CHAPITRE X

LES COPAINS

  Je dus montrer, muettement, une certaine surprise. Le fait est que je ne m’attendais pas à une réception de ce genre. Comme dit l’autre, tu vas te faire tutoyer. Le type m’avait pris la main dans la sienne et me pompait le bras comme si j’avais été un distributeur d’essence. Je laissais faire.

— Et alors ? poursuivit Baurénot, Entreprise Baurénot, commerce de bois, scierie et le toutime. (Des dents aurifiées brillaient dans sa mâchoire.) Et alors ? On ne reconnaît plus les copains ? Lorsque ce brave Coudérat m’a téléphoné, me disant qu’il y avait une espèce de cinglé nommé Nestor Burma qui désirait me voir au sujet d’un chiffonnier de ma connaissance, j’ai répondu que je te recevrais avec plaisir, mais je ne pouvais pas tout lui raconter, à ce bon docteur, n’est-ce pas ? Alors, est-ce que ça vient ?... (Il me rendit la libre disposition de mon bras. Ça ne me stimula pas l’intellect.) ... Voyons... Un détective !... ah ! c’est le nom qui te fait perdre les pédales. Oui, je ne m’appelais pas Baurénot, quand nous nous sommes connus.

img2.png Bon Dieu ! m’écriai-je. Bernis ! Camille Bernis !

Il posa un doigt sur ses lèvres :

img2.png Chut. Pas si fort. Camille Bernis est mort et enterré. Ne le réveillons pas. En fait, il n’a jamais existé.

img2.png Vous me rendrez cinglé, grognai-je, en frappant du poing droit dans ma paume gauche. Vous changez tous de nom comme de chemise, alors ?

Il ricana ;

img2.png Oh ! minute ! Bernis n’a jamais été mon vrai nom. Mon vrai nom, c’est celui que je porte actuellement... et honorablement : Charles Baurénot. Chez les anars, où on n’est pas exagérément curieux, où, en tout cas, on ne réclame pas de pièces justificatives, je me faisais appeler Bernis. Un peu à cause de ma famille, un peu pour autre chose. Lorsque je me suis... rangé, je n’ai eu qu’à reprendre mon véritable nom.

img2.png Très astucieux, opinai-je.

img2.png Oui...

Il soupira, alla à la fenêtre et plongea son regard dans la cour. Ses ouvriers, en bas, tenaient un vague meeting.

img2.png L’astuce ! poursuivit-il. Il m’en faudrait une bonne dose pour discuter victorieusement avec ces gars-là... (Il volta et me fit face.) ... Je suis devenu un capitaliste, mon vieux. J’ai hérité cette boîte, je l’ai développée, fait prospérer. On ne fait pas d’omelette...

img2.png Sans casser d’œufs, je sais.

Il serra les mâchoires. Son menton pointa, agressivement :

img2.png Et l’optique se modifie. Ça ne te plaît peut-être pas, ce que je te dis là, hein ?

img2.png Oh ! moi, tu sais...

D’un geste désinvolte de la main par-dessus l’épaule, j’envoyai à la gare un appréciable nombre de contingences.

Il sourit :

img2.png Et toi-même... tu es devenu flic.

img2.png Flic privé. Il y a une nuance.

img2.png Si tu veux. Bon sang ! asseyons-nous. A notre âge, on ne peut plus grandir.

Il prit place derrière son bureau. J’attirai un fauteuil à moi et je m’y installai. Il alluma une gitane et entreprit de jouer avec un coupe-papier. Dans la pièce voisine, le téléphone retentit longuement.

img2.png J’ai souvent vu ton nom dans les journaux, fit-il.

On frappa à la porte.

img2.png Entrez ! aboya-t-il.

La dactylo briseuse de grève insinua son gentil museau par l’entrebâillement :

img2.png C’est au sujet des nouvelles machines que nous attendons, monsieur, et qui doivent arriver par cargo. La société du port d’Austerlitz...

img2.png Je suis occupé. Voyez ça vous-même.

img2.png Il y a aussi le délégué de...

img2.png Je le recevrai plus tard.

img2.png Oui, monsieur.

