtel pour faire croire aux gens que nous étions des mariés comme les autres. Le Gros Jack m’avait dit de dormir sur le plancher, mais j’avais dix-huit ans et elle était tellement… irrésistible, dit-il pour éviter de prononcer « excitée ».
D’emblée, c’était pourtant ce mot, plus conforme à la vérité des choses, qui lui était venu à l’esprit. En le censurant, il évitait d’offenser Caroline.
Loin d’apprécier sa délicatesse, elle semblait sur le point de le gifler, de le griffer, de l’abattre. A y bien réfléchir, il ne pouvait l’en blâmer.
Il se souvenait parfaitement de cette nuit exceptionnelle, maintenant. Comment avait-il pu l’oublier ? Caroline Kilpatrick était la première vierge qu’il avait eu l’avantage de déflorer, et autant qu’il pouvait le savoir, la seule.
A présent, elle regardait fixement la lame courbe qui servait de coupe-papier aux MacBride. Et si cela lui donnait des idées ? Vite, il fallait calmer le jeu.
— Ecoutez, mademoiselle Kilpatrick…
— Mme Grey, corrigea-t-elle.
— … je reconnais que je me suis mal conduit, ce jour-là. Dans la chaleur du moment, je me suis emballé, et je vous présente bien sincèrement mes excuses. Mais pour le reste…
Les deux mains ouvertes et les épaules levées, il revendiqua son innocence.
— … tout est la faute de votre père. Il m’a dit qu’il vous expliquerait tout, le lendemain.
Elle croisa les bras et le regarda dans les yeux en hochant la tête pendant une minute qui lui parut une éternité.
— Le lendemain matin, dit-elle avec un calme qui laissait mal augurer de la suite, quand je me suis réveillée, Logan Grey n’était plus là. J’ai pensé qu’il allait m’apporter mon petit déjeuner. Mais une heure plus tard, le patron de l’hôtel Magnolia m’a appris que mon mari avait fait honneur à l’omelette au lard, qu’il avait sorti son cheval de l’écurie, et qu’il était parti vers l’Ouest.
Logan se passa la main sur la nuque. Il avait mal à la tête et le sang battait à ses tempes. On n’avait d’yeux que pour lui. Les hommes ne souriaient pas. Aux femmes, il semblait faire horreur.
— Votre père ne vous a pas dit que ce n’était qu’un coup monté, pour une question d’héritage ?
— Non, dit Caroline en fermant les yeux comme pour contenir sa peine. Dans le chariot qui nous ramenait au ranch, il était tout content. Il m’a dit qu’il regrettait d’avoir voulu me marier à un « vieux de son âge » et que nous allions vivre plus largement. Il mentait, bien sûr.
— Je regrette vraiment d’avoir été son complice dans cette affaire, déclara Logan. Vous avez été sa victime.
— C’est vrai, dit-elle. Mais en fait de victime je ne suis pas la seule. Notre mariage est inscrit dans les registres du comté. Il est parfaitement légal, et nous lie l’un à l’autre.
Cade Hollister, que le désarroi de son ami chagrinait sans doute, vint à son secours.
— Et vous avez attendu quinze ans pour venir lui chercher noise ? lança-t-il agressivement.
Bonne question !
Caroline lissa sa jupe, prenant son temps pour répondre. Elle rassemblait ses forces.
— Jusqu’à présent, je n’ai pas eu besoin de lui, dit-elle enfin.
Dans son giron, ses mains se crispèrent si nerveusement que ses phalanges blanchissaient. Elle s’humecta les lèvres et risqua un bref coup d’œil en direction de Logan. Il se tenait sur ses gardes.
— Logan, j’ai besoin de vous, déclara-t-elle avec force. J’ai besoin de votre aide.
D’un seul coup, Logan se trouva soulagé. Il respirait mieux. Tous les journaux du Texas faisaient de lui une vedette, et ne se contentaient pas de vanter ses succès. La semaine précédente, le Daily Democrat avait révélé le montant de la prime versée par la Wells Fargo après l’arrestation d’un hors-la-loi célèbre. Logan Grey n’était plus un pauvre hère prêt à se vendre à Gros Jack pour gagner vingt dollars. « Tel père, telle fille. » Cette scène ridicule allait très vite connaître son dénouement.
— Venons-en au fait, dit-il sèchement. Vous envisagez de m’extorquer combien ?
— Pardon ?
— Combien de dollars ?
— Mais je n’ai pas besoin d’argent !
— Alors que vous faut-il ? Vous m’avez déjà volé mon nom.
— Votre nom, vous me l’avez donné. J’ai souvent eu envie de ne plus le porter, croyez-moi. Mais aujourd’hui, il devrait m’être utile, Lucky Logan Grey. Vous êtes l’homme le plus chanceux du Texas. Et de la chance, il va m’en falloir… beaucoup !
De la chance ? Logan sentit sa gorge se nouer, sa respiration s’accélérer. La force du pressentiment. Aucun danger ne le menaçait, mais le cours de son existence allait changer, peut-être.
— Pourquoi ? demanda-t-il.
— Parce qu’à l’hôtel Magnolia de Georgetown, vous et moi n’avons pas seulement commis une faute. Nous avons fait un enfant, un garçon. Je l’ai appelé William Benjamin. Will.
La foudre sembla s’abattre sur lui. Secoué par la nouvelle, il observa Caroline. Elle ne plaisantait pas ! En proie à une extrême souffrance, comme désespérée, les lèvres tremblantes, elle murmura :
— Il y a quinze jours, déclara-elle, Will s’est enfui. Il fait maintenant partie d’une bande de hors-la-loi. J’ai besoin de votre aide, Logan Grey, de votre chance, pour le retrouver et me le rendre.