petit dictionnaire de citations
compilé par
Jean-Louis MOREL
Avant-propos
Il est des esprits voyageurs qui aiment à parcourir les livres et en rapportent le souvenir de tout ce qu’ils ont lu.
Ceux-là doivent, comme Bayle, composer des dictionnaires, des
recueils, etc.
J. Joubert.
J’ai la bonne habitude, depuis fort longtemps, de repérer les passages qui m’intéressent dans toutes mes lectures. Presque tous les livres de ma bibliothèque sont munis d’une fiche sur laquelle figure les numéros des pages remarquables suivis chacun d’un mot qui en rappelle le sens.
À partir de février 1995 j’ai commencé à entrer ces bribes de textes dans des fichiers informatiques en les classant d’après leurs mots-clefs. Les rapprochements et les collisions qui ont résulté de cette méthode de classement m’ont surpris et m’ont encouragé à continuer. Ces fichiers, traduits en pages HTML, constituent le petit dictionnaire de citations BRIBES accessible sur internet à l’adresse suivante :
Ce site a été créé le lundi 2 juin 1997.
Pour obtenir une version papier de bonne qualité, disponible pour toutes les plates-formes informatiques, les fichiers originaux ont été traduits dans le fichier PDF que vous êtes en train de lire.
La mise en page et la création de l’index ont été engendrées automatiquement par le programme LaTeX
(merci à toute la communauté TeX et à Don Knuth en particulier).
Hormis les classiques français, qui sont dans le domaine public, les textes dont sont extraites ces bribes sont protégés par la loi du copyright. Cette loi autorise les courts extraits pour analyse et les citations dans un but d’exemple et d’illustration, pourvu que les références à l’auteur et à l’œuvre soient clairement indiquées.
Je ne crois pas avoir dérogé à ces règles dans le présent dictionnaire. En plaçant ces bribes sur le Web mon but n’est nullement de nuire à qui que ce soit, mais plutôt, à mon humble niveau, de promouvoir la lecture et le français sur l’Internet. Donc, si un auteur ou l’un de ses ayants droit s’estimait lésé, qu’il me contacte : je supprimerai, à sa convenance, tout ou partie du matériel exposé le concernant.
Ce fichier BRIBES53.PDF est la version 53 du lundi 10 mars 2003.
Pour une nouvelle version, connectez-vous sur internet à l’adresse suivante :
http://www.bribes.org/intro.shtml
Ce fichier PDF peut être diffusé librement à condition que ce soit gratuitement et qu’il n’y soit apporté aucune modification.
J-L MOREL
Email : [email protected]
Copyright ©1997-2003 J-L. Morel
ABSURDE
3
ABSURDE
Blaise PASCAL / Pensées / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Pourquoi ma connaissance est-elle bornée ? ma taille ? ma durée à cent ans plutôt qu’à mille ? Quelle raison a eue la nature de me la donner telle, et de choisir ce nombre plutôt qu’un autre, dans l’infinité desquels il n’y a pas plus de raison de choisir l’un que l’autre, rien ne tentant plus que l’autre? »
< 89 p.1113 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Tiré de l’expérience. — L’absurdité d’une chose n’est pas une raison contre son existence, c’en est plutôt une condition. »
< 515 p.662 >
ACADÉMIE
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) /
Garnier frères 1877 [BnF]
« Voltaire, pressant M. de Fontenelle de lui donner sa voix pour l’Académie : "Il faut attendre, lui répondit Fontenelle. — Mais que diriez-vous à l’abbé Le Blanc s’il vous faisait la même demande? ajouta Voltaire.
— Je lui dirais d’ espérer", répartit Fontenelle. Il faut observer que Voltaire mit l’abbé Le Blanc comme l’homme de la littérature française qu’il méprisait le plus. »
< p.77 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« PIRON
De son temps comme du nôtre, la salle des séances publiques de l’Académie se trouvait souvent trop petite.
On faisait queue à la porte, et Piron, confondu parmi les simples mortels, ne se montra pas un jour des plus patients :
— Vraiment, cria-t-il, il est plus difficile d’entrer ici que d’y être reçu.
Le mot serait plus piquant si Piron n’avait pas échoué dans sa candidature.
Elle est classique, cette autre pointe faite en passant dans la cour du Louvre, devant la salle des séances de l’Académie :
— Tenez ! voyez-vous, ils sont là quarante ayant de l’esprit comme quatre. »
< p.186 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« — Pourquoi ne pas vous présenter à l’Académie? disait-on à Mably.
— Si j’en étais, on pourrait s’étonner. J’aime mieux entendre dire : Pourquoi n’en est-il pas ! »
< p.50 >
« Tout en rendant justice au talent de Zola, Aurélien Scholl ne peut supporter le mot m.... si héroïquement imprimé dans ses romans, et il semble avoir prévu dès 1887, son entrée à l’Institut lorsqu’il écrit dans son Paris aux cent coups :
— On ne peut nommer Zola à l’Académie, il faudrait percer le fauteuil. »
< p.240 >
Charles-Augustin SAINTE-BEUVE / Mes Poisons / Collection Romantique / José Corti 1988
« Victor Hugo est de l’Académie. Allons, allons, c’est bien : l’Académie a besoin de temps en temps d’être déflorée. »
< p.52 >
« Le choix d’Ancelot à l’Académie n’a été qu’ignoble ; celui de Balzac serait immonde. »
< p.53 >
4
ACADÉMIE
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« L’autre jeudi, à l’Académie, M. Ancelot disait ce quatrain : J’ai joué, je ne sais plus où
Sur un billard d’étrange sorte.
Les billes restent à la porte
Et la queue entre dans le trou.
Cela faisait rire ceux que le dictionnaire ne faisait pas bâiller. »
< 31 novembre 1846 p.614 >
« Il arriva un jour à l’Académie qu’un copiste malhabile, chargé de fournir des exemples donna celui-ci, tiré, disait-il, de Regnard ( Le Joueur) :
Je me mettrais en gage à mon besoin d’argent.
Là-dessus, la commission du Dictionnaire bâcla une théorie pour démontrer comme quoi la locution était excellente, et neuve, et faisait partie des originalités de la langue française. L’Académie était en train d’approuver le rapporteur M. Patin, lorsqu’un membre (M. Ancelot) fit remarquer que Regnard n’avait pas écrit un mot de cela, et que le texte était, Le Joueur, acte II, scène ix : Je me mettrais en gage en un besoin urgent.
Sur cette nippe-là vous auriez peu d’argent.
Un peu plus, la chose était dans le dictionnaire avec la manière de s’en servir. »
< Séance du jeudi 24 décembre 1846 p.684 >
« Le prétendu dictionnaire historique de la langue que fait en ce moment l’Académie est le chef-d’œuvre de la puérilité sénile. »
< 13 août 1847 p.644 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Preuve en faveur du rien que peuvent les assemblées, les compagnies, les sociétés, pour les travaux, découvertes, etc., toutes les grandes choses de la pensée ou de la volonté : l’Académie française ! À peine un dictionnaire ! »
< 20 février 1860 p.536 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Comme cette fois-ci, c’étaient deux poètes qui se présentaient en même temps à l’Académie, l’un qui s’appelle Autran, l’autre Théophile Gautier, et que l’Académie a choisie Autran, ma conviction absolue sans appel, est que l’Académie est composée en majorité de crétins ou de véritables malhonnêtes gens : je la laisse choisir. »
< 6 mai 1868 p.149 >
Henry MARET / Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903 [BnF]
« Quelle drôle d’idée a l’Académie de recevoir de temps en temps des hommes d’esprit ; cela les dépayse et ils ne font plus rien qui vaille. »
< p.233 >
Édouard LOCKROY / Au hasard de la vie / Paris Grasset 1913 [BnF]
« On raconte qu’Alfred de Musset ne venait que de loin en loin à l’Académie. En entrant, il demandait à Pingard :
— M. Victor Hugo est-il venu à l’Académie aujourd’hui?
Et quand Pingard lui répondait non :
— Alors, reprenait Musset, il n’y a personne. Je m’en vais.
Là-dessus, il tournait les talons et rentrait chez lui. »
< p.281 >
ACADÉMIE
5
Henry BECQUE / Souvenirs d’un auteur dramatique / Bibliothèque artistique et littéraire 1895 [BnF]
« Le malheur de l’Académie est d’être un corps inutile, qui ne confère qu’un titre inutile, et que la vanité seule fait rechercher. »
< p.123 >
Anatole FRANCE / Le jardin d’Épicure (1894) / Calmann Lévy, Paris 1895 [BnF]
« Les vieillards tiennent beaucoup trop à leurs idées. C’est pourquoi les naturels des îles Fidji tuent leurs parents quand ils sont vieux. Ils facilitent ainsi l’évolution, tandis que nous en retardons la marche en faisant des académies. »
< p.150 >
Paul-Jean TOULET / Monsieur du Paur homme public / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Je voudrais [...] être de l’Académie pour en dire du mal. Car se moquer d’un salon où l’on n’est pas reçu, ça n’a pas l’air très sincère ; mais quand on en est, et surtout que le maître de la maison est un cardinal mort il y a longtemps, on peut s’en donner à cœur joie ; »
< p.254 >
Georges DARIEN / La Belle France (1900) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« "L’Académie est un salon." L’Académie n’est pas un salon ; c’est une bourriche. À part Anatole France, doué d’un haut talent, et deux ou trois autres qui, sans grandes idées, n’écrivent pas positivement mal, il n’y a là qu’une collection d’huîtres ; et d’huîtres contaminées.
"Nous sommes des honnêtes gens." Vous n’êtes pas des honnêtes gens ; vous êtes de glorioleuses canailles.
Et ce serait un bonheur pour le pays que la disparition de cet antre de la sottise servile, du pédantisme hypocrite, lâche et féroce — de ce conservatoire de la cruelle et ridicule vanité nationale. »
< p.1203 >
Léon DAUDET / Le stupide XIXe siècle (1922) / Souvenirs et polémiques / Robert Laffont - Bouquins 1992
« J’ai assisté de près à de nombreuses brigues pour l’Académie française et pour l’Académie des sciences et j’en ai conservé à la fois un souvenir amusé et écœuré. Il est étonnant que des hommes d’un certain âge et d’un certain poids se soumettent à d’aussi humiliantes démarches, ou acceptent d’être confondus avec la tourbe de faux lettrés et de faux savants qui encombre ces prétendus sanctuaires des Lettres et des Sciences.
Une fois admis, après bien des rebuffades, et pleins de rancœur, ces gens de valeur prennent en grippe les collègues qui les ont ainsi humiliés et ne songent plus qu’à se venger d’eux, ou à susciter des candidats qu’ils pourront, à leur tour, brimer et molester. D’où un sadisme sénilo-académique qui mériterait une étude à part. »
< p.1279 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Hier, élection d’Eugène [Ionesco] à l’Académie. Il m’a dit, terrifié : "C’est pour toujours, pour l’éternité."
