IX

Voilà la période des étrennes. J’ai passé douloureusement le troisième anniversaire de mon arrestation et tous les souvenirs qui vont avec. Je me suis recroquevillée dans ma cellule, j’ai tenté de faire le vide, de chasser tous ces démons qui reviennent en force et ces douleurs qui me piquent comme autant de lances quand je pense qu’on m’a déjà volé plus de mille jours de ma vie. Je n’ai pas participé aux petites festivités des détenues de Tepepan pour Noël. Pas le cœur à ça, pas d’amie assez proche. J’attendrai d’être dehors, d’être libre pour célébrer cela comme je le souhaite, et avec qui je le souhaite.

Mes étrennes à moi, c’est la visite de Frank Berton. Il me l’a annoncée il y a quelques jours, et il a bien pris soin de me préciser qu’il n’a rien de spécial à me dire, mais c’est plus fort que moi : je sens comme une excitation, un fol espoir qu’il se passe enfin quelque chose. Après tout, on parlait de six à huit mois pour le jugement en appel, et voilà neuf mois que le juge Fermin est penché sur mon dossier. Sa décision pourrait tomber au moment de la visite de mon avocat, pourquoi pas ? En tout cas, Frank Berton va demander à être reçu par le juge. Ce n’est pas prévu par la procédure, le juge a parfaitement le droit de refuser ; et même s’il accepte, ils ne parleront pas du fond du dossier, mais Berton est décidé à demander. Il veut lui parler de moi, et du soutien de la France, il trouve que c’est important. Il est toujours rassurant, direct, et même un peu brusque parfois, mais c’est très bien comme cela. Avec lui, je sais où je vais. Et puis, il me laisse entendre que Nicolas Sarkozy va bientôt venir en voyage officiel au Mexique ! Il n’y a rien de sûr, pas encore de date précise, mais une visite du président en personne va forcément déclencher des choses. Tout ça me tourne un peu la tête, c’est beaucoup d’un seul coup : je vais devoir me contenir, ne pas me laisser aller à mes espoirs et me montrer à la hauteur.

Au moment où il arrive à Mexico, Frank Berton a déjà été reçu cinq fois à l’Élysée. La plupart du temps, mes parents s’y trouvaient aussi, et ils m’en racontent toujours la même chose : « Le président nous a répété sa détermination. Il ne laisse pas tomber. Il fait explorer toutes les possibilités par ses conseillers. » J’y crois dur comme fer et chaque fois qu’ils sont reçus, c’est la nuit pour moi : alors je rêve les yeux ouverts, sur mon lit. Je m’imagine un avion qui vient me chercher. Je me dis : « Sarkozy va me sortir de là ! ». Pour moi, c’est simple, c’est le président ; alors s’il veut me sortir, puisqu’il est si déterminé, il va réussir, je ne peux pas en douter.

Je sais que des gens continuent d’enquêter en secret. Maître Berton m’apprend par exemple qu’ils ont de drôles de renseignements sur la juge Olga Sanchez Contreras, qui m’a condamnée. Elle aurait eu des difficultés dans sa carrière, ils continuent de creuser. Dans l’immédiat, tout cela ne règle rien, mais cela me fait du bien de l’entendre, et d’écouter aussi le message de soutien de Nicolas Sarkozy. « Il est avec nous, Florence. Il se tient informé en permanence. » La confiance de mon avocat est contagieuse.

Le juge Fermin a accepté de le recevoir. Alors un matin il se rend à son cabinet, en compagnie d’Agustin Acosta, mon avocat depuis plus de six mois, qui a rédigé en quatrième vitesse les documents à remettre au juge pour l’appel. Il n’a eu que quelques jours pour cela, mais ils sont tous les deux confiants : dans ces conclusions, il y a bien des éléments nouveaux, à ma décharge, qui n’ont pas été étudiés par le tribunal. « Et puis, quoi, Florence ? La justice s’est trompée une fois, ça peut arriver. Mais deux erreurs, ce n’est pas possible, on ne le comprendrait pas. » Encore une fois, j’aime entendre cela. Je vois bien qu’ils s’entendent bien, tous les deux. J’ai eu un peu de mal à cerner Agustin Acosta, au début. Je le trouvais distant, moins abordable que Frank Berton. Mais je sais qu’il travaille pour moi, et quand je les regarde tous les deux, dans la salle de la prison, je me dis qu’ils vont y arriver, ils ont une telle détermination.

