« Ce qui fait voir que les hommes connaissent mieux leurs fautes qu’on ne pense, c’est qu’ils n’ont jamais tort quand on les entend parler de leur conduite : le même amour-propre qui les aveugle d’ordinaire les éclaire alors, et leur donne des vues si justes qu’il leur fait supprimer ou déguiser les moindres choses qui peuvent être condamnées. »
< M 494 p.111 >
« Le premier mouvement de joie que nous avons du bonheur de nos amis ne vient ni de la bonté de notre naturel, ni de l’amitié que nous avons pour eux ; c’est un effet de l’amour-propre qui nous flatte de l’espérance d’être heureux à notre tour, ou de retirer quelque utilité de leur bonne fortune. »
< MS 17 p.139 >
« Dans l’adversité de nos meilleurs amis, nous trouvons toujours quelque chose qui ne nous déplaît pas. »
< MS 18 p.139 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Le miroir de l’âme / Domaine romantique José Corti 1997
« La Rochefoucauld, dans ses Maximes, écrit que "dans l’adversité de nos meilleurs amis nous trouvons toujours quelque chose qui ne nous déplaît pas" ; celui qui en désavoue la vérité, ou bien ne la comprend pas, ou bien ne se connaît point. »
< RA 28 p.242 >
Blaise PASCAL / Pensées / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Voulez-vous qu’on croie du bien de vous? N’en dites pas. »
< 15 p.1091 >
AMOUR-PROPRE
33
Madame de LAMBERT / Avis d’une mère à sa fille / Œuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Notre amour-propre nous dérobe à nous-mêmes, et nous diminue tous nos défauts. Nous vivons avec eux comme avec les odeurs que nous portons ; nous ne les sentons plus, elles n’incommodent que les autres : pour les voir dans leur vrai point de vue, il faut les voir dans autrui. »
< p.85 >
Madame de LAMBERT / Traité de l’amitié / Œuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Voulez-vous être estimé? vivez avec des personnes estimables. »
< p.114 >
MARIVAUX / Lettres sur les habitants de Paris (1718) / Journaux et Œuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« L’amour-propre est à peu près à l’esprit ce qu’est la forme à la matière. L’un suppose l’autre. Tout esprit a donc de l’amour-propre, comme toute portion de matière a sa forme : de même aussi que toute portion de matière est pliable à une forme plus ou moins fine et variée, suivant qu’elle est plus ou moins fine et délicate elle-même, de même encore notre amour-propre est-il plus ou moins subtil, suivant que notre esprit a lui-même plus ou moins de finesse. »
< p.35 >
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Il y a autant de vices qui viennent de ce qu’on ne s’estime pas assez, que de ce qu’on s’estime trop. »
< 1039 p.1274 >
« Il n’est pas étonnant qu’on ait tant d’antipathie pour les gens qui s’estiment trop : c’est qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre s’estimer beaucoup soi-même et mépriser beaucoup les autres. »
< 1046 p.1274 >
LA BEAUMELLE / Mes pensées ou Le qu’en dira-t-on (1752) / Droz 1997
« Je ne sais si c’est un goût particulier ; mais on ne me paraît jamais grand, quand on me fait sentir que je suis petit. »
< LXXVIII p.60 >
Jean-Benjamin de LABORDE / Pensées et Maximes (1791) / Paris, Lamy 1802 [BnF]
« Pourquoi les mêmes égards que l’on se croit dus lorsqu’un grand les refuse, semblent-ils une grâce lorsqu’il les accorde? »
< 290, p.49 >
VOLTAIRE / Lettres Philosophiques / Mélanges / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1961
« Il est aussi impossible qu’une société puisse se former et subsister sans amour-propre, qu’il serait impossible de faire des enfants sans concupiscence, de songer à se nourrir sans appétit, etc. C’est l’amour de nous-mêmes qui assiste l’amour des autres ; c’est par nos besoins mutuels que nous sommes utiles au genre humain ; c’est le fondement de tout commerce ; c’est l’éternel lien des hommes. Sans lui il n’y aurait pas eu un art inventé, ni une société de dix personnes formée ; c’est cet amour-propre que chaque animal a reçu de la nature qui nous avertit de respecter celui des autres. La loi dirige cet amour-propre et la religion le perfectionne. »
< p.113 >
VOLTAIRE / Traité de métaphysique / Mélanges / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1961
« L’amour-propre et toutes ses branches sont aussi nécessaires à l’homme que le sang qui coule dans ses veines ; et ceux qui veulent lui ôter ses passions, parce qu’elles sont dangereuses ressemblent à celui qui voudrait ôter à un homme tout son sang, parce qu’il peut tomber en apoplexie. »
< p.195 >
34
AMOUR-PROPRE
Paul Henri Dietrich baron d’HOLBACH / La Morale universelle (I) / Amsterdam M.-M. Rey 1776
[BnF cote 1070]
« L’on aime les personnes timides, et qui ne résistent point, parce qu’on se promet d’en disposer à son gré ; cependant la timidité que d’ordinaire on aime et que l’on prend souvent pour de la modestie, n’est quelquefois l’effet que d’une vanité secrète qui craint de n’être point autant considérée qu’elle croit le mériter : cet amour-propre délicat ne veut pas s’exposer à des assauts qu’il se sent incapable de soutenir. »
< III ii p.254 >
« Les gens les plus épris d’eux-mêmes font communément de leur mieux pour en dégoûter les autres. »
< III xii p.386 >
Jean-Benjamin de LABORDE / Pensées et Maximes (1791) / Paris, Lamy 1802 [BnF]
« On aime à blâmer les vices que l’on n’a point, parce que c’est une manière tacite de se louer. »
< 5, p.2 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Qui s’amourache de soi procure à son amour au moins cet avantage que d’avoir fort peu de rivaux. »
< p.19 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Dites à Mélanthe qu’il a un grand talent. Il se tient grave, il est distrait, il n’écoute pas. Dites-lui qu’il est grand poète, il vous prête quelque attention. Ajoutez que non seulement il est grand poète, mais le plus grand de nos poètes, le poète par excellence, il vous entend, il vous répond, il remercie, il est content. Vous devinez. »
< 12 mai 1796 t.1 p.184 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Un acte de vertu, un sacrifice ou de ses intérêts ou de soi-même, est le besoin d’une âme noble, l’amour-propre d’un cœur généreux, et, en quelque sorte, l’égoïsme d’un grand caractère. »
< 147 p.80 >
« C’est par notre amour-propre que l’amour nous séduit ; hé ! comment résister à un sentiment qui embellit à nos yeux ce que nous avons, nous rend ce que nous avons perdu et nous donne ce que nous n’avons pas? »
< 356 p.133 >