— Je le rassure : "Mais non, pense à Pétain, à Maurras, à Abel Hermant et à quelques autres. Ils en furent chassés. Tu auras peut-être aussi l’occasion de commettre quelque acte de trahison." — Lui : "Il y a donc de l’espoir." »
< 23 janvier 1970 p. 787 >
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Lorsque le Dictionnaire de l’Académie en arrivera au mot Vertu, je ne serai plus de ce monde. Jeudi prochain, nous serons au mot Cul. »
< 15 novembre 1971, p.616 >
« Que le bel uniforme vert (me disais-je hier, en regardant l’Institut) cache de jambes mécaniques, de ceintures herniaires, de fausses dents et de tibias démontables... »
< 17 novembre 1972, p.828 >
6
ACTION
Pierre DESPROGES / Vivons heureux en attendant la mort / Ed. du Seuil 1983
« Quand ils ont fini d’écrire des conneries dans le dictionnaire, à quoi servent les académiciens? À rien. À
rien du tout. Non mais regardez-les ! Voyez ces tristes spécimens de parasites de la société qui trémoussent sans vergogne leur arrogance de nantis sur les fauteuils vermoulus de l’Académie française. Voyez-les glandouiller sans honte à l’heure même où des millions de travailleurs de ce pays suent sang et eau dans nos usines, dans nos bureaux, et même dans nos jardins où d’humbles femmes de la terre arrachent sans gémir à la glèbe hostile les glorieuses feuilles de scarole destinées à décorer les habits verts de ces plésiosaures diminués qui souillent les bords de Seine du Quai Conti du chevrotement comateux de leurs pensées séniles.
N’avez-vous pas honte, messieurs, de vous commettre ainsi dans cette assemblée de vieilles tiges creuses, rien dans la cafetière, tout dans la coupole.
N’avez-vous pas honte, à vos âges, des grands garçons comme vous, de vous déguiser périodiquement en guignols vert pomme avec des chapeaux à plumes à la con et une épée de panoplie de Zorro ? Est-il Dieu possible que des écrivains aussi sérieux que vous passent leur temps à se demander s’il y a deux n à zigounette? »
< p.133 >
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Victor Hugo, de l’Académie française (on ne le précise jamais, car l’Académie n’est glorieuse que pour ceux qui ne le sont pas). »
< p.120 >
Michel AUDIARD / Audiard par Audiard / Ed. René Chateau 1995
« Se disant homme d’épée mais interdisant les duels, se disant ami des lettres mais fondant l’Académie Française, Armand Jean du Plessis, Cardinal de Richelieu était un personnage plein de contradictions. »
< Les Trois Mousquetaires, p.109 >
ACTION
MARC-AURÈLE / Pensées / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Vise toujours à la brièveté ; brève est la route de la nature, et c’est la manière de tout faire et de tout dire le plus raisonnablement possible ; un tel propos t’affranchit de bien des fatigues, de campagnes militaires, d’affaires administratives, du style recherché. »
< IV (51) p.1168 >
« Ne va pas penser que, si une chose est difficile à comprendre pour toi, elle est incompréhensible pour tout homme ; mais si une chose est possible et familière à un homme, crois bien aussi que tu peux l’atteindre. »
< VI (19) p.1182 >
« N’aie pas honte de te faire aider ; car tu te proposes de faire ce qui est utile, comme le soldat à l’assaut des murs. Quoi donc ! si tu es boiteux et si tu ne peux monter seul au créneau, mais si c’est possible, grâce à un autre? »
< VII (7) p.1191 >
Michel de MONTAIGNE / Essais / Garnier 1962
« A chaque minute il me semble que je m’eschape. Et me rechante sans cesse : "Tout ce qui peut estre faict un autre jour, le peut estre aujourd’huy." »
< t.1 p.89 livre I chap.XX >
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« Ceux qui s’appliquent trop aux petites choses deviennent ordinairement incapables des grandes. »
< M 41 p.15 >
ACTION
7
Madame de SABLÉ / Maximes (1678) / Moralistes du XVIIe siècle / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Les bons succès dépendent quelquefois du défaut de jugement parce que le jugement empêche souvent d’entreprendre plusieurs choses que l’inconsidération fait réussir. »
< 24 p.249 >
Blaise PASCAL / Pensées / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Raison des effets. - La concupiscence et la force sont les sources de toutes nos actions : la concupiscence fait les volontaires ; la force, les involontaires. »
< 247 p.1154 >
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« L’homme est ainsi bâti : quand un sujet l’enflamme,
L’impossibilité disparaît à son âme.
Combien fait-il de vœux, combien perd-il de pas?
S’outrant pour acquérir des biens ou de la gloire?
"Si j’arrondissais mes États !
Si je pouvais remplir mes coffres de ducats !
Si j’apprenais l’hébreu, les sciences, l’histoire !"
Tout cela, c’est la mer à boire ;
Mais rien à l’homme ne suffit :
Pour fournir aux projets que forme un seul esprit
Il faudrait quatre corps ; encor, loin de suffire,
À mi-chemin je crois que tous demeureraient :
Quatre Mathusalems bout à bout ne pourraient
Mettre à fin ce qu’un seul désire. »
< Livre huitième, XXV Les deux chiens et l’âne mort p.508 > Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Celui qui, logé chez soi dans un palais, avec deux appartements pour les deux saisons, vient coucher au Louvre dans un entresol n’en use pas ainsi par modestie ; cet autre qui, pour conserver une taille fine, s’abstient du vin et ne fait qu’un seul repas n’est ni sobre ni tempérant et d’un troisième qui, importuné d’un ami pauvre, lui donne enfin quelque secours, l’on dit qu’il achète son repos, et nullement qu’il est libéral. Le motif seul fait le mérite des actions des hommes, et le désintéressement y met la perfection. »
< p.104 II (41) >
Charles DUFRESNY / Amusements sérieux et comiques (1698) / Moralistes du XVIIe siècle / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Les jeunes gens disent ce qu’ils font, les vieillards ce qu’ils ont fait, et les sots ce qu’ils ont envie de faire. »
< p.1028 >
Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS / Le Barbier de Séville (1775) / Œuvres complètes /
Firmin-Didot 1865
« [...] la difficulté de réussir ne fait qu’ajouter à la nécessité d’entreprendre. »
< Acte I scène vi p.82 >
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [œuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Mirabeau, capable de tout pour de l’argent, même d’une bonne action. »
< Anecdotes et bons mots p.150 >
« C’est un terrible avantage que de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. »
< Anecdotes et bons mots p.163 >
8
ACTION
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Faire d’avance un plan exact et détaillé, c’est ôter à son esprit tous les plaisirs de la rencontre et de la nouveauté dans l’exécution de l’ouvrage. C’est se rendre à soi-même cette exécution insipide et par conséquent impossible dans les ouvrages qui dépendent de l’enthousiasme et de l’imagination. Un pareil plan est lui-même un demi-ouvrage. Il faut le laisser imparfait si on veut se plaire. »
< 6 août 1798 t.1 p.247 >
« Il faut, quand on agit, se conformer aux règles, et quand on juge avoir égard aux exceptions. »
< 6 mai 1799 t.1 p.295 >
« La facilité est ennemie des grandes choses. »
< 1 juin 1806 t.2 p.121 >
« Il y a une infinité de choses qu’on ne fait bien que lorsqu’on les fait par nécessité. »
< 26 novembre 1809 t.2 p.300 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« La vie contemplative est souvent misérable. Il faut agir davantage, penser moins, et ne pas se regarder vivre. »
< 341 p.127 >
Benjamin FRANKLIN / Mélanges de Morale, d’Économie et de Politique (t.1) / Paris, J.Renouard 1826
[BnF]
« Le bonhomme Richard conseille la circonspection et le soin, par rapport aux objets même de la plus petite importance, parce qu’il arrive souvent qu’une légère négligence produit un grand mal. Faute d’un clou, dit-il, le fer d’un cheval se perd ; faute d’un fer, on perd le cheval ; et faute d’un cheval, le cavalier lui-même est perdu, parce que son ennemi l’atteint et le tue ; et le tout pour n’avoir pas fait attention à un clou au fer de sa monture. »
< La science du bonhomme Richard, 1757 p.135 >
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Il vaut mieux faire la chose la plus insignifiante du monde, que de passer une demi-heure sans rien faire. »
< p.135 >
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Une montagne en mal d’enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu’elle accoucherait, sans faute,
D’une cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d’une souris. »
< Livre cinquième X La montagne qui accouche p.288 > Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / La confession de Talleyrand [Ana] / Paris, L.Sauvaitre 1891 [BnF]
« Il y a des montagnes qui accouchent d’une souris, et d’autres qui accouchent d’un volcan. »
< p.26 >
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Les grandes choses sont faites pour enfanter les petites et les petites pour engendrer les grandes. La montagne produit une souris ; le polype bâtit un promontoire. »
< 1840 p.84 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Il y a des gens pour croire sensé tout ce qu’on fait en prenant un air sérieux. »
< p.31 >
ACTION
9
« Je crois que si l’on veut construire sur du sable, autant que ce soient des forteresses plutôt que des châteaux de cartes. »
< p.34 >
« Le penchant qu’ont les hommes à tenir pour importantes des vétilles n’a pas manqué d’avoir de très grandes conséquences. »
< p.57 >
Pierre François LACENAIRE / Mémoires / José Corti 1991
« L’homme indécis sur une action qu’il médite, attend souvent un exemple qui l’encourage ; quelque envie qu’il ait de la faire, il ne veut pas être le premier, il attend qu’on lui ouvre le chemin. Aussi voyez, examinez, dans la société, un acte de bienfaisance succède à un acte de bienfaisance, un duel à un duel, un suicide à un suicide, un crime à un crime. L’homme est imitateur ; confrontez attentivement les registres de la police avec ceux de la cour d’assises. et vous verrez que l’assassinat n’est jamais plus fréquent que lorsqu’on vient de condamner un homme pour assassinat ; six mois passés sans meurtre, il faut une âme forte pour en commettre un ; il montre l’exemple, on le suit ; combien qui n’attendaient que cela pour se décider. En sortant de la cour d’assises, on est toujours plus disposé à commettre un crime qu’en y entrant. Il y a ce je ne sais quoi qui diminue l’horreur du crime, en voyant le criminel fait comme un autre homme, lui que l’on s’était peint comme un monstre ; un je ne sais quoi qui fait qu’on n’y trouve plus autant de répugnance, et si l’accusé est ferme, quel encouragement ! Je serai comme lui, se dit-on ; ne suis-je pas homme comme lui ?
On s’habitue à cette idée, on ne la chasse plus ; et si le criminel vient à démontrer que c’est la société qui a tort avec lui, chacun se dit : Elle a tort aussi avec moi ; pourquoi la ménagerais-je plus que lui ? pourquoi craindrais-je plus que lui ? Tout cela est dans l’homme ; osez me dire que non, je vous dirai que vous ne le connaissez pas. »
< p.113 >
Alphonse KARR / En fumant / M. Lévy frères 1862
« Un philosophe... chinois : "Faites ce que vous voulez avoir fait, avant ce que vous avez envie de faire". »
< p.54 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le peintre qui s’apprête à peindre le soleil fait des théories, et, quand il veut commencer, le soleil n’est plus là. »
< 22 janvier 1893 p.116 >
« Si tu as plusieurs cordes à ton arc, elles s’embrouilleront, et tu ne pourras plus viser. »
< 8 décembre 1896 p.284 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Échelle de mesure pour tous les jours.
On se trompera rarement si l’on ramène les actions extrêmes à la vanité, les médiocres à l’habitude et les mesquines à la peur. »
< 74 p.484 >
« Défaut principal des hommes d’action.
C’est le malheur des gens d’action que leur activité est toujours un peu irraisonnée. On ne peut, par exemple, demander au banquier qui amasse de l’argent le but de son incessante activité ; elle est irraisonnée. Les gens d’action roulent comme la pierre, suivant la loi brute de la mécanique. - Tous les hommes se divisent, en tout temps et de nos jours, en esclaves et libres ; car celui qui n’a pas les deux tiers de sa journée pour lui-même est esclave, qu’il soit d’ailleurs ce qu’il veut : homme d’Etat, marchand, fonctionnaire, savant. »
< 283 p.592 >
« Comment on gagne les gens courageux.
