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OK, là on peut s'affoler
La seule chose que nous
ayons à craindre, c'est que le ciel nous tombe sur la
tête !
René Goscinny
14 h 10
Énorme, fulgurant, aveuglant.
Un éclair comme on aimerait n'en trouver qu'au
chocolat (désolée pour cette image quelque peu obsédée par la
bouffe, mais bon, quand on n'a que de la verdure à portée de
dents…), un éclair spectaculaire, suivi immédiatement par un
prodigieux roulement de tonnerre qui nous déchire les
tympans.
Le ciel s'assombrit à une vitesse prodigieuse, et
la violente bourrasque qui nous gifle semble nous demander :
« Ho, les p'tits gars, où croyez-vous aller, comme
ça ? »
Avec beaucoup de sang-froid, nous nous regardons
Clotilde et moi en nous agrippant les mains, puis nous nous mettons
à psalmodier sans hurler (c'est ici qu'on le note, le coup du
sang-froid) « Oh non oh non oh non oh non oh non… »
(50 fois).
À notre gauche, des arbres à perte de vue.
À notre droite, des arbres à perte de vue. Derrière nous,
pareil. Devant nous, devinez quoi ? La même chose !
Nous sommes entourés de tant d'arbres qu'ils nous
sortent par les yeux. Et pas l'ombre du début de la trace d'un
chemin pour retrouver le nôtre.
Une seule solution, retourner en courant vers
notre abri de fortune.
14 h 20
Nous y sommes arrivées les premières… mais les
garçons ne nous ont pas suivies.
Ben où ils sont passés encore, ces
andouilles ?
14 h 25
Les voilà qui arrivent en s'engueulant, un déluge
de pluie s'abattant sur leur tête disgracieuse.
Chacun, ruisselant et les vêtements maculés de
boue, va s'affaler dans un coin opposé du renfoncement de pierre en
râlant.
– Il voulait continuer à chercher sa bagnole,
ce con ! J'ai dû le ramener de force, beugle Jerry.
– Mais de quoi j'me mêle ? Tout ce foin
pour un petit orage de merde ? ! D'ailleurs, tiens, je ne
sais même pas pourquoi je reste à discuter avec vous. Allez, cette
fois je me casse et j'interdis à quiconque de me retenir. Tchao,
les lopettes.
Basil s'élance, au moment précis où la foudre
s'abat sur un arbre à une centaine de mètres devant nous,
déclenchant un spectaculaire début d'incendie, qui à la fois prend
de l'ampleur avec le vent qui l'excite, et peu à peu se résorbe
sous les trombes d'eau qui l'aspergent.
Nous sommes tous figés, tétanisés par cette vison
extraordinaire de la nature en furie (oui, même moi, OK j'ai
peut-être pas distingué les détails, mais entre les couleurs et le
bruit, je me suis fait une idée assez précise du spectacle).
Alors Basil, blanc comme un linge, se rassoit
doucement, laisse sa main courir sur sa cheville et commence à
geindre :
– Ah… oohhh nooooon… bordel de tendinite qui
se réveille… c'est toujours comme ça, dès que le temps change…
Pffff, c'est couru, elle va m'empêcher de marcher… raah, voilà,
hein, voilà, vous êtes contents, je suis coincé ici,
finalement.
– Ouais, ricane Jerry en contemplant ses
ongles. Comme disait la grand-mère de Clotilde :
« Souvent âne varie… »
14 h 40
Debout face aux éléments, les mains derrière le
dos, je contemple ce que je peux à travers le rideau de pluie et le
voile de ma myopie. Plisser les yeux me permet un peu d'écarter le
second, mais pas beaucoup.
L'orage est le temps que je préfère,
d'habitude.
