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LE TOURNANT DES ANNÉES 1637-1638 :
LA LASSITUDE
La Valteline et les Ligues grises
Marquée par l’alternance des succès et des échecs en
matière de politique étrangère, l’année 1637 ne s’ouvre guère pour
Richelieu sous de meilleurs auspices que 1636. En Valteline, le duc de Rohan a toutes les peines du
monde à maintenir la position de la France. Il réclame en vain l’argent nécessaire à
l’entretien de son armée et au maintien des Ligues grises dans
l’alliance traditionnelle qui les unit au roi très chrétien. Louis
XIII n’accorde que deux cent mille livres d’aide financière, au
lieu d’un million prévu. Olivarès en profite pour entretenir la
mauvaise humeur des Valtelins catholiques. Le 18 mars 1637, ils se
soulèvent contre la présence française, contraignant le duc de
Rohan à capituler et à se réfugier à Genève. Le désastre est tel qu’il n’ose se
présenter à la cour et préfère rejoindre le duc de Saxe-Weimar en
Alsace, en attendant des jours meilleurs. Mais le duc de Rohan
n’est pas le seul en cause. Le père Joseph porte également une part
importante de responsabilités : le capucin s’est
systématiquement opposé aux demandes du duc de Rohan, précipitant
ainsi la perte de la Valteline et l’ouverture des cols stratégiques
aux Espagnols.
De surcroît, après la mort du duc de Mantoue, celle du duc Victor-Amédée de Savoie, le 8
octobre 1637, aggrave encore l’instabilité de la région. La régence
de la duchesse Christine, soeur de Louis XIII, est contestée par
les frères du défunt, le prince Thomas et le cardinal Maurice, tous
deux alliés de l’Espagne. Le
Piémont est à nouveau au centre de
toutes les convoitises.
Un autre front s’avère heureusement plus favorable
aux intérêts de Louis XIII. Au mois de mai, la flotte
française de Méditerranée, commandée par l’archevêque de
Bordeaux, témoigne pour la première
fois de sa supériorité sur les navires du roi catholique en
s’emparant des îles de Lérins. Un mois
plus tard, les Espagnols sont repoussés aux portes de Saint-Tropez et sont contraints d’évacuer la place
de Saint-Jean-de-Luz. Une offensive
vers l’est est pareillement stoppée grâce à la résistance à Leucate
de l’armée de la province dirigée par le duc d’Halluin, fils de feu
le maréchal de Schomberg. Surtout, la victoire des Hollandais à
Breda contribue de manière décisive au
recul tant espéré de Philippe IV face à Louis XIII et à ses
alliés.
Breda et le duc de Saxe-Weimar
Au printemps 1637, les armées françaises et
hollandaises portent deux attaques simultanées au nord et au sud
des Pays-Bas espagnols. Le 26 juillet,
le cardinal de La Valette s’empare de Landrecies. Mais le succès le plus marquant pour
Richelieu est sans conteste la percée des Hollandais à Breda, place forte qu’ils reprennent le 10 octobre
1637. Le front espagnol est rompu, même si, dans les semaines qui
suivent, l’armée du cardinal de La Valette est contrainte à
l’immobilité par le siège de La
Capelle, et si le cardinal-infant en profite pour attaquer
Maubeuge, qui résiste grâce à
l’opiniâtreté d’un jeune officier français, le vicomte de
Turenne.
À la fin de l’année, Louis XIII et son gouvernement
mettent tout leur espoir dans l’offensive prévue en Alsace, avec Bernard de Saxe-Weimar, pour
reconquérir les têtes de pont perdues. Au début de l’année 1638,
cependant, le projet doit être différé. Les troupes du roi
catholique, secondé par le duc de Lorraine, se portent du côté de la Franche-Comté. Leur but ultime est d’isoler la
Lorraine, difficilement tenue par les Français. Le duc de
Saxe-Weimar fait preuve, à point nommé, de l’habileté nécessaire
pour déjouer le plan adverse. Au mois d’août, les troupes de
Charles IV sont défaites à Gray-sur-Saône. Elles doivent battre en retraite,
poursuivies jusque dans le sud de l’Alsace. Mais une contre-attaque
de Jean de Werth oblige l’allié de la France à se retirer pour
l’hiver dans l’évêché de Bâle.