On amène les gens courageux à une action en la leur exposant plus périlleuse qu’elle n’est. »
< 308 p.599 >
10
ACTION
« Truc de prophète. - Pour deviner à l’avance les façons d’agir d’hommes ordinaires, il faut admettre qu’ils font toujours la moindre dépense d’esprit pour se libérer d’une situation désagréable. »
< 551 p.667 >
Friedrich NIETZSCHE / Aurore. (1881) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Cela aussi est héroïque. — Faire les choses les plus décriées, celles dont on ose à peine parler, mais qui sont utiles et nécessaires, — cela aussi est héroïque. Les Grecs n’ont pas eu honte de compter parmi les grands travaux d’Hercule le nettoyage d’une écurie. »
< 430 p.1159 >
« Être dupe. — Dès que vous voulez agir, il vous faut fermer les portes du doute, — disait un homme d’action. — Et ne crains-tu pas, de cette façon, d’être dupe? — rétorqua un contemplatif. »
< 519 p.1187 >
Friedrich NIETZSCHE / Par-delà le bien et le mal (1886) / Œuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« [...] presque tout ce qui intéresse et séduit les gens d’un goût assez fin et délicat, et les natures supérieures, l’homme moyen n’y trouve "aucun intérêt" ; et s’il remarque malgré tout qu’on se dévoue à ces choses, il appelle cela de l’esprit désintéressé et s’étonne qu’il soit possible d’agir de cette façon. »
< 220 p.668 >
« — Quel ennui ! C’est toujours la même histoire ! Quand on a fini de construire sa maison, on remarque qu’on a, sans s’en rend compte, appris en la bâtissant une chose qu’il aurait absolument fallu savoir —
avant de commencer. L’éternel et douloureux "trop tard !" — mélancolie de tout ce qui est achevé... »
< 277 p.724 >
Jean COCTEAU / Le Rappel à l’ordre / Romans, Poésies, Œuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« La source désapprouve presque toujours l’itinéraire du fleuve. »
< p.430 >
Alphonse ALLAIS / À se tordre (1891) / Œuvres anthumes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« — Vous n’y allez pas par quatre chemins, vous !
— Jamais ! Un seul, c’est plus court. »
< p.42 >
Anatole FRANCE / Le jardin d’Épicure (1894) / Calmann Lévy, Paris 1895 [BnF]
« L’empire n’est pas à ceux qui veulent tout comprendre. C’est une infirmité que de voir au-delà du but prochain. Il n’y a pas que les chevaux et les mulets à qui il faille des œillères pour marcher sans écart. »
< p.121 >
Anatole FRANCE / Monsieur Bergeret à Paris (1901) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000
« Je découvre sur le tard que c’est une grande force que de ne pas comprendre. Cela permet parfois de conquérir le monde. Si Napoléon avait été aussi intelligent que Spinoza, il aurait écrit quatre volumes dans une mansarde. »
< 17, p.480 >
Paul VALÉRY / Degas Danse Dessin (1936) / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Les obstacles sont les signes ambigus devant lesquels les uns désespèrent, les autres comprennent qu’il y a quelque chose à comprendre.
Mais il en est qui ne les voient même pas... »
< p.1209 >
Paul VALÉRY / Tel Quel / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Que de choses il faut ignorer pour "agir" ! »
< p.503 >
ACTION
11
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Qui veut faire de grandes choses doit penser profondément aux détails. »
< p.893 >
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Ce qui me fait si lent à bâtir, si temporisateur est l’étrange manie de vouloir toujours commencer par le commencement. »
< Ego p.45 >
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Il est extrêmement rare que la montagne soit abrupte de tous côtés. »
< p.351 >
« Un chemin droit ne mène jamais qu’au but. »
< 28 octobre 1922 p.745 >
« Celui qui agit comme tout le monde s’irrite nécessairement contre celui qui n’agit pas comme lui. »
< 27 juillet 1924 p.787 >
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« L’on me reproche ma démarche oblique... mais qui ne sait, lorsqu’on a vent contraire, que force est de tirer des bordées? Vous en parlez bien à votre aise, vous qui vous laissez porter par le vent. Je prends appui sur gouvernail. »
< 15 janvier 1946 p.287 >
Pierre DESPROGES / La seule certidude que j’ai, c’est d’être dans le doute / Ed. du Seuil 1998
« Si l’union fait la force, la force n’a jamais fait l’intelligence. »
< p.69 >
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« L’union fait la force. Oui, mais la force de qui? »
< 10 décembre 1925 p.666 >
« Le petit mot : "Je ferai" a perdu des empires. Le futur n’a de sens qu’à la pointe de l’outil. Prendre une résolution n’est rien ; c’est l’outil qu’il faut prendre. La pensée suit. Réfléchissez à ceci que la pensée ne peut nullement diriger une action qui n’est pas commencée. »
< 18 juin 1931 p.1021 >
« Nul ne peut vouloir sans faire. Je n’entends pas par là seulement que l’exécution doit suivre le vouloir, ce qui est déjà une assez bonne maxime de pratique ; j’entends que l’exécution doit précéder le vouloir.
Comment cela ? Rien n’est plus simple ni plus aisé à comprendre si l’on considère l’homme tout entier, l’homme dans la situation de l’homme, tel qu’il est né, tel qu’il a grandi. Que l’homme agisse avant de vouloir, c’est ce qui est évident par l’enfance. L’homme nage dans l’univers dès qu’il y est jeté ; et il s’y trouve toujours jeté, et jamais d’aucune manière il ne s’en peut retirer. L’action réelle est donc toujours commencée. Tout le vouloir doit s’appliquer à ce point où l’homme déjà se sauve par les mouvements de l’instinct. L’art de naviguer, qui est un des plus admirables, fournit toujours de bonnes comparaisons pour l’art de vivre. On sait que le gouvernail ne peut agir si le bateau ne reçoit pas une impulsion, soit du vent, soit des rames ; et disons même que, tant que la coque n’a pas pris une certaine vitesse par rapport à l’eau, le gouvernail est une chose morte. »
< 17 avril 1932 p.1075 >
Emil CIORAN / Syllogismes de l’amertume (1952) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Point d’action ni de réussite sans une attention totale aux causes secondaires.
La "vie" est une occupation d’insecte. »
< p.783 >
12
ACTION
Emil CIORAN / De l’inconvénient d’être né (1973) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Un zoologiste qui, en Afrique, a observé de près les gorilles, s’étonne de l’uniformité de leur vie et de leur grand désœuvrement. Des heures et des heures sans rien faire... Ils ne connaissent donc pas l’ennui?
Cette question est bien d’un homme, d’un singe occupé. Loin de fuir la monotonie, les animaux la recherchent, et ce qu’ils redoutent le plus c’est de la voir cesser. Car elle ne cesse que pour être remplacée par la peur, cause de tout affairement.
L’inaction est divine. C’est pourtant contre elle que l’homme s’est insurgé. Lui seul, dans la nature, est incapable de supporter la monotonie, lui seul veut à tout prix que quelque chose arrive, n’importe quoi. Par là, il se montre indigne de son ancêtre : le besoin de nouveauté est le fait d’un gorille fourvoyé. »
< p.1388 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Faire autre chose que de l’extraordinaire est vraiment inutile. »
< 1 juillet 1968, p.590 >
L.J. PETER et R. HULL / Le principe de Peter / Stock le Livre de Poche 1970
« La devise des spécialistes du détail est : "Occupez-vous des souris et les montagnes se débrouilleront bien toutes seules." »
< p.140 >
Henri LABORIT / Éloge de la fuite / Robert Laffont 1976 - Gallimard folio-essais 7
« Il semble donc exister trois niveaux d’organisation de l’action. Le premier, le plus primitif, à la suite d’une stimulation interne et/ou externe, organise l’action de façon automatique, incapable d’adaptation. Le second organise l’action en prenant en compte l’expérience antérieure, grâce à la mémoire que l’on conserve de la qualité, agréable ou désagréable, utile ou nuisible, de la sensation qui en est résultée. L’entrée en jeu de l’expérience mémorisée camoufle le plus souvent la pulsion primitive et enrichit la motivation de tout l’acquis dû à l’apprentissage. Le troisième niveau est celui du désir. Il est lié à la construction imaginaire anticipatrice du résultat de l’action et de la stratégie à mettre en œuvre pour assurer l’action gratifiante ou celle qui évitera le stimulus nociceptif. Le premier niveau fait appel à un processus uniquement présent, le second ajoute à l’action présente l’expérience du passé, le troisième répond au présent, grâce à l’expérience passée par anticipation du résultat futur. »
< p.20-21 >
« Quelles peuvent être les raisons qui nous empêchent d’agir?
La plus fréquente, c’est le conflit qui s’établit dans nos voies nerveuses entre les pulsions et l’apprentissage de la punition qui peut résulter de leur satisfaction. Punition qui peut venir de l’environnement physique, mais plus souvent encore, pour l’homme, de l’environnement humain, de la socio-culture.
[...]
Une autre source d’angoisse est celle qui résulte du déficit informationnel, de l’ignorance où nous sommes des conséquences pour nous d’une action, ou de ce que nous réserve le lendemain. Cette ignorance aboutit-elle aussi à l’impossibilité d’agir de façon efficace.
[...]
Enfin, chez l’homme, l’imaginaire peut, à partir de notre expérience mémorisée, construire des scénarios tragiques qui ne se produiront peut-être jamais mais dont nous redoutons la venue possible. Il est évidemment difficile d’agir dans ce cas à l’avance pour se protéger d’un événement improbable, bien que redouté.
Autre source d’angoisse par inhibition de l’action. »
< p.43-44 >
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Dans certaines situations, il n’y a qu’une chose à faire : rien. Mais il faut le faire tout de suite, sans attendre une minute de plus. On perd toujours trop de temps avant d’agir. »
< p.157 >
ALTRUISME
13
José ARTUR / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1993
« Casser le thermomètre n’est pas la meilleure façon de faire baisser la température. »
< p.137 >
COLUCHE / Pensées et anecdotes / Le cherche midi éditeur 1995
« Si vous ne faites pas aujourd’hui ce que vous avez dans la tête, demain, vous l’aurez dans le cul. »
< p.213 >
Michel AUDIARD / Audiard par Audiard / Ed. René Chateau 1995
« Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche. »
< Un Taxi pour Tobrouk, p.79 >
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Différer une emmerde, c’est lui donner le temps de croître. »
< p.61 >
« L’homme trop prudent attend qu’il soit trop tard. »
< p.82 >
Georges FILLIOUD / Homo Politicus / filipacchi 1996
« Michel Hannoun :
J’étais alors responsable des étudiants gaullistes, mais aussi étudiant en médecine, et lors d’une rencontre avec André Malraux, j’ai le courage et la jeunesse de lui demander : " Pourquoi avez-vous des tics? "
Réponse de Malraux : " Parce que ma pensée va plus vite que l’action, et que l’une est en permanence à la poursuite de l’autre. " »
< p.129 >
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« Ah ! la volupté de régler tout dans la journée et d’aller se coucher sans qu’aucun papier en souffrance ne traîne sur le bureau, sans devoir un franc à personne et — mais c’est beaucoup plus rare — sans que personne ne vous doive un franc !... »
< p.187 >
ALTRUISME
MARC-AURÈLE / Pensées / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Ce qui n’est pas utile à l’essaim n’est pas non plus utile à l’abeille. »
< VI (54) p.1188 >
SÉNÈQUE / Lettres à Lucilius / Robert Laffont - Bouquins 1993
« Nul [...] ne peut couler ses jours dans le bonheur qui ne considère que soi, qui tourne toutes choses à sa propre commodité. Vis pour autrui, si tu veux vivre pour toi. »
< V Lettre 48-2 p.708 >
SUÉTONE / Vies des Douze Césars / GF-Flammarion (553) 1990
« S’étant, une fois, souvenu, à son souper, de n’avoir fait aucun heureux dans la journée, il [Titus] prononça ce mot si mémorable et si justement vanté : "Mes amis, j’ai perdu un jour." »
< Titus, p.319 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Recevoir des bienfaits de quelqu’un est une manière plus sûre de se l’attacher que de l’obliger lui-même.
