VI
LA GUERRE COUVERTE
Les questions espagnole, lorraine et impériale : l’art de la diplomatie et ses limites
Philippe IV n’accorde pas asile à sa belle-mère sans réticences, car les tensions entre la France et l’Espagne n’ont jamais été aussi vives depuis l’affaire de Mantoue. Le gouvernement de Bruxelles désigne le peintre Pierre-Paul Rubens, qui a réalisé quelques années auparavant une série de portraits de Marie de Médicis, pour représenter l’infante Isabelle-Claire-Eugénie auprès de la reine mère installée à Avesnes. Au vrai, le comte-duc Olivarès doute du sérieux de l’engagement de Marie de Médicis et de Gaston d’Orléans contre Richelieu. Rubens est néanmoins chargé de transmettre à Madrid et à Bruxelles l’assurance que les ducs de Guise, d’Épernon et de Bouillon ont parti pris avec Monsieur, la place de Sedan devant d’ailleurs ouvrir ses portes aux séditieux.
La capitale des Pays-Bas espagnols se transforme en foyer de complots. Gaston d’Orléans y rejoint sa mère et obtient de l’infante Isabelle-Claire-Eugénie une aide financière de cent mille écus. Monsieur peut procéder au recrutement de soldats dans la région de Montbéliard et de Besançon. Dès le mois de septembre, environ huit cents cavaliers, placés sous les ordres du marquis de Bressieux, un proche de Marie de Médicis, se regroupent à Luxeuil. Viennent s’y ajouter un contingent de dix-huit mille fantassins et plus de deux mille cavaliers envoyés par le duc de Lorraine. Wallenstein lui-même propose une armée pour une durée de trois ans, à condition que les places dont il s’emparerait en France lui soient définitivement acquises.
La menace pour Richelieu et pour Louis XIII se fait de plus en plus pressante. Depuis la chute de La Rochelle, le roi peut davantage s’occuper de politique internationale et s’intéresser à l’Allemagne et à la Lorraine. Il offre à Charles IV la liquidation amiable de leurs litiges. L’un des principaux soucis du souverain très chrétien et de son gouvernement est la vulnérabilité de la frontière du royaume de France, à la limite orientale de la Champagne. Louis XIII conserve un intérêt majeur à ne pas risquer une offensive de la maison d’Autriche, car depuis l’expiration de la Trêve de Douze ans, il observe, non sans inquiétude, les passages des troupes espagnols par la Lorraine et par l’Alsace. Richelieu estime plus que jamais indispensable de couper la route du Rhin pour pouvoir s’opposer efficacement aux desseins de Madrid et de Vienne[1].
À partir de 1628, Louis XIII a les moyens de poursuivre la politique de progression vers le Rhin initiée par Henri II au moment de l’occupation des Trois-Évêchés. Ni lui ni Richelieu n’en ont pour autant la volonté d’entrer en guerre directe contre les Habsbourg. Ils mettent au contraire tout en oeuvre pour retarder l’échéance. Tous deux préfèrent poursuivre ce qui a été commencé en 1552 : utiliser le système de protection, se rendre maîtres des passages qui permettent aux secours espagnols de rejoindre les Autrichiens et les Pays-Bas espagnols en contournant la France, puis éventuellement envahir le royaume et menacer Paris.
Les affaires de Lorraine et d’Alsace sont étroitement liées à ces aspects stratégiques[2]. Les deux régions constituent des carrefours dont les noeuds sont Nancy et Strasbourg. À l’est, sur la rive droite du Rhin, en face de Strasbourg, s’étend la trouée de Pforzheim, qui ouvre l’accès au Danube supérieur et à l’Allemagne centrale. À l’ouest, sur la rive gauche, la trouée de Saverne traverse les Vosges et débouche par Sarrebourg sur la route de Nancy, et plus à l’ouest encore, par Moyenvic, Vic, Stenay et Jametz, sur la route des Pays-Bas espagnols.
Pour Richelieu, comme d’ailleurs pour le maréchal de Marillac et les dévots, le royaume ne peut mener seul une politique contraire aux ambitions des Habsbourg. À défaut d’obtenir l’adhésion de Charles IV de Lorraine, qui a lui aussi des ambitions sur l’Alsace, Richelieu envisage, toujours selon la tradition inaugurée par Henri II, des alliances avec les ennemis des Habsbourg, les princes protestants, essentiellement avec les calvinistes. Mais le cardinal, bon catholique, doit à tout prix éviter une coalition réformée trop puissante.
Louis XIII et Richelieu défendent pour l’Europe le principe d’une chrétienté à deux visages. Le but ultime du cardinal est de convertir les protestants par la raison. Or l’objectif que se fixent le roi de France et Richelieu n’est réalisable qu’à une seule condition : que les Habsbourg, champions d’une Europe catholique dominée par le Saint Empire romain germanique, n’étendent pas leur hégémonie à l’ensemble de l’Occident. La France établie à Strasbourg barrerait les communications entre le Milanais et les Pays-Bas. Cantonnant des troupes en Alsace et prenant le contrôle de la Lorraine, elle lèserait directement Ferdinand II comme protecteur des droits du Saint Empire et suzerain de la Lorraine et de l’Alsace. C’est pourquoi, à l’aube des années 1630, Louis XIII et Richelieu présentent la France comme la garante des libertés des princes et des peuples contre les aspirations de Ferdinand II et de Philippe IV. Le roi de France ne dispose – semble-t-il – pas d’autres moyens pour acquérir l’estime du plus grand nombre, ainsi que la gloire, corollaire obligé des objectifs formulés par Richelieu. Il justifie sa politique par l’accusation portée contre les Habsbourg de vouloir établir une monarchie universelle : l’argument est présent dans toutes les négociations entreprises à l’époque avec les Provinces-Unies, comme avec les États allemands et italiens. Il trouve un certain écho et une portée non négligeable, puisque le roi de Suède Gustave-Adolphe, allié de la France, dans un manifeste rédigé au mois de juin 1630, rappelle l’oppression exercée par l’empereur à l’encontre des libertés germaniques et déclare que tous les peuples et tous les États de la chrétienté sont parfaitement conscients des visées expansionnistes de l’Espagne et de l’Autriche. Vecteur de propagande fidèle à Richelieu, Le Mercure français publie le texte qui relaie de manière si opportune la position de Louis XIII.
L’instrument privilégié que se choisissent le roi et son ministre est le système de la protection, tel qu’il s’est développé dans les Trois-Évêchés. Tutelle immédiate, la protection se manifeste par la présence d’une garnison permanente, imposant ses nécessités militaires à l’entité qui l’a réclamée ou à qui elle s’est imposée. La protection doit garantir à ses bénéficiaires leurs institutions et le rétablissement de leur situation politique antérieure à l’apparition du danger. À un stade plus avancé, la protection souveraine ajoute la notion d’obéissance au premier principe. Le protégé doit serment de fidélité au protecteur, qualifié de « souverain seigneur ». Dans le cas de la protection souveraine, la soumission au protecteur est plus complète encore, mais ce dernier garantit toujours au protégé ses « franchises, privilèges et libertés ». Le protecteur peut, de là, aisément rattacher de manière définitive à son territoire celui du protégé et lui imposer ses lois, sa justice et son administration. Cependant, le rattachement diffère de l’annexion en ce que le protecteur continue à s’affirmer comme tel et à respecter certaines des « franchises, libertés et privilèges ».
Louis XIII et Richelieu aimeraient pouvoir appliquer le système de la protection à la Lorraine tout entière et convaincre Charles IV d’en accepter les principes. Après les travaux de la commission Le Bret, le roi de France et son ministre, accaparés par les huguenots et les Grands du royaume, se sont bornés à maintenir la situation héritée du siècle passé et du règne d’Henri IV. Mais se ménager un accès aisé à la zone stratégique qui s’étend de la Lorraine au Rhin devient indispensable à l’aube des années 1630.
Le fleuve constitue un verrou par rapport aux États germaniques et au Saint Empire. Richelieu a impérativement besoin de passages sûrs pour pouvoir intervenir contre l’expansion des Habsbourg et aider les petites principautés rhénanes. La nécessité de contrôle de la région répond autant à des préoccupations défensives, en cas d’attaque de la France par les Impériaux, qu’à des préoccupations offensives, en cas d’intervention française au-delà du Rhin. La protection qui pourrait s’appliquer aux zones frontalières à l’est du royaume, lieux de passage par excellence, constitue l’unique alternative politique pacifique à une intervention armée pour le contrôle des régions concernées.
Or, au début de cette année 1630, les Impériaux, en passant par l’Alsace, s’emparent de Moyenvic, dans l’évêché de Metz, place stratégique au regard des objectifs de Richelieu. Ils entreprennent d’édifier une forteresse sur le site, au bord de la Moselle, à faible distance de Nancy, pour barrer la route du Rhin et servir de sentinelle à la Lorraine tout entière.
Le coup de main des Impériaux prend totalement au dépourvu le maréchal de Marillac, gouverneur de Verdun mais aussi commandant de l’armée du roi en Champagne, qui devait protéger la frontière orientale du royaume[3]. La majorité des forces françaises est à cette époque engagée en Italie. Le maréchal de Marillac lui-même reprend à son compte la méthode préconisée par Richelieu pour garantir la sécurité de la région et conseille au roi d’inviter les princes voisins à solliciter la protection française. Dès lors, la France aurait la possibilité d’occuper des places répondant, du point de vue stratégique, à ses besoins défensifs et préventifs. Marillac pourrait s’installer entre la Meuse et le Rhin, sans danger de conflit ouvert avec Ferdinand II, sur le temporel de l’évêque de Metz, ou sur les territoires de l’électeur de Trèves, à Trèves même ou à Coblence.
Il reste qu’une telle entente est inenvisageable avec Charles IV de Lorraine ; et le système de protection évêchois, protection souveraine ou protection simple, l’est encore moins. C’est pourquoi, à l’heure où le duc d’Orléans et Marie de Médicis, partis en exil, se font de plus en plus menaçants, à l’heure de l’arrestation de Louis de Marillac, parti en Italie à la demande de Richelieu, une forte armée française se concentre près de la frontière.
La succession au duché de Mantoue occupe encore un temps l’esprit de Richelieu. La Savoie et le Piémont sont en partie occupés par les Français, mais la victoire est loin d’être complète. Le conflit se termine grâce à Mazarin au cours du printemps 1631 par le traité de Cherasco, aux termes duquel Louis XIII conserve Pignerol et Perosa, et donc une porte vers l’Italie pour s’opposer aux Espagnols.


Depuis la journée des Dupes, le cardinal est parvenu à restaurer l’autorité de la France sur la scène internationale en dépêchant le baron de Charnacé, un brillant diplomate, auprès du duc de Bavière, du roi de Danemark et de Gustave-Adolphe de Suède afin de leur proposer la médiation française.
Le souverain Wasa, inquiet des prétentions de Ferdinand II et de Wallenstein, a débarqué en Poméranie, dont le duc s’est placé sous sa protection. Le roi de Suède s’est emparé de la ville de Stettin, à l’embouchure de l’Oder, et a engagé des pourparlers avec les deux princes protestants d’Allemagne les plus puissants, les électeurs de Saxe et de Brandebourg[4]. Ces derniers tiennent à se ménager un appui solide avant de s’engager dans une guerre contre Ferdinand II qui pourrait leur être fatale. La présence de Gustave-Adolphe au nord de l’Empire présente un autre intérêt pour la Saxe et le Brandebourg, un moyen de pression sur les Habsbourg. À la fin de l’année 1630, les deux électeurs se sentent suffisamment forts pour réclamer l’abolition de l’édit de Restitution, sous peine d’un engagement militaire du roi de Suède.
Puis, le 23 janvier 1631, la France et la Suède concluent une alliance à laquelle sont associés les électeurs de Saxe et de Brandebourg. Par le traité de Bärwald, le baron de Charnacé s’engage, au nom de la France, à tout mettre en oeuvre pour que les princes spoliés par l’empereur retrouvent leurs États et prérogatives, pour que la liberté de commerce soit rétablie. La France promet de verser chaque année à la Suède la somme d’un million de livres pour équiper trente mille fantassins et six mille cavaliers chargés d’accomplir le projet commun. En contrepartie, Gustave-Adolphe respectera le culte catholique dans les principautés où l’intervention française est nécessaire.
Ce n’est pas tout, puisque le 30 mai, à Fontainebleau, Maximilien de Bavière accepte de signer des accords de neutralité avec la France[5]. Le traité prévoit une obligation de défense mutuelle pendant huit années consécutives. Louis XIII s’engage à fournir le renfort de 9 000 hommes de pied et 2 000 chevaux pour la défense du duché. En contrepartie, Maximilien promet 3 000 hommes et 1 000 chevaux pour aider le roi. Enfin, le souverain français s’engage à défendre les prétentions du duc de Bavière à l’Empire. Richelieu semble ainsi occuper tous les fronts et y imposer l’autorité française, donnant enfin à Louis XIII les moyens de ses ambitions européennes.