Elle s’éclipsa. Baurénot grognonna pour lui seul, puis reprit :

img2.png Je me demandais parfois : est-ce le type que j’ai connu dans le temps, ou n’est-ce pas lui ?

img2.png Tu n’en as pas discuté avec Lenantais ? Pour lui, il n’y avait pas d’erreur.

img2.png Si, comme ci comme ça ? Bref, je n’ai jamais essayé de te joindre. Tu sais comment j’étais, à l’époque, hein ?... et sous ce rapport, je n’ai pas changé... Je n’aime pas emmerder les autres. Je n’aime pas non plus qu’on m’emmerde.

Ça pouvait sonner comme une menace. Mais peut- être pas pour moi. Tout en pariant, il tendait l’oreille aux bruits de la cour. Ces histoires de grèves n’étaient pas marrantes. Je dis :

img2.png Ce qu’il y a d’emmerdant, avec les emmerdeurs, c’est qu’on ne peut pas toujours les empêcher de vous emmerder.

Il me bigla par en dessous :

img2.png Ce qui signifie ?

img2.png Qu’un de ces quatre, un de ces emmerdeurs va te rendre visite. Non, non, il ne s’agit pas de moi, quoi que tu puisses penser.

II secoua la tête :

img2.png Je ne comprends pas.

img2.png Moi non plus, mais j’essaie... (Je sortis ma pipe, la bourrai et l’allumai. Ma parole ! Je l’avais presque oubliée, cette bonne vieille bouffarde. Je gambergeais trop, peut-être.) ... Lenantais, puisque c’est un peu pour parler de lui que je suis ici, Lenantais n’a pas été attaqué par des Norafs, comme l’a imprimé la presse, et comme tout le monde en est convaincu, flics compris. C’est “ un salaud qui mijote des saloperies ”, selon l’expression même de notre ancien copain, qui lui a balancé deux coups de rallonge. Et ce salaud...

Je le mis au fait du message de Lenantais,

img2.png Il a d’abord, ajoutai-je, voulu t’informer de l’événement par l’intermédiaire du docteur Coudérat. Mais le docteur Coudérat n’était plus à la Salpêtrière. Alors, il a pensé à moi, parce qu’il se doutait qu’on pouvait me faire confiance, et aussi peut-être parce que j’étais plus apte qu’un autre à contrecarrer les projets du salaud en question. Il a délibérément laissé la gitane, sa petite protégée, en dehors du micmac. Il l’a seulement chargée de m’envoyer sa lettre. J’ai répondu à son appel, sans savoir qui m’appelait, d’ailleurs, ne connaissant aucun Abel Benoit... Pourquoi avait-il changé de nom ?

img2.png Sous l’occupation, il craignait des ennuis, à cause de son activité révolutionnaire passée. Il n’était pas chiffonnier, à ce moment. Je ne sais pas ce qu’il faisait. Il a eu l’occasion de s’appeler Abel Benoit. Il a sauté sur l’occasion. Ensuite, il a conservé cette nouvelle identité... Alors, quand tu es arrivé à l’hôpital, il était mort ?

img2.png Oui.

Nous restâmes un instant silencieux. Baurénot réfléchissait. Il passait dans ses yeux des lueurs sombres me rappelant celles que je leur avais connues, à l’époque du Club des Insurgés et des discussions nocturnes au dortoir du Foyer végétalien. De la cour, montait une rumeur de réunion publique. On était en pleine sociale.

img2.png Résumons, fit-il, adoptant le ton du chef d’entreprise recevant une délégation du Comité de Grève. (Une corvée de ce genre lui pendait au nez, sous peu, et il procédait à une espèce de répétition.) Résumons. Un salopard quelconque assassine Lenantais. Ce salopard mijote du louche contre des copains auxquels Lenantais te demande de sauver la mise. C’est bien ça, hein ? Bon. Et tu as tout de suite pensé qu’il s’agissait de moi, que celui qui avait poignardé Lenantais me menaçait ?

img2.png De toi ou d’un autre, de plusieurs autres. Je n’en sais rien. Je suis venu à toi par la filière logique du docteur Coudérat. Mais il peut s’agir d’autres copains.

