Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [œuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« On ne pleure jamais tant que dans l’âge des espérances ; mais quand on n’a plus d’espoir, on voit tout d’un œil sec, et le calme naît de l’impuissance. »
< Morale p.65 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« On supporte toujours facilement une puissance qu’on espère pouvoir exercer un jour. »
< t.2 p.621 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« L’Espérance. - Pandore apporta la boîte remplie de maux et l’ouvrit. C’était le présent des dieux aux hommes, un présent beau d’apparence et séduisant, surnommé la "boîte à bonheur". Alors sortirent d’un vol tous les maux, êtres vivants ailés : depuis lors ils rôdent autour de nous et font tort à l’homme jour et nuit. Un seul mal n’était pas encore échappé de la boîte : alors Pandore, suivant la volonté de Zeus, remit le couvercle, et il resta dedans. Pour toujours, maintenant, l’homme a chez lui la boîte à bonheur et pense merveilles du trésor qu’il possède en elle, elle est à sa disposition, il cherche à la saisir quand lui en prend l’envie ; car il ne sait pas que cette boîte apportée par Pandore est la boîte des maux, et tient le mal resté au fond pour la plus grande des félicités - c’est l’Espérance. Zeus voulait en effet que l’homme, quelques tortures qu’il endurât des autres maux, ne rejetât cependant point la vie, continuât à se laisser torturer toujours à nouveau. C’est pourquoi il donne à l’homme l’Espérance : elle est en vérité le pire des maux, parce qu’elle prolonge les tortures des hommes. »
< 71 p.483 >
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« L’espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide. »
< p.864 >
Emil CIORAN / Syllogismes de l’amertume (1952) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Ce qui irrite dans le désespoir, c’est son bien-fondé, son évidence, sa "documentation" : c’est du re-portage. Examinez, au contraire, l’espoir, sa générosité dans le faux, sa manie d’affabuler, son refus de l’événement : une aberration. une fiction. Et c’est dans cette aberration que réside la vie, et de cette fiction qu’elle s’alimente. »
< p.775 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Tout n’est pas perdu, tant qu’on est mécontent de soi. »
< p.107 >
ESPRIT
Blaise PASCAL / Pensées / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« À mesure qu’on a plus d’esprit, on trouve qu’il y a plus d’hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent point de différence entre les hommes. »
< 17 p.1091 >
« Différence entre l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse.
En l’un, les principes sont palpables, mais éloignés de l’usage commun ; de sorte qu’on a peine à tourner la tête de ce côté-là, manque d’habitude : mais, pour peu qu’on l’y tourne, on voit les principes à plein ; et il faudrait avoir tout à fait l’esprit faux pour mal raisonner sur des principes si gros qu’il est presque impossible qu’ils échappent.
Mais, dans l’esprit de finesse, les principes sont dans l’usage commun et devant les yeux de tout le monde.
164
ESPRIT
On n’a que faire de tourner la tête, ni de se faire violence ; il n’est question que d’avoir bonne vue, mais il faut l’avoir bonne ; car les principes sont si déliés et en si grand nombre, qu’il est presque impossible qu’il n’en échappe. Or, l’omission d’un principe mène à l’erreur ; ainsi il faut avoir la vue bien nette pour voir tous les principes, et ensuite l’esprit juste pour ne pas raisonner faussement sur des principes connus.
Tous les géomètres seraient donc fins s’ils avaient la vue bonne, car ils ne raisonnent pas faux sur les principes qu’ils connaissent ; et les esprits fins seraient géomètres s’ils pouvaient plier leur vue vers les principes inaccoutumés de géométrie. »
< 21 p.1091 >
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« "Esprit de finesse", "esprit de géométrie", toutes les sottises qu’ont fait dire ces mots.
Cela a le vice de toutes les expressions auxquelles il faut commencer par donner un sens avant d’en considérer l’application. Mais alors, il est trop tard... »
< p.789 >
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La même chose souvent est, dans la bouche d’un homme d’esprit, une naïveté ou un bon mot, et dans celle du sot, une sottise. »
< p.359 XIII (50) >
Jean-Benjamin de LABORDE / Pensées et Maximes (1791) / Paris, Lamy 1802 [BnF]
« Un homme d’esprit dit une chose sans y penser ; un sot la dit sans la penser. »
< 110, p.19 >
Charles de SAINT-ÉVREMOND / Œuvres mêlées (6) / Paris, C.Barbin 1684
« Il y a cela de malheureux dans le mérite de l’esprit, que peu de gens s’y connaissent, et que dans le petit nombre même il s’en trouve qui n’en font pas grand cas. Il n’en est pas de même des richesses, tout le monde les estime, les pauvres aussi bien que les riches. Les autres biens de la fortune ont le même avantage : Les petits compagnons estiment la grandeur, et font ce qu’ils peuvent pour s’élever. »
< Avis et pensées sur plusieurs sujets, p.13 >
MARIVAUX / Pensées sur différents sujets (1719) / Journaux et Œuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« Presque tous les esprits errent autour de la chose qu’ils veulent exprimer, sans aller jusqu’à elle, ou sans l’entamer entière. De là vient peut-être qu’en matière d’esprit, on a nommé sublime ce qui n’est que cet excellent vrai toujours manqué. »
< p.57 >
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [œuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Celui dont les idées sortent des routes communes, qui joint l’extraordinaire à la rapidité ; celui qui en un mot déplace les idées de ceux qui l’écoutent et leur communique ses mouvements, celui-là passe pour avoir de l’esprit. Que ses idées soient justes ou non, exprimées avec goût ou sans goût, n’importe ; il a remué ses auditeurs, il a de l’esprit. »
< Littérature p.118 >
« Il n’est rien de si absent que la présence d’esprit. »
< Anecdotes et bons mots p.177 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Les grands esprits sont ceux qui déguisent leurs bornes, qui masquent leur médiocrité. »
< 25 mars 1807 t.2 p.192 >
« L’esprit éminemment faux est celui qui ne sent jamais qu’il s’égare. »
< 11 octobre 1815 t.2 p.517 >
ESPRIT
165
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« On n’est point un homme d’esprit pour avoir beaucoup d’idées, comme on n’est pas un bon général pour avoir beaucoup de soldats. »
< 445 p.150 >
STENDHAL / Journal / Œuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« Veux-tu doubler ton esprit? — Conduis-le avec ordre. »
< 10 juillet 1810 p.623 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Le trait d’esprit invente, l’entendement constate. »
< p.29 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Le miroir de l’âme / Domaine romantique José Corti 1997
« Comme on a découvert que les enfants à deux têtes sont loin d’avoir autant d’esprit que ceux qui n’en ont qu’une. »
< J 37 p.392 >
Alphonse KARR / Les Guêpes (première série) / Calmann Lévy 1898
« Il y a quelques jours, dans une conversation avec le roi, M. Thiers parut satisfait de quelques explications que S. M. Louis-Philippe voulut bien lui donner sur sa politique.
" Ah ! sire, s’écria celui qu’on a plaisamment appelé Mirabeau-Mouche, vous êtes bien fin, j’en conviens, très-fin, mais je le suis encore plus que vous.
— Non, reprit le roi, puisque vous me le dites." »
< Novembre 1839, p.22 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Je suis sûr que le chat ne pense pas ; pourtant, il a l’air aussi profond que s’il pensait. »
< 7 janvier 1899 p.407 >
« Penser ne suffit pas : il faut penser à quelque chose. »
< 18 juillet 1899 p.425 >
Léon DAUDET / Le stupide XIXe siècle (1922) / Souvenirs et polémiques / Robert Laffont - Bouquins 1992
« L’esprit est le compagnon hardi de l’héroïsme, de la colère, du repentir et du pardon. Il adoucit les feux de la haine, et ceux, mêmement embrasés, de l’amour. Il prévoit et pare les contrecoups et chocs que toute action décisive déchaîne contre celui qui vient d’agir, et dont le pire est l’à quoi bon. Car il blague jusqu’au scepticisme, dangereux dès qu’il devient solennel, et qu’il fleurit en docteurs et en sentences.
L’esprit français n’est pas seulement un redresseur de torts. Il est un avertisseur et un guide. Ses flèches peuvent écarter de grands maux, nés souvent de l’incompréhension et de la laideur, plus souvent encore de l’excessif. Elles dissipent enfin la confusion, qui naît du heurt des concepts et des systèmes, et crée une sorte de nuit mentale, où les orgueilleux de l’esprit se bousculent et se meurtrissent à tâtons. »
< p.1288 >
Paul LÉAUTAUD / Le théâtre de Maurice Boissard / Œuvres / Mercure de France 1988
« Certes, il est beau d’être intelligent, mais l’intelligence, sans l’esprit, n’est qu’une chose pesante, pédante et prétentieuse. L’esprit, c’est la clairvoyance, la légèreté, le sens de la relativité, le don de l’observation, la pénétration profonde des sentiments et des idées. C’est le jeu, l’intuition rapide, là où l’intelligence cherche et ne fait qu’un lent travail. Que d’hommes intelligents j’ai vus se montrer sots par manque d’esprit ! Savoir rire — le rire n’est pas toujours la gaieté — savoir se moquer, des autres et de soi-même, c’est le don suprême, c’est la marque de la liberté, c’est savoir s’élever au-dessus de la vie et la railler. »
< p.994 >
166
ESPRIT
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Principe de Carnot = Un sot ne devient pas homme d’esprit mais un homme d’esprit contient un sot qui tantôt se montre, et parfois l’emporte.
La sottise serait donc une forme de dégradation plus naturelle.
Il est plus naturel d’être bête — donc plus commun, et c’est cette fréquence qui fait le prix de l’être non bête. »
< Psychologie p.961 >
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Socrate n’était nullement un petit esprit, quoiqu’il ignorât beaucoup de choses que nous savons. Il y a plus d’esprit à se tromper à la manière de Descartes, qu’à redresser Descartes comme un petit bachelier peut faire. Et cette grandeur d’esprit se voit encore mieux dans l’erreur, quand l’erreur est selon l’esprit, non selon les passions. Un esprit est grand parce qu’il se gouverne plutôt que parce qu’il s’étend. »
< 20 juillet 1924 p.623 >
« L’esprit ne doit jamais obéissance. Une preuve de géométrie suffit à le montrer ; car si vous la croyez sur parole, vous êtes un sot ; vous trahissez l’esprit. »
< 12 juillet 1930 p.946 >
ALAIN / Propos II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1970
« Un bon esprit est nécessairement un esprit lent. Quand je dis une chose pareille, on dresse contre moi vingt exemples qui veulent prouver le contraire. Mais cela ne me trouble point. Rien n’est plus facile que d’imiter l’intelligence par la mémoire. On dresse bien des chiens ; ils comptent correctement, en ce sens que, quand on leur montre le carton huit et le carton sept, ils savent aller chercher le carton quinze, et le présenter à leur maître avec cet air zélé et important qu’ont les chiens. »
< 30 novembre 1907 p.42 >
Vladimir JANKÉLÉVITCH / Philosophie morale / Mille&UnePages Flammarion 1998
« [...] il ne faut pas vouloir être trop fin si l’on veut éviter les bévues, ou plutôt il faut l’être assez pour ne l’être pas quand on doit avant tout être simple. »
< Du mensonge, p.258 >
Robert MUSIL / L’homme sans qualités / Editions du Seuil - Points 1956
« On pouvait dire sans crainte d’erreur qu’Ulrich aurait voulu être quelque chose comme un seigneur ou un prince de l’esprit : en vérité, qui ne le souhaite? C’est même si naturel que l’esprit est considéré comme ce qu’il y a de plus élevé dans le monde, le tout puissant souverain. C’est là matière d’enseignement. Tout ce qui le peut s’orne d’esprit, s’en chamarre. L’esprit, combiné avec autre chose, est ce qu’il y a de plus répandu au monde. "L’esprit de fidélité", "l’esprit d’amour", un "esprit viril", un "esprit cultivé", "le plus grand esprit de notre temps", "nous voulons sauvegarder l’esprit de telle ou telle chose", "nous voulons agir dans l’esprit de notre mouvement" : ah ! le beau son de tout cela jusque dans les plus basses classes ! Tout le reste, à côté, le crime quotidien, la cupidité assidue, apparaît alors comme l’inavouable crasse que Dieu enlève aux ongles de ses orteils.
Mais quand l’esprit demeure tout seul, substantif nu, glabre comme un fantôme à qui l’on aimerait prêter un suaire, qu’en est-il donc? On peut lire les poètes, étudier les philosophes, acheter des tableaux, discuter toute la nuit : mais ce que l’on y gagne, est-ce de l’esprit? En admettant même qu’on en gagne, le possédera-t-on pour autant? Cet esprit-là est si étroitement lié à la forme fortuite qu’il a prise pour entrer en scène ! Il passe à travers celui qui aimerait l’accueillir, ne lui laissant qu’un ébranlement léger. Qu’allons-nous faire de tout cet esprit ? On ne cesse d’en produire en quantités proprement astronomiques sur des tonnes de papier, de pierre et de toile, on ne cesse pas davantage d’en ingérer et dans consommer dans une gigantesque dépense d’énergie nerveuse : qu’en advient-il ensuite ? Disparaît-il comme un mirage ? Se dissout-il en particules ? Se soustrait-il à la loi terrestre de la conservation de la matière ? Les parcelles de poussière qui descendent au fond de nous et lentement s’y immobilisent n’ont aucun rapport avec la dépense faite.