Le traité de Vic
Parallèlement, les représentants des principautés protestantes du Saint Empire, luthériennes et calvinistes, réunis à Leipzig, profitent du relatif affaiblissement de Ferdinand II depuis la tenue de la diète de Ratisbonne et lui proposent leur alliance contre toute agression extérieure, en échange du retrait de l’édit de Restitution. Le danger est bien réel pour l’empereur, puisque Gustave-Adolphe s’empare de Francfort-sur-l’Oder le 13 avril. En réponse, les derniers éléments de l’armée impériale, confiés au général Tilly depuis le renvoi de Wallenstein, mettent à sac la ville de Magdebourg. Les protestants n’ont plus le choix et se tournent définitivement vers Gustave-Adolphe, d’autant que la ligue catholique, assemblée quant à elle à Dunkelsbuhl, réclame au contraire le maintien de l’édit de Restitution !
L’électeur de Brandebourg met rapidement à la disposition du roi de Suède toutes les forces dont il dispose ; le duc Bernard de Saxe-Weimar suit son exemple et s’engage directement sous les ordres du Suédois. Le 22 août, le landgrave de Hesse-Cassel autorise Gustave-Adolphe à garder ses places fortes. Le 5 septembre, l’électeur de Saxe appelle le roi de Suède contre la menace de Tilly et joint son armée à celle du souverain Wasa.
La progression de Gustave-Adolphe dans le Saint Empire est fulgurante. Ferdinand II, pris au dépourvu, délivre au duc de Lorraine une commission pour lever dix mille hommes de pied et deux mille chevaux afin de s’opposer à l’avancée ennemie. Saverne et Haguenau lui sont concédées comme places de sûreté. Charles IV décide de mener lui-même ses hommes à l’empereur au mois de septembre 1631 et franchit le Rhin à Worms.
Mais, le 17, coup de théâtre, le roi de Suède inflige une cuisante défaite aux troupes impériales, lors de la bataille de Breitenfeld. Ferdinand II est humilié, les troupes du général Tilly sont écrasées. Les Impériaux, inquiets de la réputation du roi de Suède, abandonnent Charles IV, tandis que Ferdinand II n’a plus qu’à rappeler Wallenstein. Les troupes lorraines sont obligées de se replier vers le Rhin. Et Gustave-Adolphe prend le même chemin, pour vivre aux dépens des populations catholiques. La guerre est sa seule source de profit. Il sait parfaitement que, pris à revers par l’empereur, il peut se voir à tout instant abandonné par les princes protestants. À la mi-octobre, il atteint Würzburg, siège de l’un des évêchés les plus riches d’Allemagne.
Charles IV, inquiet des succès du roi de Suède et des conséquences du traité de Bärwald, décide aussitôt de se rendre en Bavière pour assister le duc Maximilien, son oncle. Pour lui, la clause protégeant la neutralité du duché de Bavière n’est pas respectée. Charles IV réussit à convaincre Maximilien de lever une armée, alors que les accords souscrits avec la France et la Suède le lui interdisaient. Interprétant à son tour l’initiative comme un acte d’hostilité, Gustave-Adolphe considère aussitôt que ses engagements vis-à-vis de la Bavière sont devenus caducs.
Durant les dernières semaines de 1631, les Suédois forcent encore les bourgeois de Francfort-sur-le-Main à s’allier avec eux, traitent avec le landgrave de Hesse-Darmstadt, font capituler la garnison espagnole que l’électeur de Mayence a appelée dans sa capitale et s’emparent de Spire, Worms et Mannheim. Ils sont les maîtres non seulement de l’archevêché de Mayence, mais aussi de la Thuringe et de la Franconie. Le général Tilly n’a plus d’armée, l’électeur de Saxe pénètre sans difficulté en Bohême. Devant l’impuissance de l’empereur, les petites principautés rhénanes, au premier rang desquelles se place l’archevêché de Trèves, commencent à se tourner vers Louis XIII.


Richelieu décide à la fois de répondre au mécontentement exprimé par le roi de Suède à propos de la Lorraine et de la Bavière, de réagir à ses progrès, trop rapides pour ne pas être inquiétants, et de prendre acte du non-respect du traité de Bärwald, tout en tirant parti des difficultés de Charles IV.
Le cardinal commence par diriger les forces dont il dispose vers Sedan où le duc de Bouillon accueille subrepticement les soldats de Gaston d’Orléans. Le 17 novembre, les troupes du maréchal de La Force arrivent en vue de la place rebelle. Le maître des lieux est absent ; sa mère, la duchesse douairière, prend peur et se soumet immédiatement. La garnison du duc de Bouillon doit prêter serment de fidélité au roi de France, tandis que les soldats de Monsieur, pris au piège, sont emprisonnés.
Le maréchal de La Force s’achemine ensuite vers la frontière allemande. L’objectif de Richelieu est d’une part d’intimider le roi de Suède, de rassurer les princes catholiques rhénans, d’autre part de reprendre Moyenvic aux Impériaux, de restituer la place à l’évêque de Metz, de prendre pied en Lorraine avec armes et bagages et de faire pression sur Charles IV.
Simultanément, le comte de Brassac, ambassadeur du roi de France à Rome, est chargé de proposer au pape une ligue à laquelle adhéreraient les Vénitiens pour s’opposer à la fois aux Suédois et aux Impériaux. Mais Urbain VIII refuse d’y prendre part et de renoncer à son rôle de médiateur au sein de la chrétienté.
Depuis la diète de Ratisbonne, le père Joseph n’est pas resté inactif et s’est justement penché sur le problème des Trois-Évêchés, que l’assemblée a laissé en suspens. Le capucin a chargé un diplomate lorrain de bonne volonté, le comte de Marcheville, de recommander aux électeurs catholiques la cause de l’évêque de Metz, Henri de Bourbon-Verneuil, dont le diocèse est envahi par les troupes de Ferdinand II. Il s’agit de faire entendre les griefs légitimes du prélat et de souligner le danger occasionné par la présence impériale en terre évêchoise. Comme Richelieu, le père Joseph souhaite que Ferdinand II évacue l’évêché de Metz et démantèle Moyenvic. La France serait alors en mesure d’agir plus librement en Allemagne en faveur des princes qui le souhaiteraient.
À la fin du mois de novembre 1631, le père Joseph est aux côtés du roi de France qui s’est déplacé jusqu’à Château-Thierry. Il surveille les préparatifs de l’opération militaire décidée par Richelieu sur Moyenvic, tout en continuant à oeuvrer à un traité de neutralité qui unirait la ligue catholique et la Suède[6]. Mais l’entente finale s’avère impossible : menacé dans son duché même, le duc de Bavière préfère se rapprocher de Ferdinand II et se borne à confirmer la neutralité avec la France.
Le 9 décembre, Louis XIII, après avoir affûté ses armes, ordonne la prise de Moyenvic, alors que son armée de Champagne marche vers Metz, et décide son propre départ, en compagnie de la cour, sur le terrain d’affrontement[7]. Ce n’est que vingt jours plus tard que Moyenvic, défendue par le baron de Mercy, se rend aux assaillants français commandés par le maréchal de La Force. L’armée ducale, retenue en Allemagne, est dans la totale incapacité d’intervenir.
Louis XIII dépêche spécialement à l’empereur le beau-frère du père Joseph, Jean de Beaumont, seigneur de Saint-Étienne. Les instructions dont celui-ci est porteur condamnent le coup de main perpétré contre Moyenvic et refusent catégoriquement de reconnaître les droits, jugés plus qu’hypothétiques, de Ferdinand II sur le temporel de l’évêque de Metz comme sur les États du duc de Mantoue[8]. Elles rappellent que tout prince d’Empire est en droit de recourir à la protection de ses voisins et que Moyenvic doit retrouver son statut antérieur à 1630. L’argument de la protection s’avère bien commode pour évincer la tutelle impériale des Trois-Évêchés et confirmer les entreprises d’Henri IV[9].


Charles IV, apprenant par son frère, le cardinal Nicolas-François de Lorraine, que le roi de France s’est emparé de Moyenvic, n’a plus qu’à voler au secours de ses possessions. Dès son retour, le 2 janvier 1632, le duc de Lorraine et de Bar, en tant que vassal du roi très chrétien, est sommé de fournir des explications concernant ses campagnes d’Allemagne et les usurpations territoriales dont il se serait rendu coupable au détriment de la France[10]. Charles IV répond qu’il renonce aux alliances contractées avec les ennemis de Louis XIII et s’engage verbalement à remettre Marsal entre les mains du roi[11].
Le 6, le conseil du roi se réunit en une assemblée houleuse. La majorité de ceux qui y prennent part est convaincue de la nécessité d’entrer en Allemagne, d’attaquer Saverne et Haguenau, promises au duc de Lorraine par l’empereur, et de se saisir de l’Alsace. Les tendances belliqueuses prévalent ; seul, le père Joseph combat l’avis dominant. Pour lui, rompre avec la maison d’Autriche, abandonner le parti catholique au profit exclusif d’une alliance avec les Suédois et les protestants, signifieraient la ruine de tous les efforts d’équilibre consentis jusque-là. Le père Joseph juge indispensable la reconnaissance de la France par les princes des diverses confessions entre le Rhin et la Lorraine, en les affranchissant de la crainte de Gustave-Adolphe. Son but est de les placer, de leur plein gré, sous la dépendance du roi très chrétien, qui deviendrait un médiateur incontournable. La France créerait du même coup une ceinture défensive de principautés alliées, qui la mettrait à l’abri des tentations de la famille de Habsbourg. Le système présenterait de surcroît deux autres avantages essentiels : Louis XIII disposerait en pays rhénans d’avant-postes contre la maison d’Autriche et de moyens d’action contre la Lorraine. La cohérence du père Joseph remporte l’adhésion de Richelieu[12].
Par souci de pacification, Charles IV doit donc se soumettre à l’autorité du roi de France ; le contrôle de la Lorraine est indispensable. Si Richelieu s’ingénie à placer les entreprises royales derrière le bouclier de la protection, il ne s’agit que de ménager à Louis XIII la possibilité de réclamer en bon droit à Charles IV des garanties de soumission. Si le duc de Lorraine obtempérait, le roi de France ne pourrait qu’y gagner en influence. Si Charles IV s’y refusait, le souverain pourrait faire usage des armes en reprenant la même argumentation, sa supériorité tactique lui garantissant le même effet, la mainmise, au moins partielle, sur la Lorraine. Richelieu a l’habileté de brandir la menace de la Suède. Alors que la protection devrait être librement consentie par les parties contractantes, elle est imposée à Charles IV[13].
À l’issue du Conseil, Louis XIII conclut le traité de Vic avec le duc de Lorraine. Charles IV s’engage à subordonner ses futures alliances au consentement préalable du roi de France. Un article secret stipule l’interdiction formelle faite à la Lorraine de toute entente avec Ferdinand II, Philippe IV d’Espagne ou un prince autrichien. Charles IV s’oblige également à refuser l’asile à Gaston d’Orléans et à Marie de Médicis, et doit subordonner ses alliances aux intérêts de la France. Il est d’ailleurs précisé qu’aucune levée de troupes ne se fera « contre le service de Sa Majesté ». Charles IV doit encore laisser libre passage aux troupes françaises et leur fournir les vivres. Il doit aussi livrer à Louis XIII un contingent de quatre mille fantassins et de deux mille cavaliers. En dernier lieu, la place de Marsal est remise pour trois ans au roi de France, qui peut y installer une garnison. Par la suite, une autre garnison permanente est maintenue à Moyenvic[14].
L’ensemble des terres de l’évêché de Metz est désormais traité comme l’étaient jusque-là la ville de Metz et le pays messin. L’occupation militaire y est organisée et la population est contrainte de participer aux frais d’entretien des soldats et à la remise en état des places fortes. Le traité de Vic confirme les craintes exprimées par Charles IV lors de la publication des ordonnances de la commission Le Bret. Le système féodal et judiciaire en vigueur dans les Trois-Évêchés est désormais dominé par la France. En février, Louis XIII, au terme de son séjour lorrain, parachève son oeuvre en décidant la création à Metz d’une cour souveraine, un parlement calqué sur le modèle français[15]. Le Conseil décide d’exploiter les conditions favorables créées par le traité de Vic et propose que le régime de protection soit accordé à tout prince allemand qui le solliciterait et accepterait des garnisons françaises dans ses places fortes. Richelieu et le roi caressent l’espoir de convaincre les archevêques de Trèves, de Cologne et de Mayence, lorsque le duc d’Orléans se rappelle à leur bon souvenir.
Le mariage secret de Monsieur
Les rumeurs persistantes de la passion de Gaston d’Orléans pour la princesse Marguerite inquiètent le roi. Claude Bouthillier, lors de son séjour à Nancy à la fin de l’année 1629, a déjà alerté Louis XIII et Richelieu : le père du duc de Lorraine et de Marguerite, François de Vaudémont, est favorable au projet d’union de sa fille cadette avec l’héritier présomptif du trône de France[16]. L’amour de Gaston d’Orléans pour Marguerite est sans doute sincère. Mais le frère du roi a plus que jamais la volonté de susciter un soulèvement ; c’est pourquoi il recherche de manière si assidue le soutien de l’Espagne, de l’empereur et duc de Lorraine.
