Chapitre VIII

Organismes génétiquement modifiés

Les organismes génétiquement modifiés par l’homme existent depuis au moins cinq mille ans, à partir du moment où l’homme a décidé de pratiquer la culture et l’élevage, c’est-à-dire depuis les civilisations de l’Indus et de la Mésopotamie. Depuis cette époque, en effet, il féconde des plantes les unes avec les autres (d’une même espèce, bien sûr), il croise des bovins, des ovins, des équidés et, après ces croisements, il sépare les individus dont les qualités lui conviennent mieux. Il recroise, il resélectionne et ainsi de suite. Toutes les plantes que nous mangeons, tous les animaux que nous élevons résultent donc de ces croisements et de ces sélections mille fois répétés. Ceux qui croient faire pousser des plantes naturelles ne font pousser que des plantes génétiquement modifiées à l’aide des techniques traditionnelles de sélection génétique. C’est en réalisant ces croisements de manière méthodique et systématique, et en observant le résultat, que le moine tchèque Gregor Mendel découvrit les premières lois de la génétique au milieu du XIXe siècle.

Lorsque les premières techniques du génie génétique apparurent dans les années 1980, il était évident qu’elles allaient s’appliquer à l’agriculture, car l’idée de modifier le vivant était une part de leur culture (sans jeu de mots).

C’est ainsi qu’a pris naissance la fabrication des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM).

Aujourd’hui, ces OGM constituent un élément essentiel d’une bataille uniquement politique, mais qui aura des conséquences profondes sur l’avenir de la France, de son économie, de sa société.

C’est celle du choix entre le déclin et le progrès, entre la peur et le dynamisme, entre le développement et la régression.

Pour une information complète, je recommande le « livre-enquête » qu’a publié la journaliste Sophie Lepaultlxiv, qui fait le point sur la question et analyse avec pertinence les enjeux de cette bataille engagée par un hors-la-loi folklorique, violent et revanchard : José Bové.

Car José Bové connaît en fait la vérité, il sait fort bien que les OGM actuellement cultivés ne présentent aucun danger puisque son père est un ancien chercheur, membre de l’Académie d’agriculture, qui connaît bien le sujet. Il fait tout cela pour des raisons uniquement politiques et peut-être œdipiennes. Et ça marche ! Donc il continue, entraînant par là même tous les ignorants célèbres ou non dans sa sinistre aventure qu’ils croient être glorieuse.

D’ailleurs, une conversation interceptée avec l’un de ses adjoints est claire à ce sujet (l’anecdote figure dans le livre de Sophie Lepault) : « On sait bien que les OGM ne sont pas dangereux mais ça fait peur, c’est donc parfait pour atteindre notre but politique. »

Ce qui me navre, c’est que des politiciens ignorants, comme mes amis les présidents de Région socialistes emmenés par Ségolène Royal, ont décidé de combattre eux aussi la culture d’OGM !

La présidente de Poitou-Charentes a même franchi un pas supplémentaire. Candidate à la présidence de la République, elle se propose d’interdire les OGM. Mais les socialistes ne sont pas les seuls dans le camp des ignorants. Alain Juppé a interdit en 1996 les OGM, croyant plaire au « peuple ». Cette interdiction sera heureusement levée par Lionel Jospin, et il faudra attendre 2006 pour que Jacques Chirac finisse par dire que la diabolisation des OGM paraît être une erreur.

L’état des lieux

Avant de montrer combien cette allergie irrationnelle aux OGM est stupide et dangereuse pour notre pays, nous allons commencer par donner deux courbes.