Au juge Fermin, ils ont montré un DVD de la question de Frédéric Cuvillier à l’Assemblée nationale. Ils ont expliqué que le gouvernement de mon pays est attentif à ma situation, comme le dit Rama Yade sur le document, et que l’opinion française est sensible. C’est un numéro d’équilibriste parce qu’il faut éviter que le vieux juge considère cela comme des pressions. Ce serait catastrophique. Mais quand ils viennent me raconter tout cela, ils ont confiance. Tout s’est bien passé. C’est encore une période où ma tête s’emplit d’un tas d’idées, parce que je vois mes avocats tous les jours, qu’on parle à nouveau de moi dans les journaux, à cause de la visite de Frank Berton, et les jours passent à toute vitesse. Il faut faire attention à l’atterrissage quand cela s’arrête, que mon avocat est rentré chez lui, et que la presse me range une nouvelle fois dans ses oubliettes. Ce sont des moments très difficiles, avec ce sentiment que je suis de nouveau dans l’oubli – le pire qui puisse m’arriver.

Je me raccroche à mon objectif : la sentence en appel ne doit plus tarder à tomber, c’est ce que le juge a laissé entendre à mes avocats. Pendant la visite de Nicolas Sarkozy ? Si seulement…

Au moment où elle approche, cette visite, les journaux s’emballent de nouveau. C’est d’abord sans lien avec moi, juste parce que le président avait reporté deux fois son voyage et qu’il est attendu par les milieux économiques, qui ont à cœur de faire des affaires avec la France. Et puis, il y a Carla Bruni. Rapidement, les journaux n’en ont que pour elle. Ils publient plein de reportages qui parlent de sa vie, de sa carrière de mannequin, puis de ses chansons et de ce destin extraordinaire qui en a fait la Première dame. Elle a une cote d’enfer. On parle d’elle avec admiration. Et voilà que quelqu’un, à l’Élysée, laisse entendre que le président a l’intention de parler de moi à son homologue mexicain, au cours de sa visite, et que son épouse me soutient elle aussi. La rumeur enfle, chaque jour les journaux et la télévision relaient l’information : « Madame Carla Bruni-Sarkozy devrait rendre visite à Florence Cassez à la prison de Tepepan. » Alors, ça, j’en rêve. Mais d’où vient cette idée, je n’en sais rien. Je ne sais surtout pas si elle est fondée, si elle vient de Paris ou de l’imagination des journalistes mexicains. En tout cas, tout cela tend considérablement l’ambiance. De nouveau, les articles s’enflamment et rappellent ce qu’ils ont toujours dit, pour la plupart : « Florence la Française est une kidnappeuse d’enfants. » Une nouvelle campagne est lancée, aussi dure que les précédentes, qui se teinte d’une sorte d’avertissement à l’endroit de Nicolas Sarkozy : « La France n’a pas à se mêler d’une affaire criminelle intérieure au Mexique. Notre pays et notre justice sont souverains. » Le voilà prévenu.

On est à moins d’une semaine de son arrivée, et je suis de nouveau terriblement inquiète. Je le suis toujours quand les choses s’affolent de cette manière, parce que la haine des Mexicains à mon égard est palpable. Cela m’effraie. On sent maintenant que le gouvernement de ce pays est aussi déterminé que le mien, qu’il a fait de moi et de mon histoire un enjeu politique : il me brandit devant la population comme un symbole. Après tout, je suis la seule prise de l’Agence fédérale d’investigation et de son mentor devenu ministre. Les bruits les plus suspects continuent de courir à propos de ces policiers, comme de Genaro Garcia Luna, surtout depuis qu’une journaliste très connue ici a sorti un livre, Los Complices del Présidente (« Les Complices du président »), dans lequel sont détaillés ses méthodes et ses compromissions, ainsi que le rôle joué à ses côtés par Luis Cardenas Palomino. Anabel Hernandez n’y va pas de main morte : elle raconte des scènes de violence gratuite sur la population, et même des crimes commis au nom du maintien de l’ordre et du secret qui doit entourer les affaires de Garcia Luna. On dit qu’elle est protégée, qu’elle doit s’entourer de gardes du corps, mais son courage est immense. Pourtant, tous ceux qui sont cités dans ce livre restent en place, même s’ils perdent encore un peu de crédit auprès de la population mexicaine.