Où est-il parti ? Où est-il, qu’est-il ? Peut-être se formerait-il autour de ce mot "esprit", si l’on en savait davantage, un cercle de silence angoissé... »
< T.1 p.190-192 >
ÉVOLUTION
167
ÉVOLUTION
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La fameuse question spartiate doit être ici posée. Pourquoi Sparte n’eut pas de grands hommes. La perfection de la race empêcha l’exaltation de l’individu. Mais cela leur permit de créer le canon masculin ; et l’ordre dorique. Par la suppression des malingres, on supprime la variété rare - fait bien connu en botanique ou du moins en floriculture ; les plus belles fleurs étant données souvent par les plantes de chétif aspect. »
< p.99 >
François JACOB / Le jeu des possibles / Fayard 1981
Évolution et bricolage :
« L’évolution ne tire pas ses nouveautés du néant. Elle travaille sur ce qui existe déjà, soit qu’elle transforme un système ancien pour lui donner une fonction nouvelle, soit qu’elle combine plusieurs systèmes pour en échafauder un autre plus complexe. Le processus de sélection naturelle ne ressemble à aucun aspect du comportement humain. Mais si l’on veut jouer avec une comparaison, il faut dire que la sélection naturelle opère à la manière non d’un ingénieur, mais d’un bricoleur ; un bricoleur qui ne sait pas encore ce qu’il va produire, mais récupère tout ce qui lui tombe sous la main, les objets les plus hétéroclites, bouts de ficelle, morceaux de bois, vieux cartons pouvant éventuellement lui fournir des matériaux ; bref, un bricoleur qui profite de ce qu’il trouve autour de lui pour en tirer quelque objet utilisable.
[...]
Comme l’a souligné Claude Levi-Strauss, les outils du bricoleur, contrairement à ceux de l’ingénieur, ne peuvent être définis par aucun programme. Les matériaux dont il dispose n’ont pas d’affectation précise.
Chacun d’eux peut servir à des emplois divers. Ces objets n’ont rien de commun si ce n’est qu’on peut en dire : "ça peut toujours servir." À quoi? Ça dépend des circonstances.
[...]
L’évolution procède comme un bricoleur qui pendant des millions et des millions d’années, remanierait lentement son œuvre, la retouchant sans cesse, coupant ici, allongeant là, saisissant toutes les occasions d’ajuster, de transformer, de créer. »
< p.70-74 >
« Parmi les événements les plus dramatiques de l’évolution, certains sont liés à des changements qui avancent la maturité sexuelle à un stade plus précoce du développement. Des traits qui jusque-là caractéri-saient l’embryon deviennent alors ceux de l’adulte, tandis que disparaissent des caractères qui auparavant appartenaient à l’adulte. Ce processus représente l’un des grands stratagèmes de l’évolution. Tout se passe comme si certains animaux pouvaient pour ainsi dire se débarrasser de la part terminale de leur vie puis reconstruire un nouveau cycle fondé sur les formes de la larve ou de l’embryon. C’est très vraisemblablement un tel mécanisme qui a donné naissance aux vertébrés à partir de quelque invertébré marin. C’est ce même processus qui semble avoir joué un rôle majeur dans la voie qui a mené à l’homme. L’embryon humain se développe selon un schéma de retardement conservant chez l’adulte une série de traits qui, chez les autres primates et les ancêtres de l’homme, caractérisent le petit. À cet égard, il est frappant de constater que les humains ressemblent plus à un bébé chimpanzé qu’à un chimpanzé adulte. Bien évidemment, l’homme ne descend pas des grands singes. Depuis qu’ont divergé les lignées menant vers l’homme ou vers les grands singes, chacune a poursuivi sa propre évolution en s’adaptant à des vies différentes. Pourtant l’ancêtre commun ressemblait plus aux singes qu’à l’homme. »
< p.85-86 >
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Si la création par Dieu ne demande qu’un miracle initial, l’explication du monde à partir d’un nuage de gaz résolument évolutionniste exige un miracle par microseconde. »
< p.131 >
Richard DAWKINS / Le gène égoïste / Editions Odile Jacob (Opus 33) 1996
« [...] si l’évolution peut vaguement sembler une "bonne chose", en particulier parce que nous en sommes le produit, en fait rien ne "demande" à évoluer. L’évolution est un phénomène qui arrive bon gré mal gré, en 168
EXPLIQUER
dépit de tous les efforts des réplicateurs (aujourd’hui des gènes) pour prévenir son arrivée. Jacques Monod analyse fort bien ce problème dans sa conférence sur Herbert Spencer, en faisant sèchement remarquer :
"Un autre aspect curieux de la théorie de l’évolution est que chacun pense la comprendre !" »
< p.38 >
EXPLIQUER
ÉPICURE / Sentences vaticanes / Lettres, maximes, sentences / Livre de Poche (4628) 1994
« Dans la recherche commune des arguments, celui qui est vaincu a gagné davantage, à proportion de ce qu’il vient d’apprendre. »
< 74 p.218 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Quand les enfants demandent une explication, qu’on la leur donne et qu’ils ne l’entendent pas, ils s’en contentent néanmoins et leur esprit est en repos. Et cependant qu’ont-ils appris ? Ils ont appris que ce qu’ils ne vouloient plus ignorer est très difficile à connoître, et cela même est un savoir. Ils attendent, ils patientent, et avec raison. »
< 10 décembre 1798 t.1 p.266 >
« Comme les crimes ont multiplié les lois, les erreurs ont multiplié les explications. »
< 12 décembre 1804 t.1 p.656 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« Les observations d’un sot apprennent jusqu’à quel degré de simplicité il faut descendre pour être compris de tous. »
< 371 p.294 >
Ernest RENAN / L’Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« Cette manie qu’ont les sots de vouloir qu’on leur donne la raison de ce qu’ils ne peuvent comprendre et de se fâcher quand ils ne comprennent pas est un des plus grands obstacles au progrès. »
< p.371 >
Friedrich NIETZSCHE / Le Gai Savoir. (1882-1887) / Œuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les bornes de notre faculté d’entendre. — On entend seulement les questions auxquelles on est capable de trouver une réponse. »
< 196 p.151 >
Georges FEYDEAU / Le Dindon (1896) / Théâtre / Omnibus 1994
« Comment veux-tu que je te comprenne !... Tu me parles à contre-jour, je ne vois pas ce que tu me dis ! »
< Acte II scène xv, p.534 >
Rémy de GOURMONT / Épilogues (2) / Mercure de France 1923
« Bien définir est bon pour se faire comprendre ; ne pas définir est indispensable pour discourir en paix. »
< septembre 1901, p.299 >
Émile DURKHEIM / Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912) / Quadrige / PUF 1960
« Aujourd’hui comme autrefois, expliquer, c’est montrer comment une chose participe d’une ou de plusieurs autres. On a dit que les participations dont les mythologies postulent l’existence violent le principe de contradiction et que, par là, elles s’opposent à celles qu’impliquent les explications scientifiques. Poser qu’un homme est un kangourou, que le Soleil est un oiseau, n’est-ce pas identifier le même et l’autre? Mais nous ne pensons pas d’une autre manière quand nous disons de la chaleur qu’elle est un mouvement, de la lumière qu’elle est une vibration de l’éther, etc. Toutes les fois que nous unissons par un lien interne des termes hétérogènes, nous identifions forcément des contraires. Sans doute, les termes que nous unissons ainsi ne sont pas ceux que rapproche l’Australien ; nous les choisissons d’après d’autres critères et pour d’autres raisons ; mais la démarche même par laquelle l’esprit les met en rapports ne diffère pas essentiellement. »
< p.341 >
EXPLIQUER
169
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Une explication n’est pas nécessairement une approbation ; mais le plus souvent on estime inutile de chercher à comprendre ce que l’on réprouve. »
< 31 octobre 1931 p.1088 >
Paul VALÉRY / De la diction des vers (1926) / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Le mélange inextricable des sentiments de chacun et des exigences communes donne occasion à des dissentiments infinis. Rien de plus naturel que de ne point s’entendre ; le contraire est toujours surprenant.
Je crois que l’on ne s’accorde sur rien que par méprise, et que toute harmonie des humains est le fruit heureux d’une erreur. »
< p.1255 >
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Peu d’esprits s’inquiètent d’examiner la question avant de fournir la réponse. »
< Philosophie p.602 >
« Il est peut-être moins difficile d’expliquer la vie et la pensée par des machines que d’expliquer une machine par des considérations spirituelles ; plus facile d’expliquer la pensée par la nécessité et les lois que la presse hydraulique par la spontanéité et la liberté — ou par l’amour. »
< Psychologie p.959 >
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« À une dame qui me demandait une explication j’ai répondu : "Expliquez-moi votre chapeau." »
< 7 avril 1945, p.643 >
Georges PERROS / En vue d’un éloge de la paresse - Lettre préface / Le Passeur 1995
« Les idées expliquent, si l’on veut, éclaircissent, mais ne montrent pas. On vous demande ce qu’est le cogito, et vous vous servez du cogito pour expliquer ? C’est paresseux. L’acte par excellence, c’est la parabole qui laisse à l’autre son champ d’intelligence libre. Ce qu’il importe de comprendre, de faire comprendre, c’est la règle qui pourra servir à la solution de mille problèmes apparemment étrangers les uns aux autres. Non, la solution d’un de ces problèmes. Socrate savait cela à merveille. C’est si l’on veut la méthode indirecte, qui ne vexe ni la question ni la réponse, détourne leur difficulté individuelle pour viser leur difficulté d’espèce. Laisse la permission d’être inspirée. Du même coup échappe à la "philosophie", à l’exercice intellectuel. »
< p.24 >
Jacques PRÉVERT / Spectacle (1951) / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1992
« Quand quelqu’un dit : Je me tue à vous le dire ! laissez-le mourir. »
< Intermède, p.377 >
François JACOB / Le jeu des possibles / Fayard 1981
« Une théorie aussi puissante que celle de Darwin ne pouvait guère échapper à un usage abusif. Non seulement l’idée d’adaptation permettait d’expliquer n’importe quel détail de structure trouvé à n’importe quel organisme ; mais devant le succès rencontré par l’idée de sélection naturelle pour rendre compte de l’évolution du monde vivant, il devenait tentant de généraliser l’argument, de le retailler, d’en faire le mo-dèle universel pour expliquer tout changement survenant dans le monde. C’est ainsi qu’on a invoqué des systèmes de sélection semblables pour décrire n’importe quel type d’évolution : cosmique, chimique, culturelle, idéologique, sociale, etc. Mais de telles tentatives sont condamnées au départ. La sélection naturelle représente le résultat de contraintes spécifiques imposées à chaque être vivant. C’est donc un mécanisme ajusté à un niveau particulier de complexité. À chaque niveau, les règles du jeu sont différentes. À chaque niveau, il faut donc trouver de nouveaux principes. »
< p.49-50 >
170
FANATIQUE
Jean-François REVEL / La cabale des dévots / Robert Laffont - Bouquins 1997
« C’est la compréhension qui fait naître le besoin d’explication, et à celui qui cherche à expliquer ou même qui y parvient il n’est pas besoin de répéter qu’il doit avant tout comprendre car, s’il l’ignorait, il n’éprouverait même pas le besoin d’expliquer. Pour comprendre, nous n’avons besoin que de nous-mêmes, c’est pour expliquer que la science est nécessaire. Que peut m’importer la "compréhension d’autrui", de M.
X. ou Y. ? J’ai la mienne, et elle m’intéressera toujours plus que la sienne. Par contre, ce qui me paraîtrait vraiment nouveau, ce que je ne pourrai jamais trouver tout seul, c’est l’éventuelle explication commune à ces deux compréhensions. »
< p.411 >
Bernard PIVOT / Le métier de lire / folio Gallimard 2001
« On ne peut pas poser une question, car il est dans la nature de celle-ci d’être volatile et volubile et dans son rôle de frapper et de rebondir. »
< p.246 >
FANATIQUE
VOLTAIRE / Dictionnaire philosophique / Garnier 1967.
« Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste ; celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique. »
< p.196 >
« Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage ; c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant? »
< p.198 >
« Ce sont d’ordinaire les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains ; ils ressemblent à ce Vieux de la Montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceux qu’il leur nommerait. »
< p.198 >
« Je pense avec vous que le fanatisme est un monstre mille fois plus dangereux que l’athéisme philosophique. Spinosa n’a pas commis une seule mauvaise action : Chastel et Ravaillac, tous deux dévots, assassinèrent Henri IV. »
< p.521 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« Le fanatisme militaire est le seul qui soit bon à quelque chose : il en faut pour se faire tuer. »
< 19 p.218 >
Benjamin CONSTANT / De l’esprit de conquête et de l’usurpation (1814) / GF 456 Flammarion 1986
« La manie de presque tous les hommes, c’est de se montrer au-dessus de ce qu’ils sont. La manie des écrivains, c’est de se montrer des hommes d’État. En conséquence, tous les grands développements de force extra-judiciaire, tous les recours aux mesures illégales dans les circonstances périlleuses, ont été, de siècle en siècle, racontés avec respect et décrits avec complaisance. L’auteur, paisiblement assis à son bureau, lance de tous côtés l’arbitraire, cherche à mettre dans son style la rapidité qu’il recommande dans les mesures, se croit, pour un moment, revêtu du pouvoir, parce qu’il en prêche l’abus, réchauffe sa vie spéculative de toutes les démonstrations de force et de puissance dont il décore ses phrases, se donne ainsi quelque chose du plaisir de l’autorité, répète à tue-tête les grands mots de salut du peuple, de loi suprême, FANATIQUE
171
d’intérêt public, est en admiration de sa profondeur, et s’émerveille de son énergie. Pauvre imbécile ! Il parle à des hommes qui ne demandent pas mieux que de l’écouter, et qui, à la première occasion, feront sur lui-même l’expérience de sa théorie. »
< p.217 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les disciples aveugles.
Sans les disciples aveugles, jamais encore l’influence d’un homme et de son œuvre n’est devenu grande.
Aider au triomphe d’une idée n’a souvent d’autre sens que : l’associer si fraternellement à la sottise que le poids de la seconde emporte aussi la victoire pour la première. »
< 122 p.511 >
« Ennemis de la vérité. - Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. »
< 483 p.657 >
« Une conviction est la croyance d’être, sur un point quelconque de la connaissance, en possession de la vérité absolue. Cette croyance suppose donc qu’il y a des vérités absolues ; en même temps, que l’on a trouvé les méthodes parfaites pour y parvenir ; enfin que tout homme qui a des convictions applique ces méthodes parfaites. Ces trois conditions montrent tout de suite que l’homme à convictions n’est pas l’homme de la pensée scientifique ; il est devant nous à l’âge de l’innocence théorique, il est un enfant, quelle que soit sa taille. Mais des siècles entiers ont vécu dans ces idées naïves, et c’est d’eux qu’ont jailli les plus puissantes sources de force de l’humanité. »
< 630 p.687 >
Georges DARIEN / La Belle France (1900) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« C’est le fanatisme de la liberté, seul, qui peut avoir raison du fanatisme de la servitude et de la superstition. »
< p.1300 >
Félix LE DANTEC / L’athéisme / Flammarion 1907
« Comment, après avoir dit : "Je crois en Dieu, le père tout-puissant", peut-on se permettre d’imposer à d’autres hommes la volonté de Dieu? Les croisés croyants sont invraisemblables.
[...]
La posture logique pour un croyant est de laisser faire, de prier, et d’avoir peur. »
< p.62 >
ALAIN / Mars ou la guerre jugée / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Le fanatisme n’est sans doute pas autre chose que le sentiment d’une fatalité effrayante qui se réalise par l’homme. L’âme fataliste, ou si l’on veut prophétique, comme parle Hegel, est aux écoutes ; elle cherche les signes, elle les appelle ; elle va au devant des signes, elle les fait surgir par incantation. D’un côté elle méprise, elle écarte, elle fait taire par violence tout ce qui n’est pas signe ; et le simple bonheur lui est par là plus directement odieux qu’aucune autre chose. De l’autre, elle s’entraîne elle-même vers l’état sibyllin, déclamant à elle-même et aux autres. On comprend déjà en quel sens le fatalisme est guerre, et d’abord guerre contre tout ce qui est raison exploratrice et humaine espérance, enfin contre toute ferme volonté.
Tout cela est, pour le fanatique, l’impiété même, non seulement par méconnaissance des signes, mais aussi par cette influence contraire aux signes, que tous les magiciens connaissent. Remarquez ici que, ce que nous voulons prouver, ils le savent déjà ; c’est qu’un homme raisonnable, oui, un seul homme raisonnable peut beaucoup dans une assemblée de mystiques, et jusqu’à faire taire ces murmures de l’univers, annonciateurs par le sentiment. Or cela même, qui est à mes yeux le plus grand bien, est exactement pour eux l’impiété, l’impureté, le sacrilège. Au fond de toute discussion religieuse on retrouve ce conflit là ; oui, jusqu’à la table de famille. Et j’ai vu plus d’une sybille barbue dans son fauteuil. Par là le conflit religieux est relié profondément au conflit entre guerre et paix. Un fataliste ne peut annoncer le bonheur et la paix puisqu’on les veut ; il y aurait apparence qu’on peut vouloir ; c’est pourquoi l’espérance est réduite à l’espérance du 172
FEMME
plus grand mal, dans ces âmes enchaînées. Par là le fatalisme est guerre. »
< p.638-639 >
Adolf HITLER / Mein Kampf (Mon Combat) / Nouvelles Éditions Latines 1933
« Dans tous les temps, la force qui a mis en mouvement sur cette terre les révolutions les plus violentes, a résidé bien moins dans la proclamation d’une idée scientifique qui s’emparait des foules que dans un fanatisme animateur et dans une véritable hystérie qui les emballait follement. »
< Tome 1 ch. XII p.337 >
« L’avenir d’un mouvement est conditionné par le fanatisme et l’intolérance que ses adeptes apportent à le considérer comme le seul mouvement juste, très supérieur à toutes les combinaisons de même ordre. »
< Tome 1 ch. XII p.349 >
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« On parle toujours de "fanatisme aveugle", comme s’il y avait des fanatismes clairvoyants. »
< p.109 >
« L’expérience prouve qu’il est beaucoup plus facile de prendre des otages que de les relâcher. »
< p.116 >
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« Le seul barrage au fanatisme meurtrier est de vivre dans une société pluraliste où le contrepoids institutionnel d’autres doctrines et d’autres pouvoirs nous empêche toujours d’aller jusqu’au bout des nôtres. »
< p.36-37 >
FEMME
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Une femme infidèle, si elle est connue pour telle de la personne intéressée, n’est qu’infidèle : s’il la croit fidèle, elle est perfide.
On tire ce bien de la perfidie des femmes, qu’elle guérit de la jalousie. »
< p.113 III (25) >
« À juger de cette femme par sa beauté, sa jeunesse, sa fierté et ses dédains, il n’y a personne qui doute que ce ne soit un héros qui doive un jour la charmer. Son choix est fait : c’est un petit monstre qui manque d’esprit. »
< p.113 III (27) >
« Les femmes sont extrêmes : elles sont meilleures ou pires que les hommes. »
< p.123 III (53) >
« Il y a peu de femmes si parfaites, qu’elles empêchent un mari de se repentir du moins une fois le jour d’avoir une femme, ou de trouver heureux celui qui n’en a point. »
< p.129 III (78) >
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) /
Garnier frères 1877 [BnF]
« Mme de Sévigné s’informant de la santé de Ménage, il lui répondit : "Madame, je suis enrhumé. — Je la suis aussi, dit-elle. — Il me semble, répartit Ménage, que selon les règles il faudrait dire : je le suis. —
Vous direz comme il vous plaira, mais pour moi je croirais avoir de la barbe si je disais autrement."
Je tenais un jour, dit Ménage, une des mains de Mme de Sévigné avec les deux miennes ; lorsqu’elle l’eut retirée, M. Pelletier me dit : "Voilà le plus bel ouvrage qui soit sorti de vos mains." »
< p.186 >
FEMME
173
Madame de LAMBERT / Avis d’une mère à son fils / Œuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Un Ambassadeur de Perse demandait à la femme de Léonidas, pourquoi à Lacédémone on honorait tant les femmes ; c’est qu’elles seules savent faire des hommes, répondit-elle. »
< p.13 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« On dit communément : "La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a" ; ce qui est très faux : elle donne précisément ce qu’on croit recevoir, puisqu’en ce genre c’est l’imagination qui fait le prix de ce qu’on reçoit. »
< 383 p.136 >
« M. de Voltaire, étant chez Mme du Châtelet et même dans sa chambre, s’amusait avec l’abbé Mignot, encore enfant, et qu’il tenait sur ses genoux. Il se mit à jaser avec lui et à lui donner des instructions. "Mon ami, lui dit-il, pour réussir avec les hommes, il faut avoir les femmes pour soi ; pour avoir les femmes pour soi, il faut les connaître. Vous saurez donc que toutes les femmes sont fausses et catins... - Comment, toutes les femmes ! Que dites-vous là, monsieur ? " dit Mme du Châtelet en colère. "Madame, dit M. de Voltaire, il ne faut pas tromper l’enfance." »
< 929 p.259 >
Charles-Augustin SAINTE-BEUVE / Mes Poisons / Collection Romantique / José Corti 1988
« Il en est de la femme comme de l’hostie consacrée : pour le croyant, c’est Dieu même ; pour l’incrédule, ce n’est que du pain sans levain. »
< p.77 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Il échappe à Sainte-Beuve : "Une femme, quand je l’ai vue une fois, je l’estime ; mais je porte mes spermatozoïdes autre part..." »
< 24 octobre 1864 p.1112 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Un joli méchant mot de Musset. Augustine Brohan lui disait : "Monsieur Musset, on m’a raconté que vous vous étiez vanté d’avoir couché avec moi ?" Musset, flegmatiquement : "Je me suis toujours vanté du contraire." »
< 28 juin 1881 p.901 >
Roger ALEXANDRE / Les mots qui restent / Paris, Émile Bouillon 1901 [BnF]
«
Ça manque de femmes !
Nous trouvons pour la première fois ce mot rapporté par M. Jules Claretie dans les Petites nouvelles du Figaro, à la date du 25 octobre 1863.
Il le citait comme ayant été dit par Sainte-Beuve à propos de la Vie de Jésus, de Renan, qui venait de paraître. »
< p.78 >
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« Pensée d’avril — Ce qui fait la beauté d’un rosier fait la laideur d’une femme, avoir beaucoup de boutons. »
< p.630 >
« Les Toscans ont ce proverbe : les cornes sont comme les dents ; elles font mal quand elles poussent, mais on mange avec.
Ils ont cette prière :
— Mon Dieu, faites que je ne prenne pas femme. Si je prends femme, faites que je ne sois pas cocu. Si je suis cocu, faites que je ne le sache pas. Si je le sais, faites que je m’en f... »
< p.1149 >
174
FEMME
Victor HUGO / Le Roi s’amuse (1832) / Œuvres complètes - Drame t.5 / Paris, E.Renduel 1836 [BnF]
« LE ROI [François Ier], dans le cabaret, chantant.
Souvent femme varie,
Bien fol est qui s’y fie !
Une femme souvent
N’est qu’une plume au vent !
»
< Acte IV, scène ii, p.161 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« S’apercevant, dans une soirée, que Talleyrand semblait particulièrement occupé de Mme Récamier, Mme de Staël pose au prince cette question embarrassante pour sa galanterie, mais bien féminine :
— Si nous tombions à l’eau toutes deux, laquelle vous paraîtrait digne d’être secourue la première?
— Je parie, baronne, que vous nagez comme un ange. »
< p.85 >
« Pendant le séjour de lord Byron à Venise, le comte Cicognara demandait pourquoi lady Morgan avait fait de lui, dans son dernier livre, un si vilain portrait.