« Je demandais à M. de T... pourquoi il négligeait son talent et paraissait si complètement insensible à la gloire ; il me répondit ces propres paroles : Mon amour-propre a péri dans le naufrage de l’intérêt que je prenais aux hommes. »
< 986 p.269 >
STENDHAL / Journal / Œuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« Le plus ou moins de finesse qu’on met à satisfaire les besoins de l’amour-propre, besoins aussi nécessaires que celui de boire et de manger, indique la classe à laquelle appartient l’individu. »
< 17 avril 1810 p.563 >
Alphonse KARR / Les Guêpes (troisième série) / Calmann Lévy 1888
« On aime à tempérer l’admiration qu’on croit ne pouvoir refuser à un homme par quelque chose d’horrible ou de ridicule qu’on sait de lui, ce qui rétablit l’équilibre ; et, tout en nous le montrant supérieur par un côté, nous rend cette supériorité d’un autre côté. Il n’est pas un seul homme, si élevé qu’il soit au-dessus des autres, que nous ne nous croyions supérieur à lui en quelque point. »
< Novembre 1841, p.162 >
AMOUR-PROPRE
35
Alphonse KARR / Sous les orangers / M. Lévy frères 1859
« "Il pense bien ; il a raison ; c’est un homme de bon sens," sont des formules destinées à exprimer, sous prétexte d’autrui, son admiration pour soi-même, "il pense bien, il a raison, c’est un homme de bon sens,"
n’ayant jamais voulu dire que "il pense comme moi". »
< p.272 >
Oscar WILDE / Formules et maximes / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« S’aimer soi-même, c’est se lancer dans une belle histoire d’amour qui durera toute la vie. »
< p.970 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Quand il fait l’éloge de quelqu’un, il lui semble qu’il se dénigre un peu. »
< 11 janvier 1893 p.116 >
« Comment se fait-il donc qu’on connaissent toutes les bonnes actions discrètes? »
< 19 janvier 1895 p.203 >
« L’amour du drapeau, de la patrie, c’est ce petit soldat perdu dans les rangs, qui traîne un pied, et dont la figure reluit de cambouis, se croit regardé comme s’il était colonel à cheval. »
< 7 mai 1894 p.174 >
Léon BLOY / Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
« Je ne suis pas plus bête qu’un autre.
L’universelle supériorité de l’homme qui n’est pas plus bête qu’un autre est ce que je connais de plus écrasant. »
< p.147 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Fréquentation et arrogance.
On désapprend l’arrogance quand on se sait toujours entre gens de mérite ; être seul produit l’outrecuidance.
Les jeunes gens sont arrogants, car ils fréquentent leurs pareils, qui tous, n’étant rien, aiment à passer pour beaucoup de chose. »
< 316 p.600 >
NADAR / Quand j’étais photographe (1900) / Babel Actes Sud 1998
« Si bonne est l’opinion de chacun sur ses mérites physiques que la première impression de tout modèle devant les épreuves de son portrait est presque inévitablement désappointement et recul (il va sans dire que nous ne parlons ici que d’épreuves parfaites).
Quelques-uns ont l’hypocrite pudeur de dissimuler le coup sous une indifférente apparence, mais n’en croyez rien. Ils étaient entrés défiants, hargneux dès la porte et beaucoup sortiront furibonds.
[...]
Trois fois heureux l’opérateur qui tombe sur un client semblable à mon brave Philippe Gille (sans s !) — ce mandarin lettré, toujours de si belle humeur. À peine ai-je eu le temps de lui soumettre sa première épreuve que, même sans regarder la seconde, l’excellent homme s’écrie :
— Parfait ! Et comme tu as bien rendu mon bon regard — doux — loyal — et intelligent ! »
< p.45 >
Jean COCTEAU / Le Rappel à l’ordre / Romans, Poésies, Œuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« Nous abritons un ange que nous choquons sans cesse. Nous devons être gardiens de cet ange. »
< p.447 >
Paul VALÉRY / Mélange (1939) / Œuvres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1957
« Le moi est haïssable... mais il s’agit de celui des autres. »
< p.325 >
36
AMOUR-PROPRE
Georges BERNANOS / Les Enfants humiliés (1940) / Essais et écrits de combats I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« Je voudrais le dire maladroitement, aussi gauchement que je le pense : la difficulté n’est pas d’aimer son prochain comme soi-même, c’est de s’aimer soi-même assez pour que la stricte observation du précepte ne fasse pas tort au prochain. Pardonner les offenses ne serait qu’une disposition de l’âme assez naturelle, si nous pouvions nous pardonner aussi facilement d’avoir été un imbécile. »
< p.827 >
ALAIN / 81 chapitres sur l’esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade
/ nrf Gallimard 1960
« On dit qu’il y a des hommes qui sont assez contents d’eux-mêmes, mais je n’en ai point vu. Il n’y a pas que les sots qui aient besoin d’éloges, et renouvelés souvent. Je sais que le succès donne une espèce d’assurance. Mais même dans le plein succès, le sentiment le plus ordinaire est une détresse, par la nécessité de le soutenir. Il est pénible de déplaire ; il est délicieux de plaire ; mais quel est l’homme ou la femme qui soient si sûrs de plaire par leurs ressources seulement ? Les plus assurés s’entourent de politesse et de parures, et se fortifient de leurs amis. L’abus des sociétés oisives et le dégoût de penser à soi jettent presque tout le monde dans la recherche des flatteries, même payées ; par ce moyen on arrive à une espèce d’assurance. Mais cela ce n’est pas l’amour de soi, c’est la vanité. Personne n’en est exempt que je sache, en ce sens que tout éloge plaît un petit moment. Je trouve quelque chose de touchant dans la vanité ; c’est naïvement demander secours aux autres. Mais cette parure ne tient guère. La vanité est vanité. »
< p.1199 >
« J’ai pensé souvent à ce musicien qui, après quelques œuvres de grande beauté, ne trouva plus rien de bon ; sans doute mit-il tout son génie à se condamner ; il mourut fou. Peut-être est-il sage de prendre un peu de vanité, mais sans s’y donner, comme on prend le soleil à sa porte. »
< p.1200 >
ALAIN / Les idées et les âges / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Nul ne se choisit lui-même. Nul n’a choisi non plus ses parents ; mais la sagesse commune dit bien qu’il faut aimer ses parents. Par le même chemin je dirais bien qu’il faut s’aimer soi-même, chose difficile et belle. En ceux que l’on dit égoïstes je n’ai jamais remarqué qu’ils fussent contents d’eux-mêmes ; mais plutôt ils font sommation aux autres de les rendre contents d’eux-mêmes. Faites attention que, sous le gouvernement égoïste, ce sont toujours les passions tristes qui gouvernent. Pensez ici à un grand qui s’ennuie.