Le 3 janvier 1632, trois jours avant la signature du traité de Vic, le mariage de Monsieur avec Marguerite de Lorraine est célébré clandestinement en l’église de l’abbaye Notre-Dame de la Consolation à Nancy[17]. Charles IV n’est pas encore rentré dans sa capitale, mais il a franchi les frontières de ses États. Le consentement à l’union est donné par François de Vaudémont ; les dispenses provisoires, en attendant celles du pape, sont accordées par le cardinal de Lorraine, frère de la mariée, qui est évêque de Toul. La bénédiction nuptiale est prononcée par un cistercien attaché au service religieux de l’abbaye de Remiremont, Albin Tellier. La cérémonie a lieu vers sept heures du soir, en présence de Catherine de Lorraine, abbesse de Remiremont, de la gouvernante de la princesse Marguerite, du duc d’Elbeuf et de Puylaurens. Gaston d’Orléans prend aussitôt la précaution d’informer le pape et de faire confirmer les dispenses et la validité des sacrements[18].
Les conséquences du mariage secret sont incalculables pour le roi de France et la couronne. L’héritier présomptif du trône peut désormais assurer sa descendance masculine. Le danger d’un glissement de l’héritage capétien sur la tête de Monsieur prend une signification bien réelle. De plus, l’union avec la maison de Lorraine pourrait réanimer les prétentions dynastiques du duc de Lorraine. Le souvenir de la Ligue reste vivace. Le danger est d’autant plus grand que Charles IV peut se prévaloir du traditionnel esprit de croisade perpétué par sa lignée. Il s’est engagé aux côtés de Ferdinand II dans le combat contre les Suédois et contre les princes protestants d’Allemagne. Il assume parfaitement la tradition héritée du duc Antoine le Bon, et la revendique d’autant plus volontiers qu’il est désormais en mesure d’influer à la fois sur la politique intérieure, sur la politique extérieure et sur la diplomatie de Richelieu. La cérémonie apparaît comme une alliance de circonstances, celle de deux capacités belligérantes dont l’une n’a d’autres intérêts que d’en découdre, pour substituer son influence à celle de Richelieu et s’imposer non seulement comme l’héritier présomptif de la couronne, mais comme le successeur désigné au trône de France.
Le roi, pourtant, n’a jamais été aussi conciliant. Monsieur refuse tout compromis et passe en territoire espagnol. Tout espoir d’entente et de rapprochement est annihilé[19]. Louis XIII est conscient de l’influence exercée sur son frère et soupçonne une connivence entre la reine mère et les Espagnols. Ses craintes sont rapidement confirmées par les avis de ses ambassadeurs et par le voyage en Flandres du marquis de Mirabel, représentant de Philippe IV à Paris[20]. Marie de Médicis a mis en gage ses pierreries pour obtenir les liquidités nécessaires à une expédition armée. Les troupes espagnoles se concentrent dans le Palatinat, sous le commandement de Don Gonzalès de Cordoue ; un plan de campagne est combiné avec Madrid. Le 18 mai, le frère du roi prend la route de Trèves, où l’armée mise à sa disposition se rassemble, au grand dam de l’archevêque dont les terres sont envahies. Même parmi ses proches, la trahison du duc d’Orléans ne fait pas l’unanimité. Deux d’entre eux, Le Coigneux et Monsigot, abandonnent le parti rebelle et trouvent un accord avec Richelieu. Quant au duc de Bellegarde, il ne peut adhérer à une révolte contre le roi et préfère solliciter des lettres de rémission.
Le mariage du 3 janvier suscite très rapidement les bruits les plus divers, ressentis par le roi de France à la fois comme une provocation du duc de Lorraine et comme une humiliation imposée par son propre frère. Le ressentiment est d’autant plus vif contre Charles IV que celui-ci renoue dès les semaines qui suivent le traité de Vic avec les ennemis de la France. Il accueille à Nancy un envoyé de l’empereur, Raimondo Montecuculli, et un envoyé du roi d’Espagne, le baron de Leyde[21].
Le système de protection et ses limites
Retranché à Vienne, Ferdinand II est en difficulté face aux Suédois. Son armée a été mise en échec et il ne contrôle plus la situation. Début janvier, fait symptomatique, deux ambassadeurs, celui du duc de Bavière et celui de l’archevêque de Cologne, cette fois, arrivent en Lorraine, mais auprès de Louis XIII, pour solliciter une protection contre Gustave-Adolphe. Un accueil chaleureux leur est réservé et l’accord est envisagé. Une démarche similaire est bientôt entreprise par l’archevêque de Trèves et par l’évêque de Würzburg, ambassadeur de la ligue catholique. L’archevêque de Mayence dépêche lui aussi un représentant auprès du roi de France pour se faire rétablir dans sa principauté.
Dans l’immédiat, Louis XIII et Richelieu subordonnent la protection à un accord préalable de neutralité, auquel souscriraient les princes de la ligue catholique et le roi de Suède. Lui seul permettrait de déboucher sur un accommodement général que la maison d’Autriche, placée devant le fait accompli, n’aurait plus qu’à accepter. Le marquis de Brézé, beau-frère de Richelieu, est chargé de la délicate mission de proposer l’accord de neutralité à Gustave-Adolphe. Louis XIII pourrait ainsi pacifier l’Allemagne[22]. Dans les instructions remises au marquis de Brézé, le cardinal-ministre formule également le principe de la restitution des territoires annexés par les princes réformés et par la Suède aux princes catholiques spoliés. Il évoque un traité d’alliance formelle qui rapprocherait les membres de la ligue catholique du roi de France. Richelieu tient à rappeler au souverain Wasa que Louis XIII est en position de force et que les victoires remportées sur Ferdinand II sont fragiles, en raison notamment de l’inconstance des princes protestants d’Allemagne. La France tente de s’imposer comme médiatrice et de convaincre le roi de Suède qu’il ne peut définitivement vaincre l’empereur qu’en se ménageant la ligue catholique. C’est alors qu’un ambassadeur suédois, le baron Gustave Horn, arrive à Metz et annonce simplement que son maître refuse de rendre Würzburg, Bamberg et Mayence.
Quant à Ferdinand II, il fait tout son possible pour rassembler les princes italiens autour de Philippe IV et les convaincre de voler à son secours. Une seconde ligue catholique voit le jour et les contacts avec Charles IV se multiplient. La position du duc de Lorraine et celle de Monsieur se compliquent alors singulièrement.
Tous deux jouent un double jeu en tentant d’obtenir l’appui à la fois des Suédois et des Habsbourg contre l’ennemi commun, la France. Louis Deshayes de Cormenin, jadis ambassadeur du roi de France auprès de Christian IV de Danemark, est envoyé par Marie de Médicis et par Gaston d’Orléans auprès de Gustave-Adolphe de Suède pour le gagner à leur cause. Mais le baron de Charnacé découvre ces menées et arrête l’émissaire des factieux[23].
Dans le même temps, Charles IV viole les engagements contractés lors du traité de Vic : sur les sollicitations de Montecuculli et du baron de Leyde, il lève de nouvelles troupes contre la promesse de renforts armés. Le duc de Lorraine prend pour prétexte la menace de soldats suédois envoyés en avant-garde sur ses frontières et enfreint sans vergogne l’interdiction faite par le roi de France. Gustave-Adolphe s’adresse directement à Charles IV afin d’éclaircir la situation[24]. Ce faisant, le roi de Suède récuse la notion de guerre de religion pour le conflit dans lequel il s’est engagé, proteste de sa volonté de rétablir la paix… par les armes, et somme le duc de Lorraine de prendre nettement position. Ce dernier répond agir en prévention des conséquences prévisibles de la défaite de Tilly. Nulle évocation de la France.
Louis XIII sollicite en vain Charles IV de lui fournir les garanties de sa fidélité. Comme Bruxelles, Nancy est un foyer d’intrigues et le décès de la duchesse douairière de Lorraine, au mois de février, ajoute encore à la confusion. Gaston d’Orléans reste au centre de tous les conciliabules et le duc de Lorraine n’hésite pas à se plaindre du logement des troupes françaises dans ses États[25]. L’entourage de Monsieur ne cache plus son projet d’intervention armée dans le royaume[26]. À la fin du mois d’avril, Charles IV fait marcher ses troupes vers le Luxembourg pour opérer leur jonction avec celles du duc d’Orléans. Il attend cependant pour prendre leur tête que son beau-frère en fasse autant avec ses propres soldats. L’attitude du duc de Lorraine est paradoxale. Il fait preuve de circonspection et de la plus grande prudence vis-à-vis de Monsieur, attendant pour s’engager que celui-ci fasse le premier pas, et de la plus totale témérité vis-à-vis de Louis XIII à qui il n’a toujours pas rendu foi et hommage lige pour la Barrois mouvant[27].
L’Espagne et l’Empire ont en réalité d’autres priorités que la Lorraine et la rébellion de Gaston d’Orléans. Si Don Gonzalès de Cordoue stationne en Flandres, si le comte de Mérode procède au recrutement de soldats au nom de Wallenstein dans la principauté de Liège, la ligue catholique est de plus en plus menacée par le roi de Suède et Ferdinand II ne peut y rester insensible.
Le 15 avril, Gustave-Adolphe force le passage de la Lech, défendu par Tilly, pénètre en Bavière et ravage le duché[28]. Tilly lui-même, ainsi que son principal lieutenant, Aldringen, sont blessés. Inquiet, le résident français à Munich, M. de Saint-Étienne, prend l’initiative de rencontrer le roi de Suède dans son camp d’Ingolstadt pour lui demander d’épargner Maximilien[29]. Le duc de Lorraine s’en trouve beaucoup plus isolé qu’il ne le souhaiterait.
L’armée de Charles IV s’est mise en marche, officiellement pour aller contre Strasbourg, ville libre qui s’est rebellée contre Ferdinand II et contre l’autorité de son évêque[30]. Les soldats lorrains prennent en réalité la route du Luxembourg. Il ne peut être exclu qu’ils se rendent à la rencontre de deux armées espagnoles, celle de Don Gonzalès de Cordoue et celle du comte d’Emden, à la rencontre de l’armée de Monsieur ou à la rencontre des hommes de Wallenstein. Ce faisant, le duc de Lorraine couperait d’ailleurs le chemin de retraite de l’armée française d’Allemagne. Les négociations en cours avec le chancelier suédois Oxenstern, à propos de la neutralité, sont suspendues, mais l’archevêque de Trèves est disposé à remettre à la France les places fortes prévues dans le système de protection proposé par la France[31].
Le 10 mai 1632, Louis XIII et Richelieu partent vers le nord du royaume pour inspecter les places de la frontière picarde et prévenir toute incursion ennemie. Le 22, tous deux arrivent à Calais. Le roi rachète alors la charge de gouverneur de la ville, privant ainsi les rebelles et les Espagnols d’un point d’appui qui aurait pu être déterminant pour l’invasion du royaume. Le souverain annonce aussi au duc de Lorraine qu’il confie le commandement de son armée d’Allemagne aux maréchaux d’Effiat et de La Force. Tous deux ont pour mission d’en renforcer les effectifs et l’organisation, en vue d’une intervention dans l’Empire et en Lorraine.
La promotion du marquis d’Effiat, devenu maréchal de France, est toute récente. Louis XIII le charge plus particulièrement de soutenir l’archevêque de Trèves, Philippe-Christophe von Soetern, dans son combat contre les soldats de Philippe IV d’Espagne qui se sont emparés de Philippsbourg. La cité appartient à l’archevêque de Trèves en qualité d’évêque de Spire. Le prélat est totalement désemparé : Gustave Horn a chassé les Espagnols de Coblence et menace autant que ceux-ci. Le seul secours sur lequel puisse compter l’archevêque est celui que lui envoie le roi de France en vertu des accords de protection conclus en avril.
Le maréchal d’Effiat rétablit rapidement la situation et laisse des hommes à Philippsbourg et à Ehrenbreitstein. La signification de l’occupation de ces forteresses dépasse vite la simple opération protectrice. Philippe-Christophe von Soetern est contraint d’offrir à Richelieu la coadjutorerie de l’évêché de Spire et la dignité de grand prévôt du chapitre de Trèves pour préserver ses droits. Le cardinal-ministre pousse le marchandage jusqu’à exiger que la dignité de grand prévôt lui garantisse la succession à l’archevêché. La protection prend l’allure d’annexion. L’évolution, somme toute similaire à celle qui s’est opérée dans les Trois-Évêchés, quoique plus brutale, n’échoue que par le rapt de Philippe-Christophe von Soetern par les Espagnols au mois de mars 1635.
L’application du système de protection permet à la France d’occuper des positions très avancées dans les pays rhénans. La sécurité de l’espace lorrain, derrière les troupes françaises des maréchaux de La Force et d’Effiat, acquiert une importance accrue, car les garnisons stationnant en Allemagne dépendent désormais des bonnes communications avec le royaume. Mais quel crédit accorder à Charles IV ? Le maréchal d’Effiat lui-même exhorte le roi à venir en Lorraine puisque aucun danger ne semble peser sur la Picardie[32].
Fin mai, les troupes lorraines ont d’ailleurs rejoint les armées espagnoles et Monsieur est parti pour Trèves afin de prendre la tête des contingents mis à sa disposition par Ferdinand II.
Le traité de Liverdun
Richelieu tente encore de négocier avec le duc de Lorraine en lui demandant de céder à la France, comme garantie de ses bonnes intentions, les places de Stenay et de Clermont-en-Argonne. Le 9 juin, Richelieu lance un avertissement solennel à Charles IV[33] : il se heurte à un mur d’obstination et de silence.