— C’est que, dit Byron, je ne lui ai pas donné assez de séances. »
< p.110 >
Charles BAUDELAIRE / Fusées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« Il n’y a que deux endroits où l’on paye pour avoir le droit de dépenser, les latrines publiques et les femmes. »
< p.661 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« C’est étonnant comme on ne juge jamais les femmes aussi bêtes qu’elles sont ! Les hommes, on les juge à la première visite ; les plus bêtes des femmes il en faut au moins deux ! »
< 23 mai 1857 p.264 >
« Trop suffit quelquefois à la femme. »
< novembre 1858 p.419 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Un joli mot de Mme Dorval : " Je ne suis pas jolie, je suis pire ! " »
< 7 octobre 1866 p.41 >
Alphonse KARR / Les Guêpes (deuxième série) / Calmann Lévy 1898
« La nature avait donné à l’homme sa femelle, comme à tous les animaux ; — c’est l’homme qui a inventé la femme, — et c’est sa meilleure invention. »
< Mars 1841, p.218 >
Alphonse KARR / Sous les orangers / M. Lévy frères 1859
« Je disais un jour à une femme qui se plaignait d’un infidèle : "La plus charmante femme du monde finit toujours par s’apercevoir que la première venue a un avantage sur elle, c’est d’être une autre". »
< p.22 >
Maurice JOLY / Recherches sur l’art de parvenir / Paris Amyot 1868 [BnF Cote LB56-1958]
« Il est si difficile de trouver dans une seule personne la réunion des perfections qui assurent la durée de l’amour. Il doit arriver quelquefois sans doute qu’une femme qui a deux amants et qui les garde tous les deux à l’insu l’un de l’autre, les aime tous les deux à des titres divers. Ce sont deux égoïstes qu’elle réconcilie dans son cœur. Ce sont deux moitiés de perfection que l’on rapproche. La pauvre femme est justifiée, car être infidèle, qu’est-ce bien souvent, sinon compléter son idéal? »
< p.319 >
FEMME
175
Alphonse KARR / En fumant / M. Lévy frères 1862
« La femme que l’on obtient ressemble quelquefois si peu à celle qu’on a désirée, que ce serait une infidélité faite à la première que de continuer à aimer la seconde. »
< p.57 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Une maladie des hommes. - Contre la maladie des hommes qui consiste à se mépriser, le remède le plus sûr est qu’ils soient aimés d’une femme habile. »
< 384 p.618 >
« Les femmes deviennent par amour tout à fait ce qu’elles sont dans l’idée des hommes dont elles sont aimées. »
< 400 p.620 >
Gustave FLAUBERT / Dictionnaire des idées reçues / Bouvard et Pécuchet / Garnier-Flammarion 1966
« JEUNE FILLE. - Articuler ce mot timidement. Toutes les jeunes filles sont pâles et frêles, toujours pures.
Éviter pour elles toute espèce de livres, les visites dans les musées, les théâtres et surtout le Jardin des Plantes, côté singes. »
< p.363 >
Albert CIM / Le Dîner des Gens de Lettres - Souvenirs littéraires / Flammarion 1903 [BnF]
Aurélien Scholl :
« À Paris, en 1870, pendant le siège, toutes les femmes ont mangé du chien. On aurait pu croire que cette nourriture aurait inculqué au sexe laiteux des principes de fidélité : pas du tout ! Le chien a produit sur ces dames un effet absolument imprévu ; elles ont exigé des colliers ! »
< p.97 >
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Les femmes le savent bien que les hommes ne sont pas si bêtes qu’on croit — qu’ils le sont davantage. »
< 31 p.165 >
« Battre les femmes avec une fleur, eh, pourquoi faire? Ça ne leur ferait pas du tout de mal. »
< 45 p.167 >
« Les femmes d’âge ont une espèce de naturel dans l’abandon, et de savoir-faire qui insensiblement engagent. On dirait ces livres de chevet qui d’eux-mêmes s’ouvrent, et nous découvrent leurs bons endroits. »
< 104 p.174 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Appelons la femme un bel animal sans fourrure dont la peau est très recherchée. »
< p.4 >
« Dites à une femme deux ou trois mots qu’elle ne comprenne pas, d’aspect profond. Ils la déroutent, l’inquiètent, la rendent anxieuse, la forcent à réfléchir et vous la ramènent consciente de son infériorité, sans défense. Car le reste est jeu d’enfant.
Il n’est, bien entendu, pas nécessaire que vous les compreniez vous-même. »
< 18 juillet 1887 p.5 >
« Si jamais une femme me fait mourir, ce sera de rire. »
< 17 février 1898 p.370 >
Alphonse ALLAIS / Œuvres posthumes / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Je ne m’en cache pas, j’adore les jeunes femmes un peu fortes, mais je les préfère énormes et voici la raison :
J’ai un faible pour la peau humaine lorsqu’elle est tendue sur le corps d’une jolie femme ; or j’ai remarqué que les grosses personnes offrent infiniment plus de peau que les maigres. Voilà. »
< Le Chat Noir, 25 décembre 1886 >
176
FEMME
Charles BAUDELAIRE / Maximes consolantes sur l’amour / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« Jeune homme, qui voulez être un grand poète, gardez-vous du paradoxe en amour ; laissez les écoliers ivres de leur première pipe chanter à tue-tête les louanges de la femme grasse ; abandonnez ces mensonges aux néophytes de l’école pseudo-romantique. Si la femme grasse est parfois un charmant caprice, la femme maigre est un puits de voluptés ténébreuses ! »
< p.548 >
« Il y a des gens qui rougissent d’avoir aimé une femme, le jour qu’ils s’aperçoivent qu’elle est bête. Ceux-là sont des aliborons vaniteux, faits pour brouter les chardons les plus impurs de la création, ou les faveurs d’un bas-bleu. La bêtise est souvent l’ornement de la beauté ; c’est elle qui donne aux yeux cette limpidité morne des étangs noirâtres, et ce calme huileux des mers tropicales. La bêtise est toujours la conservation de la beauté ; elle éloigne les rides ; c’est un cosmétique divin qui préserve nos idoles des morsures que la pensée garde pour nous, vilains savants que nous sommes ! »
< p.549 >
Alphonse ALLAIS / Deux et deux font cinq (1895) / Œuvres anthumes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Lune de miel.
— Dis-moi, ma chérie, à quel moment t’es-tu aperçue, pour la première fois, que tu m’aimais?
— C’est quand je me suis sentie toute chagrine chaque fois qu’on te traitait d’idiot devant moi, répondit-elle en souriant. »
< p.526 >
Georges FEYDEAU / Le Dindon (1896) / Théâtre / Omnibus 1994
« Les maris des femmes qui nous plaisent sont toujours des imbéciles. »
< Acte I scène i p.460 >
Jules CLARETIE / La vie à Paris, 1896 / G. Charpentier et E. Fasquelle 1897 [BnF]
« Les femmes fatales sont très rares. Je ne vois pas qu’elles aient tué ou ruiné des gens de génie. Dalila est une exception. Dans ce genre de bataille, je ne compte guère de vaincus que les niais. »
< 24 mai 1896, p.26 >
Jerome K. JEROME / Arrière-pensées d’un paresseux (1898) / Arléa 1998
« Les femmes ont des tas de défauts, mais, Dieu merci, elles ont toutes une vertu qui les sauve : pas une d’entre elles n’est sans défaut. »
< p.182 >
Georges DARIEN / La Belle France (1900) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« La prétention des hommes à une grande supériorité sur les femmes est simplement grotesque. Leur immense vanité les empêche de voir que cette supériorité consiste à placer un carcan au cou d’un être qui leur met à son tour des menottes aux poignets ; après quoi ils n’ont plus qu’à tourner en rond, ensemble, au bout d’une chaîne bénie par l’église, dans l’ornière qu’a creusée la tradition. »
< p.1284 >
Georges COURTELINE / Philosophie / Œuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Une dame disait un jour devant moi, d’elle-même, comme la chose la plus naturelle du monde :
— Je ne pense jamais, cela me fatigue ; — ou, si je pense, je ne pense à rien.
Comme dit Hugo : ceci est grand jusqu’au sublime. »
< p.828 >
« La femme ne voit jamais ce que l’on fait pour elle ; elle ne voit que ce qu’on ne fait pas. »
< p.829 >
FEMME
177
« L’homme est le seul mâle qui batte sa femelle. Il est donc le plus brutal des mâles, à moins que, de toutes les femelles, la femme ne soit la plus insupportable — hypothèse très soutenable, en somme. »
< p.830 >
Paul VALÉRY / Mélange (1939) / Œuvres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1957
« La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a...
— Mieux vaut souvent qu’elle le garde ! »
< p.388 >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Il n’est pas gai pour un amant de perdre le mari de sa maîtresse. Il est obligé d’entendre un panégyrique presque lyrique du défunt, recouvrant soudain toutes les qualités les plus exemplaires, après tous les quoli-bets et les injures dont on le couvrait de son vivant. »
< 14 septembre 1924 I p.1509 >
« Je finirai par croire que les femmes qui viennent vous chercher vous jouent plus de tours que les femmes auxquelles on a dû faire une longue cour avant de les obtenir, comme ayant moins de prix pour elle (vanité) dans le premier cas que dans le second. »
< 31 Décembre 1943 III p.981 >
Paul LÉAUTAUD / Passe-temps / Œuvres / Mercure de France 1988
« J’ai vu des maris houspillés, j’en ai vu de ridiculisés, j’en ai vu de trompés avec la plus belle ardeur, et une ingéniosité, une adresse qui touchaient à l’esprit. Mon bon cœur me faisait les plaindre. Je ne les plains plus. Le jour qu’ils meurent, quelle réparation leur est faite ! Il n’est pas de qualités, de mérites, de talents que leurs épouses en larmes ne leur découvrent soudain, pas d’éloges qu’elles n’en fassent, de regrets qu’elles n’expriment, avec cet accent de sincérité qui n’appartient qu’aux femmes. On consentirait à être cocu pour entendre dire un pareil bien de soi. »
< p.249 >
« Il est curieux que ce soit toujours la femme qui "accorde ses faveurs" à l’homme. Ce n’est pourtant qu’un échange de bons procédés? »
< p.280 >
Paul LÉAUTAUD / Propos d’un jour / Œuvres / Mercure de France 1988
« Une femme ne trouve jamais très intelligent l’homme qui l’aime. »
< p.319 >
Sacha GUITRY / Elles et Toi / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« J’imagine un cocu disant :
- Ce qui m’exaspère, c’est de penser que ce monsieur sait maintenant de quoi je me contentais ! »
< p.104 >
« Elles croient volontiers que parce qu’elles ont fait le contraire de ce qu’on leur demandait, elles ont pris une initiative. »
< p.105 >
« Il y a celles qui vous disent qu’elles ne sont pas à vendre, et qui n’accepteraient pas un centime de vous !
Ce sont généralement celles-là qui vous ruinent. »
< p.107 >
« De temps à autre, elles ont douze ans. Mais qu’un événement grave se produise - et crac ! elles en ont huit. »
< p.108 >
« C’en est encore une, celle-là, tenez, qui prend l’entêtement pour de la volonté, qui confond excentrique avec original et susceptible avec sensible - encore une, tenez, qui reste convaincue que la contradiction tient lieu de caractère - et qui croit volontiers que faire des façons c’est avoir des manières. »
< p.109 >
178
FEMME
« Tu as un charme irrésistible - en ton absence - et tu laisses un souvenir que ton retour efface. »
< p.110 >
« Une femme, une vraie femme, c’est une femme avant tout qui n’est pas féministe. »
< p.113 >
« Il y a des femmes qui se jettent à votre cou comme elles se lanceraient à la tête d’un cheval - pour vous faire croire que vous êtes emballé. »
< p.114 >
« Elle s’est donnée à moi - et c’est elle qui m’a eu. »
< p.116 >
Sacha GUITRY / Les Femmes et l’Amour / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Je n’aime pas les femmes qui font l’enfant - à l’exception, bien entendu, des femmes enceintes de neuf mois. »
< p.229 >
Georges PERROS / En vue d’un éloge de la paresse - Lettre préface / Le Passeur 1995
« Quand une femme a des moments agréables, on n’ose plus bouger. Ces instants devraient être précédés par le roulement de tambour qui annonce le numéro-clou dans les cirques. »
< p.23 >
Antoine BLONDIN / Certificats d’études / Œuvres / Robert Laffont - Bouquins 1991
« Toutes les femmes sont fatales ; on commence par leur devoir la vie, elles finissent par causer notre perte. »
< p.814 >
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« L’instinct de la femme stupide ne la trompe jamais. »
< 2 juillet 1968, p.24 >
COLUCHE / Pensées et anecdotes / Le cherche midi éditeur 1995
« Les femmes seront les égales des hommes le jour où elles accepteront d’être chauves et de trouver ça distingué. »
< p.153 >
Roland TOPOR / Pense-bêtes / Le cherche midi éditeur 1992
« Les femmes sont plus franchement mammifères que les hommes. »
< p.108 >
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Il existe trois catégories de femmes : les putes, les salopes et les emmerdeuses. Les putes couchent avec tout le monde, les salopes couchent avec tout le monde sauf avec toi, les emmerdeuses ne couchent qu’avec toi. »
< p.52 >
Philippe BOUVARD / Journal 1997-2000 / Le cherche midi éditeur 2000
« La femme idéale : celle qui laisse à l’homme le dernier mot en sachant qu’elle pourrait en ajouter encore un autre. »
< p.122 >
FINALITÉ
179
FINALITÉ
Baruch SPINOZA / L’Ethique / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Il me suffira ici de poser en principe ce qui doit être reconnu par tous : tous les hommes naissent ignorants des causes des choses, et tous ont envie de rechercher ce qui leur est utile, ce dont ils ont conscience.
D’où il suit, en premier lieu, que les hommes se croient libres parce qu’ils ont conscience de leurs volitions et de leur appétit, et qu’ils ne pensent pas, même en rêve, aux causes qui les disposent à désirer et à vouloir, parce qu’ils les ignorent.