La courbe du bas montre l’accroissement des cultures d’OGM dans le monde. La courbe du haut représente la diminution des cultures d’OGM en France. Or, la France est dans le monde la deuxième agriculture après les États-Unis. Handicaper la France dans une bataille commerciale internationale sauvage où apparaissent désormais de redoutables compétiteurs qui s’appellent le Brésil, l’Argentine la Chine et l’Inde, c’est à terme détruire notre agriculture et notre industrie agroalimentaire qui, rappelons-le, est le deuxième poste d’exportation pour la France. C’est aussi, nous le verrons, se priver d’un moyen de lutte contre la faim dans le monde qui sera demain indispensable pour la survie de milliards d’hommes. C’est aussi donner aux États-Unis et à la Chine un monopole de fait sur les semences. Les firmes européennes Novartis et Aventis ont abandonné les semences, celles qui restent, comme Bayer et Limagrain, envisagent de se délocaliser en Argentine ou aux États-Unis pour ne plus être gênées dans leurs expérimentations.

Aujourd’hui, dans le monde, 70 milliards d’hectares sont utilisés pour produire des cultures transgéniques : 50 % du soja produit est OGM, de même que 20 % du coton, 16 % du colza, 11 % du maïs. Dans trois ans, ces chiffres seront multipliés par deux. Il se développe désormais des cultures pour la chicorée, le lin, la pomme de terre, le riz, la betterave, la tomate.

Les pays qui développent leurs cultures transgéniques sont les États-Unis, le Canada, l’Argentine, le Brésil, la Chine, l’Inde, le Portugal, l’Afrique du Sud, le Mexique, l’Ukraine, l’Espagne, l’Indonésie et même l’Allemagne.

 


Fig. 8. En haut, cultures d’OGM en France. La courbe en pointillé est celle qui aurait été une réalité sans la campagne de fauchage de José Bové.

En bas, le développement des cultures d’OGM dans le monde. (L’intervalle entre les traits représente dix ans.)

En face de ces progrès, nous ne pouvons qu’égrener des « faits d’armes » des faucheurs. On détruit, on casse, on arrache. Les autres plantent, récoltent et vendent !

24 juillet 2004, Verdun-sur-Garonne, arrachage.

29 juillet 2004, arrachage.

1er août 2004, arrachage.

4 août 2004, arrachage.

Le tout concernant des expériences à objectifs biomédicaux. Les malades apprécieront.

11 août, Haute-Garonne, arrachage.

14 août, Loiret, arrachage.

15 août, Puy-de-Dôme, arrachage.

17 août, arrachage encore.

24 août, dans les Landes, arrachage.

25 août, Haute-Garonne, arrachage.

Cette glorieuse campagne a coûté au total cent cinquante ans de recherche à cinquante chercheurs ! Sans compter l’argent de la recherche publique, c’est-à-dire celui des citoyens qui paient l’impôt.

Une campagne dirigée par le chef vandale José Bové. Il est condamné à la prison, ce n’est que justice !

Ce faux Gaulois, dont l’allure physique voudrait être celle d’un Astérix écologiste, est en fait un sinistre individu qui fait prendre à la France dix ans de retard et qui menace la survie de milliers d’agriculteurs.

La peur OGM

Sur le plan de la politique française, cette lutte anti-OGM a deux aspects. Elle s’appuie sur l’ignorance, mais surtout elle conforte la peur. La peur qui de l’avis unanime est le sentiment qui se développe le plus vite en France et qui, on le sait historiquement, conduit inévitablement au déclin d’une nationlxv.

L’autre fait marquant, c’est que cette lutte a pris l’aspect du non-respect de la loi. Pour se donner l’allure de Robins des Bois modernes, José Bové et ses séides défient la loi… Ils veulent transformer la France en Far West où chacun se fait justice !

Faut-il encourager les agriculteurs et les chercheurs à s’armer de fusils pour combattre les faucheurs d’OGM ?

Faut-il encourager les chercheurs du Ciradlxvi ou de l’Inra de Montpellier à se faire justice eux-mêmes en allant égorger des moutons dans la ferme de José Bové sur le Larzac ? Ce serait relativement facile. Mais je n’appartiens pas au monde des vandales !