Mais quelle vertu, en revanche, en ceux qui se plaisent avec eux-mêmes ! Ils réchauffent le monde humain autour d’eux. Comme le beau feu ; il brûlerait aussi bien seul, mais on s’y chauffe. »
< p.279 >
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« On ne peut pas dire que l’envieux s’aime lui-même ; au contraire, il est triste en face de lui-même ; il voudrait être autre. Ambition exactement vaine, c’est-à-dire sans substance, sans pouvoir, sans espoir.
Aussi l’envie est peut-être un désespoir. Car vais-je envier une facilité de mon voisin qui le fait avancer dans les mathématiques? Envier cela, qui est de lui, non de moi? Qu’en ferais-je? Toute ma mathématique à moi, il faut qu’elle sorte de moi, que je la tire de moi. Je n’ai jamais à moi que ce que je développe de moi. Ce genre de courage et ce genre d’expérience est le véritable amour de soi. »
< juillet 1930 p.951 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Le grand art est de savoir parler de soi sur un ton impersonnel. (Le secret des moralistes). »
< p.131 >
« Le mégalomane est un homme qui dit tout haut ce que chacun pense de soi tout bas. »
< 18 octobre 1966 p.425 >
ANIMAUX
37
Georges BERNANOS / Les Grands Cimetières sous la lune (1938) / Essais et écrits de combats I /
Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« L’homme est né d’abord orgueilleux et l’amour-propre toujours béant est plus affamé que le ventre.
Un militaire ne se trouve-t-il pas assez payé de risques mortels par une médaille de laiton ? Chaque fois que vous portez atteinte au prestige de la richesse, vous rehaussez d’autant le pauvre à ses propres yeux.
Sa pauvreté lui fait moins honte, il l’endure, et telle est sa folie qu’il finirait peut-être par l’aimer. Or, la société a besoin pour sa machinerie de pauvres qui aient de l’amour-propre. L’humiliation lui en rabat un bien plus grand nombre que la faim et de meilleure espèce, de celle qui rue aux brancards, mais tire jusqu’au dernier souffle. Ils tirent comme leurs pareils meurent à la guerre, non tant par goût de mourir que pour ne pas rougir devant les copains, ou encore pour embêter l’adjudant. Si vous ne les tenez pas en haleine, talonnés par le propriétaire, l’épicier, le concierge, sous la perpétuelle menace du déshonneur attaché à la condition de clochard, de vagabond, ils ne cesseront peut-être pas de travailler, mais ils travailleront moins, ou ils voudront travailler à leur manière, ils ne respecteront plus les machines. Un nageur fatigué qui sent sous lui un fond de cinq cents mètres tire sa coupe avec plus d’ardeur que s’il égratigne des orteils une plage de sable fin. Et remarquez vous-même qu’au temps où les méthodes de l’économie libérale avaient leur entière valeur éducative, leur pleine efficacité, avant la déplorable invention des syndicats, le véritable ouvrier, l’ouvrier formé par vos soins, restait si profondément convaincu d’avoir à racheter chaque jour par son travail le déshonneur de sa pauvreté que, vieux ou malade, il fuyait avec une égale horreur l’hospice ou l’hôpital, moins par attachement à la liberté que par honte — honte de "ne pouvoir plus se suffire" comme il disait dans son admirable langage. »
< p.373 >
Philippe BOUVARD / Maximes au minimum / Robert Laffont 1984
« Le comble de la suffisance intellectuelle est de croire qu’on peut apprendre quelque chose en s’écoutant monologuer. »
< p.83 >
« À partir du moment où le plaisir des autres nous fait plaisir, les bons sentiments deviennent suspects. »
< p.91 >
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« Dommage que l’admiration de soi — qui aide à vivre — ne débouche que sur le mépris des autres —
qui assombrit l’existence. »
< p.64 >
« Le besoin d’entendre affirmer par d’autres tout le bien qu’on pense de soi trahit le faible crédit qu’on accorde à sa propre opinion. »
< p.100 >
Georges PICARD / Petit traité à l’usage de ceux qui veulent toujours avoir raison / José Corti 1999
« On sait que l’éloge à autrui est l’une des figures détournées de la vanité personnelle. Il y aurait du ridicule à adresser des éloges à plus grand que soi, mais quelle douce autosatisfaction que de complimenter quelqu’un du haut de notre généreuse attention. »
< p.208 >
ANIMAUX
ÉPICTÈTE / Entretiens / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Ne vous étonnez pas que les autres animaux aient à leur disposition tout ce qui est indispensable à la vie du corps, non seulement la nourriture et la boisson, mais le gîte, et qu’ils n’aient pas besoin de chaussures, de tapis, d’habits, tandis que nous, nous en avons besoin. Car il eût été nuisible de créer de pareils besoins chez des êtres qui n’ont pas leur fin en eux-mêmes, mais sont nés pour servir. »
< I xvi p.845 >
38
ANIMAUX
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [œuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Le chat ne nous caresse pas, il se caresse à nous. »
< Anecdotes et bons mots p.152 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Il plut si violemment que tous les porcs furent propres et tous les hommes crottés. »
< p.32 >