Il suit, en second lieu, que les hommes agissent toujours en vue d’une fin, c’est-à-dire en vue de l’utile qu’ils désirent ; d’où il résulte qu’ils ne cherchent jamais à savoir que les causes finales des choses une fois achevées, et que, dès qu’ils en ont connaissance, ils trouvent le repos, car alors ils n’ont plus aucune raison de douter. S’ils ne peuvent avoir connaissance de ces causes par autrui, il ne leur reste qu’à se retourner vers eux-mêmes et à réfléchir aux fins qui les déterminent d’habitude à des actions semblables, et à juger ainsi nécessairement, d’après leur naturel propre, celui d’autrui. En outre, ils trouvent en eux-mêmes et hors d’eux-mêmes un grand nombre de moyens qui leur servent excellemment à se procurer ce qui leur est utile, comme par exemple, les yeux pour voir, les dents pour mâcher, les herbes et les animaux pour s’alimenter, le soleil pour s’éclairer, la mer pour nourrir les poissons, etc., ils finissent donc par considérer toutes les choses naturelles comme des moyens pour leur utilité propre. Et comme ils savent que ces moyens, ils les ont trouvés, mais ne les ont pas agencés eux-mêmes, ils y ont vu une raison de croire qu’il y a quelqu’un d’autre qui a agencé ces moyens à leur usage. Car, ayant considéré les choses comme des moyens, ils ne pouvaient pas croire qu’elles se fussent faites elles-mêmes ; mais, pensant aux moyens qu’ils ont l’habitude d’agencer pour eux-mêmes, ils ont dû conclure qu’il y a un ou plusieurs maîtres de la Nature, doués de la liberté humaine qui ont pris soin de tout pour eux et qui ont tout fait pour leur convenance. Or, comme ils n’ont jamais eu aucun renseignement sur le naturel de ces êtres, ils ont dû en juger d’après le leur, et ils ont ainsi admis que les Dieux disposent tout à l’usage des hommes, pour se les attacher et être grandement honorés par eux. D’où il résulta que chacun d’eux, suivant son naturel propre, inventa des moyens divers de rendre un culte à Dieu, afin que Dieu l’aimât plus que tous les autres et mît la Nature entière au service de son aveugle désir et de son insatiable avidité. Ainsi, ce préjugé est devenu superstition et a plongé de profondes racines dans les esprits ; ce qui fut une raison pour chacun de chercher de toutes ses forces à comprendre les causes finales de toutes choses et à les expliquer. Mais en voulant montrer que la Nature ne fait rien en vain (c’est-à-dire qui ne soit à l’usage des hommes), ils semblent avoir uniquement montré que la Nature et les Dieux délirent aussi bien que les hommes. Voyez, je vous prie, où cela conduit ! Parmi tant d’avantages qu’offre la Nature, ils ont dû trouver un nombre non négligeable d’inconvénients, comme les tempêtes, les tremblements de terre, les maladies, etc., et ils ont admis que ces événements avaient pour origine l’irritation des Dieux devant les offenses que leur avaient faites les hommes ou les fautes commises dans leur culte ; et quoique l’expérience s’inscrivît chaque jour en faux contre cette croyance et montrât par d’infinis exemples que les avantages et les inconvénients échoient indistinctement aux pieux et aux impies, ils n’ont cependant renoncé à ce préjugé invétéré : il leur a été, en effet, plus facile de classer ce fait au rayon des choses inconnues, dont ils ignoraient l’usage, et de garder ainsi leur état actuel et inné d’ignorance, que de ruiner toute cette construction et d’en inventer une nouvelle. Ils ont donc pris pour certain que les jugements de Dieux dépassent de très loin la portée de l’intelligence humaine ; et cette seule raison , certes, eût suffi pour que la vérité demeurât à jamais cachée au genre humain, si la Mathématique, qui s’occupe non des fins, mais seulement des essences et des propriétés des figures, n’avait montré aux hommes une autre règle de vérité. »
< p.347-349 >
VOLTAIRE / Dictionnaire philosophique / Garnier 1967.
« Il paraît qu’il faut être forcené pour nier que les estomacs soient faits pour digérer, les yeux pour voir, les oreilles pour entendre. D’un autre côté, il faut avoir un étrange amour des causes finales pour assurer que la pierre a été formée pour bâtir des maisons, et que les vers à soie sont nés à la Chine afin que nous ayons du satin en Europe.
[...]
Je crois qu’on peut aisément éclaircir cette difficulté. Quand les effets sont invariablement les mêmes en tout lieu et en tout temps, quand ces effets uniformes sont indépendants des êtres auxquels ils appartiennent, 180
FLATTERIE
alors il y a visiblement une cause finale. »
< p.199-200 >
« Je sais bien que plusieurs philosophes, et surtout Lucrèce, ont nié les causes finales ; et je sais que Lucrèce, quoique peu châtié, est un très grand poète dans ses descriptions et dans sa morale ; mais en philosophie, il me paraît, je l’avoue, fort au-dessous d’un portier de collège et d’un bedeau de paroisse. Affirmer que ni l’œil n’est fait pour voir, ni l’oreille pour entendre, ni l’estomac pour digérer, n’est-ce pas là la plus énorme absurdité, la plus révoltante folie qui soit jamais tombée dans l’esprit humain ? Tout douteur que je suis, cette démence me parait évidente et je le dis.
Pour moi, je ne vois dans la nature comme dans les arts, que des causes finales ; et je crois un pommier fait pour porter des pommes comme je crois une montre faite pour marquer l’heure. »
< p.512 >
« Si une horloge n’est pas faite pour montrer l’heure, j’avouerai alors que les causes finales sont des chimères ; et je trouverai fort bon qu’on m’appelle cause-finalier, c’est-à-dire un imbécile. »
< p.542 >
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« L’esprit trouve des mystères parce qu’il cherche d’ instinct un but et une utilité à toute chose. Il semble qu’il lui soit interdit de concevoir les choses telles quelles — tout au moins telles qu’elles se montrent. »
< Philosophie p.530 >
FLATTERIE
Jean DOMAT / Pensées / Moralistes du XVIIe siècle / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Les louanges, quoique fausses, quoique ridicules, quoique non crues, ni par celui qui loue, ni par celui qui est loué, ne laissent pas de plaire et, si elle [ sic] ne plaît par autre motif, elle plaît au moins par la dépendance, et par l’assujettissement de celui qui loue. »
< 27 p.611 >
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute. »
< Livre premier, II Le corbeau et le renard p.31 > Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« L’on s’insinue auprès de tous les hommes, ou en les flattant dans les passions qui occupent leur âme, ou en compatissant aux infirmités qui affligent leur corps ; en cela seul consistent les soins que l’on peut leur rendre : de là vient que celui qui se porte bien, et qui désire peu de choses, est moins facile à gouverner. »
< p.326 XII (109) >
LA BEAUMELLE / Mes pensées ou Le qu’en dira-t-on (1752) / Droz 1997
« Les louanges d’un sot ne devraient pas me flatter, et cependant me flattent presque autant que celles d’un homme d’esprit : un sot, dans le moment qu’il me loue, devient homme d’esprit ; l’homme d’esprit qui me loue n’est qu’un juge équitable. »
< CCXXVII p.127 >
Claude Adrien HELVÉTIUS / Pensées et réflexions / Œuvres complètes (tome 14) / Paris, Didot 1795
[BnF]
« Hannibal était borgne. Il se moqua du peintre qui le peignit avec deux yeux, et récompensa celui qui le peignit de profil. On ne veut pas être loué trop fadement ; mais on est bien aise qu’on dissimule nos défauts. »
< XLII p.127 >
FOI
181
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Nous croyons le faux qui nous flatte. Vous feriez aisément accroire que le blanc est noir à celui qui a des cheveux blancs. »
< p.225 >
Alphonse KARR / Les Guêpes (troisième série) / Calmann Lévy 1888
« Il n’y a de la flatterie à l’injure que la différence qui existe entre la mendicité et l’attaque à main armée.
Toutes deux ont le même but et ne diffèrent que par les moyens. »
< Septembre 1841, p.84 >
Arthur SCHOPENHAUER / Aphorismes sur la sagesse dans la vie (1851) / Collection Quadrige / PUF
1943
« Aussi infailliblement que le chat se met à ronronner quand on lui caresse le dos, aussi sûrement on voit une douce extase se peindre sur la figure de l’homme qu’on loue, surtout quand la louange porte sur le domaine de ses prétentions, et quand même elle serait un mensonge palpable. »
< p.39 >
Désiré NISARD / Ægri somnia - Pensées et caractères / Calmann Lévy 1889
« Quand vous avez sujet de louer quelqu’un, gardez-vous de ne lui donner que son dû. Bien que le propre des louanges bien données soit d’être modérées, trouvez donc l’homme qui, loué modérément, croie l’être comme il le mérite? »
< p.4 >
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Sterne, dans son Voyage sentimental, raconte qu’il voulut, une soirée, essayer jusqu’où on pouvait louer quelqu’un sans cesser de lui plaire. Il fit l’épreuve sur trois personnes qui n’étaient pas sans mérite ; il commença par les écouter, ce qui est une flatterie très agréable ; ensuite il en redemanda ; et enfin il les reconnus supérieurs comme ils voulaient l’être, sans restriction, disant par exemple au diplomate : "J’ai entendu souvent parler de politique extérieure ; mais je ne soupçonnais même pas cette solidité de doctrine, cette profondeur de vues, cette connaissance des hommes que vous venez de me montrer." Naturellement ces éloges furent savourés ; il essaya de les forcer ; mais plus il exagérait, plus l’autre y trouvait de plaisir.
Le flatteur reçut en échange quelques compliments qu’il n’attendait point, qu’il s’efforça de mépriser, mais qui trouvèrent tout de même asile au plus profond de son cœur. Bref, pour avoir été trois fois flatteur dans cette soirée, et impudemment flatteur, il se fit trois amis, trois vrais et fidèles amis, qui ne l’oublièrent jamais et lui rendirent mille services sans qu’il le demandât. Voilà de ces terribles histoires, dont le sel est bien anglais ; cette froide plaisanterie glace comme une douche, et laisse une trace brûlante. Leurs clowns grands et petits sont comme leurs épices ; quand on en a goûté, tout le reste paraît fade. »
< 15 novembre 1907 p.23 >
FOI
VOLTAIRE / Dictionnaire philosophique / Garnier 1967.
« Or l’histoire du déluge étant la chose la plus miraculeuse dont on ait jamais entendu parler, il serait insensé de l’expliquer : ce sont des mystères qu’on croit par la foi ; et la foi consiste à croire ce que la raison ne croit pas, ce qui est encore un miracle. »
< p.251 >
Alfred de VIGNY / Journal d’un poète / Paris, A. Lemerre 1885 [BnF]
« On parle de la foi. Qu’est-ce, après tout, que cette chose si rare ? — Une espérance fervente. — Je l’ai sondée dans tous les prêtres qui disaient la posséder et n’ai trouvé que cela. — Jamais la certitude. »
< 1843, p.188 >
182
FOI
Isidore DUCASSE (LAUTRÉAMONT) / Poésies (1870) / GF 528 - Flammarion 1990
« Repoussez l’incrédulité : vous me ferez plaisir. »
< I p.329 >
Ernest RENAN / L’Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« La foi sera toujours en raison inverse de la vigueur de l’esprit et de la culture intellectuelle. Elle est là derrière l’humanité attendant ses moments de défaillance, pour la recevoir dans ses bras et prétendre ensuite que c’est l’humanité qui s’est donnée à elle. Pour nous, nous ne plierons pas ; nous tiendrons ferme comme Ajax contre les dieux ; s’ils prétendent nous faire fléchir en nous frappant, ils se trompent. Honte aux timides qui ont peur ! Honte surtout aux lâches qui exploitent nos misères et attendent pour nous vaincre que le malheur nous ait déjà à moitié vaincus. »
< p.119 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« À vrai dire, la foi n’a pas encore réussi à déplacer de vraies montagnes, quoique cela ait été affirmé par je ne sais plus qui ; mais elle sait placer des montagnes où il n’y en a point. »
< 225 p.783 >
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Foi n. Croyance sans preuve dans ce qui est affirmé par quelqu’un qui parle sans savoir, ou qui pense sans comparer. »
< p.107 >
Paul VALÉRY / Tel Quel / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Le débat religieux n’est plus entre religions, mais entre ceux qui croient que croire a une valeur quelconque, et les autres. »
< p.643 >
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La bonne foi est une vertu essentiellement laïque, que remplace la foi tout court. »
< 13 décembre 1927 p.864 >
« La foi comporte un certain aveuglement où se complaît l’âme croyante ; quand elle échappe aux entraves de la raison, il lui semble qu’elle bat son plein. Elle n’est que dévergondée. »
< 7 avril 1929 p.919 >
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« La Foi soulève des montagnes ; oui : des montagnes d’absurdités. Je n’oppose pas à la Foi le doute ; mais l’affirmation : ce qui ne saurait être n’est pas. »
< 1947 p.309 >
Philippe BOUVARD / Maximes au minimum / Robert Laffont 1984
« Et si la foi n’était qu’une forme très particulière de l’aliénation mentale? »
< p.55 >
« On appelle "mauvaise foi" les convictions d’autrui qu’on ne partage pas... »
< p.56 >
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Il semble que la foi du charbonnier soit un peu moins vive depuis la découverte du pétrole. »
< p.124 >
« Qu’est-ce que la foi?... Ce qui permet à l’intelligence de vivre au-dessus de ses moyens. »
< p.126 >
FRANÇAIS
183
« D’après certains savants travaux, la montagne des Dix commandements ne se trouverait plus sur le Sinaï : ce n’est plus la foi, c’est le doute, maintenant, qui déplace les montagnes. »
< p.128 >
« Il devrait être entendu une fois pour toutes parmi les fidèles que toutes les reliques sont authentiques, qu’il suffit en tout cas qu’on ait prié devant elles pour qu’elles le deviennent. »
< p.132 >
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« La foi, c’est prier un doute pour qu’il protège des réalités. »
< p.185 >
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« La bonne foi n’étant pas la vertu la plus répandue chez l’homme, c’est fréquemment à propos de l’accessoire que l’on vous fait un procès, pour mieux éluder l’essentiel. »
< p.248 >
FRANÇAIS
Antoine de RIVAROL / L’Universalité de la langue française (1783) / arléa 1998
« Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c’est l’ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. Le français nomme d’abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l’action, et enfin l’ objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l’objet qui frappe le premier. C’est pourquoi tous les peuples, abandonnant l’ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l’harmonie des mots l’exigeaient ; et l’inversion a prévalu sur la terre, parce que l’homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la raison.
Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C’est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n’est pas clair n’est pas français ; ce qui n’est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. »
< p.72 >
Ernest RENAN / L’Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« Le français ne veut exprimer que des choses claires ; or les lois les plus importantes, celles qui tiennent aux transformations de la vie, ne sont pas claires : on les voit dans une sorte de demi-jour. C’est ainsi qu’après avoir aperçu la première les vérités de ce qu’on appelle maintenant le darwinisme la France a été la dernière à s’y rallier. On voyait bien tout cela, mais cela sortait des habitudes ordinaires de la langue et du moule des phrases bien faites. La France a ainsi passé à côté de précieuses vérités, non sans les voir, mais en les jetant au panier, comme inutiles ou impossibles à exprimer. »
< p.68 >
Arthur SCHOPENHAUER / Pensées et fragments / Alcan 1900 [BnF]
« Aucune prose ne se lit aussi aisément et aussi agréablement que la prose française... L’écrivain français enchaîne ses pensées dans l’ordre le plus logique et en général le plus naturel, et les soumet ainsi successivement à son lecteur, qui peut les apprécier à l’aise, et consacrer à chacune son attention sans partage.
L’Allemand, au contraire, les entrelace dans une période embrouillée et archi-embrouillée, parce qu’il veut dire six choses à la fois, au lieu de les présenter l’une après l’autre. »
< p.223 >
184
FRANCE
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Clarté du français.
Qui sait si cette clarté n’est point due à la diversité des races en présence sur notre sol. Une population mêlée formerait pour s’entendre un langage moyen. Inverse de Babel. Chez nous Latins et Germains et Celtes. »
< Langage p.418 >
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre langue. »
< p.35 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« Il est [...] probable qu’on demandera d’autant moins au français qu’on possédera plus de langues étrangères. Et celles-ci sont à l’ordre du jour. »
< p.xxxiv préface >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« J’aime passionnément la langue française, je crois tout ce que la grammaire me dit, et je savoure les exceptions, les irrégularités de notre langue. »
< 6 octobre 1906 p.850 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Je lis de moins en moins l’anglais et l’allemand ; ce sont des langues qui mettent trop de flou dans mon esprit — qui n’en a vraiment pas besoin.
Et puis j’ai plus que l’impression, la certitude, qu’on ne peut formuler qu’en français, et qu’en tout autre langue on se laisse aller au charme et à la débauche de l’approximation.
Le français est la langue non géniale par excellence. »
< 11 octobre 1962 p.114 >
« La preuve que, pour parler avec Rivarol, la probité définit la langue française, c’est que le subjonctif y abonde plus que dans d’autres. Le français ou le respect de l’incertitude. »
< 21 septembre 1966 p.405 >
« Quand deux français se disputent, s’ils ne se livrent pas à des voies de fait, ils se reprochent, dernier argument, des fautes de français. Éviter à tout prix toute faute, et même toute incorrection, dans une lettre d’injures. C’est ce péché de forme qu’on vous reprochera le plus gravement, et on passera à côté du fond. »
< 23 novembre 1969 p.763 >
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« — Vous parlez un français très châtié !
— Qui aime bien châtie bien ! »
< p.112 >
Jean DUTOURD / Dutouriana / Plon 2002
« Les Français, si détestables, ont un avantage considérable sur les autres peuples : ils parlent français. »
< p.19 >
FRANCE
Charles de SAINT-ÉVREMOND / Œuvres mêlées (12) / Paris, C.Barbin 1693
« Il n’y a pas de pays où la raison soit plus rare qu’en France ; quand elle s’y trouve, il n’y en a pas de plus pure dans l’Univers. »
< Maximes, LXXI, p.243 >
FRANCE
185
MARIVAUX / L’Indigent philosophe (1727) / Journaux et Œuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« [...] c’est une plaisante nation que la nôtre ; sa vanité n’est pas faite comme celle des autres peuples : ceux-ci sont vains tout naturellement, ils n’y cherchent point de subtilité, ils estiment tout ce qui se fait chez eux cent fois plus que tout ce qui se fait partout ailleurs ; ils n’ont point de bagatelles qui ne soient au-dessus de ce que nous avons de plus beau ; ils en parlent avec un respect qu’ils n’osent exprimer, de peur de le gâter ; et ils croient avoir raison ; ou si quelquefois ils ne le croient point, ils n’ont garde de le dire, car où serait l’honneur de la patrie ? et voilà ce qu’on appelle une vanité franche ; voilà comme la nature nous la donne de la première main, et même comme le bon sens serait vain si jamais le bon sens pouvait l’être.
Mais nous autres Français, il faut que nous touchions à tout, et nous avons changé tout cela. Vraiment nous y entendons bien plus de finesse, nous sommes bien autrement déliés sur l’amour-propre : estimer ce qui se fait chez nous? eh ! où en serait-on, s’il fallait louer ses compatriotes? ils seraient trop glorieux, et nous trop humiliés ; non, non, il ne faut pas donner cet avantage-là à ceux avec qui nous vivons tous les jours, et qu’on peut rencontrer partout. Louons les étrangers, à la bonne heure, ils ne sont pas là pour en devenir vains ; et au surplus nous ne les estimons pas plus pour cela, nous saurons bien les mépriser quand nous serons chez eux, mais pour ceux de notre pays, myrmidons que tout cela. »
< p.303 >
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) /
Garnier frères 1877 [BnF]
« Les Français, qui dans leurs voyages ont le ridicule de n’estimer que leur pays, ont la manie, lorsqu’ils sont chez eux, de ne guère goûter que ce qui est étranger. »
< p.72 >
« C’est notre usage, nous tournons tout en raillerie dans ce pays-ci ; on plaisante sur les malheurs de l’État comme sur une aventure singulière et bizarre. Un ancien historien observe que lorsque Annibal proposa aux Gaulois de s’unir à lui pour aller porter la guerre en Italie, ils lui répondirent par un grand éclat de rire. Nous n’avons pas dégénéré, et nous rions de tout aussi bien que nos ancêtres. Les affaires les plus importantes ont toujours pour nous un côté ridicule ; nous les envisageons de ce côté-là, et nous rions. »
< p.220 >
Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX / Œuvres / Art Poétique / Société des Belles Lettres 1939
«
D’un trait de ce Poëme [la Satire] en bons mots si fertile,
Le François né malin forma le Vaudeville,
Agréable Indiscret, qui conduit par le chant,
Passe de bouche en bouche, et s’accroist en marchant.
»
< Chant II v.181-184 p.94 >
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Ce qui rend le Français idiot, c’est qu’il est né malin. »
< 17 mars 1969, p.161 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« M... disait, à propos de sottises ministérielles et ridicules : "Sans le gouvernement, on ne rirait plus en France." »
< 756 p.221 >
« Un homme d’esprit me disait un jour : que le gouvernement de France était une monarchie absolue tempérée par des chansons. »
< 853 p.243 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« Les Français vaudront tout leur prix, lorsqu’ils substitueront les principes à la turbulence, l’orgueil à la vanité, et surtout l’amour des institutions à l’amour des places. »
< 173 p.254 >
186
FRANCE
JEAN-PAUL / Pensées de Jean-Paul / Paris, Firmin Didot 1829 [BnF]
« La Providence a donné aux Français l’empire de la terre, aux Anglais celui de la mer, aux Allemands celui de l’air. »
< p.27 >
Arthur SCHOPENHAUER / Pensées et fragments / Alcan 1900 [BnF]
« Les autres parties du monde ont des singes ; l’Europe a des Français. Cela se compense. »
< p.223 >
Alfred de VIGNY / Journal d’un poète / Paris, A. Lemerre 1885 [BnF]
« Notre nation est légère et taquine. Elle ne veut laisser tranquille aucune supériorité. »
< 1839, p.153 >
Désiré NISARD / Ægri somnia - Pensées et caractères / Calmann Lévy 1889
« Les nations étrangères nous raillent agréablement de notre amour pour la gloire, comme si chez un peuple qui, depuis plus de dix siècles, a donné tant à faire à l’histoire, aimer la gloire n’était pas tout simplement se respecter soi-même ! »
< p.278 >
Ernest RENAN / L’Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« La France serait-elle si bien la France, si elle n’avait pour exalter sa personnalité l’antithèse de l’Angleterre? »
< p.452 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« L’Anglais, filou comme peuple, est honnête comme individu. Il est le contraire du Français, honnête comme peuple et filou comme individu. »
< 29 octobre 1868 p.178 >
Paul-Jean TOULET / Le carnet de monsieur du Paur / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Plutôt qu’une race et même qu’une nation, la France est une idée. »
< p.284 >
Henri de BORNIER / La fille de Roland (1875) / Ed. Dentu 1905
« Tout homme a deux pays, le sien et puis la France !* »
< Acte III scène II p.69 >
* La postérité n’a retenu que ce seul vers de l’œuvre du vicomte académicien Henri de Bornier. Propriétaire de vignobles et particulièrement d’un cru renommé, il s’écriait un jour qu’il était "plus fier de son vin que de ses vers" ; ce qui faisait dire à cette méchante langue d’Henri Becque : "Et il n’a fichtre pas tort !" (Albert Cim - Le Dîner des Gens de Lettres - p.292)
Georges DARIEN / La Belle France (1900) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« Que représente la France, pour les Français? Aux yeux des gens graves qui possèdent, et qui réfléchissent profondément et pompeusement, c’est un poids nécessaire à l’équilibre européen ; pour les autres, c’est un hexagone. »
< p.1206 >
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Guillotine n. Machine qui, à juste titre, fait hausser les épaules à un français. Dans son magistral ouvrage, Voies Divergentes de l’Évolution Raciale, le docte Professeur Brayfugle argue sur l’importance de ce mouvement — le haussement d’épaules — chez les français, du fait qu’ils descendent probablement des tortues et qu’il s’agit simplement d’une survivance de l’habitude de rétracter la tête dans la carapace.
C’est avec répugnance que je m’écarte d’une autorité si éminente, mais selon mon opinion (abondamment FRANCE
187
développée et argumentée dans mon ouvrage intitulé Émotions Héréditaires - lib. II, c. XI), le haussement d’épaules est une piste trop ténue pour aboutir à une théorie aussi catégorique, d’autant plus que le geste était inconnu avant la Révolution. Je ne doute pas un seul instant qu’il doive son origine à la terreur inspirée par la guillotine pendant la période de l’activité de cet instrument. »
< p.121 >
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Le mouvement de population et de l’émigration est biologique ; nul n’y peut rien. Supposons une infiltration d’étrangers par centaines de mille, et d’étrangers qui restent étrangers, le problème silésien peut se poser en Champagne. Ainsi la guerre se montre, mais elle est moins effet que cause ; c’est parce qu’elle se montrait d’abord que les difficultés s’élèvent. Si les pensées étaient occupées de bonne entente, d’associa-tion, d’échanges fructueux, et non point de guerre, le fleuve humain coulerait lentement du continent vers nos rivages, comme il l’a toujours fait, et les Français ne craindraient nullement de devenir Allemands par cette force du nombre, évidemment invincible ; au contraire les immigrants allemands deviendraient Fran-
çais. La France a toujours dû sa nature propre à de tels mélanges ; et je crois que toujours la géographie vaincra l’histoire. »
< 21 août 1921 p.277 >
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« À chaque règlement nouveau qu’on impose à la France, chaque citoyen français s’inquiète de savoir non point comment le suivre, mais comment l’éluder. J’en reviens toujours à ceci : on parle de défaut d’organisation ; c’est défaut de conscience qu’il faut dire. »
< 15 février 1918 p.646 >
Edouard HERRIOT / Jadis (**) D’une guerre à l’autre 1914-1936 / Flammarion 1952
« Dans une conversation avec un journaliste, je m’étais montré préoccupé de ce que penserait de la Conférence de Londres* le Français moyen. Je ne me doutais pas que cette expression si simple ferait le tour du pays et même, sous des traductions variées, le tour du monde. Les mots historiques sont ceux que l’on fait sans s’en douter. »
< p.167 >
* À la conférence de Londres, le 16 août 1924, le "plan Dawes" est accepté : évacuation de la Ruhr par les Français, réduction et rééchelonnement des réparations de guerre (traité de Versailles) dans le but d’enrayer l’inflation galopante en Allemagne.