img2.png Il s’agit d’autres copains. Je n’ai pas que des amis... .(II regarda vers la fenêtre en grimaçant.) ... mais je ne vois personne qui me veuille vraiment du mal.

img2.png Eh bien, tant mieux. Il importe maintenant de trouver ces copains pour les affranchir. Ils doivent être dignes d’intérêt. Lenantais était un chic type.

img2.png Oui. Un chic type un peu naïf, fit-il, avec un sourire méprisant. Je continuais à le voir, comme ça, de temps en temps. On se rencontrait par hasard, aussi. II m’amusait. Il avait conservé pas mal d’idées de l’autre monde. Je l’aurais bien aidé, mais il n’a jamais voulu rien accepter. Sa petite vie peinarde, libre et indépendante, lui suffisait. Lorsque je lui ai envoyé Coudérat, un jour où je le savais malade, il a insisté pour payer la visite. Il ne ressemblait pas à ces copains que nous avons connus, jadis, qui se débinaient le matin en emportant le réveil ou les draps de celui qui les avait hébergés.

img2.png Non, il n’était pas comme ça. Est-ce qu’il voyait d’autres copains que toi ? Des copains de l’ancien temps ? De l’autre monde ?

img2.png Certainement pas.

img2.png Et toi ?

img2.png Oh ! moi, il y a longtemps que j’ai rompu les ponts. Pourquoi cette question ?

img2.png Parce que, les copains qui sont menacés de je ne sais quelle entourloupe de la part de l’assassin de Lenantais, tu pourrais peut-être les connaître, les fréquenter. Lenantais aurait pu ne te choisir que comme intermédiaire. Te faire informer par le toubib de sa présence à la Salpêtrière et te charger d’avertir les copains du danger.

img2.png Non, fit Baurénot. Je ne suis pas en danger et je ne connais personne qui puisse l’être. Et puis, tu sais... (Il avança une moue de quatre centimètres.)... Lenantais... veux-tu que je te dise ? Je me demande s’il n’était pas un peu cinglé. Merde ! Est-ce normal, de vivre comme il vivait ? Il était cinglé, et ce message et tout ce qui s’ensuit...

img2.png Non ! coupai-je, fermement.

img2.png Ah ?

img2.png Il n’était pas cinglé. J’en suis sûr.

img2.png Eh bien, alors... (Il haussa les épaules.) ... que veux-tu que je te dise d’autre ?

img2.png Pourquoi vous continuiez à vous voir, par exemple. Il me semble qu’un tas de choses devaient vous séparer, maintenant.

Il parut se tasser. Il baissa la tête, la releva. Ses yeux se braquèrent sur les miens. Un nuage les ternissait d’une brume qui me parut refléter quelque douleur.

img2.png Je ne sais pas... (Son poing se crispa sur le manche du coupe-papier.)... Peut-être parce qu’il faut qu’il y ait un cinglé dans le scénario, et que le cinglé c’est moi, puisque ce n’est pas Lenantais. Tu veux que je te parle franchement, à son sujet ? Eh bien, je me demande si, parfois, je ne me suis pas surpris à l’envier. Oh ! je sais ! tous les richards racontent ces boniments. Moi, c’est différent. Il y avait quelque chose de pur, en lui, qui faisait du bien. C’est pourquoi je n’ai jamais cessé mes relations avec lui. On restait plusieurs mois sans se voir, mais nous n’avions pas rompu. C’est encore pourquoi, le soir même du jour où je l’ai rencontré et qu’il m’a dit qu’il se sentait mal foutu et qu’il allait s’aliter, je lui ai envoyé Coudérat, un toubib de mes amis, un type serviable, mais à qui j’infligeais tout de même une drôle de corvée. Je me foutais royalement de ce que pouvait penser Coudérat des relations amicales qu’entretenait Baurénot, des Etablissements Baurénot, avec un chiffonnier. Ce con de toubib a simplement pensé que j’étais éminemment charitable. Ce n’était pas de la charité...

img2.png C’est un attachement au passé, dis-je. Et c’est la faute de notre formation. Quoi que l’on devienne par la suite, on ne s’en dégage jamais totalement.

img2.png Le passé, oui. La jeunesse... (il se secoua, son ton se fit agressif.) ... Eh bien, le passé, c’est le passé, justement, et nous n’allons pas recommencer à couper des cheveux en quatre, comme dans le temps, non ? Le passé, je l’emmerde, tu m’entends ?