Les Suédois, de leurs côtés, sont dans la totale
incapacité de réitérer la victoire remportée à Wittstock. Le général Baner se cantonne à la
Poméranie. L’implication directe de la
France dans la guerre de Trente Ans ne permet pas plus de progrès, au plan
international, que la diplomatie, les négociations, ou le système
de protection. Les opérations militaires menées par les hommes de
Louis XIII ou par ses alliés s’enlisent. Et les quelques
victoires françaises ne peuvent masquer une impression générale de
médiocrité quant à la gestion du conflit. Il faut dire, à la
décharge de Richelieu, que rien ne lui est épargné à la cour.
La révolte d’Anne d’Autriche
Au cours du mois d’août 1637, Richelieu découvre une
correspondance secrète entretenue par Anne d’Autriche avec
l’Espagne. La reine est le centre d’un
complot visant à contraindre le gouvernement à traiter avec les
Habsbourg. La boîte à lettres des factieux est le couvent du
Val-de-Grâce, rue Saint-Jacques. C’est là que Richelieu intercepte
un message du marquis de Mirabel, ambassadeur d’Espagne à Bruxelles, et
ancien ambassadeur à Paris, destiné à
Anne d’Autriche. Le cardinal ne tarde pas à reconstituer une
filière de renseignement organisée entre Paris et Madrid. Louis XIII est immédiatement informé,
et une enquête diligentée, malgré la qualité de celle qui paraît
être l’instigatrice de la machination.
Le 10 août, le portemanteau de la reine, La Porte,
est arrêté en possession d’une lettre d’Anne d’Autriche destinée à
la duchesse de Chevreuse, assignée à résidence dans son château de
Couzières, près de Tours. Interrogé, le porteur de la missive ne
fournit aucune explication. Face à la gravité de la situation,
l’archevêque de Paris, Jean-François
Gondi, en compagnie du chancelier Pierre Séguier, entreprend une
perquisition au couvent du Val-de-Grâce, où l’abbesse, Louise de
Milly, se dérobe et fait échouer l’opération. Le 14, Séguier, à
bout de ressources, est contraint d’interroger Anne d’Autriche,
avec la plus grande circonspection, sans obtenir plus de
résultats.
Puis, le 17, c’est au tour de Richelieu d’avoir une
entrevue avec la reine. Choquée du traitement qui lui est fait, la
souveraine finit par avouer la vérité : elle correspond avec
Philippe IV, avec leur frère, le cardinal-infant, avec la duchesse
de Chevreuse, mais aussi avec l’Angleterre, et transmet à ses interlocuteurs le peu
de renseignements dont elle dispose sur la marche des Affaires.
Elle travaille, en particulier, à dissuader
Charles ier d’une alliance avec la France. La portée de ses aveux est telle que la
fautive doit répéter sa confession verbale devant le roi, et
contresigner un compte rendu écrit. Face à une épouse qui ne cesse
de le trahir, Louis XIII se montre d’autant plus méfiant que la
duchesse de Chevreuse choisit cet instant pour partir en exil, en
Espagne puis en Angleterre. Toute réconciliation intime avec Anne
d’Autriche semble désormais exclue. Le souverain ne s’y résout que
parce que son devoir est de donner un héritier à la couronne. Mais
même si l’avenir de la royauté est en jeu, l’ingérence de Richelieu
dans l’intimité du souverain, à l’heure du doute et de l’échec, ne
se fait pas sans dommages.
Richelieu et Louis XIII : la crise de
confiance
En 1630, contre toute attente, Louis XIII s’est
épris d’une adolescente de quatorze ans, rencontrée à Troyes, Marie de Hautefort. Le roi a demandé à Anne
d’Autriche de lui réserver une charge dans sa Maison. Très vite, la
jeune fille préfère la compagnie de la reine aux maladroites
assiduités du roi. Elle consacre tous ses efforts au rapprochement
des époux, quitte à ruiner le crédit de Richelieu. Mais son
caractère hautain et son arrogance finissent par lasser le
souverain, plus seul que jamais. Richelieu décide alors, avec
l’aide de Claude Saint-Simon, d’attirer l’attention de
Louis XIII sur Louise-Angélique de La Fayette, demoiselle
d’honneur d’Anne d’Autriche. Nous sommes au mois de février
1635.
De caractère beaucoup plus réservé que Marie de
Hautefort, Mlle de La Fayette fait preuve de la plus profonde
piété et envisage même une retraite spirituelle. Maintenue dans le
siècle, la jeune fille est volontiers encline à s’opposer au
conflit avec les Habsbourg et à accorder une attention particulière
aux misères du peuple. Elle dénonce bientôt au roi l’usage excessif
fait des armes et le luxe dont s’entoure Richelieu, alors que le
peuple vit dans le plus grand dénuement.