Jean COCTEAU / La difficulté d’être / Romans, Poésies, Œuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« Qu’est-ce que la France, je vous le demande ? Un coq sur un fumier. Ôtez le fumier, le coq meurt. C’est ce qui arrive lorsqu’on pousse la sottise jusqu’à confondre tas de fumier et tas d’ordures. »
< p.882 >
Antoine BLONDIN / Certificats d’études / Œuvres / Robert Laffont - Bouquins 1991
« Un coq sur un tas de fumier a satisfait, un moment, l’image que Jean Cocteau se faisait de la France. Ce fumier fécond, que nos hommes de gouvernement ont trop souvent tendance à prendre pour une pourriture ( sic), c’est le bienfaisant désordre. Le coq est le poète lui-même. Les vertus du désordre engendrent spontanément celles du poète : l’artisanat ou industrie désinvolte, l’invention, la trouvaille et la contradiction qui constitue la forme la plus haute de la création. »
< p.797 >
Claude Michel CLUNY / Le silence de Delphes - journal littéraire 1948-1962 / SNELA La Différence 2002
« Tout le monde râle en France, mais en fin de compte les gens acceptent n’importe quoi. »
< 1958 p.114 >
188
FREUD
Emil CIORAN / Écartèlement (1979) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Seuls les peuples querelleurs, indiscrets, jaloux, rouspéteurs, ont une histoire intéressante : celle de la France l’est au suprême degré. Fertile en événements et, plus encore, en écrivains pour les commenter, elle est la providence de l’amateur de Mémoires. »
< p.1424 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Les Français ont tous les défauts, sauf un : ils ne sont pas obséquieux. Ils l’ont assez démontré pendant l’Occupation ; je n’en ai vu aucun qui, dans la rue ou ailleurs, se soit aplati devant l’occupant ou qui ait pris un air servile (la Collaboration est tout autre chose ; les collaborateurs se sont vendus : cela est différent). C’est là où les Français ont une nette supériorité sur les Allemands, lesquels dès qu’ils sont battus, deviennent rampants. Mais même en dehors de la défaite, ils sont toujours à plat ventre devant un supérieur hiérarchique : leur obéissance est à base de lâcheté civile et non de consentement à l’ordre. »
< 27 janvier 1966 p.338 >
Georges WOLINSKI / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1981
« On n’a pas le temps d’être efficace en France. Nos ingénieurs lisent des livres, digèrent leur ragoût de midi. La culture générale, quoi ! Ce ne sont pas des cons de spécialistes bornés comme les Américains. »
< p.104 >
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Le goût des Français pour le droit est bien connu ; c’est probablement le seul pays où l’on entende parler d’un "droit à l’erreur", bien que personne ne s’y trompe jamais. »
< p.13 >
« En France, les procès finissent toujours par celui de la Justice. »
< p.13 >
« Les Français ces derniers temps, sont de plus en plus cartésiens : ils doutent de tout. »
< p.17 >
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« À ceux qui remarquent que la France est vingt fois moins peuplée que la Chine, je réponds que le rayonnement d’un pays est moins lié au nombre des vivants qu’à la qualité des morts. »
< p.209 >
FREUD
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Ah ! que Freud est gênant ! et qu’on fût bien arrivé sans lui à découvrir son Amérique ! Il me semble que ce dont je lui doive être le plus reconnaissant, c’est d’avoir habitué les lecteurs à entendre traiter certains sujets sans avoir à se récrier ni à rougir. Ce qu’il nous apporte surtout c’est de l’audace ; ou plus exactement, il écarte de nous certaine fausse et gênante pudeur.
Mais que de choses absurdes chez cet imbécile de génie ! »
< 19 juin 1924 p.785 >
Paul LÉAUTAUD / Le théâtre de Maurice Boissard / Œuvres / Mercure de France 1988
« J’ai lu de ce même M. Freud, il y a quelques années, un travail sur Le Rire. C’est fort incomplet. Il manque une sorte importante du Rire. Celui dont on est pris à la lecture de ces pauvretés prétentieuses, lesquelles naturellement, à notre époque de jobardise, ont trouvé des adeptes hommes et femmes, heureux de se distinguer en "glosant" sur cette "nouveauté". »
< p.1721 >
GÉNÉROSITÉ
189
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Freud avait beaucoup d’esprit et très peu d’humour. J’entends qu’il n’avait pas assez de distance avec son œuvre. C’est un prophète, un chef de secte, un réformateur "religieux". Il a constamment confondu sa mission avec la vérité, au grand préjudice de celle-ci. On ne se figure pas esprit moins objectif, parmi les hommes de science, bien entendu. Il y avait en lui du fanatique, de l’homme de l’ancienne Alliance. »
< 11 février 1969 p.688 >
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« J’ai trop été nourri de la lecture de Freud, qui d’ailleurs a été assassiné beaucoup plus par ses disciples que par ses détracteurs, pour le rejeter entièrement, comme on a tendance à le faire en cette fin du XXe siècle. Je n’en professe pas moins qu’il faut avoir un champ de vision d’une étroitesse de corridor et une insensibilité daltonienne aux couleurs de la vie pour se condamner à la portion congrue et à la morne pitance de la seule et unique sexualité comme source, thème et vecteur exclusifs des riches et innombrables passions humaines. »
< p.159 >
Michel POLAC / Journal (1980-1998) / PUF 2000
« Je crois aux découvertes de Freud comme je crois aux mesures et méthodes de prévision des météoro-logues, mais le chaos a le dernier mot, le désir comme les sautes de vent déjoue toutes les techniques. »
< 12 mars 1984, p.94 >
GÉNÉROSITÉ
MACHIAVEL / Le Prince / Le livre de poche / Librairie Générale Française 1983
« Gaspiller ton patrimoine te porte tort. Et il n’y a chose au monde qui se consume elle-même plus vite que la générosité : pendant que tu l’emploies, tu perds la faculté de l’employer, tu deviens pauvre et méprisable, ou, pour échapper à la pauvreté, rapace et détestable. Or un prince doit éviter par-dessus tout d’inspirer la haine et le mépris : deux malheurs auxquels la libéralité conduit inévitablement. Il y a donc plus de sagesse à accepter l’appellation de lésineur, qui engendre un mauvais renom sans haine, qu’à ambitionner celle de libéral, qu’accompagne nécessairement celle de rapace, qui engendre un mauvais renom avec haine. »
< p.85 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Oeuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Rendre. - Hésiode conseille de rendre au voisin qui nous a aidés, dès que nous le pouvons, et, si possible, en une plus large mesure. Car le voisin prend grand plaisir à voir sa bienveillance de jadis lui rapporter des intérêts ; mais celui qui rend a, lui aussi, son plaisir, en ce sens qu’il rachète par un petit excédent qu’il donne à son tour la petite humiliation qu’il a dû subir jadis en se laissant aider. »
< 256 p.923 >
Léon BLOY / Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
« Mettre un peu d’argent de côté.
En mettant un peu d’argent de côté, vous préparez votre avenir et vous donnez aux pauvres un exemple infiniment plus précieux que toutes les aumônes.
Croyez-moi, fussiez-vous très riche, il faut mettre un peu d’argent de côté. Si vous rencontrez un miséreux, un mourant de faim que sauverait le don de quelque monnaie, il se peut, le cœur de l’homme étant fragile, que vous vous sentiez ému. Prenez garde, c’est le moment de l’épreuve, c’est l’heure de la tentation redoutable. Soyez généreux et refusez avec énergie. Souvenez-vous que le premier de tous vos devoirs est de mettre de l’argent de côté et que l’ombre de Benjamin Franklin vous regarde. »
< p.283 >
190
GÉNIE
« Avoir un cœur d’or.
Quel privilège ! Plus de palpitations, plus d’émotions, plus d’amour bête, plus d’entraînements irréfléchis.
On est tranquille Baptiste et heureux comme les cochons. Cessation des phénomènes absurdes. On ne se ronge plus le cœur, le cœur ne saigne plus. On n’a plus un cœur d’airain, ni un cœur de pierre, encore moins un cœur de lion, mais un bel organe rutilant conoïde et creux tout en or et parfaitement insensible.
C’est le privilège inestimable du vrai Bourgeois. Le plus bel éloge qu’on puisse faire de lui, c’est qu’il a un cœur d’or. Les propriétaires, les huissiers, les usuriers ont presque toujours un cœur d’or et cela ce voit tellement ! Si vous essayez de les troubler, de les impressionner, de les émouvoir d’une façon quelconque, vous perdrez vos peines. Le cœur d’or vous mettra du plomb dans la tête, du plomb dans les jambes et vous aurez bientôt une mine de plomb. »
< p.222 >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« On a volé au Louvre L’Indifférent de Watteau, cette merveille. C’est bien fait (en quelque sorte). On a mis comme gardiens des mutilés, des amputés, des individus, somme toute, qui n’ont pas toute la validité nécessaire pour ces fonctions. La pitié, la générosité, etc., etc., c’est très joli, mais les merveilles du Louvre?
C’est tout de même d’une autre importance. »
< 15 juin 1939 II p.2070 >
Sacha GUITRY / Jusqu’à nouvel ordre / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« On a ou on n’a pas le cœur sur la main.
Mais, en réalité, ce qu’on entend par avoir du cœur, c’est avoir une faiblesse des glandes lacrymales en même temps qu’une légère paralysie du cervelet.
Mais, pour la plupart des gens, avoir du cœur, c’est sauver un papillon qui allait se brûler à la lampe, alors qu’on vient de tuer une douzaine de mouches. Avoir du cœur, c’est porter longtemps le deuil de son oncle, c’est faire soigner sa bonne par son propre médecin et c’est pleurer abondamment en présence d’un malheur au lieu d’en conjurer les effets. »
< p.22 >
GÉNIE
HÉRAULT DE SÉCHELLES / Voyage à Montbard (1785) / Paris, Jouaust 1890
« M. de Buffon me dit [...] un mot bien frappant, un de ces mots capables de produire un homme tout entier : "Le génie n’est qu’une plus grande aptitude à la patience." »
< p.11 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Appelons donc hommes de génie ceux qui font vite ce que nous faisons lentement. »
< 8 juillet 1806 t.2 p.133 >
STENDHAL / Vie de Henry Brulard / Œuvres intimes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1982
« Je n’ai aucune foi dans l’esprit des enfants annonçant un homme supérieur. Dans un genre moins sujet à illusions, car enfin les monuments restent, tous les mauvais peintres que j’ai connus ont fait des choses étonnantes vers huit ou dix ans et annonçant le génie.
Hélas ! rien n’annonce le génie, peut-être l’opiniâtreté est-elle un signe. »
< p.564 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« Le génie ne garantit pas des misères de la vie. »
< 184 p.257 >
GÉNIE
191
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [œuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Les petits esprits triomphent des fautes des grands génies, comme les hiboux se réjouissent d’une éclipse de soleil. »
< Critique p.122 >
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« La chute des grands hommes rend les médiocres et les petits importants. Quand le soleil décline à l’horizon, le moindre caillou fait une grande ombre et se croit quelque chose. »
< p.936 >
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« L’homme fort dit : je suis. Et il a raison. Il est. L’homme médiocre dit également : je suis. Et lui aussi a raison. Il suit. »
< 1850 p.82 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Tous les grands hommes sont de grands travailleurs, infatigables non seulement à inventer, mais encore à rejeter, passer au crible, modifier, arranger. »
< 155 p.530 >
« Qu’est-ce que le génie? - Avoir un but élevé et vouloir les moyens d’y parvenir. »
< 378 p.820 >
« Illusion des esprits supérieurs. - Les esprits supérieurs ont de la peine à se délivrer d’une illusion : ils se figurent qu’ils éveillent la jalousie des médiocres et qu’ils sont considérés comme des exceptions. Mais en réalité on les considère comme quelque chose de superflu, dont on ne serait pas privé si cela n’existait pas. »
< 345 p.952 >
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / La confession de Talleyrand [Ana] / Paris, L.Sauvaitre 1891 [BnF]
« Rien de grand n’a de grands commencements, ni les chênes, ni les fleuves, ni les royaumes, ni les hommes de génie. »
< p.17 >
Michel de MONTAIGNE / Essais (tome 2) / Garnier 1962
Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre.