Ça réveille en moi le souvenir de ma mère qui,
lorsque j'étais à l'école primaire, voyant que la neige se mettait
à tomber, décidait de me garder à la maison. Au lit, bien au chaud
sous la couette, pendant que les flocons voletaient devant ma
fenêtre, et que mes petits camarades se gelaient les miches dans la
cour de récré. « Chaud, chaud, les marrons chauds »,
comme elle dit aujourd'hui à mes filles, qui adorent cette
expression qu'elle emploie quand il lui arrive de les border. De
neige qui tombe à Paris, il n'y en a quasiment plus depuis des
années, purée de changement climatique oblige. Mais lorsque les
éléments se déchaînent d'une autre manière, lorsqu'une tempête de
pluie éclabousse violemment mes carreaux, par exemple. Lorsque
gronde au loin le tonnerre, et que mon salon est illuminé par de
spectaculaires flashs de lumière. J'aime compter les secondes qui
séparent ces deux phénomènes, pour tenter de deviner à quelle
distance le danger se situe et me faire peur en me convainquant
qu'il se rapproche inexorablement.
Je frissonne alors du violent plaisir d'assister
derrière mes vitres à un spectacle sur l'écran le plus géant qu'il
soit possible.
Mon bonheur est complet lorsque mes filles et
Aaron sont à la maison, près de moi, protégés, avec des stocks de
papier toilette et des litres d'eau minérale amoncelés dans la
cuisine, nous permettant de soutenir un siège. Les bourrasques
peuvent faire plier les arbres, l'averse peut inonder les rues,
l'orage peut se déchaîner, on ne craint rien, on a des
réserves.
Au pire, si on vient à manquer de nourriture, on
pourra toujours se faire livrer des pizzas.
15 h 05
En parlant de nourriture…
– J'ai super la dalle, là, les gars, on fait
quoi ?
– Moi aussi je commence à me sentir un peu
molle du genou, dit Clotilde. En plus, j'ai pratiquement rien mangé
hier soir, juste deux toasts au caviar. Et comme le midi je me
réservais pour le repas du soir…
– Bon, ben on n'a pas vraiment le choix, dit
Jerry.
Tous les regards se tournent vers Basil, qui
hausse les épaules, et nous avoue :
– OK, je m'étais pris quelques petits
sandwichs apéritifs hier, sur le buffet du cocktail, mais il ne
m'en reste plus. J'ai tout bouffé.
– Arrête, t'es trop crédible, dis-je avec
dédain.
– Tu veux une preuve ? s'énerve le
chanteur, tiens !
Il presse sa joue de ses doigts, pour mettre ses
taches rouges en évidence.
– C'était pas les plantes, je suis allergique
aux crustacés, voilà pourquoi j'ai cette gueule. J'ai pas vérifié,
avant de les embarquer, mais certains devaient contenir de la chair
de crabe ou de la pâte de crevettes…
C'est marrant, mais sur le coup, nous sommes
unanimes : personne ne le plaint.
15 h 10
Clotilde répète :
– Sans déconner, je me sens vraiment un peu
faiblarde, il faut absolument que j'avale quelque chose.
– Oui, je connais ça, dis-je en lui tapotant
la main.
– La sensation de ne pas manger pendant plus
d'une demi-journée ? J'en doute, grince, mielleuse, ma copine
avec un sourire goguenard en direction de mes cuisses.
– Mais quelle chienne, celle-là… figure toi
qu'une fois par an, je fais le jeûne de Yom Kippour. Eeeeh ouais,
dans ta face. Et vers quinze-seize heures, c'est précisément le
moment où tu sens que tu vas mourir, mais en fait, tu meurs
pas.
– Et tu attaques alors de grandes balades en
forêt, pour t'aérer l'estomac vide ?
– Qué balades en forêt ? L'objectif pour
survivre ce jour-là, c'est zéro dépenses caloriques. Pour ça, j'ai
une méthode infaillible : je reste couchée dans mon lit, sous
une montagne de couvertures, et je lis, je dors, je lis, je dors,
genre je fais Koh Lanta sous ma
couette, les épreuves sportives en moins.
– C'est bien ce qu'il me semblait, dit-elle.
Le truc c'est que, dès que l'orage va cesser, on va se remettre à
marcher. Sauf que moi, je ne vais pas pouvoir.
– Tu n'as rien, dans ton sac ? Même pas
un petit bonbon à la menthe qui traîne ?
– Rien… je fais super gaffe à ma ligne, tu le
sais bien.
– Eeeh ! Mais dis-moi… combien crois-tu
que je pourrais perdre, en vingt-quatre heures sans bouffer ?