Deux jours plus tard, Louis XIII quitte la Picardie pour la Champagne, puis les Trois-Évêchés[34]. Les maréchaux d’Effiat et de La Force sont rappelés d’Allemagne et convergent vers la Lorraine pour s’interposer entre le roi de France et les armées espagnoles. Ils ont ordre de ne plus négocier avec le duc de Lorraine. Richelieu et Louis XIII sont persuadés que Don Gonzalès de Cordoue, qui n’a pas suivi Monsieur, n’a pas davantage l’intention d’aider Charles IV[35].
Le 13, le duc d’Orléans publie une supplique « contre Jean Armand, cardinal de Richelieu, perturbateur du repos public, ennemy du Roy et de la maison royalle, dissipateur de l’Estat, usurpateur de toutes les meilleures places du royaume, tyran d’un grand nombre de personnes de qualité… »[36]. Le signataire informe solennellement les sujets du roi de France que leur souverain s’est trompé et qu’il faut combattre la tyrannie de Richelieu et de ses complices : la guerre civile est déclarée. Le même jour, les maréchaux de La Force et d’Effiat installent leurs quartiers dans l’évêché de Metz. Selon eux, face à l’armée de Louis XIII, Monsieur ne peut que prendre la route de la Franche-Comté puis du Gévaudan : leur analyse se révèle d’une rare justesse.
Les armes paraissent le seul moyen de contraindre Charles IV à satisfaire à ses obligations[37]. Le duc de Lorraine n’a pas les moyens de s’opposer aux forces françaises. Par l’intermédiaire de l’infante, il a averti Don Gonzalès de Cordoue du danger encouru, mais le général espagnol ne cesse de se dérober. Il a trop à faire et ne peut qu’inciter Charles IV à se soumettre. Wallenstein est pareillement sollicité, sans plus de succès. Ni Wallenstein, ni Mérode, ni Montecuculli ne disposent de contingents suffisants.
Dès la fin de juin, Louis XIII tient les passages de la Meuse et de la Moselle. Nancy est directement menacée. Le marquis de Bourbonne attire d’ailleurs l’attention de Richelieu sur la vulnérabilité de la capitale ducale défendue par la princesse de Phalsbourg. Le roi de France poursuit aisément son périple en occupant Saint-Mihiel, capitale du Barrois non mouvant, puis Pont-à-Mousson, siège de l’université lorraine. La campagne éclair de Louis XIII dévoile la fragilité des États lorrains. Charles IV n’a plus qu’à négocier un nouveau traité de paix.
L’accord est signé à Liverdun le 26 juin[38]. Il fixe sans équivoque l’attitude que le duc de Lorraine doit observer. Charles IV consent une participation financière et militaire aux combats engagés par le roi de France, lui laissant libre passage en Lorraine. L’aide à fournir à Louis XIII est prévue pour tous types de conflits. En contrepartie, le roi de France s’engage à évacuer les pays occupés et à remettre Bar, Saint-Mihiel et Pont-à-Mousson, si symboliques de l’identité lorraine, à leur légitime souverain. Charles IV laisse par ailleurs au vainqueur Stenay et Jametz pour une durée de quatre années. Un article secret oblige le cardinal Nicolas-François de Lorraine, frère de Charles IV, à se constituer otage si les places n’étaient pas livrées à la France. Surtout le duc cède en toute propriété le bailliage de Clermont-en-Argonne, moyennant un dédommagement financier[39]. Enfin, dans un délai d’un an, Charles IV est tenu de rendre hommage à Louis XIII, selon le cérémonial réclamé par les juristes français.
Le traité de Liverdun permet l’implantation du royaume de France à l’angle nord-ouest des duchés de Lorraine et de Bar ; il offre à Louis XIII le contrôle des routes et des étapes vers l’Empire. Au cours des mois qui suivent, l’acquis stratégique sur les voies de communication s’avère encore plus important que les gains territoriaux[40].
La toute-puissance du cardinal-ministre, le procès du maréchal de Marillac
Au cours des années 1631 et 1632, Richelieu profite de l’assurance acquise lors de la journée des Dupes et consolide sa position au sommet du pouvoir en éliminant ceux qu’il considère autant comme ses ennemis personnels que comme les ennemis de l’État. Il profite du règlement de la succession de Mantoue et de l’implication de la France dans les affaires d’Allemagne ; il cherche aussi prudemment à éviter toute nouvelle révolte et à se ménager la sympathie de Jean-Louis d’Épernon, gouverneur et représentant de l’autorité militaire du roi de France dans les Trois-Évêchés.
Mais Richelieu ne peut se permettre de disperser ses forces. Et Monsieur, dont le sort est lié à celui de Marie de Médicis, requiert une vigilance de tous les instants. Le maréchal de Marillac fait les frais de la vindicte qu’ils ne savent taire depuis la journée des Dupes. Le sort réservé au gouverneur de Verdun est exemplaire et se veut comme tel. Richelieu ne pardonne pas ; il sait aussi que les Grands du royaume l’observent[41].
Le 10 novembre 1630, conformément à la décision prise par le conseil du roi, le frère de l’ancien garde des sceaux a reçu une lettre de Louis XIII lui confiant le commandement de l’armée d’Italie. Il ne s’agissait nullement d’une promotion : deux jours plus tard, Louis XIII a enjoint au maréchal de Schomberg de procéder à son arrestation. Un autre grief anime le cardinal : Louis de Marillac est certes le frère de Michel, disgracié et emprisonné, mais se trouve aussi à la tête d’une armée de six à sept mille hommes.
La surprise est totale d’autant que Louis XIII n’avance aucun motif et ne professe aucune accusation. Arrêté, Louis de Marillac fait preuve d’une complète soumission et refuse même un projet d’évasion fomenté par un de ses lieutenants, Le Mesnil. Il est paradoxalement d’une parfaite lucidité quant aux raisons profondes de son arrestation[42], mais reste convaincu que son innocence le sauvera et que sa bonne conduite sera récompensée. Il tarde à admettre d’où vient le coup et garde encore l’espoir qu’une intervention de sa femme dissipera ce qu’il considère comme un malentendu[43].
Pour Richelieu, maintenir Marillac en prison est une nécessité. Le prisonnier est un excellent otage et un moyen de pression efficace sur Marie de Médicis. Le cardinal compte utiliser la situation, soit pour empêcher la reine mère d’en venir à des décisions extrêmes, soit pour lui donner satisfaction si elle se résolvait à la composition. Dans l’un ou l’autre cas, il a besoin de réunir les charges les plus lourdes possibles pour dissimuler le procès politique sous l’apparence d’un procès criminel. Richelieu recourt aux services d’un homme de confiance, expert en la matière, Isaac de Laffemas. Ancien comédien et poète, une réputation bien établie lui vaut déjà le surnom de « bourreau du cardinal de Richelieu ». D’une dureté exemplaire, Laffemas est le spécialiste des mises en scène spectaculaires. Il reçoit commission pour dresser l’inventaire des papiers saisis chez le maréchal de Marillac, tandis qu’une armée d’agents de Richelieu amasse tous les ragots possibles concernant les activités de l’ancien gouverneur de Verdun, en particulier ses relations avec Gaston d’Orléans et avec le duc de Lorraine.
L’interception d’une lettre du maréchal de Marillac à son lieutenant Biscarras, lui ordonnant de remettre la citadelle de Verdun au roi, est à elle seule le symbole de la dureté et de la ruse dont peut faire preuve Richelieu. Biscarras n’a jamais, et pour cause, connaissance de l’ordre de Marillac, bientôt accusé de vouloir garder la place, et Biscarras de fomenter une révolte. L’arrestation opportune de quelques officiers ayant servi Marillac conforte la rumeur d’une sédition imminente et le bien-fondé de son emprisonnement.
L’unique chance de salut de Marillac est de servir de monnaie d’échange dans la réconciliation de Richelieu et de Marie de Médicis. Si le prisonnier réussit à faire parvenir une seconde missive à Biscarras, qui restitue Verdun, et à s’affranchir de l’accusation de lèse-majesté, le cardinal-ministre est déterminé à lui faire payer l’obstination de la reine mère et la fuite de Gaston d’Orléans hors du royaume.
L’instruction du procès criminel du maréchal de Marillac, confiée à Laffemas en même temps qu’à une autre créature de Richelieu, Isaac de Moricq, débute fin janvier 1631. Le 29, le maréchal de Marillac a l’habileté de faire saisir la grande chambre du parlement de Paris d’une requête en incompétence des commissaires spéciaux désignés pour instruire son procès. Le Parlement est toujours hostile aux commissions extraordinaires qui le dépouillent de ses prérogatives. L’assemblée décide d’évoquer elle-même l’affaire. Le 6 février, un arrêt du conseil du roi casse la décision du Parlement. Des remontrances sont adressées au roi. Le maréchal de Marillac dépose une nouvelle requête et le Parlement rend un deuxième arrêt en sa faveur. Richelieu n’en tient aucun compte et confirme à Laffemas et à Moricq qu’ils doivent poursuivre la tâche qui leur a été confiée.
Puis la procédure se radicalise : ordre est donné à la maréchale de Marillac et à sa nièce, Mlle d’Attichy, de s’éloigner de Paris, et à un neveu du prisonnier, chanoine de la cathédrale de Verdun, de quitter la ville. Le 13 mai, un tribunal d’exception est institué. Il se compose des deux rapporteurs déjà évoqués, de trois maîtres des requêtes de l’hôtel supplémentaires, dont un personnage important, Paul Hay du Châtelet, de deux présidents et de douze conseillers du parlement de Dijon, où le prisonnier est transféré. Le choix du parlement bourguignon est une véritable offense faite à celui de Paris. Mais une épidémie de peste oblige la commission à se replier à Verdun. Laffemas et Moricq n’hésitent pas à susciter dépositions et dénonciations concernant le détournement supposé, par Marillac, de sommes réservées à la solde et à l’entretien de son armée, concernant des malversations qu’il aurait commises lors des travaux de fortification de la citadelle et des abus d’autorité[44].
Les interrogatoires débutent au mois de juillet 1631. À cette époque, pour une raison inconnue, Laffemas demande à être relevé de ses fonctions ; il est provisoirement remplacé par un autre magistrat au parlement de Dijon, Antoine de Bretagne. Le tribunal d’exception doit se réunir le 28 mais Antoine de Bretagne et Isaac de Moricq répondent que l’instruction n’est pas terminée. Tandis que la cour fait pression pour accélérer la procédure, un nouvel arrêt du parlement de Paris interdit à la chambre criminelle de poursuivre ses investigations et adresse de nouvelles remontrances au roi. Le 12 septembre, Louis XIII doit ordonner aux juges établis à Verdun de poursuivre leur tâche.
Au vrai, les hommes de loi chargés de l’instruction doutent du bien-fondé et de la légalité de la procédure. Ils autorisent le maréchal de Marillac à choisir un avocat, un procureur et deux de ses parents comme solliciteurs. Le choix du prisonnier se porte sur des avocats parisiens, ainsi que sur Mlle d’Attichy et sur Jacques Jacob, un de ses familiers. Le gouvernement réplique en exilant la nièce de Marillac et en interdisant aux avocats de quitter Paris. La chambre criminelle de Verdun se montre de plus en plus rétive. La procédure judiciaire s’enlise tandis que le maréchal de Marillac multiplie les requêtes en récusation de ses juges. Furieux de voir ses intentions déjouées, le cardinal-ministre décide alors de faire « défense à la chambre souveraine établie à Verdun de plus s’assembler jusqu’à ce qu’il ait été pourvu auxdites récusations »[45]. Les juges sont dessaisis et les commissaires renvoyés chez eux.
Mme de Marillac vient de décéder. La nouvelle frappe le prisonnier de plein fouet et au pire moment. Conservant néanmoins quelques illusions, le maréchal de Marillac interprète le désaveu du tribunal de Verdun comme un effet de la clémence de Richelieu.
Au mois de décembre 1631, Louis XIII et sa cour séjournant en Lorraine, Marillac tente de sonder le gouvernement en lui envoyant son procureur, qui n’est reçu ni par le roi, ni par Richelieu. Qui plus est, tous les prisonniers détenus à Sainte-Menehould sont libérés, sauf les gens du maréchal. Ce dernier persiste et dépêche à Metz son avocat, Rouyer, les réponses arrachées à Richelieu sont glaciales. Le prisonnier se raccroche au moindre espoir. Dans l’éventualité d’un deuxième entretien avec le cardinal, un mémoire justificatif est préparé. La réponse est décevante : il faut laisser le procès se dérouler. À cette fin, Marillac est transféré à Pontoise, puis à Rueil. L’ordre de s’y rendre porte la date du 8 mars 1632 ; le procès entre dans sa phase ultime.
La nouvelle chambre criminelle chargée d’instruire le procès est composée de treize conseillers au parlement de Dijon, qui a eu le bon goût de condamner les complices de Marie de Médicis et de Gaston d’Orléans, de deux conseillers d’État et de huit maîtres des requêtes. Elle est présidée par le marquis de Châteauneuf, qui a été promu garde des sceaux à la place de Michel de Marillac.