Est-il normal que ceux qui détruisent le travail de centaines de chercheurs ne soient pas tous en prison ? Faut-il tolérer qu’on menace de mort Roland Douce, coupable de défendre les OGM, et qu’on envoie à sa femme des cercueils miniatures ?

Naturellement, nos gouvernements sont responsables. En 2003, devant le silence du ministre de la Recherche et de celui de l’Agriculture après le saccage d’une serre du Cirad à Montpellier, où l’on travaillait sur le séquençage du riz, il fallut attendre une intervention de Lionel Jospin pour que l’État condamne cet acte de vandalisme. Le jeune chercheur Jean-Christophe Breider dont la serre a été détruite ne pourra pas exploiter cinq ans d’expériences sur le riz transgénique et sa résistance aux insecticides. Ses travaux seront copiés et reproduits par les Chinois et les Suisses trois ans plus tard !

Il ne s’agissait pas de cultures en plein champ dont se gargarise José Bové, ce sont des serres en verre fermées qu’on a cassées, brisées. Le gouvernement étant inerte, les directeurs d’organismes apeurés, les chercheurs n’ont pas même pu réagir ! Faut-il armer les chercheurs ?

Voilà la situation actuelle. L’OGM est en France hors la loi en 2007, alors que la France de 1998 était en tête dans le monde entier pour son expertise sur les plantes transgéniques grâce à deux organismes de recherches magnifiques, l’Inra et le Cirad.

C’est mon amour de la France qui explique mon indignation face à une telle situation. Mais je voudrais aussi faire le point en tant que scientifique.

Les OGM représentent-ils un risque ?

Retournons donc à la case départ. Qu’est-ce qu’un OGMlxvii ?

Comme on le sait, chaque être vivant possède dans tous les noyaux de ses cellules une macromolécule enroulée sur elle-même, dont la structure est un double tire-bouchon, qui s’appelle l’ADN. L’ADN est le support des gènes, c’est-à-dire des unités de stockage des informations à partir desquelles un être vivant se construit. Le génome est l’ensemble des gènes d’un être vivantlxviii.

Depuis les années 1980, on est capable de modifier le génome d’un être vivant, c’est-à-dire de couper un bout de gène, de l’enlever et de le remplacer par un bout de gène d’un autre être vivant. Lorsqu’il va se reproduire, l’être vivant qu’on a ainsi manipulé sera une combinaison des propriétés des deux individus de départ.

Ces techniques sont très délicates. On utilise des bactéries pour couper l’ADN en morceaux ou souder deux nouveaux morceaux d’ADN, mais ces techniques ne « marchent pas » à tous les coups. La nature se défend, et rejette les intrus. Aussi, réaliser un nouveau génome demande de la part des chercheurs beaucoup d’imagination et de ténacité. Je le répète, le génie génétique ne relève pas du « yaka » ! Il demande compétence, imagination, expertise, travail et patience.

La première manipulation génétique agricole qu’on appela « round up » eut lieu sur le maïs. On introduisit dans son génome un gène qui permet au maïs de résister aux herbicides. On peut alors arroser le champ d’herbicides et tuer toutes les herbes parasites sauf le maïs.

Puis, toujours sur le maïs, on se préoccupa de le protéger de l’attaque de la chenille du papillon pyrale. Cette chenille est « spécialisée » dans le maïs. La technique classique de protection consistait à pulvériser sur le champ de maïs des pesticides par hélicoptère. La technique transgénique consiste à y introduire un gène qui fait produire à la plante le produit qui tue la pyrale. Il supprime donc totalement le pesticide.

Cet exemple du maïs transgénique fabriqué initialement par la firme américaine Monsanto peut être pris comme référence des problèmes soulevés (levés serait plus exact) par les OGM et auxquels je vais m’efforcer de répondre point par point. Je suis d’autant plus informé sur ce sujet que j’étais ministre en charge de la Recherche et de la Technologie lorsque l’épisode OGM a eu lieu et que je me suis informé pas à pas. Mes études anciennes en biologie m’ont aidé à comprendre les réponses qui m’étaient faites, face aux interrogations qui étaient les miennes. Réticent, a priori, et comme beaucoup, aux manipulations génétiques, je me suis laissé convaincre pas à pas par les arguments de mes collègues biologistes.