Un bon kilo, non ? Peut-être un kilo et demi, avec un peu de
marche à pied ?
– Tu déconnes, là ?
Je soupire et m'affale près d'elle en tailleur,
prise moi aussi d'un vertige.
Elle m'attrape par les épaules, solidaire.
– Regarde, lui dis-je en frôlant ses doigts.
Ma main tremble et mon estomac crie tellement fort sa souffrance
qu'il est en train de commérer avec le tien.
– Qu'est-ce qu'ils se racontent, à ton
avis ?
– Je pense qu'ils s'encouragent à avoir des
tripes.
Jerry vient nous rejoindre. Lourdement, il
s'assoit à nos côtés et croise les jambes.
– L'orage est en train de faiblir, il n'y en
a plus pour très longtemps, je pense qu'on va bientôt pouvoir
repartir. Mais en attendant, je peux vous proposer quelques
amuse-gueules de ma confection…
– Ah ouais ? fait Clotilde, pleine
d'espoir.
Moi je ne m'émeus pas. Je connais bien mon
cousin.
Évidemment, je ne suis pas déçue :
– La plupart des insectes sont comestibles.
On peut les déguster frits, grillés, bouillis, ou même crus. C'est
une intéressante source de protéines – idéale en cas d'activité
physique – à condition de retirer leur carapace, leurs ailes et
leurs pattes avant dégustation. Je vous prépare combien de
brochettes ?
Clotilde se tourne vers moi :
– Redis-moi ton truc pour tenir pendant ton
jeûne du kibboutz, déjà ?
– Nan mais, Jerry, arrête, y a pas des fruits
ou des légumes sauvages, dans le coin ?
– Je suppose que oui, mais il faut les
chercher et donc risquer de se manger un éclair entre les sinus.
Maintenant, la dernière option reste de tenter d'attraper un petit
animal en fabriquant un piège. Qui veut s'y coller ? Perso je
passe mon tour, la vue du sang me répugne.
– Moi je ne mange que de la viande qui a été
soigneusement désinfectée par mon boucher, intervient Basil, à qui
personne n'a rien demandé.
Lui et Jerry me fixent.
Je m'écrie :
– Ne comptez pas sur moi ! Si un animal
s'approche de moi, je l'adopte.
– OK, dit Clotilde, moi je veux bien tenter,
mais je vous préviens, quoi que j'attrape, c'est moi qui garde la
cuisse.
Agacée que nous soyons obligés d'en arriver à ces
extrémités, je me plonge dans la contemplation du grand flou qui
m'entoure, quand une petite ampoule se met à clignoter au-dessus de
ma tête.
– Stoooop, dis-je, laissez tomber ! J'ai
une meilleure idée ! Mais comment se fait-il que personne n'y
ait pensé plus tôt ?
Tout le monde dresse l'oreille, à part Jerry qui a
le regard perçant d'un joueur de tennis attendant que la balle soit
suffisamment à sa hauteur pour la smasher.
Ce qui m'est complètement égal, puisque je sais
que mon idée va lui clouer le bec.
– On va partir tranquillement à la recherche
d'un moyen de locomotion pour rentrer, et si vraiment on a trop
faim, en chemin, on n'aura qu'à chercher des nids dans les arbres
qui ne sont pas trop haut… un petit trou dans l'œuf, et hop,
glou-glou, à nous le milk-shake jaune ! Simple, propre,
efficace. Merci qui ?
Les applaudissements fusent, sauf, bien sûr, de la
part de mon cousin, ce sale casseur d'ambiance.
– Miam-miam, en l'occurrence. Comment
feras-tu si l'œuf est fécondé ? Tu gobes le fœtus ?
Remarque, c'est comme ça qu'on aime les déguster en Asie, avec le
poussin encore dedans…
Mon cousin, je le déteste.
15 h 25
Un éclair vient déchirer les nuages gris ardoise
amoncelés au-dessus de nos têtes, suivi d'un bref coup de tonnerre.
La pluie commence à se calmer. C'est déjà ça.
Devant notre début de grotte, le sol n'est plus
qu'un marécage fangeux surmonté d'herbes inondées, tandis qu'un peu
plus loin les feuilles des arbres pleurent leur bonheur d'être
lavées.