« Celui-là travaillait à un système de l’histoire de la nature où il avait classé les animaux d’après la forme de leurs excréments. Il avait établi trois ordres : les cylindriques, les sphériques, ceux qui ont la forme de gâteaux. »
< p.56 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Le miroir de l’âme / Domaine romantique José Corti 1997
« À la manière des Métamorphoses d’Ovide, une chauve-souris pourrait être considérée comme une souris qui, poursuivie par une autre trop libidineuse, pria les dieux d’avoir des ailes ; ailes qui lui furent accordées. »
< D 65 p.201 >
« Le chien est l’animal le plus vigilant, bien qu’il dorme toute la journée. »
< F 76 p.282 >
« Le plus sûr lieu pour une mouche qui ne veut point mourir écrasée est la tapette elle-même. »
< J 415 p.418 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Penser qu’on ne sait pas le nom du premier cochon qui a trouvé une truffe ! »
< 15 décembre 1857 p.320 >
« Il y a ici un vieux chat qui ne joue plus, qui ne fait plus le gros dos et qui se sauve, quand il voit un enfant : voilà l’expérience. »
< juin 1859 p.464 >
« L’enfant n’est pas méchant à l’homme, il est méchant aux animaux. L’homme, en vieillissant, devient misanthrope et charitable à la nature. »
< 29 mars 1862 p.794 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.3) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Ce regard du chat, profond, mystérieusement investigateur, presque inquiétant par sa fixité, cet œil ouvert sur vous comme un appareil qui prend votre image, doit faire penser que les chats sont de meilleurs jugeurs des gens qui les approchent que les chiens. »
< 29 avril 1893, p.821 >
« On a calomnié les chats. Ils ont une tendresse, et une tendresse intelligente. Quand je suis bien portant, la chatte saute sur le pied de mon lit et s’y tient coite ; quand je suis malade, elle se couche contre ma poitrine, et comme elle a horreur de la barbe, elle me lèche de temps en temps le bout du nez comme un baiser. »
< 14 mai 1894, p.961 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« Dumas se plaisait à entretenir une vraie ménagerie : le coq César, le chat Mysouf, le vautour Jugurtha, sans compter les singes.
— Je déteste les bêtes, disait-il, mais j’adore les animaux. »
< p.220 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« Rendant à qui l’aimait affection pour affection, Beaumarchais avait fait graver sur le collier de sa levrette : Je m’appelle Florette, BEAUMARCHAIS m’appartient. »
< p.187 >
ANIMAUX
39
Pierre François LACENAIRE / Mémoires / José Corti 1991
« Quel est ce bel et noble animal qui traverse la plaine haletant de fatigue, les yeux égarés par la frayeur, et poursuivi par vingt autres animaux, suivis de quelques hommes qui les ont dressés à cet horrible manège ?
c’est un pauvre cerf, qu’une meute va forcer. Elle va le faire passer devant le chasseur ; il pourrait le tuer du coup, s’il voulait, et terminer son agonie ; mais non, ce serait abréger ses plaisirs. C’en est fait,... il est aux abois, l’approche de la mort lui arrache des larmes... Il demande grâce, point de pitié, on va l’égorger ; mais avec la même précision qu’un maître d’hôtel met à découper une volaille rôtie, on le dépèce vivant.
Hommes, vous avez inventé des manières de tuer les animaux proportionnées à la délicatesse de votre palais. Vous êtes plus féroces que moi.
Oui, moi qui ai tué, voulez-vous que je vous dise une chose : je n’ai jamais pu voir souffrir de sang-froid un être animé, quel qu’il fût. La mort ne me semble rien, soit que je la regarde comme servant de transition à une autre vie, soit qu’elle doive amener un anéantissement complet ; mais j’ai horreur de la souffrance, plus encore pour les autres que pour moi, parce que je me suppose plus de force qu’eux pour la supporter. La vue de la souffrance me torture, lorsqu’elle est le résultat d’un accident de nature ; elle m’indigne, quand elle est imposée par une créature à une autre, quelle qu’elle soit, et je m’indigne plus encore en voyant un agneau égorgé par un boucher qu’un homme dévoré par un tigre. Honte soit au premier philosophe qui déclara du haut de sa science que l’animal était un mécanisme, pour donner ainsi le droit à l’homme de le torturer à son plaisir, comme un enfant s’amuse à faire crier les ressorts d’une pendule ! »
< p.116 >
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Frédérick Lemaître me contait hier qu’il entrait un jour dans un bouge, auberge de rouliers pour y passer la nuit. Il a demandé en entrant : Y a-t-il des puces ici? L’hôte a répondu gravement : - Non, Monsieur. Les poux les mangent. »
< 1840 p.193 >
Henry D. THOREAU / Marcher (1862) / Désobéir / Bibliothèques 10/18 (2832) Éd. de L’Herne 1994
« La perdrix aime les pois, mais pas ceux qui l’accompagnent dans la casserole. »
< p.109 >
Alphonse KARR / Une poignée de vérités / M. Lévy frères 1866
« Personne plus que moi n’a le droit de dire la vérité aux chiens. J’ai appartenu pendant dix années à un très beau chien de Terre-Neuve ; entre nous, les relations ordinaires étaient renversées : j’étais soumis, humble, fidèle comme un chien ; il était capricieux, bizarre, ingrat comme un homme. C’était moi qui étais son ami.