La vue d’un bienfaiteur importune souvent, celle d’un homme à qui l’on a fait du bien est toujours agréable.
Nous aimons notre ouvrage en lui.
Vouloir se passer de tous les hommes et n’être obligé à personne, signe certain d’une âme sans sensibilité. »
< t.1 p.64 >
14
ALTRUISME
Louis-Ambroise de BONALD / Œuvres complètes t.3 / Paris, J-P Migne 1859
« Les institutions les plus charitables ont été établies par des hommes austères, et détruites par des philanthropes. »
< Pensées, p.1355 >
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Si vous ne sentez pas que la chose donnée par vous vous manque, vous n’avez rien donné. On ne donne que ce dont on se prive. »
< 1858-60 p.66 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Ma petite cousine se plaint beaucoup d’une femme entretenue, qu’elle a le scandale d’avoir pour voisine à la campagne. Et le dernier mot de son indignation est : "Elle fait beaucoup de bien, beaucoup de charité...
Vous concevez comme c’est désagréable ! Et puis, elle fait tout augmenter..." »
< 24 juin 1861, p.711 >
Sacha GUITRY / De 1429 à 1942 ou de Jeanne d’Arc à Philippe Pétain / Cinquante ans d’occupations /
Omnibus Presses de la Cité 1993
« Puis-je me permettre de citer ici un mot que Clemenceau m’a dit un jour :
— Je lis souvent dans les journaux des entrefilets sur vous qui sont bien venimeux. Comment cela se fait-il? Vous ne demandez donc jamais de service à personne? »
< p.1095 >
Henry D. THOREAU / Résistance au gouvernement civil (1848) / Désobéir / Bibliothèques 10/18 (2832) Éd. de L’Herne 1994
« L’homme qui se dévoue entièrement à ses semblables risque de passer à leurs yeux pour un être sans valeur et égoïste, tandis que celui qui ne leur consacre qu’une petite partie de lui-même est appelé du nom de bienfaiteur et de philanthrope. »
< p.50 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Que l’on observe plutôt des enfants qui pleurent et crient afin d’être objets de pitié, et pour cela guettent le moment où leur situation peut tomber sous les yeux ; qu’on vive dans l’entourage de malades et d’esprits déprimés et qu’on se demande si les plaintes et les lamentations éloquentes, l’exhibition de l’infortune, ne poursuivent pas au fond le but de faire mal aux spectateurs : la pitié que ceux-ci expriment alors est une consolation pour les faibles et les souffrants en tant qu’ils y reconnaissent avoir au moins encore un pouvoir, en dépit de leur faiblesse : le pouvoir de faire mal. Le malheureux prend une espèce de plaisir à ce sentiment de supériorité dont lui donne conscience le témoignage de pitié ; son imagination s’exalte, il est toujours assez puissant encore pour causer de la douleur au monde. »
< p.474-475 >
Alphonse KARR / Sous les orangers / M. Lévy frères 1859
« Je vous ai demandé un service hier ; vous pouviez me le refuser, vous en aviez le droit ; mais vous m’avez rendu hier le service demandé : vous m’en devez un autre, dix autres, cent autres. Avisez-vous de me refuser un second service après m’avoir rendu le premier ! je vous haïrai, je vous diffamerai, je vous traiterai, comme un traître et un voleur. »
< p.289 >
Paul VALÉRY / Tel Quel / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« "Être bon" pour quelqu’un lui suggère de vous réduire en esclavage. Il ne s’en doute pas. Il n’en use que plus pleinement avec vous. Il se met à penser sans effort en disposant de vous. Vous ne faites pas obstacle.
Vous entrez implicitement dans les projets qu’il forme, au titre d’un moyen facile. »
< p.532 >
ALTRUISME
15
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La mauvaise charité, c’est celle qui offre plutôt un verre de vin qu’une bouchée de pain. »
< 3 avril 1900 p.452 >
« Il est plus facile d’être généreux que de ne pas le regretter. »
< 11 février 1908 p.914 >
Alphonse ALLAIS / À se tordre (1891) / Œuvres anthumes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« À l’encontre de beaucoup de personnes que je pourrais nommer, je préfère m’introduire dans un compartiment déjà presque plein que dans un autre qui serait à peu près vide.
Pour plusieurs raisons.
D’abord, ça embête les gens.
Êtes-vous comme moi ? j’adore embêter les gens, parce que les gens sont tous des sales types qui me dé-goûtent.
En voilà des sales types, les gens !
Et puis, j’aime beaucoup entendre dire des bêtises autour de moi, et Dieu sait si les gens sont bêtes ! Avez-vous remarqué?
Enfin, je préfère le compartiment plein au compartiment vide, parce que ce manque de confortable macère ma chair, blinde mon cœur, armure mon âme, en vue des rudes combats pour la vie ( struggles for life). »
< p.87 >
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Nous connaissons mieux nos propres besoins que ceux des autres. Satisfaire les siens relève de la bonne gestion. »
< p.93 >
ALAIN / 81 chapitres sur l’esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade
/ nrf Gallimard 1960
« L’homme, par nature, n’aimerait que lui, et ce serait la sauvagerie ; mais les liens de société l’obligent à compter avec les autres, et à les aimer pour lui, tant qu’enfin il arrive à croire qu’il les aime pour eux. Il existe un bon nombre d’ouvrages, assez ingénieux, où l’on explique assez bien le passage de l’amour de soi à l’amour d’autrui ; et j’avoue que si l’on commençait par la solitude et l’amour de soi, on arriverait bientôt à aimer ses semblables. Mais ce n’est qu’une mauvaise algèbre. Autant qu’on connaît le sauvage, il vit en cérémonie et adore la vie commune ; il est aussi peu égoïste que l’on voudra. L’égoïsme est un fruit de la civilisation, non de sauvagerie ; et l’altruisme aussi son correctif ; mais l’un et l’autre sont plutôt des mots que des êtres. »
< p.1200 >
Alfred SAUVY / Mythologie de notre temps / Petite Bibliothèque Payot (191) 1971
« La charité a toujours soulagé la conscience des riches, bien avant de soulager l’estomac du pauvre. »
< p.156 >
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Celui qui dans la vie est parti de zéro pour n’arriver à rien dans l’existence n’a de merci à dire à personne. »
< p.54 >
Pierre DAC / Arrière-pensées - Maximes inédites / Le cherche midi éditeur 1998
« Le vrai paternalisme, c’est d’aimer les autres pour soi-même. »
< p.88 >
16
AMBITION
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Je pense au grand mal que m’ont fait tous ceux qui m’ont aidé. Sans leur appui, j’aurais eu à me débrouiller seul, à faire un effort supplémentaire, à m’affirmer, etc., j’aurais produit davantage, alors que, toutes les fois qu’on m’a aidé, j’en ai profité pour ne rien faire. On comprend la stérilité des fils à papa.
Pourquoi se démener pour entreprendre quoi que ce soit ? Les animaux de luxe ne valent rien... comme animaux. De même l’homme qui n’est pas coincé ; il n’a pas besoin de faire un effort sur soi ou contre autrui, il se laisse aller et voit les années passer sans fruit. L’immoralité de la philanthropie ! »
< 22 septembre 1970 p.841 >
Paul WATZLAWICK / Faites vous-même votre malheur / Seuil 1984
« Qui aime veut venir en aide à l’objet aimé. Mais le désir spontané de voler au secours d’autrui ne présup-pose pas forcément l’existence d’une relation amoureuse individuelle. Au contraire, l’altruisme qui pousse à venir en aide à un inconnu est considéré comme une manifestation d’une particulière noblesse. Cette aide altruiste constitue un idéal élevé et (dit-on) contient en elle-même sa propre récompense.
Cela ne devrait pas forcément faire obstacle à notre dessein. Comme toute autre attitude noble, l’altruisme, l’aide désintéressée sont susceptibles de salissure et d’amoindrissement par la lueur blême de la pensée.
Pour mettre en doute la pureté altruiste, il suffit de se demander si l’on ne possède pas, dans le fond, des mobiles cachés. Cette bonne action n’était-elle pas un dépôt de fonds sur mon compte personnel en paradis ? Ne visait-elle pas à en mettre plein la vue à des tiers ? Voulais-je me faire admirer ? Contraindre quelqu’un à la gratitude envers moi, en faire, comme on dit si bien, mon "obligé"? Ne cherchais-je pas plus simplement à atténuer quelque sentiment de culpabilité? Il n’existe manifestement pas de limite au pouvoir de la pensée négative, il suffit de chercher pour trouver. »
< p.97-98 >
AMBITION
Cardinal de RETZ / La Conjuration du comte de Fiesque / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1984
« Il se trouve assez de personnes qui ont du mérite, du courage et de l’ambition et qui roulent dans leur esprit des pensées générales de s’élever et de rendre leur condition meilleure ; mais il s’en rencontre rarement qui, après les avoir formées, sachent faire le choix des moyens qui sont propres à l’exécution, et qui ne se relâchent pas du soin continuel qu’il faut avoir pour les faire réussir, ou, quand ils s’en donnent la peine, c’est presque toujours à contretemps, et avec trop d’impatience d’en voir le succès. »
< p.29 >
LA BEAUMELLE / Mes pensées ou Le qu’en dira-t-on (1752) / Droz 1997
« On ne s’élève que par de grandes vertus ou par de grands crimes, par des talents supérieurs ou par une stupidité avérée, par une extrême hauteur ou par une extrême bassesse : toujours par les extrêmes. »
< CLVIII p.92 >
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« L’esclave n’a qu’un maître ; l’ambitieux en a autant qu’il y a de gens utiles à sa fortune. »
< p.238 VII (70) >
Charles DUFRESNY / Amusements sérieux et comiques (1698) / Moralistes du XVIIe siècle / Robert Laffont - Bouquins 1992
« L’ambitieux parle contre la paresse, le paresseux contre l’ambition. »
< p.1028 >
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Je ne suis point étonné de voir les ambitieux se donner un air de modestie et se défendre de l’ambition comme d’un vice honteux. Celui qui montrerait toute son ambition étonnerait tous ceux qui voudraient le servir. D’ailleurs, comme personne n’est assuré de réussir dans le chemin de la fortune, on se prépare la ressource de faire croire qu’on l’a méprisée. »
< 1106 p.1287 >
AMBITION
17
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) /
Garnier frères 1877 [BnF]
« Cela me rappelle un mot du prince Eugène*. Il allait attaquer Lille ; on lui dit, pour l’en détourner, qu’elle était défendue par un maréchal de France : "J’aime bien mieux qu’elle soit défendue par un maréchal de France que par un homme qui aurait envie de le devenir." »
< p.129 >
* Eugène de Savoie-Carigan, dit le Prince Eugène, général des armées impériales (Paris 1663 - Vienne 1736).