Et dire que Clotilde et moi nous apprêtions à
payer une fortune pour des enveloppements de boue et des soins à
base d'affusion d'eau douce, alors que pour pas un kopeck, il
suffisait juste de nous perdre en forêt. Même le régime diététique
est équivalent : la famine.
Ça, pour rentrer détoxifiées, on va rentrer
détoxifiées (si on parvient à rentrer).
Et pourtant, c'est tellement différent. Qu'est-ce
qu'une eau pour se détendre s'il n'y a pas de bulles dedans ?
Que sont des enveloppements de glaise s'ils ne sont pas suivis d'un
enveloppement dans un peignoir chaud et moelleux ? Hein ?
Eh ben rien de plus que de la gadoue et du pipi de nuage.
Ça suffit, maintenant, j'ai bien profité de ces
fausses vacances. Je veux rentrer chez moi !
Je veux pouvoir me plaindre parce que j'ai oublié
d'acheter Voici , pas parce que je
risque de me faire dévorer par les loups ! Je veux pouvoir me
lamenter que je souffre à travailler sans voir personne, alors
qu'en réalité je suis allergique aux collègues de bureau.
C'est mon droit le plus absolu de rouspéter pour
tout et pour rien, sinon à quoi ça sert d'être
parisienne ?
Je le reconnais, j'ai râlé parce que j'en avais
marre de me faire photographier n'importe où, n'importe quand, même
avec de la teinture sur la tête. Mais je me sens aujourd'hui si
pleine d'amour pour mon métier que j'accepterais même de me laisser
shooter dans le lieu le plus déprimant au monde : une cabine
d'essayage. C'est dire.
– Tu imagines, soupire Clotilde, si on avait
ta chienne avec nous ? Comment elle aurait trop pu nous aider
à retrouver notre chemin…
– Ma chérie, tu te goures. Ma chienne est
l'incarnation vivante de Rantanplan. Elle aurait juste flippé sa
race de se faire mouiller par l'averse, et serait tranquillement
allée faire pipi sur le seul endroit sec qu'elle aurait
trouvé : celui où on dort.
J'attrape ma pochette en satin, et cherche
machinalement dedans, pour la vingtième fois, si mes lunettes ne
s'y trouvent pas. Mais je réalise que ce n'est pas la seule chose
que j'ai dû abandonner, pour ne pas surcharger mon micro-sac de
soirée.
– Ho ! Ma pilule, j'y pense… elle est
restée dans mon sac, à l'hôtel, du coup je n'ai pas pu la prendre.
Raaah, c'est un coup à me pourrir mon cycle, ça.
– Pourquoi ? demande Basil en ricanant.
T'as peur de te faire violer par un fennec ? Ne crains rien,
ta coupe te protège.
Je m'avance vers lui et le scanne des pieds à la
tête de mon regard le plus dégoulinant de dédain, puis je
lâche :
– Quand on possède une chevelure qui masque
son début de calvitie comme les trois poils repliés sur le crâne de
Valéry Giscard d'Estaing lui donnent l'air d'Amanda Lear, on évite
de prononcer le mot « coupe ».
J'ai touché un point sensible semble-t-il, car il
se décompose et marmonne :
– Alors là, pour ce que tu viens de dire,
considère-toi comme définitivement bannie de mes concerts.
– Tes concerts ? Mais, Basil… je n'avais
jamais entendu parler de toi avant de te rencontrer !
Il ne me répond pas, croise les bras, ulcéré, et
se met à bouder ostensiblement, ses plaques rouges scintillantes
sur sa peau plus pâle que jamais.
Ignorant la fielleuse tension ambiante, provoquée
par le surcroît de bile de nos estomacs vides, Clotilde attrape une
poignée de petits cailloux, et se met à les jeter lentement en
direction d'une flaque d'eau qui s'est formée devant l'abri.
– Je suis sûre, murmure-elle les yeux dans le
vague, qu'un jour on pourra communiquer avec les animaux.
J'allonge mes jambes près d'elle et observe mes
pieds crasseux aux orteils maculés de boue humide.
– T'es dure, quand même. Appelle les
« les garçons », sinon ils vont se vexer.