Eh bien ! après une liaison de dix ans, il a entrepris par deux fois de me dévorer, et m’a forcé de résumer ainsi notre amitié : 1e les chiens ne valent pas mieux que les hommes ; 2e mon chien m’aimait comme on aime le bifteck. »
< p.87 >
Le Comte de LAUTRÉAMONT / Les chants de Maldoror (1869) / GF 528 - Flammarion 1990
« L’éléphant se laisse caresser. Le pou, non. »
< II 9 p.158 >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Voici de bien jolis traits de l’amour des bêtes. Vallette et Rachilde n’ont pas seulement comme animaux la chatte qu’ils ont sauvée de l’eau il y a deux ou trois ans. Rachilde élève également sur des branches de mimosa deux coccinelles. Mlle Vallette a un escargot. Ils ont encore, dans leur salle à manger, une simple mouche fort bien apprivoisée, que les fenêtres ouvertes ne font pas du tout partir, qui vient manger dans la main. Que de choses mystérieuses cela évoque. Une simple mouche, s’apprivoiser ainsi, rester ainsi à demeure, venir ainsi manger tout comme une bête domestique. Nous le disions ensemble ce matin, Vallette et moi. À connaître ces choses, on arrive à ne plus oser marcher de peur de tuer quelque chose. Je lui disais qu’à la campagne, j’ai vu quelquefois la route barrée d’un large ruban de fourmis qui traversaient, prenant mes précautions pour n’en écraser aucune. De même pour les limaces, dans les sentiers des prés. Hélas !
40
ANIMAUX
les voitures, les paysans? »
< 11 février 1908 I p.492 >
Georges COURTELINE / Philosophie / Œuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Il est communément admis que le côté "Art" des corridas en sauve le côté monstrueux.
Je connais l’argument : il avait déjà cours au temps du roi Salomon alors que le sacrificateur précipitait dans la gueule embrasée de Moloch des enfants hurlant d’épouvante. La vérité est qu’on parle d’art plus facilement qu’on n’en fait, et qu’il est plus facile d’en faire avec le martyre des bêtes qu’avec les sept notes de la gamme, les sept couleurs de l’arc-en-ciel, les vingt-cinq lettres de l’alphabet ou le contenu d’un baquet de glaise. »
< p.810 >
Alphonse ALLAIS / Le bec en l’air (1897) / Œuvres anthumes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« - Moi qui adore la plupart des bêtes, j’ai toujours professé une ardente répulsion pour le chien, que je considère comme l’animal le plus abject de la création.
Le chien est le type de l’animal larbin, sans fierté, sans dignité, sans personnalité.
... Une dame pleurarde et sentimenteuse interrompit ma diatribe :
— Ôh ! le bon regard humide des bons toutous ! larmoya la personne. Comme ça vous console de la méchanceté des hommes !
Il n’en fallut pas plus pour me mettre hors de moi.
Les bons toutous ! Ah ! ils sont chouettes, les bons toutous !
Le chien est aimant et fidèle, dit-on, mais quel mérite à s’attacher au premier venu uniquement parce qu’il s’intitule votre maître, beau ou laid, drôle ou rasant, bon ou mauvais?
On a vu des chiens, dit-on encore, se faire tuer en défendant leur maître contre un bandit.
Parfaitement, mais le même chien aurait pu être aussi bien tué en attaquant l’honnête homme pour le compte du bandit, si ce bandit avait été son maître et si l’honnête homme avait détenu l’indispensable revolver.
Le chien est un pitre qui fait le jacques pendant des heures, pour avoir du susucre.
C’est un lâche qui étranglerait un bébé sur le moindre signe de sa fripouille de patron.
Dans tout chien, il y a un fauve, mais un fauve idiot qui, sans l’excusable besoin d’une proie personnelle, fait du mal pour la quelconque lubie d’un tiers. »
< p.690 >
« [...] on dit toujours : Lent comme un escargot ! C’est bête ! L’escargot ne marche-t-il pas ventre à terre? »
< p.767 >
Paul-Jean TOULET / Journal et voyages / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Il ne faut pas vouloir la mort du pêcheur, fût-il à la ligne. »
< p.1028 >
François COPPÉE / Promenades et Intérieurs / Paris A. Lemerre 1920 [BnF]
«
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !
Pourtant, lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d’avril, où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir?
»
< p.7 >
Sacha GUITRY / Jusqu’à nouvel ordre / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Le manque de fierté du chien, sa bassesse et sa peur l’ont fait choisir par l’homme, entre tous les autres animaux, pour lui être "fidèle", c’est-à-dire servile, pour lui permettre d’exercer sans contrôle sa tyrannie et pour le défendre par ses cris. Ses cris, à l’approche du danger, avertissent l’homme et démontrent le peu de courage du chien. Le chien ne défend pas l’homme : il l’appelle à son secours. »
< p.34 >
ANIMAUX
41
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Les animaux sont les êtres qui n’ont pas plus d’esprit que de moyens. En quoi ils sont justes et mesurés et toujours dignes dans leurs actes (à l’exception de ceux qui ont quelque ressemblance avec l’homme et qui paraissent agités, importuns, lubriques, curieux). »
< Philosophie p.602 >
Emil CIORAN / Écartèlement (1979) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995
« Au Zoo. — Toutes ces bêtes ont une tenue décente, hormis les singes. On sent que l’homme n’est pas loin. »
< p.1452 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Si le chien est le plus méprisé des animaux, c’est que l’homme se connaît trop bien pour pouvoir apprécier un compagnon qui lui est si fidèle. »
< mars 1964 p.215 >
« Le cafard est universel. Même les poux doivent le connaître. Aucun moyen de s’en prémunir. »
< 10 mars 1967 p.477 >
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Chat n. Automate doux et indestructible fourni par la Nature pour prendre des coups de pied quand quelque chose ne va pas dans le cercle familial. »
< p.44 >
« Singe n. Animal arboricole qui se sent également très à l’aise dans les arbres généalogiques. »
< p.262 >
Roland TOPOR / Pense-bêtes / Le cherche midi éditeur 1992
« Qui aime un chat aime tous les chats.