A ce moment, la porte s’ouvrit en trombe et un type pénétra dans la pièce en jurant et disant :

img2.png Alors, tu as vu.

II m’aperçut et stoppa pile. C’était un personnage aux traits anguleux, élégant et bien fringué, avec des lunettes cerclées d’or derrière lesquelles des yeux bruns lançaient des regards traqués et fiévreux. Il semblait malade et plutôt pâle des genoux. Baurénot éclata d’un rire désagréable :

img2.png Formidable ! s’exclama-t-il. Maintenant, nous sommes assez nombreux pour fonder un groupe d’études sociales et expliquer à ces corniauds... (Il eut un geste en direction de la cour, via la fenêtre.) ... comment réaliser la révolution. Tu ne reconnais pas Deslandes, Burma ?

img2.png Je ne l’ai connu que sous le nom de Jean, ricanai- je, en me levant, mais je crois bien qu’à présent, après un tel plongeon dans mes souvenirs, je reconnaîtrais d’emblée n’importe quel familier du Foyer végétalien ou lieux circonvoisins.

img2.png Burma ! s’écria l’insoumis. (Enfin, l’ancien insoumis. Il paraissait avoir fait sa soumission et s’être fort bien accommodé de la société, lui aussi. II avait parcouru du chemin. Tout le monde en avait parcouru.) ... Burma ! Eh bien, merde ! Je ne t’aurais pas reconnu, moi. Il faut dire que tu étais un môme, à l’époque.

img2.png Nous nous serrâmes la main. La sienne était moite.

img2.png Nous sommes ses aînés, nota Baurénot. Il nous doit le respect.

Jean Deslandes se tourna vers lui :

img2.png Pour un peu, le concierge ne m’ouvrait pas la porte. Alors, ils se foutent en grève ?

img2.png Oui, c’est la saison... Qu’est-ce que tu as ? Tu es malade ?

img2.png J’ai bouffé quelque chose qui n’a pas passé, répondit l’autre, en se comprimant l’estomac. Des huîtres, je crois.

Il rafla une chaise et s’assit. Dans la cour, les gars discutaient toujours. On frappa à la porte. Sur invitation hurlée, la dactylo-secrétaire entra :

img2.png Ils s’impatientent, monsieur, dit-elle.

img2.png Bon. Je vais aller les voir, fit Baurénot d’un ton las. Je vous laisse, braves gens. Vous devez avoir un tas de trucs à vous dire.

Il sortit. Nous n’avions pas tellement à nous dire. Un silence tomba entre nous. Deslandes le rompit enfin :

img2.png Marrant, fit-il. Qui aurait dit qu’un jour une grève serait dirigée contre l’un d’entre nous. Tu ne trouves pas ça marrant ?

img2.png Pas des masses, dis-je.

img2.png Je me sentais triste et fatigué. Un peu gêné, aussi.

img2.png Ça y est, les amis ! claironna Baurénot, en revenant. Ecoutez ça, les gars... (Il pencha la tête vers la fenêtre, la main en cornet à son oreille.) ... Ecoutez ça... La noble et mâle chanson du travail...

Comme obéissant à son signal, la scie électrique repartit à entamer le bois avec un sifflement joyeux.

img2.png C’est arrangé ? demanda Deslandes.

img2.png Tout s’arrange. Toujours. II ne faut jamais désespérer. J’ai satisfait à leurs revendications. Elles étaient d’ailleurs légitimes et je ne suis pas un mauvais cheval.

img2.png Et autant se mettre bien avec le Bon Dieu, ricana l’autre, amèrement.

img2.png Le Bon Dieu ? Paraît qu’il y en a un pour les ivrognes. On va voir ça. Nous allons arroser toutes ces reprises. Reprise de boulot et reprise de contact. Je reviens..."

Il revint avec trois verres et une bouteille de Champagne.

img2.png Et à la santé du Foyer végétalien, fit-il.