Les travaux débutent le 10 mars ; les requêtes de l’accusé sont d’emblée écartées. Les charges qui lui sont imputées sont les détournements opérés sur la subsistance et la solde de l’armée de Champagne, les malversations commises dans l’adjudication des travaux de construction de la citadelle de Verdun, les corvées et prestations en nature ou en argent abusivement imposées aux communautés du pays. L’accusation de lèse-majesté n’est pas explicitement formulée mais elle reste sous-jacente. Que le maréchal de Marillac ait, ou non, commis des irrégularités, Richelieu entend frapper de manière exemplaire l’ancien capitaine des gardes de Marie de Médicis, le frère du garde des sceaux disgracié, l’ami du cardinal de Bérulle, l’un des chefs de file du parti dévot. Le cardinal-ministre a bien l’intention de lancer un avertissement sans frais à tous ceux qui auraient l’outrecuidance de s’opposer ou de critiquer la politique du gouvernement. Isaac de Laffemas, de retour dans l’affaire, est chargé de mener le procès à son terme[46]. Richelieu y tient d’autant plus que Marie de Médicis déclenche une violente campagne de presse et de libelles dans le royaume pour dénoncer les méthodes et les objectifs de son adversaire. Les pamphlets attaquant le gouvernement et les juges de Marillac se multiplient et se font de plus en plus acerbes[47].
Au début du printemps, le prisonnier dépose une énième requête en récusation des membres de la commission chargée d’instruire son procès et s’élève en particulier contre la présence de Paul Hay du Châtelet[48], tandis que Marie de Médicis et Gaston d’Orléans tentent encore d’intimider les juges par voie épistolaire[49].
Le 28 avril, le maréchal de Marillac comparaît enfin devant le tribunal d’exception réuni pour le juger. Les parents du maréchal de Marillac réitèrent en son nom la récusation de Paul Hay du Châtelet : l’acte fait état de paroles outrancières prononcées par l’intéressé et d’un pamphlet haineux dont il serait l’auteur. Mais la procédure doit être abandonnée : le maréchal de Marillac, enfermé et étroitement surveillé, ne peut signer la requête. Se voyant isolé de son entourage et privé de tout contact, le prisonnier demande à être à nouveau entendu par la chambre de justice du parlement de Paris. Le 4 mai, Louis XIII réunit son Conseil et convoque le garde des sceaux ainsi que quelques juges, dont Paul Hay du Châtelet. Il apparaît effectivement que ce dernier a porté des accusations trop vives contre le prisonnier. Il est disgracié et à son tour incarcéré[50].
Au sein du tribunal, les désaccords sur les charges à retenir contre le maréchal de Marillac prolongent les discussions. Les délibérations n’arrivent à leur terme que le 7 mai : treize juges se prononcent pour la mort, dix pour le bannissement ou l’exil. Trois jours plus tard, Louis de Marillac est exécuté en place de Grève. Aveu terrible de mauvaise conscience, Louis XIII donne ordre, dès la fin du procès, de brûler les procès-verbaux de la procédure originale. La brutalité de la méthode souligne la volonté de Richelieu, appuyé par le roi, d’affirmer son autorité et celle du principe monarchique. Elle révèle aussi les freins opposés à la tendance pré-absolutiste par les instances judiciaires françaises.


Au mois de décembre 1631, des édits de Louis XIII portant création de commissions extraordinaires soulèvent une vive agitation dans le milieu parlementaire. Richelieu et le roi entendent attribuer le jugement des causes touchant l’ordre public à des commissaires spécialement désignés. Une commission de justice vient justement d’être mise en place à l’Arsenal de Paris afin de poursuivre des faux-monnayeurs. Le parlement de Paris y voit une atteinte à ses prérogatives, et fait tout pour s’opposer à l’enregistrement des édits de création des commissions.
Le 30 janvier 1632, le roi, par la voix du marquis de Châteauneuf, fait part de son mécontentement aux représentants des parlementaires réunis à Metz. Le souverain déclare refuser les remontrances de l’assemblée et déchoit ses membres du titre de conseiller. Il rappelle le caractère « monarchique » de l’État et entend faire respecter son autorité. À la suite du discours du garde des sceaux, le premier président au Parlement, Nicolas Le Jay, sollicite la grâce du roi et le maintien des parlementaires dans leurs charges, mais justifie leur attitude, à la grande colère de Louis XIII, et au vif mécontentement de Richelieu et de Châteauneuf. Sous le coup de l’émotion, le roi prend lui-même la parole et affirme sans ambages la prééminence de l’autorité royale sur l’autorité parlementaire. Puis le cardinal s’adresse à son tour aux représentants du Parlement pour leur enjoindre d’obéir aux ordres qui leur ont été donnés. Le cardinal-ministre se montre plus conciliant que le souverain et se déclare favorable au maintien des parlementaires dans leurs charges, sous réserve que ceux-ci obéissent enfin au roi et enregistrent les édits nécessaires à la réforme judiciaire. La querelle est d’autant plus importante que la résistance opposée par les juges met en cause le système de justice d’État voulu par Richelieu, et l’instruction du procès politique par excellence, celui du maréchal de Marillac, que le cardinal-ministre souhaite voir aboutir le plus rapidement possible.
La chevauchée du Languedoc
C’est dans ces circonstances que Monsieur, début juin, entre en armes dans le royaume. Le 13, il publie à Andelot un Manifeste où il expose ses objectifs et justifie le déclenchement de la guerre civile[51]. Le duc d’Orléans se présente comme le libérateur de la tyrannie qu’exerce Richelieu sur le roi et sur la population du royaume. Pour compenser la défection du duc de Bellegarde, il compte sur le ralliement du duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, qui l’a pourtant mis en garde contre toute précipitation[52]. Le 15, le marquis de Bourbonne annonce l’arrivée de Gaston devant Dijon[53]. La population de la ville est profondément hostile à l’entreprise, car les troupes rebelles vivent à ses dépens comme en pays conquis. Le frère du roi amorce une chevauchée qui le conduit à mettre à feu et à sang les provinces qu’il traverse. Il est sans pitié pour ceux qui lui résistent et demeurent fidèles à Richelieu. Face, pourtant, à la détermination des Bourguignons, il doit prendre le chemin de la Bresse. À la fin du mois de juin, le maréchal de Créqui, à son tour, prend les mesures défensives nécessaires pour empêcher les rebelles d’entrer dans le Dauphiné.
Depuis 1630, des troubles agitent le sud du royaume. Les révoltes anti-fiscales se multiplient et le duc d’Orléans a l’intention d’exploiter la situation. Le royaume est soumis à deux régimes distincts de fiscalité : les pays d’états d’une part, les pays d’élections de l’autre (environ les deux tiers du territoire). Cinq provinces bénéficient du statut de pays d’états : la Bourgogne, la Bretagne, le Dauphiné, le Languedoc et la Provence. Leurs habitants payent la taille réelle, impôt foncier qui ne grève que la terre. Celui qui n’en a pas est exempté. De plus, seules les terres de roturiers sont taxées. Celles des nobles sont exemptées et une terre réputée noble reste telle, quel que soit son acquéreur. À l’inverse, une terre roturière le demeure également, même achetée par un noble, qui doit alors acquitter la taille. Chaque année, la somme à payer au trésor royal par les pays d’états est communiquée aux états provinciaux. L’impôt est ensuite réparti entre les contribuables par les députés des trois ordres des provinces concernées.
Dans les pays d’élection, au contraire, la taille est personnelle. L’impôt est direct ; il affecte les revenus des contribuables et est fixé chaque année arbitrairement par le gouvernement. Infailliblement, les dépenses imprévues affluent en cours d’exercice budgétaire, surtout en temps de guerre. Des levées supplémentaires sont alors organisées et une « crue » est ajoutée à la somme primitivement fixée. Les levées supplémentaires deviennent tellement régulières que la crue finit par être considérée comme un élément normal de la taille. Un procédé similaire est employé pour les anticipations. À la suite de prélèvements anticipés, la taille de l’année à venir peut être épuisée avant même son échéance. Elle est alors mise à jour en tenant les anticipations pour nulles et la taille est à nouveau levée comme si rien n’avait été perçu auparavant. D’où un doublement pur et simple de l’impôt ! On comprend l’intérêt du gouvernement à préférer la taille personnelle à la taille réelle, d’autant qu’aux crues ordinaires et extraordinaires peuvent même s’ajouter des crues super extraordinaires et que la vente des charges d’élus et d’officiers chargés de la levée de l’impôt est une source de profit conséquente.
Les pays d’élection forment seize recettes générales qui correspondent aux circonscriptions administratives, les généralités. À la tête de chaque recette générale est placé un général des finances. La recette elle-même se divise en plusieurs entités, les élections, qui sont les unités fiscales de base. Le général des finances est informé du montant de la somme assignée à sa circonscription et procède à la répartition entre les élections de son ressort.
À l’intérieur de chaque élection, la ventilation de l’impôt est effectuée par les élus. Leur recrutement s’opère surtout parmi les hommes de loi en possession d’un niveau de fortune suffisant pour leur permettre de s’acquitter du prix de leur charge. Les élus sont assistés dans l’exercice de leurs fonctions par des lieutenants, primitivement de simples commis choisis et rétribués par les élus eux-mêmes. Au début du xvie siècle, cette hiérarchie est déjà une source de revenus considérables. Mais il s’avère rapidement que les officiers du fisc ne sont pas assez nombreux. Les charges de contrôleur des tailles et de receveur des tailles sont créées. Puis le nombre de receveurs est doublé par la mise en place dans chaque emploi de deux titulaires alternatifs, l’un pour les années paires, l’autre pour les années impaires. Un troisième officier leur est adjoint dans une dernière étape, le receveur triennal qui n’opère que tous les trois ans. À chaque office correspondent donc trois titulaires qui ont payé leur charge mais que le gouvernement doit rémunérer tous les ans alors qu’ils ne travaillent qu’une année sur trois. Le clergé et la noblesse sont par ailleurs exemptés de la taille ainsi que tous les officiers ayant acheté leur charge. Et le gouvernement encourage les inégalités par la vente aux enchères de privilèges individuels accordant dispense pour tous les impôts directs ! Richelieu souhaite étendre le système en vigueur dans les pays d’élections aux pays d’états. Les rentrées fiscales immédiates dans les caisses du royaume seraient considérables. Mais le projet suscite de vives oppositions.
En Provence, la perception de l’impôt a été confiée à des agents du roi, en remplacement des agents de la province, au vif mécontement de la population. Sachant sa position fragile, le gouverneur de la province, le duc de Guise, a laissé faire, avant de partir en exil, menacé par l’armée de Condé. En 1632, tandis que Richelieu se réserve personnellement l’intégralité des affaires maritimes, la charge vacante est confiée au maréchal de Vitry.
En Languedoc, le projet d’établir des élus a provoqué l’opposition des états et celle du parlement de Toulouse. Le gouverneur, Henri de Montmorency, semblait jusque-là soucieux de se ménager les meilleures relations possibles avec le roi, afin de préserver son indépendance personnelle.
Né en 1595, il est le fils du connétable Henri ier de Montmorency, maréchal de France. Orphelin de père en 1614, il jouit très jeune d’un pouvoir quasi absolu en Languedoc, d’une grande popularité et d’une vie particulièrement luxueuse. Cinquante gentilshommes et trente pages l’accompagnent dans tous ses déplacements. Maître des états du Languedoc, le duc de Montmorency, qui a, en outre, épousé une nièce du pape Sixte Quint, Marie-Félice des Ursins, est un gouverneur tout-puissant dans une province éloignée du pouvoir central et limitrophe de l’Espagne.
Il a soigneusement évité de prendre parti dans les querelles de cour. En 1620, Marie de Médicis, en exil à Angoulême, a tenté en vain de l’attirer dans sa faction. Louis XIII a récompensé le gouverneur du Languedoc en lui conférant le collier de ses ordres. La même année, il s’est rangé aux côtés de son souverain pour combattre les protestants et a dirigé le siège de Montpellier face au duc de Rohan.
Mais la loyauté dont le duc de Montmorency a eu l’intelligence de faire preuve n’a pas empêché son implication involontaire dans les cabales dont Marie de Rohan-Montbazon, devenue Mme de Luynes, a le secret. En 1618, la future duchesse de Chevreuse a été nommée surintendante de la Maison de la reine. Or la veuve du connétable de Montmorency venait d’accepter la charge de dame d’honneur à condition qu’il n’y ait pas de surintendante. Henri a pris le parti de sa belle-mère, Laurence de Clermont-Montoison et protesté auprès du roi, sans rien obtenir.
Quelque temps plus tard, est survenue une affaire beaucoup plus grave. Le duc de Montmorency a rencontré Anne d’Autriche en Languedoc en 1621. Le 26 février 1623, à la stupeur générale, lors d’une fête donnée à la cour, le poète Théophile de Viau a donné lecture de vers composés par le gouverneur du Languedoc, une déclaration d’amour à la jeune reine, qui a reçu, semble-t-il, l’hommage avec faveur. Louis XIII ne pouvait accepter un tel affront. Deux camps se sont constitués à la cour : Montmorency et Bourbon autour d’Anne d’Autriche, la duchesse de Chevreuse et les Guise autour du roi. Marie de Médicis a alors obtenu qu’aucun homme ne puisse plus entrer dans le cabinet de sa belle-fille. L’incident en est resté là.