« Tel a esté miraculeux au monde, auquel sa femme et son valet n’ont rien veu seulement de remercable.
Peu d’hommes ont esté admirez par leurs domestiques. »
< Livre III Ch ii, Du repentir p.227 >
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Il n’y a pas de grand homme, dit-on, pour son valet de chambre ; mais cela vient simplement de ce que le grand homme ne peut être reconnu que par ses pairs. Le valet de chambre saura probablement bien apprécier ses égaux. »
< p.99 >
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Ce n’est pas l’amour seul où la familiarité est exclusive de l’admiration. "M. Descartes, disaient ces bonnes gens : un grand homme? Lui que nous avons connu tout petit." »
< 121 p.176 >
192
GÉNIE
« Le génie est moins rare aujourd’hui qu’au temps de M. Ingres. Il y a mille peintres, et plus, qui jouent du violon. »
< 259 p.195 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Tout homme de lettres devrait prendre un pseudonyme pour déshériter sa famille de son nom. »
< 23 juin 1856 p.185 >
« Tout homme qui ne se croit pas du génie n’a pas de talent. »
< 14 septembre 1864 p.1100 >
« Le génie est le talent d’un homme mort. »
< 25 décembre 1865 p.1216 >
Paul VALÉRY / Tel Quel / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Les plus grands hommes sont des hommes qui ont osé se fier à leurs jugements propres, — et pareillement les plus sots. »
< p.486 >
« Je ne puis penser que la "Nature" était inconnue avant Rousseau ; ni la méthode avant Descartes ; ni l’expérience avant Bacon ; ni tout ce qui est évident avant quelqu’un. —
Mais quelqu’un a battu le tambour. »
< p.603 >
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« L’homme de génie est celui qui m’en donne. »
< p.881 >
Jean COCTEAU / Opium / Romans, Poésies, Œuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« La société nomme dépravation le génie des sens et le condamne parce que les sens relèvent de la cour d’assises. Le génie relève de la cour des miracles. La société le laisse vivre. Elle ne le prend pas au sérieux. »
< p.646 >
« Le génie est l’extrême pointe du sens pratique. »
< p.658 >
ALAIN / Les idées et les âges / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Chacun des miracles du génie humain, et même dans l’algèbre, offre cet aspect paradoxal qui fait dire, après le succès, qu’on aurait pu et qu’on aurait dû le prévoir, mais enfin qu’on ne l’a point prévu ; comme on voit que Fermat, en ses recherches sur les maxima et minima, tenait la dérivée au bout de la plume, et s’en servait, sans savoir encore ce que c’était. D’un autre côté, il faut bien convenir que ce succès étonnant ne pouvait s’offrir qu’à un Fermat, et qu’il avait dû auparavant comprendre bien des choses, sans quoi il ne serait pas arrivé à ce résultat pour lui incompréhensible. »
< p.247 >
Emil CIORAN / Syllogismes de l’amertume (1952) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Cette espèce de malaise lorsqu’on essaie d’imaginer la vie quotidienne des grands esprits... Vers deux heures de l’après-midi, que pouvait bien faire Socrate? »
< p.754 >
Alfred SAUVY / Mythologie de notre temps / Petite Bibliothèque Payot (191) 1971
« L’opportunité des novateurs ne consiste pas à être en harmonie avec l’évolution matérielle, mais avec les hommes. Les institutions et les esprits ont toujours du retard sur la technique. Par suite, celui qui serait à la hauteur de celle-ci et en prévoirait correctement les conséquences n’aurait aucune chance d’être entendu.
Tout l’art du grand homme, du génie, consiste à savoir trahir ; entre le pilori et le panthéon, la zone est étroite. »
< p.57 >
GOUVERNEMENT
193
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Le calembour représente l’unique point de jonction entre un imbécile et un génie. »
< p.113 >
GOUVERNEMENT
SUÉTONE / Vies des Douze Césars / GF-Flammarion (553) 1990
« Il [Caligula] avait sans cesse à la bouche ce mot d’une tragédie : "Qu’on me haïsse pourvu qu’on me craigne"*. »
< C. Caligula p.189 >
* vers d’Accius, poète tragique romain de la fin du IIe siècle avant J.-C.
MACHIAVEL / Discours sur la première Décade de Tite-Live / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1952
« Les hommes sages savent se faire toujours un mérite de ce que la nécessité les contraint de faire. »
< I li p.488 >
LA BEAUMELLE / Mes pensées ou Le qu’en dira-t-on (1752) / Droz 1997
« * Les finances sont presque partout mal administrées, moins par l’incapacité de ceux qui les gèrent, que par l’incertitude où ils sont s’ils les géreront longtemps.
* Que peut entreprendre de grand un homme, qui craint à chaque instant qu’on ne lui demande ses comptes?
Quelle apparence qu’il travaille pour son successeur?
* Presque tous les projets utiles sont d’une lente exécution. La guérison est longue, le palliatif s’applique en un moment.
Quel est le ministre qui fera planter tous les bords de nos mers de bois propres à la construction des vaisseaux? Cette plantation ne sera utile que dans un siècle ou dans un siècle et demi.
* Au lieu de travailler pour le bien de l’État, le ministre des finances travaille pour sa gloire. »
< CLXV p.95 >
« Il faut que les lois empêchent la constitution de vieillir, parce que la constitution ne se rajeunit jamais. »
< CCCXXI p.150 >
« Plus on corrompt, plus la corruption coûte, et elle ne rend point à proportion de l’achat. »
< CCCLIV p.156 >
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« La raison pourquoi la plupart des gouvernements de la Terre sont despotiques, c’est que cela se fait tout seul. Mais, pour des gouvernements modérés, il faut combiner, tempérer les puissances ; savoir ce qu’on donne à l’un, ce qui reste à l’autre ; enfin il faut un système, c’est-à-dire une convention de plusieurs et une discussion d’intérêts. Le gouvernement despotique est uniforme partout : il saute aux yeux. »
< 1793 p.1429 >
Paul Henri Dietrich baron d’HOLBACH / La Morale universelle (II) / Amsterdam M.-M. Rey 1776
« Plus un gouvernement est injuste, et plus les grands sont insolents et fastueux ; ils se vengent sur le pauvre des avanies qu’ils essuient souvent eux-mêmes ; ils masquent leur esclavage et leur petitesse réelle, sous le vain appareil de la magnificence. Une cour brillante annonce toujours une nation misérable, et des grands qui se ruinent pour ne le point paraître. »
< IV iv p.107 >
François René de CHATEAUBRIAND / De la monarchie suivant la Charte / Paris Le Normant 1816
[BnF]
« La grande phrase reçue, c’est qu’il ne f aut pas être plus royaliste que le roi. Cette phrase n’est pas du moment ; elle fut inventée sous Louis XVI : elle enchaîna les mains des fidèles, pour ne laisser de libre que le bras du bourreau. »
< Ch. LXXXI La faction poursuit les Royalistes p.218 > 194
GOUVERNEMENT
Joseph de MAISTRE / Lettres et opuscules inédits (tome 1) / Paris, A.Vaton 1853 [BnF]
« Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite. De longues réflexions, et une longue expérience payée bien cher, m’ont convaincu de cette vérité comme d’une proposition de mathématiques. Toute loi est donc inutile, et même funeste (quelque excellente qu’elle puisse être en elle-même), si la nation n’est pas digne de la loi et faite pour la loi. »
< Lettre à M. le chevalier de ... Saint-Pétersbourg, 15 (27) août 1811. Lettre 76, p.264 > Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« La république est le seul remède aux maux de la monarchie, et la monarchie le seul remède aux maux de la république. »
< 17 novembre 1791 t.1 p.134 >
Benjamin CONSTANT / De l’esprit de conquête et de l’usurpation (1814) / GF 456 Flammarion 1986
« Lorsqu’on vante le despotisme, l’on croit toujours n’avoir de rapports qu’avec le despote ; mais on en a d’inévitables avec tous les agents subalternes. Il ne s’agit plus d’attribuer à un seul homme des facultés distinguées et une équité à toute épreuve. Il faut supposer l’existence de cent ou deux cent mille créatures angéliques, au-dessus de toutes les faiblesses et de tous les vices de l’humanité. »
< p.186 >
« Longtemps encore l’humanité aura besoin qu’on lui fasse du bien malgré elle. Gouverner pour le progrès, c’est gouverner de droit divin. »
< p.365 >
Alexis de TOCQUEVILLE / De la Démocratie en Amérique I (1835) / Robert Laffont - Bouquins 1986
« La centralisation est un mot que l’on répète sans cesse de nos jours, et dont personne, en général, ne cherche à préciser le sens.
Il existe cependant deux espèces de centralisation très distinctes, et qu’il importe de bien connaître.
Certains intérêts sont communs à toutes les parties de la nation, tels que la formulation des lois générales et les rapports du peuple avec les étrangers.
D’autres intérêts sont spéciaux à certaines parties de la nation, tels, par exemple, que les entreprises communales.
Concentrer dans un même lieu ou dans une même main le pouvoir de diriger les premiers, c’est fonder ce que j’appellerai la centralisation gouvernementale.
Concentrer de la même manière le pouvoir de diriger les seconds, c’est fonder ce que je nommerai la centralisation administrative.
[...]
Pour ma part, je ne saurais concevoir qu’une nation puisse vivre ni surtout prospérer sans une forte centralisation gouvernementale.
Mais je pense que la centralisation administrative n’est propre qu’à énerver les peuples qui s’y soumettent, parce qu’elle tend sans cesse à diminuer parmi eux l’esprit de cité. La concentration administrative parvient, il est vrai, à réunir à une époque donnée, et dans un certain lieu, toutes les forces disponibles de la nation, mais elle nuit à la reproduction des forces. Elle la fait triompher le jour du combat et diminue à la longue sa puissance. Elle peut donc concourir admirablement à la grandeur passagère d’un homme, non point à la prospérité durable d’un peuple. »
< Partie I, Ch. 5, p.107-108 >
Alfred de VIGNY / Journal d’un poète / Paris, A. Lemerre 1885 [BnF]
« Le moins mauvais gouvernement est celui qui se montre le moins, que l’on sent le moins et que l’on paye le moins cher. »
< 1835, p.101 >
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« Je disais hier à Ch. Dupin : — M. Guizot est personnellement incorruptible et il gouverne par la corruption. Il me fait l’effet d’une femme honnête qui tiendrait un bordel. »
< p.637 >
GOUVERNEMENT
195
François GUIZOT / De la démocratie en France / Bruxelles Wouters frères 1849 [BnF Cote 8-Lb55-118.A]
« Que les amis de la liberté ne l’oublient jamais : les peuples préfèrent le pouvoir absolu à l’anarchie. Car pour les sociétés comme pour les gouvernements, comme pour les individus, le premier besoin, l’instinct souverain, c’est de vivre. La société peut vivre sous le pouvoir absolu ; l’anarchie, si elle dure, la tue. »
< p.121 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« Il faut, pour gouverner les Français, une main de fer recouverte d’un gant de velours.
Cette appréciation, devenue proverbiale, fut émise pour la première fois, selon Beugnot, par Bernadotte, dans une conférence avec le comte d’Artois. »
< p.209 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« Il faut mener les hommes avec une main de fer dans un gant de velours. »
< 222 p.264 >
Henry D. THOREAU / Résistance au gouvernement civil (1848) / Désobéir / Bibliothèques 10/18 (2832) Éd. de L’Herne 1994
« C’est de tout cœur que je souscris à la maxime selon laquelle "le meilleur des gouvernements est celui qui gouverne le moins", maxime que j’aimerais voir suivie d’effet de manière plus rapide et plus systématique.
Si on pousse le raisonnement à l’extrême, on finit par en arriver à l’idée suivante, à laquelle je crois aussi, que "le meilleur des gouvernements est celui qui ne gouverne pas du tout". D’ailleurs, lorsque les hommes y seront prêts, ils connaîtront une telle forme de gouvernement. »
< p.45 >
Ernest RENAN / L’Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
Définition originale du terme ploutocratie (1848) :
« J’appelle ploutocratie un état de société où la richesse est le nerf principal des choses, où l’on ne peut rien faire sans être riche, où l’objet principal de l’ambition est de devenir riche, où la capacité et la moralité s’évaluent généralement (et avec plus ou moins de justesse) par la fortune, de telle sorte, par exemple, que le meilleur critérium pour prendre l’élite de la nation soit le cens*. »
< p.425 >
* Quotité d’imposition, de revenu, de propriété ou de loyer, nécessaire pour être électeur ou éligible (Littré).
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989