Madame de LAMBERT / Avis d’une mère à son fils / Œuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Tout homme qui n’aspire pas à se faire un grand nom n’exécutera jamais de grandes choses : ceux qui marchent nonchalamment souffrent toutes les peines de leur profession, et n’en ont ni l’honneur, ni la récompense. »
< p.3 >
« Nous croyons souvent n’en vouloir qu’aux hommes, et nous en voulons aux places : jamais ceux qui les ont occupées n’ont été au gré du monde ; et on ne leur a rendu justice, que quand ils ont cessé d’y être. »
< p.19 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« L’ambition prend aux petites âmes plus facilement qu’aux grandes, comme le feu prend plus aisément à la paille, aux chaumières qu’aux palais. »
< 68 p.64 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« L’ambition est à l’homme ce que l’air est à la nature ; ôtez l’un au moral et l’autre au physique, il n’y a plus de mouvement. »
< 79 p.234 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« C’est l’ambition qui fait les grands intervalles. Un palefrenier du roi de France est plus près de son maître que le chancelier. »
< t.2 p.618 >
Eugène DELACROIX / Journal 1822-1863 / Plon 1980
« Petetin m’avait dit le matin que, pour n’avoir rien à se reprocher, il avait mis son ambition dans sa poche.
Je disais à Chenavard que je pensais qu’il était impossible de se trouver mêlé aux affaires des autres et de s’en tirer complètement honnête. "Comment voulez-vous, disait-il, qu’il en soit autrement? Celui qui prend l’équité pour règle ne peut absolument lutter contre celui qui ne songe qu’à son intérêt : il sera toujours battu dans la carrière de l’ambition." »
< 2 mars 1849 p.181 >
Conseil d’ami :
« "Ne négligez rien de ce qui peut vous faire grand", m’écrivait le pauvre Beyle [=Stendhal]. »
< 31 janvier 1850 p.219 >
Maurice JOLY / Recherches sur l’art de parvenir / Paris Amyot 1868 [BnF Cote LB56-1958]
« En raison des qualités d’esprit et de caractère que suppose une passion aussi forte que celle de l’ambition, il semblerait qu’elle ne dut être le partage que d’un petit nombre d’hommes bien doués. C’est le contraire qui arrive. Ce sont les gens les plus médiocres qui sont les plus ambitieux, et par suite les plus agissants.
Rien n’est plus piquant que ceci. On peut se représenter la fortune comme une belle femme environnée de prétendants ; ce sont les eunuques qui la désirent le plus, et ce sont les eunuques qui l’obtiennent. »
< p.60 >
18
AMBITION
Friedrich NIETZSCHE / Aurore. (1881) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Ne pas oublier ! — Plus nous nous élevons, plus nous paraissons petits aux regards de ceux qui ne savent pas voler. »
< 574 p.1210 >
Charles-Augustin SAINTE-BEUVE / Mes Poisons / Collection Romantique / José Corti 1988
« L’ambition ne m’est pas naturelle ; je me la suis inoculée à propos de ma candidature académique (1844).
J’en éprouve assez pour la comprendre et la sentir en abrégé. Je ne l’ai pas à l’état de petite vérole, je l’ai à l’état de vaccine : je n’en resterai pas gravé. »
< p.165 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Pour peu qu’on tâche de se perfectionner, on voit les autres rapetisser, comme s’ils s’enfonçaient dans le sable. »
< 3 juillet 1894 p.185 >
« Oh ! madame, mon ambition n’a pas de bornes. Pour arriver, je vous passerais sur le ventre. »
< 30 décembre 1896 p.293 >
« Il y a de la place au soleil pour tout le monde, surtout quand tout le monde veut rester à l’ombre. »
< 29 janvier 1898 p.366 >
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Les arrivistes sont des gens qui arrivent. Ils ne sont jamais arrivés. »
< 165 p.181 >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Il y a quelques semaines que je veux noter cette réflexion qui m’est venue, que les gens qui désirent avoir beaucoup de choses dans la vie : places, honneurs, influence, décorations, Académie, sont peut-être des gens qui ont une vitalité supérieure, qui a besoin d’embrasser beaucoup de choses. Les gens qui vivent dans leur coin, se contentant de ce qui leur vient, sans aucune activité pour rien attraper d’autre, seraient des gens d’une vitalité réduite. On dit des premiers : arrivistes, ambitieux, et on fait honneur aux seconds de leur modestie. Les premiers ne sont pas plus à blâmer que les seconds à féliciter. Notre caractère est notre maître et toutes nos actions dépendent de lui. Les premiers et les seconds ne pourraient pas être autrement qu’ils sont. »
< 19 Novembre 1940 III p.218 >
« Il y a des gens qui savent se caser. Il est vrai que c’est tout ce qu’ils savent. »
< 2 Avril 1942 III p.549 >
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Si vous êtes un jour traité de parvenu, tenez pour bien certain que vous serez arrivé. »
< p.82 >
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Être soi-même !... Mais soi-même en vaut-il la peine? »
< p.811 >
Robert MUSIL / L’homme sans qualités / Editions du Seuil - Points 1956
« À strictement parler, il était resté ce qu’on appelle un espoir ; on nomme espoirs, dans la république des esprits, les républicains proprement dits, c’est-à-dire ceux qui s’imaginent qu’il faut consacrer à son travail la totalité de ses forces, au lieu d’en gaspiller une grande part pour assurer son avancement social ; ils oublient que les résultats de l’homme isolé sont peu de chose, alors que l’avancement est le rêve de tous, et négligeant ce devoir social qu’est l’arrivisme, ils oublient que l’on doit commencer par être un arriviste ÂME
19
pour pouvoir offrir à d’autres, dans les années du succès, un appui à la faveur duquel ils puissent arriver à leur tour. »
< T 1 p.55 >
Emil CIORAN / Syllogismes de l’amertume (1952) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Méfiez-vous de ceux qui tournent le dos à l’amour, à l’ambition, à la société. Ils se vengeront d’y avoir renoncé. »
< p.746 >
Emil CIORAN / De l’inconvénient d’être né (1973) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« La lucidité sans le correctif de l’ambition conduit au marasme. Il faut que l’une s’appuie sur l’autre, que l’une combatte l’autre sans la vaincre, pour qu’une œuvre, pour qu’une vie soit possible. »
< p.1330 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Eût-il tous les mérites, un ambitieux ne peut être honnête qu’à la surface. N’ayez confiance que dans les indifférents. »
< 20 octobre 1963, p.187 >
Georges WOLINSKI / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1981
« Quand on ne sait rien faire, il faut avoir de l’ambition. »
< p.112 >
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Le mot "légitime" perd toute espèce de sens quand on l’associe à celui d’"ambition". »
< p.155 >
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« L’amoureux véritable des fonctions et des places ne démissionne jamais, ni pour raison de conscience, ni faute des conditions techniques nécessaires à son office. Il sacrifie toujours ce qu’il faut et ceux qu’il faut à la conservation de son pouvoir, y compris ce pouvoir même, s’il doit se résigner à n’en plus retenir que l’apparence. Les trahisons que son arrivisme lui impose et les volte-face que ses opinions exécutent, il les déguisera en décisions immaculées, qui coulent de la pure source d’une conviction intime et d’une méditation toute personnelle. La démission, s’il y est acculé, il la négocie contre un autre poste, dans lequel il s’arrange pour gagner en élévation ce qu’il a perdu en influence. »
< p.616 >
ÂME
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« Les grandes âmes ne sont pas celles qui ont moins de passions et plus de vertu que les âmes communes, mais celles seulement qui ont de plus grands desseins. »
< MS 31 p.142 >
VOLTAIRE / Dictionnaire philosophique / Garnier 1967.
L’âme et la folie.
« Les doctes ou les docteurs diront au fou : "Mon ami, quoique tu aies perdu le sens commun, ton âme est aussi spirituelle, aussi pure, aussi immortelle que la nôtre ; mais notre âme est bien logée, et la tienne l’est mal ; les fenêtres de la maison sont bouchées pour elle ; l’air lui manque, elle étouffe." Le fou, dans ses bons moments, leur répondrait : "Mes amis, vous supposez, à votre ordinaire, ce qui est en question.
Mes fenêtres sont aussi bien ouvertes que les vôtres, puisque je vois les mêmes objets et que j’entends les mêmes paroles : il faut donc nécessairement que mon âme fasse un mauvais usage de ses sens, ou que mon âme ne soit elle-même qu’un sens vicié, une qualité dépravée. En un mot, ou mon âme est folle par elle-même, ou je n’ai point d’âme." »
< p.206 >
20
ÂME
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Quand l’immortalité de l’âme serait une erreur, je serais très fâché de ne pas la croire. Je ne sais comment pensent les athées. (J’avoue que je ne suis point si humble que les athées.) Mais, pour moi, je ne veux point troquer (et je n’irai point troquer) l’idée de mon immortalité contre celle de la béatitude d’un jour. Je suis très charmé de me croire immortel comme Dieu même. Indépendamment des vérités révélées, des idées métaphysiques me donnent une très forte espérance de mon bonheur éternel, à laquelle je ne voudrais pas renoncer. »
< 2083 p.1543 >
« Le dogme de l’immortalité de l’âme nous porte à la gloire, au lieu que la créance contraire en affaiblit en nous le désir. »
< 2084 p.1543 >
Alphonse de LAMARTINE / Harmonies poétiques et religieuses / Œuvres poétiques complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1963
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer? »
< livre III, ii, Milly, ou la Terre natale, p.392 > Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« On affirmait à quelqu’un que l’âme était un point ; à quoi il rétorqua : pourquoi pas un point virgule, elle aurait ainsi une queue. »
< p.52 >
Paul VALÉRY / Tel Quel / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Idéal d’une âme.
Le désir d’avoir une âme et de n’être immortellement que cette âme, ce désir doit pâlir singulièrement près du désir d’une âme d’avoir un corps, et une durée. Elle céderait son royaume même pour un cheval. Un âne, peut-être? »
< p.500 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Âme, c’est bien là le mot qui a fait dire le plus de bêtises. Quand on pense qu’au XVIIe siècle des gens sensés, de par Descartes, refusaient une âme aux animaux ! Outre l’ineptie qu’il y avait à refuser à d’autres êtres une chose dont l’homme n’a pas la moindre idée, il eût autant valu prétendre que le rossignol, par exemple, n’a pas de voix, mais, dans le bec, un petit sifflet fort bien fait, acheté par lui à Pan ou à quelque autre Satyre, bibelotier de la forêt. »
< 18 janvier 1889 p.16 >
« Cent mille âmes, combien cela peut-il faire d’hommes? »
< 7 avril 1892 p.99 >
« Notre âme est immortelle, pourquoi ? Et pourquoi pas celle des bêtes ? Quand les deux flammes sont éteintes, quelle différence y a-t-il entre la flamme d’une pauvre chandelle et celle d’une belle lampe au bec compliqué, haute sur tige, et dont l’abat-jour s’écarte comme une jupe. »
< 30 mai 1900 p.458 >
Alphonse ALLAIS / À se tordre (1891) / Œuvres anthumes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Les bêtes ont-elles une âme ? Pourquoi n’en auraient-elles pas ? J’ai rencontré, dans la vie, une quantité considérable d’hommes, dont quelques femmes, bêtes comme des oies, et plusieurs animaux pas beaucoup plus idiots que bien des électeurs. »
< p.5 >
AMITIÉ
21
Louis-Ferdinand CÉLINE / Voyage au bout de la nuit (1932) / Romans (1) / Bibliothèque de la Pléiade
/ nrf Gallimard 1997
« L’âme, c’est la vanité et le plaisir du corps tant qu’il est bien portant, mais c’est aussi l’envie d’en sortir du corps dès qu’il est malade ou que les choses tournent mal. On prend des deux poses celle qui vous sert le plus agréablement dans le moment et voilà tout ! »
< p.52 >
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« J’ai la peau de l’âme trop sensible. Il faudrait apprendre à son âme à marcher pieds nus. S’y faire une corne. Se répéter la sentence chinoise : "Rétrécis ton cœur." »
< 9 décembre 1944, p.586 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« À regarder les choses selon la nature, l’homme a été fait pour vivre tourné uniquement vers l’extérieur.