• Première question, toute naturelle, est-ce qu’en bricolant les gènes au laboratoire, en coupant des morceaux d’ADN, on ne va pas fabriquer des virus pathogènes et donner naissance à de redoutables épidémies ?

La réponse à cette question a été donnée à partir de la réunion d’Asilomar et des débats qui se sont déroulés dans les années 1975-1978 et qui ont donné lieu d’abord à un moratoire sur la biologie moléculaire, puis ont conclu que moyennant quelques précautions, le danger n’existait pas. Nous pouvons répondre qu’il n’y a aucun danger de cette sorte.

• Deuxième question : si le maïs sécrète de lui-même une substance chimique qui tue la pyrale, cette substance est-elle sans danger pour les animaux ou l’homme qui mangent le maïs ?

Là, il faut revenir un peu en arrière. Sur un génome, on ne peut greffer que le gène ou le morceau de gène d’un autre être vivant. On ne greffe pas une substance chimique synthétique.

Dans le cas présent, on « greffe » le gène d’une bactérie, Bacillus thuringiensis (d’où son nom, Bt), qui s’attaque aux cellules intestinales des insectes et uniquement à elles. La toxine qu’elle sécrète n’agit que si le milieu est basique, ce qui est le cas du tube digestif des insectes alors que celui de l’homme et des animaux supérieurs est acide. Cela est connu depuis 1938, année où l’on a découvert en France l’action miraculeuse de cette bactérie.

• Troisième question : est-ce que ce maïs transgénique ne va pas modifier l’environnement ?

Réglons tout de suite un problème simple, le maïs transgénique peut-il contaminer les autres plantes de l’environnement ?

Comme je l’ai dit, il ne peut pas contaminer les autres espèces, salades, carottes, blé, seigle, riz, arbres, etc. Car l’interfécondation ne se fait que pour une même espèce ou une espèce très voisine.

Peut-il contaminer le maïs sauvage ? Non, car il n’y a pas de maïs sauvage en Europe !

Peut-il contaminer d’autres champs de maïs cultivés ?

C’est une question sérieuse car a priori rien ne s’y oppose. Des études y ont été consacrées par les organismes publics et privés. Le résultat, c’est que la dissémination du pollen du maïs transgénique ne dépasse pas 200 mètres, même par grand vent, et qu’à 50 mètres déjà la pollinisation croisée ne dépasse pas 5 % !

Mais ces études doivent, c’est clair, être répétées dans des conditions climatiques variées et leurs résultats rendus publics.

Alors, bien sûr, il faut se tourner vers l’autre action possible sur l’environnement. Le maïs Bt ne risque-t-il pas de tuer d’autres papillons que la pyrale ?

Lorsque j’étais ministre s’est produit, en 1998, un événement dont je garde le souvenir précis. La revue Nature publia un article alarmant. Le papillon monarque, qui chaque hiver migre du nord des États-Unis pour hiverner au Nouveau-Mexique, risquait d’être détruit par le maïs Bt. J’ai demandé immédiatement à l’Inra son avis. Le directeur me répondit que ce texte contredisait les expériences des recherches de l’Inra. Rassuré mais méfiant, j’ai décidé avec l’accord du Premier ministre Lionel Jospin d’augmenter le budget de l’action Génoplante que nous étions en train de créer, à condition qu’un tiers des crédits soit destiné à vérifier, pour chaque nouveau projet, l’impact possible sur l’environnement.

Quelques mois plus tard, parut dans Nature un second article détruisant le premier, avec la rétractation des auteurs du premier article. Le monarque ne mangeait pas de maïs, seule la pyrale mangeait le maïs !

Je maintins quand même mes recommandations à Génoplante !