Le duc de Montmorency a pu poursuivre sa carrière, non sans humiliations. Le 16 septembre 1625, il a remporté, en tant qu’amiral, la victoire navale de l’île de Ré. Mais celle-ci a été confiée à Toiras, inférieur en grade au gouverneur du Languedoc. Richelieu n’a jamais apprécié le duc de Montmorency, type même du prince dont l’ostentation ne pouvait que nuire à la bonne gestion des affaires[54].
Bien qu’il ait mis à la disposition du roi une flotte et des troupes entretenues à ses frais, bien qu’il se soit déclaré prêt à prendre La Rochelle avec quelques contingents supplémentaires, il n’a pas été davantage écouté. Richelieu l’a obligé, de surcroît, à se défaire de sa charge d’amiral, moyennant, toutefois, plus d’un million de livres de dédommagement.
Mécontent du sort qui lui a été réservé, le duc de Montmorency s’est rapproché de Gaston d’Orléans. En 1627, l’exécution de François de Montmorency-Bouteville, cousin du duc, a encore ajouté à son amertume et à son ressentiment. L’année suivante, il a pourtant repris la guerre contre le duc de Rohan, participé au siège de Privas et, après la paix d’Alès, reçu Richelieu dans son château de La Grange-des-Prés, près de Pézenas.
Mais, au cours de l’été 1628, Louis XIII a augmenté de deux cent mille livres la charge fiscale pesant sur le Languedoc pour financer le siège de La Rochelle. Les états ont eu beau protester, revendiquant haut et fort leur droit à consentir l’impôt, les trésoriers de France installés dans les diocèses de la province ont établi les rôles, et provoqué une levée de boucliers : receveurs diocésains, consuls, syndics de communautés, le parlement de Toulouse, tous ont protesté. L’attachement de la province à ses franchises régionales est apparu de manière plus éclatante encore le 3 mai 1629 lorsque les états du Languedoc, à leur tour, ont exprimé leur désapprobation. Au début du mois de juillet, un conseiller d’État, Viguier, et deux trésoriers de France sont arrivés sur place en tant que commissaires du roi chargés de lever cinq cent mille écus pour l’armée. Le 18, Richelieu lui-même se trouvant à Montpellier a établi des élus, sans obtenir l’aval nécessaire des juges toulousains.
Le conflit dure plus de deux ans ; la dissolution des états du Languedoc est même prononcée par le roi. À Paris, le duc de Montmorency tente de négocier. Il obtient le rétablissement de l’assemblée, qui reçoit le droit de consentir les impôts établis. Le projet d’installation des élus est provisoirement remis. Mais des commissaires royaux chargés de l’assiette et de la répartition de l’impôt doivent leur être substitués. Malgré toutes ces difficultés et ses rancoeurs personnelles, Henri de Montmorency reste encore quelque temps fidèle au roi et s’engage auprès de lui lors de la campagne d’Italie, en Savoie et en Piémont. La duchesse retrouve elle-même la cour à Lyon et, pendant la maladie du roi, le gouverneur du Languedoc offre une retraite sûre à Richelieu.
Après la journée des Dupes, le duc de Montmorency semble enfin récompensé : il est nommé maréchal de France. On promet aussi le rétablissement en sa faveur des titres de connétable et de grand chambellan. Le 23 décembre 1630, Richelieu et Marie-Félice des Ursins sont parrain et marraine du prince de Conti, second fils de Condé. Mais, en 1631, au grand dam des états, deux nouveaux commissaires royaux arrivent en Languedoc pour superviser les opérations de recouvrement de l’impôt : il s’agit de Robert Miron et de Michel Particelli d’Hémery. Des officiers subalternes sont installés dans toute la province pour rétablir les tailles.
L’évêque d’Albi, Alphonse d’Elbène, exerce une influence locale essentielle. Il possède des parents dans l’entourage de Gaston d’Orléans, et comme Marie-Félice des Ursins, il pousse le duc de Montmorency à agir contre Richelieu, qui ne tient pas ses promesses et ne rétablit pas les charges promises. Quoi qu’il arrive, le gouverneur du Languedoc, qui se garde de rompre ouvertement avec la cour, sait qu’il peut compter sur le soutien d’une clientèle considérable : de vieilles familles féodales, comme les Crussol, les Lévis ou les Polignac ; le haut clergé ; quelques évêques d’origine italienne, comme Alphonse d’Elbène ou Clément Bonzi, évêque de Béziers.
Le 23 janvier 1632, un autre prélat, celui-là favorable à Richelieu et à Louis XIII, l’archevêque de Narbonne, Claude de Rebé, écrit au cardinal-ministre son inquiétude et les difficultés que les commissaires royaux rencontrent auprès de l’assemblée des états réunie à Pézenas pour s’y faire admettre. Les Languedociens expriment plus que jamais leur volonté d’être maintenus dans leurs privilèges[55].
C’est à cette époque que s’expriment les premiers doutes concernant la réelle loyauté du duc de Montmorency à l’égard de son souverain. L’information, à défaut de pouvoir être infirmée ou confirmée, est soigneusement conservée. Officiellement pour parer à l’éventualité d’une révolte des protestants du Languedoc, le marquis de La Force est envoyé sur place[56], bientôt rejoint par son père, le maréchal, et par Henri de Schomberg.


Le frère du roi, après avoir vainement tenté de soulever la Bourgogne, a passé la Loire et se dirige vers l’Auvergne. Au début du mois de juillet, la ville de Moulins est menacée. Faute d’effectifs militaires suffisants, le lieutenant général au gouvernement d’Auvergne, François de Noailles, n’a pas les moyens de s’opposer au duc d’Orléans. Monsieur gagne sans difficulté les portes de Vichy ; il s’empare très provisoirement de la place de Cusset et reste trois jours aux environs de Saint-Flour. La cité reste close. Les rebelles prennent alors la route du Gévaudan et le château de Vodable.
Le duc de Montmorency, qui, après de longues tractations, a accepté l’installation de six élus[57], assure la municipalité de Narbonne de sa loyauté à l’égard du roi et propose d’organiser la défense de la ville. Mais les habitants, à la suite de leur archevêque, jugent l’attitude du gouverneur suspecte. Leurs représentants déclarent l’autorité municipale préférable à celle d’une seule et unique personne. Montmorency ordonne alors le repli de ses troupes de la cité, où sévit la peste, vers la citadelle. La mise en défense ouvre les yeux de Particelli d’Hémery : la duplicité du gouverneur ne fait plus aucun doute.
Le 22 juillet, Henri de Montmorency, au cours d’une réunion des états, annonce lui-même son entrée en dissidence. Malgré l’opposition de l’archevêque de Narbonne, qui est arrêté en même temps que le représentant du roi, Particelli d’Hémery, les états décident de le suivre[58]. Quelques jours plus tard, le maréchal de La Force, dont l’armée est considérablement affaiblie, appelle Louis XIII à son secours : le duc d’Orléans est arrivé à Lodève après s’être emparé de Lagrasse et de MontlaurLe maréchal de La Force à Richelieu, vers le 5 août 1632, MAE, coll. MD France, vol. 802, fol. 423-424..
Montmorency s’évertue à proclamer sa fidélité à l’égard de Louis XIII et jure au comte d’Alès, Louis-Emmanuel de Valois, qu’il n’a aucun contact avec Monsieur. Il considère comme injurieux la venue du maréchal de La Force en Languedoc, ainsi que le commandement qui lui a été confié à l’intérieur du gouvernement, dont lui, duc de Montmorency, est en charge. Il certifie même qu’aucun soldat n’était sur le pied de guerre avant l’arrivée de l’armée royale[59] et opére sa jonction avec le frère du roi, à Lunel, le 30 juillet.
Tous les Languedociens ne sont pas partisans d’une telle attitude. Le parlement de Toulouse, en particulier, qui a appuyé la résistance légale des états à l’installation des élus, refuse de prendre part à la sédition. Tandis que Mazarin, au mois d’août, interdit à Monsieur l’entrée à Avignon et dans le Comtat Venaissin[60], Louis XIII quitte Fontainebleau pour en finir. Le maréchal de Vitry doit lui aussi venir prêter main-forte au maréchal de La Force.
Le duc de Montmorency et Gaston d’Orléans ne disposent que de moyens limités : à l’approche des troupes royales, menées par le maréchal de Schomberg, ils entreprennent une marche désespérée vers Castelnaudary. La confrontation a lieu le 1er septembre : les rebelles sont écrasés[61]. Le comte de Moret trouve la mort ; le duc de Montmorency, blessé, est capturé. Les habitants d’Albi chassent leur évêque. Les places fortes tombées sous le joug du parti adverse se rendent les unes après les autres aux soldats de Louis XIII.
Le gouverneur du Languedoc est conduit à Lectoure puis à Toulouse, où s’ouvre son procès. Marie-Félice des Ursins se place sous la protection de Monsieur, puis reçoit l’ordre de se retirer au château de La Grange-aux-Prés. Albi, Beaucaire et Alès se soumettent au roi.
Gaston d’Orléans est, quant à lui, contraint de se réfugier à Béziers ; il doit désormais composer et discuter. Une semaine après la bataille, il transmet ses desiderata à Richelieu : Monsieur réclame la libération du duc de Montmorency, le rétablissement des ducs d’Elbeuf et de Bellegarde dans leurs droits et prérogatives, ainsi qu’une place de sûreté. Il exige aussi le rétablissement de la reine mère dans ses biens et pensions et la restitution au duc de Lorraine des places occupées par les troupes françaises[62].
Louis XIII arrive en personne en Languedoc le 15 septembre, non sans avoir fait saisir cinq cent cinquante mille livres à l’hôtel de Montmorency à Paris et déclaré les propositions de Monsieur inacceptables[63]. Les négociations s’engagent pourtant entre le souverain et son cadet, grâce à la médiation de Claude de Bullion. Le 23, les termes d’un accommodement sont établis.
Gaston doit promettre d’abandonner toute faction hostile au roi de France. Aucune grâce ne saurait être accordée aux étrangers enrôlés sous la bannière de Monsieur, qui s’engage aussi à écarter de son entourage les personnages les plus perturbateurs. Des préventions particulières sont formulées contre Puylaurens[64]. Si le roi rétablit son frère dans ses anciens privilèges, c’est Richelieu qui rédige lui-même les termes du repentir que Monsieur doit signer. Louis XIII pardonne à son cadet et à ses « domestiques », mais pas à Montmorency ni aux partisans du duc d’Orléans restés à Bruxelles.
En octobre, le comte d’Argenson procède à l’arrestation des gentilshommes qui se sont ralliés à Monsieur pendant sa chevauchée. Certains tentent de se faire reconnaître la qualité de « domestique » pour bénéficier de l’amnistie royale[65]. Le duc de Bellegarde, en raison de son attitude équivoque, est démis de ses biens et de son gouvernement de Bourgogne par le parlement de Dijon. Il est reconnu coupable d’avoir accueilli le duc d’Orléans dans sa province et de l’avoir suivi en Lorraine. Le malheureux n’a pourtant pas pris part à la révolte armée ; il a même sollicité la clémence de son souverain et lui est resté fidèle. La répression, une fois encore, se veut exemplaire. Le gouvernement de Bourgogne est confié au prince de Condé[66].
Le parlement de Toulouse est parallèlement désigné pour juger le duc de Montmorency[67]. Le marquis de Châteauneuf préside l’instruction. Les interrogatoires débutent le 28 octobre. Montmorency ne cherche pas à nier et ne se défend pas. Il assume parfaitement sa conduite. La noblesse multiplie les interventions pour le sauver, rien n’y fait[68]. Au terme d’une procédure plus qu’expéditive, il est condamné à mort et exécuté[69].
La rapidité de l’instruction situe l’affaire dans la droite ligne des procès politiques dont sont victimes les ennemis du cardinal, à l’instar de Louis de Marillac ou de Louis Deshayes de Cormenin. Mais la sanction revêt aussi un caractère singulier en ce que le cardinal frappe celui qu’il considère comme le chef de file des Grands, le représentant des princes qui ont fomenté tant de révoltes, qui n’ont jamais cessé de jalouser le principal ministre du roi[70]. Louis XIII soutient pleinement son ministre et publie une lettre circulaire par laquelle il déclare vouloir faire du procès du duc de Montmorency l’exemple même du châtiment qu’encourent les rebelles à l’autorité du roi[71]. Le cardinal-ministre fait savoir aux Grands qu’il bénéficie désormais d’un pouvoir suffisant pour pouvoir les réduire au silence, et que nul n’est à l’abri. Marillac était de naissance relativement modeste, mais Montmorency appartient à l’une des plus grandes familles du royaume, dont sont issus nombre de connétables, maréchaux ou amiraux. Le procès du duc de Montmorency donne la mesure des progrès accomplis par Richelieu dans la confiance du roi et dans l’affermissement de son pouvoir personnel.