Pour voir en lui-même, il lui faut fermer les yeux, renoncer à l’action, sortir du courant... Ce qu’on appelle
"vie intérieure" est un phénomène tardif qui n’a été possible que par un ralentissement systématique de nos fonctions vitales, de sorte que l’ "âme" n’a pu surgir qu’aux dépens de nos organes. »
< 4 avril 1962 p.82 >
François CAVANNA / Lettre ouverte aux culs-bénits / Albin Michel 1994
« Cette histoire d’âme, entité invisible, invérifiable et tellement flatteuse pour celui à qui l’on en concède une, est une invention formidable. Elle n’est pas la seule, toute religion est bâtie sur un système d’affirma-tions du même genre, impossible à démontrer et donc irréfutables, tout à la fois consolatrice et terrifiantes, mais, là, on est obligé d’admirer. Affirmer à une espèce animale, en l’occurrence la nôtre, qu’elle n’est qu’en apparence semblable aux autres par son aspect et la matière dont elle est faite, mais qu’elle possède, elle, une chose essentielle et sublime, immortelle de surcroît (vas y voir !), que les autres créatures de chair et de sang n’ont pas, que cette entité invisible est son véritable "moi" qui survivra à tout, le reste n’étant que vase provisoire, vile dépouille vouée à la putréfaction, et que cette "étincelle divine" la rend non seulement supérieure à toute espèce vivante, mais surtout différente en essence car procédant de la nature même de Dieu, ce qui lui donne droit de vie et de mort sur tout ce qui vit, quelle trouvaille ! C’est là le bon vieux coup de la race élue, c’est le truc démagogique des nazis affirmant aux Allemands que les Allemands sont le nec plus ultra de l’humanité, qu’ils sont les seuls beaux, les seuls intelligents, les seuls purs, en un mot les seuls vraiment hommes parmi tous les peuples, les autres n’étant que tentatives avortées ou bâtards dégénérés, et qu’à ce titre, eux, Allemands, ont tous les droits, y compris celui de décider de la vie, de la mort et de la souffrance "utile" des sous-hommes. Ça marche à tous les coups. Pardi ! »
< p.126-127 >
AMITIÉ
ÉPICURE / Sentences vaticanes / Lettres, maximes, sentences / Livre de Poche (4628) 1994
« Nous n’avons pas tant à nous servir des services que nous rendent nos amis, que de l’assurance que nous avons de ces services. »
< 34 p.214 >
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« Nous ne pouvons rien aimer que par rapport à nous, et nous ne faisons que suivre notre goût et notre plaisir quand nous préférons nos amis à nous-mêmes ; c’est néanmoins par cette préférence seule que l’amitié peut être parfaite. »
< M 81 p.25 >
Chevalier de MÉRÉ / Maximes, sentences et réflexions morales et politiques / Paris, E. du Castin 1687
[BnF]
« Souvent nos amis nous deviennent indifférents, sitôt que nous ne leur pouvons plus être utiles. »
< 215 p.97 >
22
AMITIÉ
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Chacun se dit ami ; mais fol qui s’y repose :
Rien n’est plus commun que ce nom,
Rien n’est plus rare que la chose. »
< Livre quatrième, XVII Parole de Socrate p.244 >
« Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ;
Mieux vaudrait un sage ennemi. »
< Livre huitième, X L’ours et l’amateur de jardins p.462 > Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Le temps, qui fortifie les amitiés, affaiblit l’amour. »
< p.132 IV (4) >
« Vivre avec ses ennemis comme s’ils devaient un jour être nos amis, et vivre avec nos amis comme s’ils pouvaient devenir nos ennemis, n’est ni selon la nature de la haine, ni selon les règles de l’amitié ; ce n’est point une maxime morale, mais politique. »
< p.141 IV (55) >
MARIVAUX / L’Indigent philosophe (1727) / Journaux et Œuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« De qui dans la vie veut-on se faire aimer ? de ceux qui ne se soucient pas de nous. Il y a des gens qui donneraient deux de leurs meilleurs amis, pour avoir l’amitié d’un homme qui les fuit. Dire du mal de quelqu’un n’est le plus souvent qu’une manière de se plaindre de son indifférence pour nous. Dans le temps que j’étais dans le monde, on me disait qu’il y avait un homme qui marquait toujours de l’aigreur dans ses discours, quand il parlait de moi : je m’avisai tout d’un coup de songer que je le saluais froidement quand je le rencontrais. Je le tiens, dis-je alors en moi-même, cet homme-là veut que je l’aime, il l’a mis dans sa tête, parce qu’il s’est imaginé que je ne l’aimais pas ; et j’avais raison de penser cela, car dès que je l’eus salué d’un air riant, il me marqua tant d’amitié que je n’en savais que faire. Mais, malheureusement, j’en pris pour lui aussi, et cela fit qu’il m’aima toujours bien, mais qu’il ne me fêtait plus. »
< p.322 >
Madame de LAMBERT / Traité de l’amitié / Œuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Le premier mérite qu’il faut chercher dans votre ami, c’est la vertu, c’est ce qui nous assure qu’il est capable d’amitié, et qu’il en est digne. N’espérez rien de vos liaisons lorsqu’elles n’ont pas ce fondement. »
< p.113 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Le seul moyen d’avoir des amis, c’est de tout jeter par les fenêtres, de n’enfermer rien et de ne jamais savoir où l’on couchera le soir.
Il y a, me direz-vous, peu de gens assez fous pour prendre ce parti. Eh qu’ils ne se plaignent donc pas s’ils n’ont pas d’amis, ils n’en veulent pas. »
< t.1 p.75 >
« Quiconque n’est jamais dupe n’est pas ami. »
< 25 décembre 1806 t.2 p.87 >
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / La confession de Talleyrand [Ana] / Paris, L.Sauvaitre 1891 [BnF]
« Ne dites jamais de mal de vous, vos amis en diront toujours assez. »
< p.29 >
STENDHAL / Journal / Œuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« Rien de si aisé que d’être bien avec un homme qu’on ne voit qu’une fois par mois. »
< 19 avril 1804 p.65 >
AMITIÉ
23
JEAN-PAUL / Pensées de Jean-Paul / Paris, Firmin Didot 1829 [BnF]
« De quels fils bizarres est souvent tissée la trame des affections ! J’ai vu un homme ne s’intéresser à un autre que parce que celui-ci avait loué le nom de son chien, ou que tous deux avaient le goût des mêmes mets ou des mêmes vins, ou le même tailleur : enfin, les plus petites ressemblances, qui n’ont souvent d’autres cause que le hasard ou les goûts les plus matériels, rapprochent quelquefois les hommes et les unissent plus étroitement que les principaux traits de leurs caractères. »
< p.86 >
Charles-Augustin SAINTE-BEUVE / Portraits littéraires / Robert Laffont - Bouquins 1993
« Puisqu’il faut avoir des ennemis, tâchons d’en avoir qui nous fassent honneur. »
< Pensées, p.1077 >
Alphonse KARR / 300 pages - Mélanges philosophiques / M. Lévy frères 1858
« Quand un homme est malheureux, il est abandonné de ses amis ; c’est un lieu commun ressassé en vers, en prose et dans toutes les langues " tempora si fuerint nubila, etc."
Les amis qui abandonnent le malheureux, ne lui feraient que la moitié du mal qu’ils lui font, s’ils se contentaient de l’abandonner, ou s’ils disaient franchement qu’ils l’abandonnent parce qu’il est malheureux ; mais ils auraient honte de cet aveu, et ils lui inventent ou même lui trouvent des torts qu’ils donnent pour cause de leur abandon. »
< p.193 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« On mesure les monuments à leur ombre, les livres à leurs critiques, les hommes à leurs ennemis. »
< 15 février 1865 p.1139 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Il en coûte encore plus de trouver du talent à ses amis qu’à ses ennemis. »
< 14 novembre 1867 p.119 >
Charles BAUDELAIRE / Fusées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« Beaucoup d’amis, beaucoup de gants, — de peur de la gale. »
< p.660 >
Le Comte de LAUTRÉAMONT / Les chants de Maldoror (1869) / GF 528 - Flammarion 1990
« Toi, jeune homme, ne te désespère point ; car, tu as un ami dans le vampire, malgré ton opinion contraire.
En comptant l’acarus sarcopte qui produit la gale, tu auras deux amis ! »
< I 14 p.133 >
Maurice JOLY / Recherches sur l’art de parvenir / Paris Amyot 1868 [BnF Cote LB56-1958]
« Le sens de la vie indique qu’il faut faire beaucoup plus de cas des amis que de l’amitié ; car l’art de parvenir ne peut envisager les amis, que comme des auxiliaires d’un certain ordre. L’embarras c’est que les amis viennent généralement à la fin et non pas au commencement, de sorte qu’ils apparaissent lorsqu’à la rigueur on pourrait s’en passer. »
< p.144 >
Arthur SCHOPENHAUER / Aphorismes sur la sagesse dans la vie (1851) / Collection Quadrige / PUF
1943
« Comment peut-on prétendre que les amis sont rares, dans le besoin ? Mais c’est le contraire. À peine a-t-on fait amitié avec un homme, que le voilà aussitôt dans le besoin et qu’il vous emprunte de l’argent. »
< p.138 >
24
AMITIÉ
Arthur SCHOPENHAUER / Pensées et fragments / Alcan 1900 [BnF]
« Rien ne trahit mieux l’ignorance du monde que d’alléguer comme une preuve des mérites et de la valeur d’un homme qu’il a beaucoup d’amis : comme si les hommes accordaient leur amitié d’après la valeur et le mérite ! comme s’ils n’étaient pas au contraire semblables aux chiens qui aiment celui qui les caresse ou leur donne seulement des os, sans plus de sollicitude. »
< p.215 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La vie de l’ennemi. - Qui vit de combattre un ennemi a intérêt à ce qu’il reste en vie. »
< 531 p.664 >
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Tout le monde a eu de ces amis malplaisants à vivre, mais dont on est sûr, que l’on met "à gauche" pour ainsi parler, contre le malheur. Tels ces objets de nécessaire dont on n’use que pris au dépourvu.
Et tout de suite, ils vous cassent dans la main. »
< 145 p.179 >
« — Ah ! qu’un beau jour, songeait le roi, quelqu’un m’aimât pour moi-même, sans trahison, ni calcul, ni mensonge.
L’aumônier dit :
— Prenez un chien. »
< 149 p.180 >
« La fièvre, à ce que l’on dit, nous délivre des puces, et l’infortune, de nos amis. »
< 152 p.180 >
Paul-Jean TOULET / Le carnet de monsieur du Paur / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« — Mais... mon cher ami !
— Là, là. Pas de gros mots. »
< p.278 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La haine soutenant mieux que l’amitié, si l’on pouvait haïr ses amis on leur serait plus utile. »
< 27 mars 1893 p.123 >
« Mon ami ne me sert qu’à embêter ceux de mes ennemis qui sont ses amis. »
< 30 mars 1893 p.125 >
Léon BLOY / Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
« Les amis de nos amis sont nos amis.