Qui aime son chien n’aime pas les autres. »
< p.22 >
« La corrida à visage humain : les poseurs de pansements interviennent après les banderilleros, et avec quelle adresse !
Le Mercurochrome ajoute à la couleur locale. »
< p.122 >
COLUCHE / Pensées et anecdotes / Le cherche midi éditeur 1995
« La navette qui a explosé avec sept hommes dedans : si ç’avait été sept singes, les expériences seraient interdites. »
< p.210 >
Richard DAWKINS / Le gène égoïste / Editions Odile Jacob (Opus 33) 1996
« Beaucoup d’entre nous répugnent à l’idée d’exécuter des criminels, même les plus horribles, alors que nous sommes prêts à cautionner joyeusement l’abattage, sans procès, d’animaux gênants, aussi petits soient-ils. D’ailleurs, nous tuons des membres d’autres espèces inoffensives à des fins de récréation et d’amusement. Un fœtus humain, qui n’a pas plus de sentiment humain qu’une amibe, bénéficie d’un respect et d’une protection légale de loin plus importants que le chimpanzé adulte. Pourtant, le chimpanzé sent et pense, et — selon une expérience récente — peut même apprendre une forme de langage humain. Le fœtus appartient à notre espèce, en vertu de quoi on lui accorde instantanément des privilèges spéciaux et des droits. Je ne sais pas si on peut mettre l’éthique de "l’espécéisme", pour reprendre le terme de Richard Ryder, sur le même plan que celle du "racisme", mais ce que je sais, en revanche, c’est qu’elle n’a pas de base solide en biologie de l’évolution. »
< p.28 >
42
ARCHITECTURE
Théodore MONOD / Et si l’aventure humaine devait échouer / Grasset & Fasquelle 2000
« Il y a, pour moi, une pierre de touche des morales, des religions, des mœurs : l’attitude prise devant la souffrance des animaux. »
< p.41 >
« Un pays qui n’ose pas interdire la chasse à courre, les combats de coqs ou les courses de taureaux a-t-il le droit de se prétendre civilisé? On peut en douter. »
< p.43 >
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Si tu veux que les chiots de ta chienne soient bien traités, ne les donne pas, vends-les. »
< p.79 >
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« Les hamsters ne connaissent pas leur bonheur qui bénéficient des nouveaux médicaments aux effets miraculeux cinq années avant les hommes. »
< p.16 >
Michel POLAC / Journal (1980-1998) / PUF 2000
« Les amis des bêtes se révèlent de redoutables ennemis des hommes. »
< juillet 1982, p.90 >
ARCHITECTURE
MACHIAVEL / Discours sur la première Décade de Tite-Live / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1952
« Alexandre le Grand voulant bâtir une ville pour servir de monument à sa gloire, l’architecte Dinostrate lui fit voir comment il pourrait la placer sur le mont Athos. "Ce lieu, dit-il, présente une situation très forte ; la montagne pourrait se tailler de manière à donner à cette ville une forme humaine, ce qui la rendrait une merveille digne de la puissance du fondateur." Alexandre lui ayant demandé : "De quoi vivront les habitants ? — Je n’y ai pas pensé", répond naïvement l’architecte. Alexandre se mit à rire ; et laissant là cette montagne, il bâtit Alexandrie, où les habitants devaient se plaire par la beauté du pays et les avantages que lui procure le voisinage de la mer et du Nil. »
< I i p.382 >
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Un noble philosophe* a dit de l’architecture qu’elle est une musique pétrifiée, et ce mot a dû exciter plus d’un sourire d’incrédulité. Nous ne croyons pouvoir mieux reproduire cette belle pensée qu’en appelant l’architecture une musique muette. »
< Pensées diverses sur l’art, p.172 >
* Friedrich, baron von Hardenberg, dit Novalis (1772-1801) Poète allemand.
Jean COCTEAU / La difficulté d’être / Romans, Poésies, Œuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« C’est d’une organisation délicate de déséquilibres que l’équilibre tire son charme. Un visage parfait le démontre lorsqu’on le dédouble et qu’on le reforme de ses deux côtés gauches. Il devient grotesque. Les architectes le savaient jadis et l’on constate, en Grèce, à Versailles, à Venise, à Amsterdam, de quelles lignes asymétriques est faite la beauté de leurs édifices. Le fil à plomb tue cette beauté presque humaine.
On connaît la platitude, l’ennui mortel de nos immeubles où l’homme se renonce. »
< p.967 >
LE CORBUSIER / Vers une architecture (1923) / Champs Flammarion 1995
« L’architecture actuelle s’occupe de la maison, de la maison ordinaire et courante pour hommes normaux et courants. Elle laisse tomber les palais. Voilà un signe des temps. »
< p.I >
ARGENT
43
Philippe BOUVARD / Journal 1997-2000 / Le cherche midi éditeur 2000
« Pas étonnant qu’on se reproduise comme des lapins dans des bâtiments qui ressemblent à des clapiers. »
< p.33 >
ARGENT
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Je dirai de l’argent ce qu’on disait de Caligula, qu’il n’y avait jamais eu un si bon esclave et un si méchant maître. »
< 1127 p.1289 >
« L’argent est très estimable lorsqu’on le méprise. »
< 1129 p.1290 >
Jean-Benjamin de LABORDE / Pensées et Maximes (1791) / Paris, Lamy 1802 [BnF]
« L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître.* »
< 33, p.6 >
* Cette citation est souvent attribuée à Alexandre Dumas fils ; elle est effectivement dans la préface de la Dame aux camélias (1848). Mais elle est beaucoup plus ancienne. On la trouve en latin dans l’œuvre de Francis Bacon : Divitiæbona ancilla, pessima domina. (The works of Francis Bacon t.1 / Spedding, Ellis and Heath. London 1858 / p.691 [BnF])
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Je suis brouillé avec la trésorerie, parce que je regarde l’argent comme le fumier (comme un engrais) et qu’ils le regardent comme la récolte. »
< 22 septembre 1813 t.2 p.404 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« On offrait à M... une place qui ne lui convenait pas ; il répondit : "Je sais qu’on vit avec de l’argent, mais je sais aussi qu’il ne faut pas vivre pour de l’argent. »
< 1077 p.286 >
Benjamin FRANKLIN / Mélanges de Morale, d’Économie et de Politique (t.1) / Paris, J.Renouard 1826
[BnF]
« La possession de l’argent n’est avantageuse que par l’usage qu’on en fait. »
< Avis nécessaire à ceux qui veulent être riche, 1736 p.108 > STENDHAL / Journal / Œuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« Mon peu d’assurance vient de l’habitude où je suis de manquer d’argent.