• Dernière question que l’on pose : mais pourquoi faire les essais sur les OGM en plein champ, pourquoi ne pas les faire en serre ?

Très franchement, j’ai moi-même été tenté de développer cette solution « pour avoir la paix » ! Malheureusement, elle est scientifiquement irréalisable.

Premièrement, le verre filtre une partie du rayonnement solaire et donc, dans une serre, ce dernier n’a pas le contenu spectral émis par le soleil. Or, la photosynthèse est un mécanisme délicat qui a besoin, semble-t-il, du rayonnement solaire global pour se dérouler pleinement.

Deuxièmement, la ventilation d’une serre pour reproduire les conditions naturelles est très coûteuse. Les Américains avaient lancé en Arizona un projet nommé « Geosphere », consistant en la reproduction dans une immense sphère d’un paysage réel avec animaux et végétaux. Après cinq ans d’expériences décevantes, ils l’ont abandonné faute de résultats fiables.

Aujourd’hui, les anti-OGM qui ressentent de plus en plus la stupidité de leur opposition disent que ce qu’ils condamnent, ce sont les essais en plein champ ! José Bové oublie-t-il que son premier saccage a été la destruction d’une serre fermée à Montpellier ?

On voit donc que les risques du maïs Bt sont nuls et qu’aucun effet n’a jamais été observé !

Qu’est-ce que le maïs Bt rapporte aux agriculteurs ? Entre 13 et 20 % de gains financiers supplémentaires, ce qui est important et incite les paysans français à être de plus en plus nombreux à planter des OGM et à les vendre à l’étranger !

Terminator

Ajoutons à ces considérations scientifiques deux codicilles qui concernent le gène terminator et les multinationales de la semence.

Le gène terminator, le mal nommé, est un gène qui, greffé sur une plante, lui interdit de se reproduire.

Aussitôt on a dit : voilà le gène qui empêche de replanter les semences et donc qui oblige le paysan – et en particulier le paysan pauvre du tiers-monde – à acheter des semences. Toute personne honnête et mal informée peut être tentée de croire cette billevesée !

En fait, ce gène a été mis au point à la demande du ministre de l’Agriculture américain, au début de l’expérimentation des OGM où l’on était encore plein d’incertitudes, pour faire en sorte que si un OGM se révélait dangereux pour l’environnement, il ne puisse pas se reproduire.

La seconde réponse, c’est que la plupart des semences à haut rendement sont déjà des hybrides obtenus par des techniques traditionnelles et donc ne peuvent se reproduire. 90 % des paysans achètent ces semences car leur rendement à l’hectare est deux fois supérieur au replantage !

Les semenciers

Alors, bien sûr que les semenciers essayent par tous les moyens de vendre leurs semences et même d’avoir un monopole, c’est un fait avéré et ça ne date pas d’hier. La stratégie des hybrides traditionnels n’est pas exempte de ces arrière-pensées purement mercantiles, mais cela relève des pratiques commerciales des entreprises et n’a rien à voir avec les OGM.

Le comportement de Monsanto et autres DuPont de Nemours est sur bien des points scandaleux, tout comme l’est celui de Novartis sur certains médicaments vis-à-vis du tiers-monde. Cela n’a rien à voir avec les OGM ou les biotechnologies. Qu’on relise Le Pape vert de Miguel Angel Asturias, on verra que les multinationales agricoles ont depuis toujours été particulièrement rapaces et sans scrupules, jouant sur la faim des hommes pour les rendre quasiment esclaves.

Si l’on voulait être juste et efficace, il faudrait faire ce qu’on a fait pour les CFC et l’ozone, c’est-à-dire donner gratuitement aux pays très pauvres les semences d’OGM à haut rendement agricole, ainsi que les médicaments contre le paludisme, le sida et la tuberculose. Mais cela est une autre histoire qui relève davantage de l’ONU et de l’OMC que de la biologie appliquée à l’agriculture.