Le chevalier du Bran d’Enhaut avait sauvé la vie à un petit avocat au parlement de Normandie. Quand vint la Terreur, cet avocat plein de gratitude le recommanda à un savetier, qui le recommanda à un vidangeur, qui le recommanda à un bénédictin défroqué, qui le recommanda à Catherine Théot la prophétesse, qui le recommanda à Robespierre qui lui fit couper la tête. Un bienfait n’est jamais perdu. »
< p.156 >
Antoine de SAINT-EXUPÉRY / Terre des hommes / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1959
« En travaillant pour les seuls biens matériels, nous bâtissons nous-mêmes notre prison. Nous nous enfer-mons solitaires, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre.
Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m’ont laissé un goût durable, si je fais le bilan des heures qui ont compté, à coup sûr je retrouve celles que nulle fortune ne m’eût procurées. On n’achète pas l’amitié d’un Mermoz, d’un compagnon que les épreuves vécues ensemble ont lié à nous pour toujours. »
< II i p.158 >
AMOUR
25
Sacha GUITRY / Pensées / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Il se produit quelque chose d’assez mystérieux au début d’une amitié. Une circonstance imprévue souvent la détermine et l’on devient l’esclave d’une confidence ou d’un secret. Plus tard, un jour, on passe en revue ses amis et l’on constate parmi eux la présence de deux ou trois individus qui ne devaient pas être là - mais il n’y a plus rien à faire, le pli est pris. Comment pourriez-vous prétendre que la raison qui vous avait poussé vers eux n’existe plus puisqu’il vous est impossible de la formuler. Vous les trouvez ennuyeux, inutiles et gênants parfois - tant pis, c’est trop tard, il n’y a plus rien à faire ! »
< p.47 >
Auguste DETŒUF / Propos de O. L. Barenton, confiseur (1938) / Éditions d’Organisation 1982
« Ce n’est pas dans l’infortune, mais dans la fortune qu’on connaît les vrais amis. La véritable épreuve de l’amitié, c’est le succès : car le malheur ne réclame que du secours et ne risque que la résistance de l’avarice ; tandis que le succès voudrait de l’affection et ne rencontre que l’envie. »
< p.84 >
Emil CIORAN / Aveux et anathèmes (1987) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Nous ne devrions déranger nos amis que pour notre enterrement. Et encore ! »
< p.1653 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« On peut aimer n’importe qui, sauf son voisin. »
< 24 janvier 1967 p.467 >
Claude Michel CLUNY / Le silence de Delphes - journal littéraire 1948-1962 / SNELA La Différence 2002
« Rien de plus malaisé que d’obtenir de nos amis qu’ils nous fichent la paix. Dès qu’on prend un peu le large par amour du silence, ils se croient trahis. »
< 1957 p.77 >
AMOUR
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« Il est du véritable amour comme de l’apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu. »
< M 76 p.24 >
Chevalier de MÉRÉ / Maximes, sentences et réflexions morales et politiques / Paris, E. du Castin 1687
[BnF]
« Qui commence à aimer doit se préparer à souffrir. »
< 138 p.61 >
Blaise PASCAL / Pensées / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Quand un discours naturel peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu’on entend, laquelle on ne savait pas qu’elle y fût, en sorte qu’on est porté à aimer celui qui nous la fait sentir ; car il ne nous a pas fait montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable, outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer. »
< 44 p.1099 >
« Qui voudra connaître à plein la vanité de l’homme n’a qu’à considérer les causes et les effets de l’amour.
La cause est un je ne sais quoi (Corneille), et les effets en sont effroyables. Ce je ne sais quoi, si peu de chose qu’on ne peut le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier.
Le nez de Cléopatre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. »
< 180 p.1133 >
26
AMOUR
Isidore DUCASSE (LAUTRÉAMONT) / Poésies (1870) / GF 528 - Flammarion 1990
« Si la morale de Cléopâtre eût été moins courte, la face de la terre aurait changé. Son nez n’en serait pas devenu plus long. »
< II p.347 >
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« L’enfant dit (retour du cinéma où il a vu un "drame" et le héros ou le traître tué assez niaisement) : "S’il avait été malin, il se serait mis à quatre pattes et il se serait sauvé." Cette correction est remarquable. Si, etc., le drame eût été tout autre.
Que de gens ont pensé qu’à la place d’Adam ils n’eussent point mordu ; à la place de Napoléon, évité la guerre d’Espagne ! À la place de Pascal, on aurait fait l’économie de la pensée du nez de Cléopâtre, qui est bien inutile.
Cette pensée, si elle eût été moins naïve... n’eût pas été. »
< p.840 >
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Le nez de Cléopâtre plus long, voilà toute la face du monde changée.
Et la sienne donc. »
< 53 p.168 >
Vladimir JANKÉLÉVITCH / Philosophie morale / Mille&UnePages Flammarion 1998
« L’ironie du nez de Cléopâtre et des sourcils de Zeus, le contraste dérisoire des petites causes et des grands effets sont [...] des apparences paradoxales qui se dissipent quand on considère la susceptibilité infinie et l’infini pouvoir signifiant d’un esprit capable de convertir tout excitant en prétexte et en symbole. Si bien qu’en définitive l’effet grandiose a vraiment une cause grandiose ! »
< La mauvaise conscience, p.129 >
François CAVANNA / Dieu, Mozart, Le Pen et les autres... / Presses de la Cité 1992
« Si le nez de Cléopatre avait été plus long, Jules César se serait piqué le ventre. »
< p.45 >
Charles de SAINT-ÉVREMOND / Œuvres mêlées (12) / Paris, C.Barbin 1693
« Dieu n’a pas voulu que nous fussions assez parfaits pour être toujours aimables, pourquoi voulons-nous être toujours aimés? »
< Maximes, XXIV, p.229 >
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire Adieu prudence ! »
< Livre quatrième I Le lion amoureux p.200 >
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Vouloir oublier quelqu’un, c’est y penser. L’amour a cela de commun avec les scrupules, qu’il s’aigrit par les réflexions et les retours que l’on fait pour s’en délivrer. Il faut, s’il se peut, ne point songer à sa passion pour l’affaiblir. »
< p.138 IV (38) >
MARIVAUX / Le Cabinet du philosophe (1734) / Journaux et Œuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« De toutes les façons de faire cesser l’amour, la plus sûre, c’est de le satisfaire. »
< p.338 >
« Je me suis toujours défié en amour des passions qui commencent par être extrêmes ; c’est mauvais signe pour leur durée. Les gens faits pour être constants, destinés à cela par leur caractère, sont difficiles à émouvoir. »
< p.342 >
AMOUR
27
« Rarement la beauté et le je ne sais quoi se trouvent ensemble.
J’entends par le je ne sais quoi : ce charme répandu sur un visage et sur une figure, et qui rend une personne aimable, sans qu’on puisse dire à quoi il tient. »
< p.346 >
Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS / Le mariage de Figaro (1784) / Œuvres complètes /
Firmin-Didot 1865
« L’amour... n’est que le roman du cœur : c’est le plaisir qui en est l’histoire. »
< Acte V scène vii p.165 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« L’amour tel qu’il existe dans la société, n’est que l’échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes. »
< 359 p.133 >
« On vous dit quelquefois, pour vous engager à aller chez telle ou telle femme : Elle est très aimable ; mais si je ne veux pas l’aimer ! Il vaudrait mieux dire : Elle est très aimante, parce qu’il y a plus de gens qui veulent être aimés que de gens qui veulent aimer eux-mêmes. »
< 360 p.133 >
« On demandait à M... pourquoi la nature avait rendu l’amour indépendant de notre raison. "C’est, dit-il, parce que la nature ne songe qu’au maintien de l’espèce, et, pour la perpétuer, elle n’a que faire de notre sottise. Qu’étant ivre, je m’adresse à une servante de cabaret ou à une fille, le but de la nature peut être aussi bien rempli que si j’eusse obtenu Clarisse après deux ans de soins ; au lieu que ma raison me sauverait de la servante, de la fille, et de Clarisse même peut-être. À ne consulter que la raison, quel est l’homme qui voudrait être père et se préparer tant de soucis pour un long avenir ? Quelle femme, pour une épilepsie de quelques minutes, se donnerait une maladie d’une année entière ? La nature, en nous dérobant à notre raison, assure mieux son empire ; et voilà pourquoi elle a mis de niveau sur ce point Zénobie et sa fille de basse-cour, Marc-Aurèle et son palefrenier." »
< 1053 p.281 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Il n’y a plus aujourd’hui d’inimitiés irréconciliables parce qu’il n’y a plus de sentiments désintéressés.
C’est un bien qui est né d’un mal. »
< 5 mars 1811 t.2 p.321 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« La seule victoire en amour, c’est la fuite. »
< 86 p.235 >
Alphonse KARR / Encore les femmes / M. Lévy frères 1858
« L’opposé de la débauche, ce n’est pas la pruderie, ce n’est pas l’austérité, ce n’est pas l’abstinence : c’est l’amour. »
< p.60 >
Alphonse KARR / Les Guêpes (première série) / Calmann Lévy 1898
« L’amour, d’ordinaire, ne dure que jusqu’au moment où il allait devenir raisonnable et fondé sur quelque chose. »
< Juin 1840, p.265 >
« Une femme aime moins son amant pour l’esprit qu’il a que pour l’esprit qu’on lui trouve. »
< Juin 1840, p.265 >
28
AMOUR
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« La belle-fille de Buffon déshonorait un époux fort épris et s’en moquait ouvertement. À un dîner de famille, elle demande à son beau-père : "Vous qui avez si bien observé, comment expliquez-vous que ceux qui nous aiment le plus soient ceux que nous aimons le moins?
Le célèbre naturaliste se contenta de répondre :
— Je n’en suis pas encore au chapitre des monstres.
»
< p.198 >
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [œuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Rivarol disait du fils de Buffon : c’est le plus pauvre chapitre de l’Histoire naturelle de son père. »
< Anecdotes et bons mots p.147 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« Négligé de tenue, disgracieux d’aspect, Villemain n’en était pas moins galant. Et il se dissimulait si peu ses imperfections qu’il les faisait entrer en ligne de compte dans cette déclaration à une jeune femme :
— Aimez-moi, personne ne le croira. »
< p.228 >
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« On ne souffre jamais que du mal que nous font ceux qu’on aime. Le mal qui vient d’un ennemi ne compte pas. »
< 1866 p.72 >
« Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu hais. »
< 1860-61 p.87 >
STENDHAL / Journal / Œuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« Il n’y a qu’une loi en sentiment. C’est de faire le bonheur de ce qu’on aime. »
< 19 juin 1805 p.330 >
Charles BAUDELAIRE / Mon cœur mis à nu / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« Ce qu’il y a d’ennuyeux dans l’amour, c’est que c’est un crime où l’on ne peut pas se passer d’un complice. »
< p.689 >
« Qu’est-ce que l’amour?
Le besoin de sortir de soi.
L’homme est un animal adorateur.
Adorer, c’est se sacrifier et se prostituer.