Pour le prélat, l’insistance de Louise-Angélique de
La Fayette pourrait s’avérer aussi néfaste que les initiatives de
Marie de Hautefort. Dès la fin de l’année 1635, le cardinal fait
intervenir le confesseur de la première, le père Carré, pour la
persuader de céder à sa vocation et d’entrer dans les ordres. Elle
se laisse convaincre, puis soudain recule. De nouvelles tentatives
du père Carré déterminent la famille de la jeune fille à écarter le
confesseur.
Informé, Louis XIII apprécie peu l’attitude de
Richelieu qui redouble les attaques indirectes contre la favorite,
notamment par des pamphlets. À la fin de l’année 1636, Mlle de
La Fayette fait à nouveau part de son désir de prendre le voile. Le
19 mai 1637, elle entre au couvent Sainte-Marie-de-la-Visitation,
rue Saint-Ambroise, et Louis XIII ne peut rien faire. Le
cardinal essaie bien de placer Mlle de Clémerault : le
refus est aussi immédiat que cinglant. Non seulement Marie de
Hautefort retrouve son influence, mais le roi rend ostensiblement
des visites régulières à la recluse.
C’est au cours de l’une d’elles, le 5 décembre 1637,
que Louis XIII envisage de se rendre à Saint-Maur. Dans les
heures qui suivent, le temps se dégrade, compromettant le projet.
Sur l’insistance du capitaine de ses gardes et de Louise-Angélique
elle-même, le roi regagne le Louvre. Profondément perturbé dans sa
vie affective, le souverain, pour tromper cette mélancolie qui le
ronge, rejoint son épouse, dîne, puis passe la nuit avec elle. Anne
d’Autriche est une nouvelle fois enceinte.
La fin de l’année 1637 est difficile pour Richelieu.
Autour de Marie de Hautefort, de Louise-Angélique de La Fayette, de
Gaston d’Orléans, du comte de Soissons et du père Caussin, le
nouveau confesseur du roi, s’organise une conspiration feutrée, à
laquelle le principal ministre a toutes les peines du monde à faire
face. Le malaise est né en 1636, au moment de l’affolement qui a
suivi la prise de Corbie par les
Espagnols. Le roi a découvert les faiblesses de son ministre, et
commence à s’interroger sur un mode de gouvernement que beaucoup
jugent inique et autoritariste. Qui plus est, les relations
entretenues par le cardinal avec la reine font l’objet de
pernicieux ragots, que le père Caussin n’est pas le dernier à
véhiculer. Rumeur d’une passion contrariée qui expliquerait
l’acharnement d’un soupirant éconduit.
L’affaire a pris toute son ampleur dans les mois qui
ont précédé la découverte du complot de la reine. Le 2 août 1636,
le cardinal a invité Anne d’Autriche en son château de Rueil pour
une « collation somptueuse »[1]. En mettant en scène son humanité, en
dévoilant des sentiments qu’il était d’usage de taire, qu’il était
même nécessaire de dissimuler, le ministre de Louis XIII aurait
fait preuve d’une faiblesse dont se sont emparés ses détracteurs.
Mais n’est-ce pas plutôt l’attachement à la royauté et à la famille
royale qui a dicté l’initiative, la nécessité impérieuse de prouver
sa loyauté ? Quelques semaines plus tard, nouvel
incident : le carrosse du cardinal croise celui d’Anne
d’Autriche aux Tuileries. Richelieu fait arrêter son cocher mais la
reine refuse d’en faire autant.
La découverte des intrigues avec l’Espagne ne fait qu’envenimer la situation. Au cours
de l’été 1637, Anne d’Autriche demande à son confesseur, le père
Fernandez, de lui amener le père Caussin et dénonce une machination
orchestrée par le cardinal, pour se venger de l’incident des
Tuileries. Patrocle, le cocher de la reine, véhicule opportunément
des rumeurs concordantes. Il revient au roi d’arbitrer le conflit.