Elle me lance un regard si inexplicablement habité
que je me retiens de lui taper doucement sur le front en faisant
« toc, toc, y a quelqu'un ? »
– Je suis sérieuse, Anouchka. Quand on a un
animal domestique, et je le constate avec mon chat, c'est une
évidence. On comprend que les bêtes ne sont pas
« bêtes »…
– Ça dépend. Laisse-moi te présenter
Chochana.
– Tiens, pourquoi ne l'utiliserais-tu pas
dans un de tes romans ? As-tu entendu parler de ces singes à
qui on a enseigné la langue des signes, qui parviennent ainsi à
raconter des événements de leur vie ? Et ces perroquets, dont
on a estimé les capacités intellectuelles à celles d'un petit
d'homme de cinq ans ? Sans compter ces milliers d'histoires
surprenantes sur nos compagnons domestiques, révélant des aptitudes
émotionnelles quasi humaines.
Je lui donne un coup d'épaule fraternel.
– Qu'est-ce qui se passe ? Une brusque
bouffée de repentir au souvenir de la grosse bestiole sur ta tête
que tu as écrabouillée à coups de talon ?
– Quoi, le truc immonde à six pattes ?
Beurkbeurkbeurk. Non, faut pas déconner quand même, il y a des
limites au monde animal.
Elle replace une mèche de ses cheveux blonds
derrière son oreille. Puis, du bout de l'index, elle se met à
tracer de petits dessins dans la terre meuble.
– Et les plantes, hein ? demande-t-elle
sans s'adresser à personne en particulier. Les plantes ? Vous
allez me dire que c'est par hasard que l'oignon à cette capacité à
faire pleurer celui qui le coupe ?
Jerry m'adresse un signe de tête affligé, tout en
vissant discrètement son doigt contre sa tempe :
– Et le flageolet ingéré, dit-il, dans une
ultime tentative de survie, se débat dans nos intestins, provoquant
de petites explosions malodorantes que l'on appelle plus
communément des pets… c'est cela oui… bon, Anouchka, à ton
avis ? Insolation avant l'orage, ou refroidissement avec
surproduction de mucus ayant noyé le cerveau ?
– Je dirais, mon cher collègue… contamination
par une bactérie ayant infusé dans l'eau de tes chaussures. Il
fallait s'y attendre.
Il émet un petit « tss, tss »
réprobateur.
– Ça ne s'appelle pas une bactérie, ma chère
collègue, ça s'appelle un arôme, et c'est tout sauf toxique.
– La preuve que non. À ce sujet, il va
de soi que la manière dont nous avons survécu sans rivière à
proximité est un secret absolu qui devra rester enfoui au plus
profond de notre mémoire, et ne jamais être révélé à
quiconque.
– Sinon ?
– Sinon je pleure.
15 h 35
Clotilde se redresse brusquement.
Elle ramène ses cheveux mi-longs en arrière, et se
frotte les mains.
Ses ongles sont sans doute noirs, mais sous le
vernis carmin qui les recouvre, on ne voit rien.
– J'ai une idée ! Et si, en attendant
que l'orage se termine, on se faisait une soirée pyjama sans
pyjamas ? Ça fait tellement longtemps que je n'en ai plus
faite…
Jerry, qui avait commencé à sombrer dans la
léthargie, sursaute en entendant ça, et annonce :
– Juste une minute. Je prends une branche, je
me crève les yeux, et vous pourrez commencer à vous
déshabiller.
Un mouvement dans la petite caverne.
C'est Basil qui s'approche :
– Huum… sans pyjama ? Intéressant…
– Sans pyjama, et sans lourdingue, précise ma
copine.
Basil s'éloigne.
Je secoue la tête, même si mes cheveux restent
immobiles :
– Soirée pyjama ? Mais qué pyjama ?
Je passe mes journées en pyjama, à la maison. Le pyjama, c'est
devenu mon uniforme, alors le soir, je n'ai qu'une envie, c'est
d'enfiler des fringues pas confortables du tout pour sortir avec
mes copines. Et en plus, on n'est même pas le soir !
Clotilde exulte :
– Je prends ça pour un oui !