Quand j’en manque, je suis timide partout ; comme j’en manque souvent, cette mauvaise disposition de tirer les raisons d’être timide de tout ce que je vois est devenue presque habituelle pour moi.
Il faut absolument m’en guérir ; le meilleur moyen serait d’être assez riche pour porter pendant un an au moins, chaque jour, cent louis en or sur moi. Ce poids continuel, que je saurais être d’or, détruirait la racine du mal. »
< 12 juillet 1804 p.96 >
STENDHAL / Souvenirs d’égotisme / Œuvres intimes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1982
« Les gens riches sont bien injustes et bien comiques lorsqu’ils se font juges dédaigneux de tous les péchés et crimes commis pour de l’argent. Voyez les effroyables bassesses et les dix ans de soins qu’ils se donnent à la cour pour un portefeuille. »
< p.508 >
44
ARGENT
Alphonse KARR / Les Guêpes (troisième série) / Calmann Lévy 1888
« L’argent a son mérite, je ne trouve d’ennuyeux que les moyens de l’avoir. »
< Novembre 1841, p.151 >
Henry D. THOREAU / Résistance au gouvernement civil (1848) / Désobéir / Bibliothèques 10/18 (2832) Éd. de L’Herne 1994
« L’argent étouffe bon nombre de questions auxquelles, le cas échéant, on serait bien obligé de répondre, tandis qu’il ne soulève qu’une seule interrogation nouvelle, difficile et superflue, celle de savoir comment on va le dépenser. De cette façon, le fondement moral s’effondre sous nos pieds. Les occasions d’exister se voient réduites en proportion de l’augmentation de ce qu’on appelle les moyens. Lorsqu’on est devenu riche, le mieux qu’on puisse faire pour se cultiver consiste à persévérer dans les projets qu’on entretenait au temps de la pauvreté. »
< p.63 >
Arthur SCHOPENHAUER / Aphorismes sur la sagesse dans la vie (1851) / Collection Quadrige / PUF
1943
« On reproche fréquemment aux hommes de tourner leurs vœux principalement vers l’argent et de l’aimer plus que tout au monde. Pourtant il est bien naturel, presque inévitable d’aimer ce qui, pareil à un protée infatigable, est prêt à tout instant à prendre la forme de l’objet actuel de nos souhaits si mobiles ou de nos besoins si divers. Tout autre bien, en effet, ne peut satisfaire qu’un seul désir, qu’un seul besoin : les aliments ne valent que pour celui qui a faim, le vin pour le bien portant, les médicaments pour le malade, une fourrure pendant l’hiver, les femmes pour la jeunesse, etc. [...] L’argent seul est le bien absolu, car il ne pourvoit pas uniquement à un seul besoin " in concreto" mais au besoin en général, " in abstracto". »
< p.32 >
Anatole FRANCE / Le Mannequin d’osier (1897) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000
« [...] l’argent est devenu honorable. C’est notre unique noblesse. Et nous n’avons détruit les autres que pour mettre à la place cette noblesse, la plus oppressive, la plus insolente et la plus puissante de toutes. »
< 5, p.163 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Si l’argent ne fait pas le bonheur, rendez-le ! »
< 26 décembre 1906 p.808 >
Léon BLOY / Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
« Faire travailler l’argent.
Il y a des peuples qui crèvent dans les usines ou les catacombes noires pour velouter la gueule des vierges engendrées par des capitalistes surfins, et aussi pour que "le mystérieux sourire de la Joconde" ne leur soit pas refusé. C’est ce qui s’appelle faire travailler l’argent ! »
< p.33 >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Il n’y a rien qui donne de l’assurance, et je dirais presque de l’esprit, et l’aplomb de ses propres idées, comme mille francs dans sa poche et à soi. »
< 5 janvier 1904 I p.99 >
Sacha GUITRY / Jusqu’à nouvel ordre / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Ce qui prime tout dans la vie, c’est l’argent.
Sans argent, il n’y a pas de bonheur possible, et, jusqu’à une certaine limite, l’argent fait le bonheur. Cette limite varie selon les besoins de chaque individu.
Il ne faut pas manquer d’argent, et il ne faut pas en avoir beaucoup trop. Parce que ceux qui en ont beaucoup trop se le font prendre par ceux qui n’en ont pas assez - et s’ils ne se laissent pas prendre leur argent, ils deviennent odieux.
ARGENT
45
C’est bien évident que Rockefeller n’est pas l’homme le plus heureux du monde parce qu’il en est le plus riche, mais il est bien évident aussi que l’homme le plus pauvre du monde est le plus malheureux de tous. »
< p.15 >
Sacha GUITRY / L’Esprit / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Saint Louis, vers 1260..., j’étais bien jeune à cette époque ! Saint Louis ayant établi un droit de péage à l’entrée de Paris, les charlatans, les saltimbanques, en un mot les acteurs qui avaient un singe ne payaient que 4 deniers — mais si c’était un jongleur, il jonglait, faisait quelques grimaces devant celui qui percevait l’impôt, et il en était dispensé, et c’est de là que vient l’expression : payer en monnaie de singe. »
< p.282 >
Sacha GUITRY / Ceux de chez nous / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« On accepte l’idée qu’un homme sans valeur peut gagner de l’argent, mais qu’un homme de valeur parvienne à s’enrichir, on ne le lui pardonne pas ! »
< p.655 >
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« On dit que la plupart des hommes tombent en quelque sorte à genoux sur la seule mention de l’argent. Je n’ai vu rien de tel. Je vois bien que les hommes ont besoin d’argent et s’occupent premièrement à en gagner ; cela veut dire seulement que l’homme mange au moins deux fois par jour, et choses semblables. Mais un homme qui ne pense qu’à manger et à gagner, cela est rare ; c’est une sorte de monstre. Et pareillement, celui qui ne pense qu’à étendre ses affaires, et à ajouter des millions à des millions est une sorte de monstre.