Nicolas Sarkozy a bien compris le danger. Il doit traiter avec des gens qui ne reculeront devant rien et, pour tenter de préparer au mieux son voyage sur le plan juridique, il envoie secrètement un émissaire chargé de discuter avec les conseillers du président Calderón. Encore une fois, ce n’est pas n’importe qui : Jean-Claude Marin, procureur de la République de Paris, un des plus hauts magistrats de France, un homme reconnu comme l’un des meilleurs juristes du pays.

Et moi, dans tout cela ? Qu’est-ce que je viens faire là-dedans ? Tout cela me dépasse depuis si longtemps, voilà ce que je dirai à Carla Bruni si elle vient me voir. J’imagine déjà le branle-bas de combat à la prison. Ce serait de la folie ! Je me dis parfois que cela ne me vaudrait peut-être pas que des sympathies, qu’il pourrait y avoir des jalousies, mais je m’en moque, maintenant. Frank Berton m’a dit au téléphone que le couple présidentiel s’adresserait à moi d’une manière ou d’une autre. Je sens autour de moi une confiance qui me rappelle la période de ma sentence, quand on me disait : « C’est pour bientôt, Florence. Tout va bien aller. Tu seras bientôt libre… » Je dois faire attention à ne pas trop me réjouir, évidemment, mais c’est plus fort que moi. La visite du président, le jugement en appel qui doit tomber d’un jour à l’autre, ce n’est forcément pas une coïncidence. Et si c’était enfin la délivrance ?

C’est une garde qui me tire de toutes ces idées.

— Visite juridique, Florence.

Je suis dans la salle des visites. C’est l’après-midi et il fait beau, je suis terriblement nerveuse. Dans le bureau du fond, un homme que je ne connais pas s’approche et me tend un papier, presque sans un mot. Je ne sais pas ce que c’est, mais je n’aime pas ça. Mécaniquement, sans savoir exactement ce qui m’attend, je déplie, j’ouvre et je lis : « Culpabilité confirmée. »

J’ai une sorte de vertige. Je ne sais plus ce que je fais, où je vais, je sais seulement ce que cela signifie : je ne sors pas. Ce n’est pas encore pour maintenant. Tout s’écroule, tout ce que je m’étais bâti ces derniers jours, parce que tout le monde me laissait entendre qu’il fallait avoir confiance, que la justice mexicaine est indépendante et sereine, que mon dossier est vide et que tout le monde sait, aujourd’hui, que les témoignages qui y figurent sont de grossiers montages. La belle affaire ! J’ai encore eu tort d’y croire, et une incroyable douleur me prend le ventre, une rage à pleurer : tout cela ne finira donc jamais ! Je ne sortirai jamais et ma vie est foutue, foutue…

Au téléphone avec Frank Berton, je comprends d’abord que le juge a ramené ma peine à soixante ans. Il a tout de même supprimé les vingt ans pour l’enlèvement du mari de Cristina Rios Valladares, cet homme qui n’a jamais été enlevé ! Mais il y a pire, dans cette sentence. La première n’était pas cumulative : selon la loi mexicaine, je n’aurais dû purger que la plus forte des sept peines prononcées, c’est-à-dire vingt ans. Or, ce n’est plus le cas : cela signifie que je dois tout purger. Pour moi, cela ne change rien : je ne me suis jamais imaginé passer ici quatre-vingt-seize ans ni même vingt ans. Mais là, ma peine vient de passer de vingt à soixante ans. Le message est clair : le pouvoir mexicain est ferme, implacable. Il ne veut pas me lâcher, et même pas me faire le moindre cadeau. Cette sentence incroyablement sévère tombe cinq jours avant la visite du président, qui s’est si fortement impliqué. À l’autre bout du fil, pendant que je suis abattue, Frank Berton est hors de lui :

— C’est un défi à la justice ! Un défi à l’État français qu’on méprise et qu’on humilie !