L’année 1632 est essentielle pour le pouvoir royal et pour son serviteur le plus dévoué. Elle est marquée par la volonté inébranlable de Richelieu d’imposer l’autorité de son souverain, sans aucun conteste, de quelque nature que ce soit, mais aussi d’affirmer son propre pouvoir. Le 12 août, Louis XIII réunit un lit de justice pour faire enregistrer une déclaration contre son frère et ses complices. Alors que la révolte du Languedoc n’est pas encore matée, le roi entend imposer au Parlement un acte de pure glorification monarchique, par l’intermédiaire de son garde des sceaux, qui réclame les honneurs dus à un chancelier. Le roi saisit l’occasion pour faire valoir ses prérogatives souveraines et ordonne aux présidents des parlements de se lever à l’entrée de Châteauneuf et de le saluer. L’usage veut au contraire qu’un président de Parlement ne suive un tel protocole qu’à l’arrivée du chancelier ou à celle d’un autre président. Face aux prétentions renouvelées de l’autorité judiciaire, il s’agit en fait de souligner la restauration des prérogatives royales depuis la régence de Marie de Médicis. Le parlement de Paris s’estime au contraire libre d’appliquer le cérémonial que les usages ont imposé. Pour lui, l’honneur rendu par les présidents n’est pas une simple affaire de civilité. Le geste est institué de longue date par lettres patentes enregistrées au Parlement. Il reviendrait exclusivement à ce dernier à décider du cas du garde des sceaux. Louis XIII impose cependant l’innovation. Puis la déclaration du roi à propos du duc d’Orléans ayant été lue, et l’avocat général Bignon s’étant exprimé, le marquis de Châteauneuf sollicite, comme le veut la procédure, l’avis du souverain. Ce dernier appelle alors à ses côtés les princes du sang, Condé et Soissons, ainsi que deux prélats, les cardinaux de Richelieu et de La Valette. Or, à ce stade de déroulement protocolaire, le roi devrait être seul. De surcroît, il met à égalité et en concurrence les princes d’Église et les princes du sang. Les présidents du Parlement ne peuvent, quant à eux, s’exprimer qu’en troisième position. Désormais, la coutume est subordonnée à la volonté du prince.
Le pouvoir royal, de plus en plus autoritaire, est en mesure d’affirmer sa position centrale et centralisatrice, à l’échelle du royaume et à celle de l’Europe. Le 11 octobre 1632, l’édit de Béziers supprime les anciennes franchises accordées aux états du Languedoc. Le 27, le maréchal de Schomberg est reçu par le parlement de Toulouse comme nouveau gouverneur de la province, juste récompense décernée au vainqueur de Castelnaudary. À la même époque, pour combattre l’influence des courtisans pro-espagnols, le maréchal de La Force est promu grand maître de la garde-robe du roi et le marquis de Brézé maréchal de France. Richelieu prend soin de transmettre les articles de la soumission de Monsieur au roi de Suède et de les faire traduire en allemand puis imprimer pour les diffuser dans l’Empire et rassurer tous les alliés de la France[72].
Mais, au début du mois de novembre, le duc d’Orléans quitte la ville de Tours où Louis XIII l’a autorisé à résider et gagne à nouveau Bruxelles. La pression de son entourage est déterminante : Puylaurens, en particulier, craint de subir un sort analogue à celui du duc de Montmorency[73]. Gaston est peut-être lui-même convaincu que ses jours sont comptés. Son mariage avec la princesse Marguerite de Lorraine a été révélé par le gouverneur de Languedoc lors de son procès. La rupture avec le roi est irréversible. Monsieur, qui subordonnait sa soumission au pardon de Montmorency, justifie sa fuite en déclarant ne pouvoir se soumettre à l’assujettissement exigé de lui, ni accepter le sort réservé au gouverneur du Languedoc[74].


Au cours de l’hiver, Louis XIII regagne lentement Paris par le Limousin. Richelieu, malade, suit un autre itinéraire, en passant par Brouage et La Rochelle, pour montrer le château de Richelieu à la reine. Non sans arrière-pensées, la duchesse de Chevreuse lui révèle qu’elle a depuis longtemps connaissance de l’union contractée par Monsieur et se déclare renseignée par son amant, le marquis de Châteauneuf. Le cardinal souffre de rhumatismes et du mal qui le mine depuis longtemps déjà, la rétention d’urine. La densité des événements qui ont marqué les années 1631 et 1632 laisse des traces. Il se sent fragilisé, surtout par rapport à Anne d’Autriche, qu’il aimerait tenir sous sa coupe et qui ne cesse de le critiquer.
Le 25 février 1633, Châteauneuf est destitué puis emprisonné au château d’Angoulême. Louis XIII ne lui pardonne pas son échec, ou sa mauvaise volonté, à imposer l’autorité royale au Parlement. Le garde des sceaux est arrêté en même temps qu’un personnage au comportement depuis longtemps suspect, le chevalier du Jars, qu’il a connu quelques années auparavant, en Angleterre, au cours d’une mission diplomatique[75]. Miné par la maladie, Richelieu reproche à Châteauneuf de l’avoir abandonné à la fin de l’année 1632. Le garde des sceaux a aussi commis des maladresses au cours de négociations secrètes menées en Lorraine avec M. de Verderone, représentant de Puylaurens. Surtout, il a conservé une correspondance bien malvenue avec Montagu, avec les comtes de Holland et de Carlisle, avec la reine d’Angleterre[76], ainsi qu’avec Madame de Chevreuse, qu’il a eu l’indiscrétion d’informer du projet d’intervention française à Moyenvic en 1631[77]. Jaloux, Richelieu ne peut, non plus, lui pardonner ses liens avec le chevalier du Jars suspecté d’avoir fomenté le projet, dix-huit mois plus tôt, de faire passer Marie de Médicis et Gaston d’Orléans outre-Manche[78]. Châteauneuf connaissait ces intrigues d’autant, et peut-être surtout, qu’il n’avait jamais rompu le contact avec la reine mère, et qu’il échangeait des courriers réguliers avec Mme du Fargis[79]. Il était enfin resté en possession d’une cassette contenant des lettres léguées par Michel de Marillac[80]. Coupable d’omission mais non de trahison, Châteauneuf est la dernière victime de la journée des Dupes, mais lui au moins a la vie sauve puisqu’il est libéré après la mort du cardinal-ministre.
Quant à Monsieur, son séjour en Flandres s’avère plus difficile que les précédents. L’infante Isabelle-Claire-Eugénie, qui a toujours accueilli favorablement Marie de Médicis et son fils cadet, décède le 1er décembre 1633. Les Grands et le peuple flamand craignent de retomber sous la coupe directe du roi d’Espagne. La révolte gronde et les exilés français doivent envisager l’éventualité de se replier à Madrid. La reine mère est, de surcroît, toujours aussi autoritaire et vindicative et Puylaurens et le père Chanteloube sont désormais ennemis déclarés[81].


C’est également à cette époque que des érudits renommés publient des ouvrages traitant des droits du roi ou des attributs de la souveraineté. En 1632, Cardin Le Bret fait paraître son traité intitulé De la Souveraineté du roi, de son domaine et de la couronne. Charles Hersent, chancelier de l’église cathédrale de Metz, formé à Paris, évoque la souveraineté légitime de Louis XIII sur le pays messin : l’ouvrage survient à point nommé pour préparer l’opinion à l’établissement d’un parlement français en Lorraine. L’institution judiciaire voit effectivement le jour au mois de janvier 1633. Le cas de la Lorraine et des Trois-Évêchés détermine aussi une étude des historiographes Pierre Dupuy et Théodore Godefroy, Traité touchant les droits du roi très chrétien sur plusieurs États et seigneuries possédés par divers princes voisins… Si l’ensemble n’est publié qu’en 1655 par Jacques Dupuy, son élaboration date bien de 1632 et justifie les prétentions territoriales du roi de France. Richelieu se dote également d’un organe de presse destiné à incliner les esprits en sa faveur. En 1631, il convainc Théophraste Renaudot de publier une feuille hebdomadaire de nouvelles, La Gazette, complétée en fin d’année par un cahier séparé, Les nouvelles ordinaires, puis par des Extraordinaires. Toutes les affirmations de la souveraineté française sont l’expression de la nécessité ressentie par Richelieu d’assurer les conquêtes de Louis XIII, conquêtes institutionnelles, politiques ou territoriales.
1-
Dès 1625, le cardinal-ministre envisage dans un avis destiné au roi des acquisitions dans les territoires de Metz, Toul et Verdun et ajoute : « […] sans ce qui se pourra faire dans l’Alsace et le long du Rhin sur lequel il importe à la France d’avoir un passage […] ». Un avis du 13 janvier 1629 reprend la même idée. Richelieu veut se ménager la possibilité d’intervenir au-delà du Rhin de manière permanente, selon les aléas, « tant pour la protection de ses alliés que pour empêcher que ces pais ne tombent absolument soubz l’entière domination de la maison d’Autriche ». Voir S. E. Gardiner, « Un mémoire inédit de Richelieu », Revue historique, 1876, citations respectivement p. 235 et 229.
2-
Concernant l’Alsace, voir L’Europe, l’Alsace et la France. Problèmes intérieurs et relations internationales à l’époque moderne. Études réunies en l’honneur du doyen Georges Livet pour son 70e anniversaire, Colmar, les éditions d’Alsace, 1986 ; G. Livet, L’Intendance de l’Alsace sous Louis XIV, Strasbourg et Paris, Publications de l’Institut des Hautes Études Alsaciennes, 1956.
3-
P. Grillon, Les Papiers de Richelieu, tome V : 1630, Paris, A. Pédone, 1982, p. 108.
4-
H. Bogdan, La Guerre de Trente Ans, Paris, Perrin, 1997, p. 133.
5-
H. Bogdan, La Guerre de Trente Ans, ouv. cit., p. 134.
6-
Le père Joseph doit également remplir une mission autrement plus délicate : « Il avait été chargé d’apaiser le dépit que le bruit d’un projet d’union de Gaston avec Marguerite de Lorraine inspirait à Marie-Louise de Gonzague et qui risquait de faire manquer un mariage pour lequel, depuis l’éloignement de la Reine mère, le Roi et le cardinal ne cachaient plus leur préférence », G. Fagniez, Le père Joseph et Richelieu (1577-1638), Paris, Hachette, 1894, t. 1, p. 580.
7-
Louis XIII au maréchal de La Force, Château-Thierry, 9 décembre 1631, dans P. Grillon (éd.), Les Papiers de Richelieu, t. VI : 1631, ouv. cit., p. 712.
8-
L’héritier du duc Charles de Gonzague, le duc de Rethélois, décède fin 1631, le roi de France prend à la même époque la défense des droits de Marguerite de Gonzague, veuve du duc Henri II de Lorraine, et de Marie de Gonzague sur le duché de Mantoue. Toutes deux remercient Richelieu de l’aide qu’elles reçoivent au début de l’année 1632. Voir la lettre inédite de la duchesse douairière de Lorraine au cardinal-ministre, MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 84 ; et celle de la duchesse de Rethélois, ibid., fol. 87-88. Jusqu’à son décès, Marguerite de Gonzague exprime ses ambitions concernant le Montferrat.
9-
Instructions du roi à M. de Saint-Étienne, s.l.s.d., MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 62-63.
10-
Mémoire concernant les Affaires de Lorraine, s.l.s.d., MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 66-69.
11-
Richelieu à la duchesse de Chevreuse, 3 janvier 1632, MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 193, publiée par L.-M. Avenel, Lettres et instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 237.
12-
G. Fagniez, Le Père Joseph et Richelieu…, ouv. cit., t. 1, p. 587.
13-
Malgré l’importance diplomatique de Moyenvic, Richelieu, dans ses Mémoires, a quelques difficultés à justifier le coup de force perpétré aux dépens de la Lorraine : « La prise de cette place [Moyenvic] fortifiée en tant de temps, et conquise en si peu de jours, donna une grande réputation à Sa Majesté. Il restoit à savoir comme Sa Majesté se devoit gouverner avec le duc de Lorraine. Il étoit certain qu’en l’état où le duc de Lorraine s’étoit mis, il n’y avoit que le Roi, qui, après Dieu, pût le protéger et empêcher qu’il ne fût dépouillé de ses Estats. L’état présent des affaires du monde faisoit trop connaître cette vérité pour qu’il fût besoin de la prouver. La misère de l’Empereur, la foiblesse de l’Espagne, la ruine des électeurs et de la Ligue catholique, la perte que ledit duc avoit faite de toutes ses forces en faisoient une démonstration évidente. […] Il y avoit beaucoup à dire pour savoir si le Roi devoit entreprendre la protection du duc de Lorraine. Plusieurs raisons l’en pouvoient détourner : sa mauvaise conduite en son endroit, le juste sujet qu’il lui avoit donné d’entreprendre contre lui, et l’occasion qu’il avoit d’augmenter l’étendue de son royaume sans rien commettre à la fortune, la considération qu’il devoit faire du roi de Suède […] », dans M. Petitot (éd.), Mémoires de Richelieu, coll. des Mémoires relatifs à l’histoire de France, Paris, Foucault, 1823. L’extrait est tiré du tome VII, p. 1.
14-
Les clauses du traité de Vic ont été publiées par M.-C. Vignal Souleyreau, Richelieu et la Lorraine, ouv. cit., p. 373-375.
15-
Richelieu explique, dans ses Mémoires, qu’il s’agissait alors d’« arrêter les entreprises continuelles du duc de Lorraine, veiller aux droits du Roy, établir entièrement son autorité en ce pays […], y établir une bonne justice, laquelle, par anciennes concessions des empereurs et rois de France, ayant été laissée aux particuliers sans appel en beaucoup de chefs, s’était exercée par passion et injustice à la foule des peuples », cité par G. Zeller, La Réunion de Metz à la France, ouv. cit., vol. 2, p. 275, note 1.