Les vrais dangers des OGM

Faut-il pour autant conclure que par principe les OGM sont automatiquement inoffensifs ?

Certes non.

Si demain, sur le génome du maïs, quelqu’un « greffait » le gène qui séquence le poison de l’amanite phalloïde, champignon mortel comme on sait, car il dégage de l’acide cyanhydrique, il fabriquerait un maïs mortel ! Et c’est bien sûr la crainte principale qu’on doit avoir à propos des OGM. C’est qu’un État, ou plus probablement un groupe d’exaltés, fabrique un OGM mortel, disséminant une maladie mortelle ou contagieuse.

L’ennemi, ce ne sont pas seulement les sociétés industrielles dont il faut certes se méfier, ce sont surtout les terroristes.

C’est pourquoi, dans tous les pays du monde, les expériences d’ingénierie génétique sont étroitement contrôlées par des comités scientifiques multiples. En France, deux comités examinent les demandes. Aux États-Unis également. Des tests préliminaires, des expériences de laboratoire doivent être effectués avant toute expérimentation en plein champ. En fait, il faut au moins cinq ans avant qu’un projet de recherche sur les OGM ait l’autorisation de se faire en plein champ et huit ans avant que l’OGM puisse être commercialisé ! Le principe de précaution dans sa version raisonnable s’exprime ici à plein. Et c’est bien ainsi !

Ce qui est parfaitement malhonnête intellectuellement, c’est de lier les multinationales semencières avec le problème des OGM.

La meilleure preuve que José Bové est d’une mauvaise foi totale, c’est qu’il saccage les expériences des organismes publics de recherches autant que les expériences privées. En admettant que les compagnies privées essayent de mettre au point des OGM dangereux, qui les contrôlera si les chercheurs du secteur public ont perdu la compétence pour le faire ?

Les OGM de l’espoir

En fait, les OGM constituent aujourd’hui un immense espoir pour notre agriculture, et plus encore pour résoudre l’angoissant problème de la faim dans le monde qui va se poser avec davantage d’acuité du fait de la croissance démographique.

Comme le dit l’Africaine Florence Wambgu du Kenya : « Les OGM constituent une chance pour l’Afrique d’accéder au savoir. Le génie génétique agronomique représente un espoir considérable pour les pays pauvres. L’agressivité des Européens à l’égard des OGM relève d’une pathologie de nantis. »

C’est aussi l’avis de Kofi Annan, exprimé lors de la conférence sur l’Afrique. Car les promesses magnifiques sont déjà là, disponibles.

Un exemple symbolique, le « riz doré ». Selon la FAO, plus de 180 millions de personnes souffrent d’une carence en vitamine A, responsable de 3 millions de cas de cécité chez l’enfant de moins de cinq ans. Or, des chercheurs suisses ont mis au point un riz transgénique enrichi en vitamine A et fer, et le riz a été donné aux pays africains gratuitement, sans payer de brevet ! Voilà l’exemple à suivre.

Les OGM permettent déjà de résister au manque d’eau et d’en consommer moins. Une chercheuse sud-africaine a été récompensée du grand prix l’Oréal pour avoir mis au point un tel maïs. Par ailleurs, on trouve sur le marché un maïs qui utilise la moitié des besoins en eau par rapport à un maïs ordinaire. Si un tel maïs avait été autorisé en France, on aurait évité de réduire la production de Poitou-Charentes des deux tiers l’année dernière, obligeant de facto les producteurs à mettre au chômage des ouvriers agricoles. Mais que dire pour les pays du Sahel ?

Les OGM permettent aussi dès aujourd’hui d’éliminer les pesticides et les insecticides, donc d’assurer une meilleure sécurité alimentaire et de diminuer les pollutions dans les rivières.

Demain, les OGM vont permettre de diminuer la dose nécessaire d’engrais. En attendant, il existe déjà des OGM qui dépolluent les sols. On a fabriqué des OGM qui absorbent les hydrocarbures cancérigènes, des laitues et des peupliers qui absorbent les nitrates, les métaux lourds, etc. Il existe aussi des bactéries transgéniques qui permettent de séparer les métaux à partir de tas de déchets urbains, etc.