Et tout le monde le prend ainsi. En France, on parle de provocation, on dit que le voyage de Nicolas Sarkozy est compromis, Jean-Luc Romero lui-même, mon plus fidèle soutien, déclare qu’il ne « voit pas comment le président pourrait maintenir sa visite officielle dans ces conditions ». C’est une catastrophe.

Frank Berton fait feu de tous bois. Il répond aux journalistes qui l’appellent et me demande de téléphoner, encore une fois, à son cabinet. On me dit qu’il y a du monde, les télévisions, les radios et toute la presse écrite. J’exprime mon désespoir, l’incroyable désillusion qui vient après une vraie période d’espoirs et de promesses ; j’ai l’impression de répéter toujours les mêmes choses et je ne parviens pas à contenir mes larmes. Pourtant, j’aimerais tant être à la hauteur, montrer à tout mon pays que je suis capable de me battre encore. Frank m’a donné un numéro à appeler, juste avant treize heures. En France, c’est vingt heures. Je vais passer dans le journal de Laurence Ferrari, que je ne connais pas, mais je sais que le 20 heures de TF1 est le plus regardé en France. Alors, je veux être forte, encore une fois, je ne veux pas que les gens se disent que je suis une pleureuse, que c’est lassant de m’entendre me plaindre. La journaliste est adorable. Elle a des mots très gentils, elle me demande comment j’encaisse le choc et je tiens le coup ; mais je m’écroule de nouveau, je raccroche en larmes, je n’ai plus confiance en rien, pas même en moi-même. La peur m’est revenue. J’ai peur de tout. Je tremble à nouveau continuellement et j’ai la tête vide, comme anesthésiée par l’angoisse de ce qui va se passer. Frank Berton a appelé l’Élysée, évidemment, et on lui a répondu qu’il serait reçu avec mon père le lendemain. Ma mère n’ira pas : mon grand-père vient de mourir, elle est partie dans sa famille, dans le centre de la France. Dans quel état elle doit être, ma mère ! Elle aussi commençait à se laisser gagner par l’espoir, je le sentais bien. Et maintenant, tout s’écroule en même temps : l’idée de récupérer sa fille et son père qui s’en va.

Dans le bureau de Nicolas Sarkozy, c’est d’abord l’incompréhension. Le président raconte qu’il a reçu un message de Jean-Claude Marin, alors que celui-ci allait prendre l’avion du retour. « Les discussions se sont très bien passées. Je crois que nous pouvons être optimistes. » Et l’envoyé du président a pris l’avion. À son arrivée à Roissy, il a appris que j’étais condamnée à soixante ans de prison. Il n’en revenait pas. Mais le président a confiance. Lui non plus ne comprend sans doute pas tout ce que cela signifie, mais il a une preuve de la bonne volonté de Felipe Calderón. Quelques jours plus tôt, il a reçu une lettre du président mexicain qu’il montre à mon père et à mon avocat. Elle est arrivée le 27 février, juste avant la sentence.

 

Son Excellence

Monsieur Nicolas Sarkozy

Président de la République française

 Tout d’abord, je tiens à vous remercier des attentions dont nous avons été l’objet lors de notre rencontre cordiale à l’occasion de la réunion du Sommet du G20.

Je fais référence à votre lettre du 25 novembre dernier, relative à la situation de la ressortissante française Florence Marie Louise Cassez Crépin, dont je me suis tenu informé. Sans compromettre l’indépendance du pouvoir judiciaire, je peux vous affirmer que je suis convaincu que les instances compétentes statueront sur ce cas dans la stricte observance des garanties prévues par la loi et dans le plein respect des droits de l’homme de Mme Cassez Crépin.

Dans l’immédiat, il est fondamental que l’étape d’appel auprès du Tribunal unitaire, en charge de l’affaire, se termine. À partir de ce moment-là, on pourra être certain des peines qui pourraient être imposées et de la manière de les purger conformément à la législation mexicaine.