Nous bûmes,

img2.png L’ami Burma était venu me voir au sujet de Lenantais...

Je remis ça avec Lenantais, pour le bénéfice de Deslandes. Ce dernier ne put rien m’apprendre d’utile. Là-dessus, nous engageâmes une conversation à bâtons rompus. Je n’avais pas l’impression de perdre mon temps. J’avais une question à poser, mais j’attendais le moment favorable. J’appris que mes deux gars étaient mariés, que Baurénot avait une fille déjà grande, et que, évidemment, ils faisaient aux yeux de tous, jouissant de la considération de leurs concierges et de leurs voisins, figure d’honorables citoyens. Ce qu’ils étaient, d’ailleurs. Nul ne les soupçonnait d’avoir jadis professé des opinions subversives. Deslandes était lui aussi dans les affaires. Il s’était bien débrouillé. En somme, il n’y avait que ce pauvre Lenantais pour avoir conservé des idées de l’autre monde.

img2.png Chacun a évolué, changé, constatai-je. C’est la vie. Je me demande ce qu’est devenu celui que nous appelions le Poète et dont je n’ai jamais su le nom...

img2.png Il est peut-être de l’Académie, suggéra Baurénot.

img2.png Pourquoi pas ? En tout cas, je ne suis pas méchant, mais je souhaite que ce cinoque de Barbapoux, le briseur de pipes qui préconisait la station à quatre pattes pour bouffer l’herbe, soit en train de la bouffer par les racines, à cette heure. D’ailleurs, il était déjà pas mal vioquard. Et j’ai autant de vœux du même ordre au service de Lacorre. Il m’a assez emmerdé, ce pommadé.

Lacorre ! sursauta Deslandes, comme si on lut avait enfoncé une aiguille dans les fesses.

img2.png Qu’est-ce qui se passe ? demandai-je, surpris.

img2.png Jean a des préjugés, ricana lourdement Baurénot. Des préjugés anarchistes. Il admet bien qu’on évolue, voire qu’on change, qu’on retourne sa veste même... Bon sang ! n’ayons pas peur des mots... mais il estime que Lacorre y est allé un peu fort.

img2.png  Comment ça ?

img2.png S’il t’a emmerdé, il ne t’emmerdera plus, il n’est pas mort, encore que je n’en sache rien, mais c’est tout comme. Un jury de province Fa envoyé se laver les pieds...

img2.png  Sans blagues ? Il s’est laissé prendre à ses propres vantardises, et il a enfin attaqué un garçon de recettes ?

img2.png Non. C’est plus drôle ou, plutôt, plus sinistre que ça. Nous avons appris le truc par les journaux. Lacorre, ce n’était pas un type que nous fréquentions beaucoup. Fin 36, il a tué sa compagne parce qu’elle le trompait...

img2.png Au nom de l’amour libre, sans doute ? Je ne parle pas de la conduite de la femme. Je parle de sa conduite, à lui.

img2.png Exactement,

img2.png Ça ne m’étonne pas de lui.

img2.png Les jurés ont fait montre d’un sens inattendu de l’humour.

img2.png L’humour libre, quoi !

img2.png Ouais. Ah ! vous dites qu’il faut combattre la jalousie, vous prônez la liberté sexuelle, et dès que votre femme vous trompe, vous l’abattez ? Eh bien, pour nous, ce n’est pas un crime passionnel ordinaire. Vous irez au bagne pour dix et quelques années. Enlevé, c’est pesé ! On lui a fait payer, non seulement la mort de la femme, mais aussi les idées qu’il affichait, plus les quelques peccadilles qu’il avait à se reprocher. Il faut dire aussi qu’il avait reçu à coups de pétard les flics venus l’arrêter.

img2.png Quel con ! gronda Deslandes, en s’épongeant.

Le moment était venu de lancer ma bombe, plus ou moins au cri de : “ Vive l’anarchie ! ”

img2.png A propos de 1936 et de garçon de banque, dis-je doucement, si vous me parliez un peu de l’affaire du pont de Tolbiac ? C’est vous qui avez mis en l’air l’employé des Frigos, n’est-ce pas ?