Aussi tout amour est-il prostitution. »
< p.692 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« On peut promettre des actions, mais non des sentiments, car ceux-ci sont involontaires. Qui promet à quelqu’un de l’aimer toujours, ou de le haïr toujours, ou de lui être toujours fidèle, promet quelque chose qui n’est pas en son pouvoir ; ce qu’il peut bien promettre, ce sont des actions qui, à la vérité, sont ordinairement les conséquences de l’amour, de la haine, de la fidélité, mais qui peuvent aussi provenir d’autres motifs, car a une seule action mènent des chemins et des motifs divers. »
< 58 p.479 >
AMOUR
29
Friedrich NIETZSCHE / Par-delà le bien et le mal (1886) / Œuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Ce qu’on fait par amour l’est toujours par-delà le bien et le mal. »
< 153 p.625 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le "je ne sais quoi" d’une femme, il n’y a que ça qui compte. »
< 10 février 1896 p.252 >
Paul-Jean TOULET / Le carnet de monsieur du Paur / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Qui les veut faire durer, il faut couvrir son feu de cendres, et son amour de mystère. »
< p.277 >
Paul-Jean TOULET / Journal et voyages / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Certains amoureux éprouvent à abaisser leur maîtresse le même plaisir que les enfants à éventrer leurs pantins. »
< p.1043 >
Anatole FRANCE / L’Île des Pingouins (1908) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000
« [...] permettez-moi de vous dire que, en général, l’opinion des fils sur leurs mères est insoutenable : ils ne songent pas assez qu’une mère n’est mère que parce qu’elle aima et qu’elle peut aimer encore. C’est pourtant ainsi, et il serait déplorable qu’il en fût autrement. J’ai remarqué que les filles, au contraire, ne se trompent pas sur la faculté d’aimer de leurs mères ni sur l’emploi qu’elles en font : elles sont des rivales ; elles en ont le coup d’œil. »
< Livre VII Ch.1 p.722 >
Sigmund FREUD / Le malaise dans la culture (1930) / Quadrige PUF 1995
« Il est toujours possible de lier les uns aux autres dans l’amour une assez grande foule d’hommes, si seulement il en reste d’autres à qui manifester de l’agression. »
< p.56 >
« Le commandement "Aime ton prochain comme toi-même" est la défense la plus forte contre l’agression humaine et un excellent exemple de la démarche non psychologique du sur-moi-de-la-culture. Le commandement est impraticable ; une inflation aussi grandiose de l’amour peut seulement en abaisser la valeur, elle ne peut éliminer la nécessité. La culture néglige tout cela ; elle se contente de rappeler que plus l’observance du précepte est difficile, plus elle est méritoire. Mais celui qui, dans la culture présente, se conforme à un tel précepte ne fait que se désavantager par rapport à celui qui se place au-dessus de lui. Quelle ne doit pas être la violence de cet obstacle à la culture qu’est l’agression, si la défense contre celle-ci peut rendre aussi malheureux que l’agression elle-même ! »
< p.86 >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« On n’est pas beau après l’amour. Mouvements ridicules, où on perd chacun un peu de matière. Grandes saletés. »
< 15 août 1903 I p.78 >
Paul LÉAUTAUD / Passe-temps / Œuvres / Mercure de France 1988
« Il en est en amour comme en toutes choses. Ce qu’on a eu n’est rien, c’est ce qu’on n’a pas qui compte. »
< p.252 >
« L’amour ! Alors, on aime un appareil respiratoire, un tube digestif, des intestins, des organes d’évacuation, un nez qu’on mouche, une bouche qui mange, une odeur corporelle? Si on pensait à cela, comme on serait moins fou ! »
< p.297 >
30
AMOUR
Paul LÉAUTAUD / Propos d’un jour / Œuvres / Mercure de France 1988
« L’amour, c’est le physique. Et La Rochefoucauld l’a oublié : l’amour est encore une forme de l’intérêt.
Ce qu’on aime dans un autre, c’est soi, c’est son plaisir, c’est le plaisir qu’on lui donne et qui est encore une forme du nôtre. »
< p.310 >
« Pour être aimé, il faut ne pas aimer ou savoir cacher son amour. C’est une vérité qui n’a pas fini d’être vraie. »
< p.320 >
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« L’admirable maxime de La Rochefoucauld : "Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux, s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour", est applicable à beaucoup d’autres sentiments ; à tous peut-
être. Il faut un esprit extraordinairement averti pour s’en apercevoir. Et ce serait une profonde erreur de croire que les êtres les moins cultivés sont les plus spontanés, les plus sincères. Le plus souvent ce sont, au contraire, les moins capables de critique, les plus à la merci de l’instar, les mieux disposés, par faiblesse ou paresse, à adopter des sentiments de convention et à les exprimer par des phrases toutes faites qui leur épargnent la peine d’en chercher d’autres plus précises, phrases dans lesquels leurs sentiments se glissent prenant tant bien que mal la forme de cette coquille d’emprunt. »
< 10 février 1929 p.913 >
Paul VALÉRY / Tel Quel / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie. »
< p.489 >
ALAIN / Les idées et les âges / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« La haine est clairvoyante en ce sens qu’elle fait être ce qu’elle suppose, car ignorance, injustice, haine lui répondent aussitôt. L’amour trouvera toujours moins de preuves ; car il n’est point promis qu’il suffise de vouloir l’autre attentif, bienveillant, généreux, pour qu’il le soit. Toutefois, par cela même, il est clair qu’il faut choisir d’aimer, et de jurer, et de ne jamais céder là, étant évident que la plus forte résistance ici ne peut être vaincue que par la promesse la plus généreuse. »
< p.187 >
Antoine de SAINT-EXUPÉRY / Terre des hommes / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1959
« [...] l’expérience nous montre qu’aimer se n’est pas nous regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction. »
< VIII iii p.252 >
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« L’amour est une histoire à dormir couché. »
< 31 décembre 1968, p.117 >
Emil CIORAN / Syllogismes de l’amertume (1952) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Plus un esprit est revenu de tout, plus il risque, si l’amour le frappe, de réagir en midinette. »
< p.796 >
Emil CIORAN / Aveux et anathèmes (1987) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Aimer son prochain est chose inconcevable. Est-ce qu’on demande à un virus d’aimer un autre virus? »
< p.1666 >
AMOUR
31
Paul WATZLAWICK / Faites vous-même votre malheur / Seuil 1984
« Être aimé, dans la meilleure des circonstances, est quelque chose de bien mystérieux. Mais il ne sert à rien de chercher à s’enquérir, car les questions ne font que brouiller plus encore le sujet. Au mieux, l’autre est incapable de vous dire pourquoi. Au pire, ses raisons de vous aimer se révèlent des choses qu’il ne vous serait jamais venu à l’esprit de trouver aimables -cet affreux grain de beauté sur votre épaule gauche. Une fois encore, on se rend compte, trop tard, que le silence est d’or.
Voici donc une nouvelle leçon utile pour la poursuite de notre sujet : Il ne faut jamais accepter en toute simplicité et gratitude ce que la vie peut nous offrir à travers l’affection d’un partenaire. Il faut supputer. Se demander, plutôt que lui demander, ce qu’il peut bien trouver en nous. Car il faut qu’il y ait un intérêt ou quelque autre raison égoïste qu’il n’est pas près de nous révéler. »
< p.92 >
Henri LABORIT / Éloge de la fuite / Robert Laffont 1976 - Gallimard folio-essais 7
« Avec ce mot on explique tout, on pardonne tout, on valide tout, parce que l’on ne cherche jamais à savoir ce qu’il contient. C’est le mot de passe qui permet d’ouvrir les cœurs, les sexes, les sacristies et les communautés humaines. Il couvre d’un voile prétendument désintéressé, voire transcendant, la recherche de la dominance et le prétendu instinct de propriété. C’est un mot qui ment à longueur de journée et ce mensonge est accepté, la larme à l’œil, sans discussion, par tous les hommes. Il fournit une tunique honorable à l’assassin, à la mère de famille, au prêtre, aux militaires, aux bourreaux, aux inquisiteurs, aux hommes politiques. Celui qui oserait le mettre à nu, le dépouiller jusqu’à son slip des préjugés qui le recouvrent, n’est pas considéré comme lucide, mais comme cynique. Il donne bonne conscience, sans gros efforts, ni gros risques, à tout l’inconscient biologique. Il déculpabilise, car pour que les groupes sociaux survivent, c’est-à-dire maintiennent leurs structures hiérarchiques, les règles de la dominance, il faut que les motivations profondes de tous les actes humains soient ignorés. Leur connaissance, leur mise à nu, conduirait à la révolte des dominés, à la contestation des structures hiérarchiques. Le mot d’amour se trouve là pour motiver la soumission, pour transfigurer le principe du plaisir, l’assouvissement de la dominance. »
< p.18 >
« Il y a des milliers d’années que périodiquement on nous parle de l’amour qui doit sauver le monde.
C’est un mot qui se trouve en contradiction avec l’activité des systèmes nerveux en situation sociale. Il n’est prononcé d’ailleurs que par des dominants culpabilisés par leur bien-être et qui devinent la haine des dominés, ou par des dominés qui se sont brisé les os contre la froide indifférence des dominances. Il n’existe pas d’aire cérébrale de l’amour. C’est regrettable. Il n’existe qu’un faisceau du plaisir, un faisceau de la réaction agressive ou de fuite devant la punition et la douleur et un système inhibiteur de l’action motrice quand celle-ci s’est montrée inefficace. Et l’inhibition globale de tous ces mécanismes aboutit non à l’amour mais à l’indifférence. »
< p.68 >
François CAVANNA / Lettre ouverte aux culs-bénits / Albin Michel 1994
« La grande trouvaille des inventeurs du christianisme : "Dieu est amour !"
Et alors? Qu’est-ce que ça change?
Tu peux toujours prêcher aux hommes un dieu d’amour, ils se serviront de lui pour sanctifier leurs crapu-leries et leurs crimes "pour la bonne cause" ainsi que les massacres de masse, curés bénisseurs en tête.
Dieu, on lui fait dire ce qu’on veut. C’est d’ailleurs à ça que ça sert. »
< p.109 >
Jean YANNE / Pensées, répliques, textes et anecdotes / Le cherche midi éditeur 1999
« L’amour, c’est un sport. Surtout s’il y en a un des deux qui veut pas. »
< p.79 >
32
AMOUR-PROPRE
AMOUR-PROPRE
MARC-AURÈLE / Pensées / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Je suis souvent étonné de voir combien chacun s’aime lui-même plus que tout et pourtant tienne moins compte de son propre jugement sur lui-même que celui des autres. De fait, si un dieu placé près de lui ou un maître sage l’invite à n’avoir à part lui aucune pensée, aucune idée qu’il ne profère aussitôt à haute voix, il ne le supportera pas un seul jour. Et ainsi nous avons honte de ce que notre prochain pense de nous plus que de ce que nous en pensons nous-mêmes. »
< XII (4) p.1242 >
ÉRASME / Éloge de la Folie / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Dites-moi, je vous prie : peut-on aimer quelqu’un quand on se hait soi-même ? S’entendre avec autrui si on n’est pas d’accord avec soi-même ? Donner du plaisir à quelqu’un si on est pour soi-même pénible et ennuyeux ? Pour l’affirmer je crois qu’il faudrait être plus fou que la Folie elle-même. Eh bien, si l’on me chassait, loin de pouvoir supporter les autres chacun se prendra lui-même en dégoût, méprisera ce qui est à lui, se haïra lui-même. Car la Nature, en bien des cas plus marâtre que mère, a gravé dans l’esprit des mortels, surtout des plus sensés, le mécontentement de soi et l’admiration d’autrui. De là vient que tous les dons, toute l’élégance, tout le charme de la vie s’altèrent et périssent. Car à quoi bon la beauté, le plus inestimable présent des dieux immortels, si elle est contaminée par le vice du dégoût de soi? Et la jeunesse si elle se corrompt au ferment d’une mélancolie sénile? »
< p.28 >
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« On aime mieux dire du mal de soi-même que de n’en point parler. »
< M 138 p.36 >
« Nous ne ressentons nos biens et nos maux qu’à proportion de notre amour-propre. »
< M 339 p.82 >