En deuxième lieu, une fois que la défense de Mme Cassez Crépin aura épuisé les voies de recours que la loi mexicaine lui confère et dans le cas où une décision de condamnation se verrait confirmée, il sera possible d’envisager l’application de la Convention sur le transfèrement de personnes condamnées, adoptée à Strasbourg, France, le 21 mars 1983. Ce traité, dont le Mexique et la France sont des États parties, permet le transfèrement du condamné vers son pays d’origine pour y subir sa condamnation, à condition que Mme Cassez Crépin en fasse expressément la demande.

Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, les assurances de ma plus haute considération.

 

Le 6 février 2009

 

Felipe Calderón Hinojosa

Président des États-Unis mexicains

 

Tout est prévu. Pour Nicolas Sarkozy, le message de Felipe Calderón est à peine codé : peu importe que je sois condamnée, puisqu’il autorisera ma rentrée en France ensuite. Il l’a d’ailleurs confirmé à demi-mot dans deux interviews qu’il a données avant la visite française, à La Jordana, à Mexico, et au journal français Le Monde. Là encore, il évoque la Convention de Strasbourg sur le transfert des personnes condamnées. Frank Berton et mon père n’ont pas le temps de réagir que Nicolas Sarkozy enchaîne. Ses conseillers ont épluché le texte de la Convention, ainsi que tous ses avenants : le président de la République française a le pouvoir de gracier le condamné à son retour sur le sol français. Pour lui, le tour est joué. Il ne doute pas une seconde que les conseillers de son homologue connaissent le texte de la même manière. Il en parlera d’ailleurs discrètement avec Felipe Calderón dans trois jours à Mexico.

Mon père n’en revient pas. « Nous sommes à vos côtés, je vous l’ai toujours dit. » Le téléphone sonne et le président semble parler à son épouse. Il lui dit qu’il est en compagnie de mon avocat et de mon père, il lui explique ce qu’il vient de dire, et…

— D’ailleurs, je vais te le passer.

Et voilà mon père au téléphone avec Carla Bruni. Mon père ! Je l’imagine… Un peu perdu, sans doute, mais elle a été si gentille, si douce qu’il s’est très vite senti à l’aise. Au point de se lever machinalement, et de tourner en rond, comme on le fait quand on téléphone et qu’on n’en finit plus de parler. Alors, le président plaisante :

— Bon, Bernard, vous allez me rendre ma femme ?

C’est une visite qui compte, tout de même. Mon père est touché. Carla Bruni lui a dit qu’elle avait pensé venir me rendre visite à la prison mais qu’elle ne le pourra pas. Son mari trouve que ce n’est pas une bonne idée. On ne sait pas comment la presse mexicaine interpréterait cette visite, il ne faudrait surtout pas que cela passe pour de la provocation.

Soit. Mais alors, avant de partir, très ému, il ne peut pas s’empêcher de dire :

— Monsieur le président, ce serait bien si vous reveniez avec ma fille…

Alors, Nicolas Sarkozy se lève, s’avance vers mon père et lui dit :

— Je ne reviendrai pas avec elle. Ils ne la relâcheront sans doute pas tout de suite.

Puis il le prend par les bras et, fermement :

— Votre fille passera l’été avec vous.

Mais Frank Berton a relevé une faille. La lettre de Felipe Calderón précise qu’il faut aller au bout du processus judiciaire pour appliquer la Convention de Strasbourg. Et admettre la peine, donc le principe de ma culpabilité.

— Florence ne le voudra jamais, Monsieur le président.

Il me connaît bien. Jamais je ne pourrai me résoudre à cela. Avouer ce que je n’ai pas fait – et surtout une chose aussi grave –, je ne le veux pas. À aucun prix. Je ne signerai pas, c’est déjà décidé.

— Si vous êtes d’accord, quand je serai là-bas, je l’appellerai. Et je la convaincrai.

Évidemment, ils sont d’accord. Frank ne me parle pas de cela, le soir, au téléphone, mais il me raconte tout le reste. Il m’a fait part de sa conviction : je ne pourrai jamais prouver mon innocence face à cette justice.

C’est une mentalité d’Européen de croire qu’un jour ils vont se réveiller, ils vont voir, comprendre, admettre. Eux, c’est la manipulation, et face à cela on est désarmé.

Le président semble d’accord. Le climat est à la méfiance, et ils pensent que l’important est que je sorte de ce pays.