16-
Bibliothèque nationale de France [ci-dessous abrégée BnF], coll. Cinq cents de Colbert, vol. 83, fol. 255 ro. Le père du duc de Lorraine et de Marguerite déclare même : « Si ma fille n’est propre à devenir un jour reine de France, elle sera du moins bonne à être abbesse de Remiremont », cité par Dom Calmet, Histoire de la Lorraine…, ouv. cit., t. VI, p. 69.
17-
Cette union a fait l’objet d’une étude détaillée, mais ancienne, celle de l’abbé A. Degert, « Le Mariage de Gaston d’Orléans et de Marguerite de Lorraine », Revue historique, 1923, no 143, p. 161-180 ; 1923, no 144, p. 1-57.
18-
Le détail des événements est connu grâce à l’attestation que le prêtre rédige pour authentifier la validité de l’union qu’il consacre. Institut, coll. Godefroy, vol. 338, fol. 313.
19-
M. Petitot (éd.), Mémoires de Richelieu, ouv. cit., t. VII, p. 11-12.
20-
Ibid.
21-
Dom Calmet, Histoire de la Lorraine…, ouv. cit., t. VI, p. 72.
22-
Richelieu au roi de Suède, 7 janvier 1632, lettre publiée par L.-M. Avenel, Lettres, instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 244.
23-
Comme le maréchal de Marillac, Deshayes de Cormenin ne tarde pas à être jugé ; son procès se déroule au mois de septembre 1632. Les procès-verbaux en sont conservés au MAE, coll. MD France, vol. 803-805.
24-
Lettre publiée par Dom Calmet, Histoire de la Lorraine…, ouv. cit., t. VI, p. 72-73.
25-
Le baron de Chamblay, envoyé de Louis XIII en Lorraine, à Richelieu, Nancy, 28 février 1632, MAE, CP Lorraine, vol. 9, fol. 203-204.
26-
Ibid.
27-
Une lettre de Matthieu Molé à Richelieu, fin mai 1632, souligne les manquements du duc de Lorraine, bibliothèque Victor Cousin, coll. Richelieu, vol. 15, fol. 115.
28-
Billet anonyme adressé à Richelieu, 23 avril 1632, MAE, coll. MD France, vol. 804, fol. 107.
29-
Par mesure de sécurité, la duchesse de Bavière a même dû abandonner Munich : Jean de Rechignevoisin, sieur de Guron, à Richelieu, Nancy, 15 avril 1632, MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 234-235.
30-
Abritée derrière de hautes murailles récemment restaurées, la cité a cru trouver en Gustave-Adolphe un protecteur efficace du protestantisme contre la Réforme catholique voulue par les Habsbourg et a abandonné au début de l’année la neutralité qu’elle observait jusqu’alors.
31-
Le maréchal d’Effiat à Richelieu, Saint-Avold, 26 mai 1632, MAE, coll. CP Lorraine, vol. 10, fol. 306-307.
32-
Effiat à Richelieu, Courcelles, 25 mai 1632, MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 299-300.
33-
MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 270, L.-M. Avenel (éd.), Lettres, instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 303.
34-
Louis XIII à Richelieu, 10 juin 1632, MAE, coll. MD France, vol. 1505, fol. 11-12.
35-
Louis XIII aux maréchaux de La Force et d’Effiat, Laon, 12 juin 1632, MAE, coll. CP Lorraine, vol. 10, fol. 386-387.
36-
MAE, coll. MD France, vol. 802, fol. 225.
37-
MAE, coll. CP Lorraine, vol. 9, fol. 278 et 279. La lettre de Richelieu a été publiée par L.-M. Avenel, Lettres, instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 311.
38-
Les clauses du traité de Liverdun ont été publiées par M.-C. Vignal Souleyreau, Richelieu et la Lorraine, ouv. cit., p. 375-376.
39-
En matière féodale, le territoire de Clermont relève de la suzeraineté impériale et fait partie des réclamations formulées par la commission Le Bret.
40-
Le jugement que porte Richelieu, dans ses Mémoires, sur le traité de Liverdun constitue une véritable curiosité après ses propos sur le principe de protection à appliquer en Lorraine. Le cardinal y présente de manière sincère la position de Charles IV : « La plus grande part du monde, jugeant de ce qui se passe, sans en considérer les raisons, blâmèrent le duc de Lorraine d’avoir fait ce traité, mais pour moi, je dirai franchement que, supposé les fautes précédentes où il s’étoit laissé aller, c’est la seule action de sagesse que j’ai remarquée en sa conduite. Il sera aisé de le concevoir, si l’on considère que ce pauvre prince avoit si mal pris son temps de se porter contre la France qu’il voyoit tous ceux qui le pouvoient secourir contre elle en état de ne pouvoir faire autre chose que le plaindre. L’impuissance de Monsieur, dont les armes n’avoient force que pour brûler des maisons et des villages entiers en France, faisoient que ses voeux lui étoient fort inutiles. Le roi de Suède avois mis une si grande barrière entre l’Empereur et lui, qu’à peine les souhaits de l’Empire pouvoient-ils venir jusqu’à ses Estats ; les Hollandois occupoient tellement les Espagnols qu’outre qu’ils jouoient de malheurs depuis quelques temps, il ne leur estoit pas de temps pour penser aux affaires d’autrui », dans M. Petitot (éd.), Mémoires de Richelieu, ouv. cit., p. 119.
41-
Deux officiers ont fait le récit des événements dans leurs mémoires : le vicomte de Puységur, Mémoires, Paris, Morel, 1690 ; et Louis du Pontis, Mémoires du sieur du Pontis, Paris, 1837, coll. Nouvelle collection des mémoires pour servir l’histoire de France, sous la dir. de Michaud et Poujoulat, 2e série, t. VI.
42-
Il déclare au maréchal de La Force : « Monsieur, il n’est pas permis au sujet de murmurer contre son maître, ni lui dire que les choses qu’il allègue sont fausses. Je puis dire avec vérité n’avoir rien fait contre son service. La vérité est que mon frère, le garde des sceaux, et moi avons toujours été serviteurs de la Reine mère, qu’il faut qu’elle est du dessous et que M. le cardinal de Richelieu l’ait emporté contre elle et contre ses serviteurs. Mais il n’y a remède, il faut souffrir. Je ne suis pas mal aisé à arrêter sans qu’il soit besoin qu’on me garde ; je me rendrai en telle place et en telle prison qu’il plaira au Roi m’ordonner », cité par G. Mongrédien, La Journée des Dupes, ouv. cit., p. 108.
43-
Lettre du maréchal de Marillac à son épouse, née Catherine de Médicis, Embrun, 17 décembre 1631, dans G. Mongrédien, La Journée des Dupes, ouv. cit., p. 11.
44-
Compte rendu du procès de Louis de Marillac au MAE, coll. MD France, vol. 802, fol. 155-167.
45-
Dans G. Mongrédien, La Journée des Dupes, ouv. cit., p. 119.
46-
Argenson à Richelieu, Paris, 9 mars 1632, MAE, coll. MD France, vol. 802, fol. 56.
47-
Matthieu de Morgues, notamment, fait paraître une Très humble, très véritable et très importante remontrance au Roy.
48-
Le marquis de Châteauneuf à Richelieu, 20 et 21 mars 1632, MAE, coll. MD France, vol. 802, fol. 66-68.
49-
Claude de Bullion à Richelieu, Rueil, 2 avril 1632, MAE, coll. MD France, vol. 802, fol. 86.
50-
Il recouvre cependant la liberté dans les mois qui suivent.
51-
Monsieur, par la suite, nie être l’auteur du Manifeste : le duc d’Orléans à Richelieu, Béziers, 29 septembre 1632, MAE, coll. MD France, vol. 805, fol. 90 et 92.
52-
Ni l’un ni l’autre ne dispose des forces suffisantes pour soutenir la lutte contre le pouvoir royal.
53-
MAE, coll. MD France, vol. 804, fol.197-198.
54-
Dès 1624, Richelieu a pris des mesures pour s’opposer aux effets pervers d’un luxe trop marqué à la cour du roi ; voir son mémoire déjà cité, « Pour remédier aux désordres plus pressans ». P. Grillon (éd.), Les Papiers de Richelieu, tome I.
55-
Claude de Rebé à Richelieu, Pézenas, 23 janvier 1632, MAE, coll. MD France, vol. 1628, fol. 98-99.
56-
Mémoire des protestants de Nîmes, 8 juillet 1632, MAE, coll. MD France, vol. 1628, fol. 150-153. Le document assure cependant Louis XIII de la loyauté du consistoire réformé de la province.
57-
MAE, coll. MD France, vol. 804, fol. 120-121.
58-
Particelli d’Hémery à Richelieu, Avignon, 3 août 1632, MAE, coll. MD France, vol. 1628, fol. 191-197 ; lettre publiée par Dom C. Devic, Histoire générale du Languedoc, ouv. cité, t. XII, preuve no 539, col. 1803.
59-
Le duc de Montmorency à Louis-Emmanuel de Valois, comte d’Alès, Pézenas, 26 juillet 1632, MAE, MD France, vol. 1628, fol. 182-184.
60-
Particelli d’Hémery à Richelieu, 9 août 1632, MAE, coll. MD France, vol. 802, fol. 334-338.
61-
Le déroulement de la bataille est narré par la Relation envoyée au Roy par M. le mareschal de Schomberg du combat fait entre les armes qu’il commande et l’armée de Monsieur, prez de Castalnau-d’Ary, le premier jour de septembre 1632, imprimé à Lyon, imprimerie de Simon Rigaud, 1632, « avec privilège du Roy », MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 1-6.
62-
MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 53-54.
63-
Louis XIII au duc d’Orléans, Pont-Saint-Esprit, 15 septembre 1632, dans L.-M. Avenel, Lettres, instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 368.
64-
MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 80-81, publié par L.-M. Avenel, Lettres, instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 372.
65-
Le maréchal de Schomberg à Richelieu, Narbonne, 5 octobre 1632, MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 176-177.
66-
Le duc de Bellegarde ayant reconnu ses fautes, il est peu après rétabli dans ses biens et dignités : lettres d’abolition en faveur du duc de Bellegarde, octobre 1632, MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 242.
67-
Par commission et lettres de cachet, datées du 25 octobre 1632, MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 203-204.
68-
Le duc d’Angoulême, Charles de Valois (qui a épousé la soeur consanguine du gouverneur du Languedoc), écrit à Richelieu en ce sens le 15 septembre [MAE, coll. MD France, vol. 805, fol. 68-69]. Le prince et la princesse de Condé, née Charlotte-Marguerite de Montmorency, font de même. Louis XIII refuse toute clémence le 16 septembre [Louis XIII à M. le Prince et sa femme, lettres publiées par L.-M. Avenel, Lettres, instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 370 et 371].
69-
Les documents relatifs à l’instruction du procès du duc de Montmorency sont conservés au MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 211-225.
70-
On trouve, parmi les documents laissés par le cardinal de Richelieu, une « Dénonciation [à Louis XIII] faite par un nommé La Rivière envoiée par M. le chevalier du Guet, le VIe septembre 1633 » où figure la mention : « la plupart des grands du royaume […] déclarant feu M. de Montmorency chef de toute la noblesse […] », MAE, MD France, vol. 808, fol. 6-9.
71-
L.-M. Avenel (éd.), Lettres, instructions…, ouv. cit., t. IV, p. 395.
72-
Les alliés du roi de France doivent être assurés, par un envoyé exprès, M. de La Grange-aux-Ormes, que Louis XIII n’est pas affaibli par la conduite de son frère : La Grange-aux-Ormes à Richelieu, Hanau, 21 novembre 1632, MAE, coll. MD France, vol. 805, fol. 132.
73-
Louis XIII à Richelieu, Saint-Marcel, 12 novembre 1632, Musée Condé de Chantilly, série I, t. III, fol. 29.
74-
Le duc d’Orléans à Louis XIII, Montereau-Faut-Yonne, 12 novembre 1632, MAE, coll. MD France, vol. 803, fol. 253-255.
75-
MAE, coll. MD France, vol. 807, fol. 23-24.
76-
MAE, coll. MD France, vol. 807, 89-90.
77-
MAE, coll. MD France, vol. 807, fol. 173
78-
MAE, coll. MD France, vol. 807, fol. 110-111 ; vol. 808, fol. 67 vo.
79-
MAE, coll. MD France, vol. 807, fol. 118-119.
80-
MAE, coll. MD France, vol. 807, fol. 124, 125 et 129.
81-
Une lettre restée anonyme, adressée au duc de Lorraine, de Gand, le 24 décembre 1632, figurant dans les papiers de Richelieu [MAE, coll. MD France, vol. 805, fol. 181-182], est particulièrement révélatrice : l’auteur signale que la correspondance du duc de Lorraine avec Monsieur, la reine mère et lui-même semble régulièrement interceptée – la présence de cette pièce dans les papiers de Richelieu confirme ses soupçons. Marie de Médicis, partie à Gand, n’étant pas avertie de l’arrivée de son fils à Bruxelles, ils n’ont donc pu s’y rencontrer. L’auteur déplore surtout la mésentente qui règne entre Marie de Médicis et Monsieur, nuisible à leur parti.