Les progrès industriels ne sont pas moins spectaculaires. Les chercheurs brésiliens ont réussi à « greffer » le gène des araignées responsable de leur faculté à tresser des toiles sur les gènes du coton. Ils fabriquent ainsi des fils de coton aussi résistants que ceux des araignées !

Un livre ne suffirait pas à inventorier tous les projets en cours de réalisation.

Et commercialement, les résultats sont là ! Pour le coton Bt, on utilise 70 % d’insecticides en moins et on produit 90 % de coton de plus que les variétés traditionnelles. Pour le maïs et le riz, c’est 20 % et 30 % de rendement en plus, etc.

Les alicaments

Et, puis bien sûr, il y a les applications médicales.

On sait depuis longtemps que les animaux transgéniques, par exemple les vaches, fabriquent de l’insuline et l’incorporent au lait, ce qui permet de lutter contre le diabète ; autre exemple, les chèvres transgéniques fabriquées par Genzyme Transgenic Corporation qui incorpore dans le lait le vaccin anti-malaria, maladie qui menace aujourd’hui 2 milliards de personnes. Trois chèvres produisent à elles seules 700 litres de lait-vaccin par an qui permettent de vacciner 20 millions de personnes.

On travaille aussi sur des OGM pour combattre le sida en remplaçant la tri-thérapie par des plantes transgéniques.

Demain, les alicaments remplaceront petit à petit toutes les vaccinations. On vaccinera les enfants en leur faisant manger des bananes !

Les cultures que José Bové et ses hordes de vandales masqués ont saccagées en 2001 à Clermont-Ferrand étaient des champs de maïs transgénique. Ces cultures étaient destinées à l’étude des moyens de lutte contre la mucoviscidose ! Bravo José Bové, les parents des enfants qui meurent de cette maladie vous remercient !

Les dégâts de l’ignorance

Mais les dégâts humains s’étendent plus loin.

Ainsi en Zambie, où 3 millions d’habitants sont menacés de famine, le président Levy Mwanawasa refuse l’aide alimentaire des États-Unis parce qu’il s’agit d’OGM. Il sera suivi dans cette démarche stupide et criminelle par les présidents du Soudan, du Zimbabwe et du Mozambique.

Ce qui nourrit chaque jour des millions d’Américains ne peut donc pas nourrir des millions d’Africains qui meurent de faim ?

Voilà où mène la propagande des José Bové ou Jeremy Rifkin !

En Afrique, les deux pays qui ont compris ces absurdités, l’Afrique du Sud et le Kenya, développent chacun un vigoureux programme de recherche sur les OGM.

Demain, le monde sera OGM. Cela représentera dans cinq ans un marché de 120 milliards de dollars. La France hier grand compétiteur en sera exclue et regardera mourir son agriculture !

En fait, cette opposition aux OGM est purement politique et philosophique, c’est le refus du progrès, de la société capitaliste, c’est l’antiaméricanisme, c’est la repentance de l’Occident.

Il suffit de citer Bruno Rebelle, ex-porte-parole de Greenpeace France et aujourd’hui conseiller de Ségolène Royal, qui expliquait le 28 mars 2004 son opposition aux OGM :

« Ce n’est pas facile parce que sur un plan scientifique cela va dans le bon sens et il n’y a pas d’effets néfastes.

Par définition, je refuse les biotechnologies que je considère comme un type de société. Je n’ai pas peur des OGM, mais ceux-ci représentent un choix de société auquel je suis hostile. »

Tout est dit.

Il resterait à traiter la question de la complaisance des médias, mais plus qu’un long discours, je laisse la parole à un philosophe, Dominique Lecourtlxix.

« C’est le catastrophisme technophobe et son sous-produit le journalisme d’épouvante ! »