Tout au long de l’automne, les rapports entretenus par le souverain
et son ministre ne cessent de se détériorer. Louis XIII rend
de plus en plus souvent visite à Louise-Angélique de La Fayette. Le
8 décembre, il a un entretien confidentiel avec son confesseur, qui
lance une lourde charge contre Richelieu et plaide pour une
réconciliation avec Marie de Médicis. Apprenant les faits,
Richelieu offre son retrait. Mais c’est le roi qui se rend chez le
cardinal pour obtenir les arguments contradictoires. Comme en
novembre 1630, Richelieu convainc Louis XIII et sort vainqueur
de la crise. Le père Caussin est exilé à Rennes. Richelieu obtient aussi que les terres
d’Aiguillon concédées à Puylaurens soient enlevées à ses héritiers
et érigées en duché-pairie au profit personnel de Mme de
Combalet, qui devient donc duchesse d’Aiguillon le 1er janvier 1638. Seule embellie dans un ciel
bien sombre, le 10 février, la grossesse d’Anne d’Autriche est
officiellement rendue publique. Sur les conseils du père Joseph,
Louis XIII voue le royaume à la Vierge, des prières spéciales
sont récitées pour la naissance d’un héritier. Une autre affaire
perturbe déjà la conscience politique et religieuse de
Richelieu.
Au mois d’août 1637, un jeune avocat, Antoine Le
Maître, neveu de l’abbesse de Port-Royal, Angélique Arnauld, décide
à son tour de se retirer du monde. Antoine Le Maître est un protégé
de Pierre Séguier. Il donne à sa retraite un caractère public en
adressant au chancelier, au mois de décembre, une lettre qui est un
véritable programme philosophique et dogmatique. Des copies
circulent parmi les parlementaires et les grands ecclésiastiques
parisiens. Le frère de Le Maître, M. de Séricourt, le rejoint
bientôt, ainsi que des amis comme Claude Lancelot, et un prêtre,
M. Singlin. À partir de janvier 1638, l’ascèse à laquelle
s’astreignent les « solitaires » de Port-Royal fait de
plus en plus parler d’eux. Richelieu craint des dérives dogmatiques
qui pourraient être préjudiciables non seulement à l’Église, mais
également à l’État, d’autant que l’abbé de Saint-Cyran devient le
maître spirituel de la petite communauté et encourage ses nouveaux
disciples en prônant le dépouillement de soi, ainsi que l’abandon à
Dieu. Le cardinal-ministre et le père Joseph s’opposent au
contraire fermement à la nécessité de contrition, proclamée par les
augustiniens. Avec les jésuites et les casuistes, ils lui préfèrent
une suffisante attrition[2]. Au mois de mai, Saint-Cyran est arrêté et
enfermé à Vincennes. Richelieu lui
reproche non seulement son engagement auprès d’Antoine Le Maître,
la lettre, à ses yeux choquante, adressée à Pierre Séguier, mais
aussi son implication dans l’affaire du Mars
gallicus et son refus de se prononcer contre le mariage de
Monsieur avec Marguerite de Lorraine.
Dans le même temps, une enquête est ouverte qui aboutit, au mois de
juillet, à la dispersion des solitaires de Port-Royal. Richelieu
est soulagé, mais au plan extérieur tout reste à accomplir, même si
un tournant semble s’amorcer dans la guerre de Trente Ans.
1638 : l’ouverture des négociations
1638 débute avec la victoire, en mars, de Bernard de
Saxe-Weimar à Rheinfelden, et la
capture de Jean de Werth. L’allié du roi de France profite certes de l’avantage acquis pour
s’emparer de Fribourg-en-Brisgau et
investir Brisach[3]. Mais les belligérants sont las du conflit.
Les populations sont exsangues. Les diplomates déploient tous leurs
efforts pour trouver une solution pacifique au conflit. En février,
une créature de Richelieu envoyée à Madrid, le baron de Pujols, transmet les
informations les plus optimistes concernant les intentions
d’Olivarès et de Philippe IV. Quelques semaines plus tard, en
pleine nuit, Richelieu rencontre un émissaire personnel du
comte-duc, Miguel de Salamanque. Deux obstacles de taille restent à
franchir pour faire aboutir les discussions : le cas de la
Lorraine, dont Richelieu ne saurait se
séparer, et celui du Brésil, dont les
Hollandais se sont emparés alors que le pays était placé sous
l’autorité espagnole. Les pourparlers n’aboutissent qu’à un
décevant constat de divergences.
À la même époque, et selon une tradition pendante,
le traité de Hambourg renouvelle l’alliance de la France et de la Suède
pour trois ans, Louis XIII s’engageant, comme par le passé, à
verser un million de livres par an contre l’engagement de la reine
Christine à ne pas signer de paix séparée. Des négociations sont
aussi entreprises avec l’Angleterre,
même si Charles ier se méfie d’une trop forte puissance de la
France à la fois sur le continent et
sur les océans. La position de Londres
est déterminée par sa volonté d’obtenir sinon le soutien de la
France, du moins sa neutralité, dans le conflit qui l’oppose à
l’Écosse puritaine. Richelieu promet à
Charles ier que la France ne prendrait possession
d’éventuels territoires conquis sur les Pays-Bas espagnols qu’avec son approbation.
Avant tout engagement, le cardinal attend l’issue
des négociations avec Miguel de Salamanque. Le roi de France dispose de cinq armées, auxquelles vient
s’ajouter celle de Bernard de Saxe-Weimar. Le gouvernement accorde
un soin tout particulier à l’équipement des contingents et à
l’intendance. Les troupes retrouvent tout leur potentiel
opérationnel, même si leur commandement reste médiocre.
Des forces importantes sont réunies en Picardie et sont placées sous les ordres du
maréchal de Châtillon et du marquis de Brézé. Mais le siège de
Saint-Omer s’enlise, et les soldats
sont décimés par la dysenterie. Le 8 juin, la place est secourue
par le prince Thomas de Savoie et par Piccolomini. Le marquis de
Brézé est remplacé par le maréchal du Hallier qui préfère quitter
les lieux et se rendre devant Le
Catelet. S’ensuit une éprouvante guerre de sièges, sur le
sol français même. Richelieu n’a que la satisfaction de voir
Le Catelet tomber le 14 septembre.
L’événement est l’un des seuls succès de l’année.
En Italie non plus, la
France ne peut éviter une série de
revers. Le maréchal de Créqui décède, la place de Verceil est perdue et le Montferrat est envahi par les Espagnols. La
duchesse de Savoie n’en fait qu’à sa
tête et n’écoute que ses amants. Au mois d’octobre, le petit duc
François-Hyacinthe meurt. Son frère cadet lui succède, non sans
soulever les plus vives protestations de Thomas et Maurice de
Savoie. Dans la lutte qui les oppose à Christine de France, les
frères de Victor-Amédée savent pouvoir compter sur le soutien de la
population et sur celui du gouverneur du Milanais. De surcroît, la soeur de Louis XIII
ne supporte plus la tutelle que lui impose Richelieu et refuse les
forteresses savoyardes aux garnisons françaises. À la fin de
l’année 1638, les positions encore tenues par Louis XIII sont dans
un état d’extrême fragilité quand s’ouvre un quatrième front, dans
les Pyrénées.
Le prince de Condé et le duc de La Valette sont
parvenus à percer les lignes espagnoles et assiègent la ville de
Fontarabie, sur la Bidassoa. La place
se situe sur un promontoire stratégique à la frontière
franco-espagnole. Olivarès en a été créé gouverneur héréditaire. Le
22 août, la victoire navale du cardinal de Sourdis sur
l’escadre espagnole de La Corogne, dans
la rade de Guéthary, permet à la
France d’envoyer un corps
expéditionnaire de renfort devant Fontarabie. Mais, le 7 septembre,
les Espagnols sortent en force de la place et infligent une
écrasante défaite aux troupes de Louis XIII. Les assiégeants
sont repoussés jusqu’à la frontière. Tandis que le duc de La
Valette s’exile en Angleterre, le roi,
et non plus Richelieu, exige une instruction judiciaire menée par
une commission spéciale, composée de ducs et pairs, de conseillers
d’État, de présidents à mortier et du doyen du Parlement, Pinon.
Louis XIII en personne préside le tribunal, assisté du
chancelier Séguier. Un réquisitoire en règle est dressé contre le
fuyard, condamné à mort par contumace.
L’année 1638 constitue néanmoins un tournant
important. La France a recouvré
suffisamment de force pour opposer une armée efficace aux
Espagnols, affaiblis par les dissensions internes. La flotte
française de Méditerranée, placée sous les ordres d’un neveu de
Richelieu, M. de Pont-Courlay, remporte d’indéniables
victoires au large de Gênes.
Surtout, le 5 septembre, la reine donne naissance à
un héritier, futur Louis XIV. Manifestation de la volonté
divine ? Quelques jours plus tard, à Madrid, une petite
infante prénommée Marie-Thérèse voit également le jour. L’événement
place la reprise des négociations avec Philippe IV et Olivarès
sous les meilleurs auspices. Le conflit opposant la France aux Habsbourg entre dans sa phase ultime,
mais Richelieu ne dispose plus du soutien du père Joseph. Le 18
décembre, alors qu’arrive la nouvelle de la reddition de Brisach,
le capucin est victime d’une crise d’apoplexie.