Quant aux opérations intellectuelles que suppose cette manie d’acquérir, elles sont tellement communes et faciles que personne ne les jugera au-dessus de soi. Où donc courent les hommes dès qu’ils sont assurés de leur pâtée? Ils courent au stade, et ils acclament un homme fort, un homme agile, un homme courageux ; ce sont des valeurs qui ne s’achètent point, des valeurs estimées bien plus haut que l’argent. Ou bien ils vont au concert, et crient de tout leur cœur et casseraient les banquettes en l’honneur de quelque artiste ; et certes ils savent que le plus riche des hommes ne peut s’offrir cette gloire. Quant aux puissances de pur esprit, nul ne les méconnaît ; nul ne les mesure aux millions. Personne ne demande si Einstein est bien riche. »
< 2 janvier 1932 p.1061 >
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Mettre de l’argent de côté pour l’avoir devant soi, est, pour paradoxale qu’elle soit, une façon comme une autre d’assurer ses arrières à effet de ne pas l’avoir dans le dos. »
< p.83 >
« Dans notre société de consommation et d’épargne, un homme qui a de l’argent est un homme considéré.
Un homme qui n’en a pas est également un homme considéré, mais lui, comme un pauvre type. »
< p.84 >
Pierre DAC / Arrière-pensées - Maximes inédites / Le cherche midi éditeur 1998
« Dédaigner l’argent, c’est faire preuve de désintéressement, surtout quand il s’agit de celui qu’on doit. »
< p.142 >
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« L’argent ne se plaît pas chez les pauvres, qui ne le gardent jamais très longtemps, quand ils en ont un peu, alors qu’il se sent très bien chez les riches, qui peuvent l’héberger indéfiniment. C’est sans doute pourquoi, si l’on connaît des riches bien-pensants, on en voit rarement de bien-dépensants. »
< p.160 >
COLUCHE / Pensées et anecdotes / Le cherche midi éditeur 1995
« L’argent ne fait pas le bonheur des pauvres. Ce qui est la moindre des choses. »
< p.114 >
46
ART
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« L’argent qui corrompt tout ne laisse intacte que la misère. »
< p.250 >
ART
Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX / Œuvres / Art Poétique / Société des Belles Lettres 1939
«
Il n’est point de Serpent, ni de Monstre odieux
Qui par l’art imité ne puisse plaire aux yeux.
D’un pinceau délicat l’artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable.
»
< Chant III v.1-4 p.96 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Pour nous, chez qui tous les chefs-d’œuvre n’ont d’autre destination que d’être exposés aux regards d’un petit nombre d’hommes riches et d’être emprisonnés et cachés dans les maisons des grands... »
< 1 août 1786 t.1 p.97 >
« On peut peindre tout un visage (avec des traits) dans un espace qui n’est pas plus large qu’un ongle. Pour le décrire avec des phrases il faudrait une page entière et encore on ne parviendrait pas à en donner une idée exacte. »
< 28 janvier 1804 t.1 p.603 >
Victor HUGO / Littérature et philosophie mêlées / Critique / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1985
« Il faut des monuments aux cités de l’homme ; autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière? »
< 1830 p.132 >
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« Rembrandt n’aimait pas qu’on regardât sa peinture de près. Il repoussait les gens du coude et disait : Un tableau n’est pas fait pour être flairé. »
< p.625 >
Gustave FLAUBERT / Correspondance I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Et puis suffit-il d’être possédé d’un sentiment pour l’exprimer ? Y a-t-il une chanson de table qui ait été écrite par un homme ivre? Il ne faut pas toujours croire que le sentiment soit tout, dans les arts, il n’est rien sans la forme. »
< À Louise Colet, 12 août 1846 p.296 >
« L’Art n’est grand que parce qu’il grandit. »
< À Louise Colet, 30 janvier 1847 p.434 >
Henry MARET / Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903 [BnF]
« L’homme ne vit pas seulement de pain, et, quand l’homme ne vit que de pain, c’est une brute. »
< p.217 >
« Quand on dit : "Tant pis pour le public s’il aime les petites choses ! il faut lui donner ce qu’il aime", on dit une monstruosité. Avec ce raisonnement, nous n’aurions pas un artiste, pas une belle œuvre d’art. De tout temps les masses ont été ignorantes. Le goût appartient à l’élite. Ce n’est pas qu’il ne faille démocratiser l’art, au contraire. Mais prétendre qu’on doit donner au peuple l’art qu’il demande, qu’il est le juge souverain, et que s’il préfère Madame Angot aux Huguenots, c’est lui qui a raison, autant affirmer qu’il sied à l’écolier de dicter la leçon de son professeur, et que, s’il est d’avis que Dublin est en Ecosse, il n’y a pas à répliquer. »
< p.220 >
ART
47
Eugène DELACROIX / Journal 1822-1863 / Plon 1980
« Quand j’ai fait un beau tableau, je n’ai pas écrit une pensée. C’est ce qu’ils disent. Qu’ils sont simples !
Ils ôtent à la peinture tous ses avantages. »
< 8 octobre 1822 p.29 >
Paul-Jean TOULET / Le carnet de monsieur du Paur / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Il importe en peinture, que le portrait ressemble au modèle, mais non pas le modèle au portrait. »
< p.283 >
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« L’art serait, malgré la plus parfaite explication, de réserver encore de la surprise. »
< p.196 >
Émile BERGERAT / Les soirées de Calibangrève / Flammarion 1892 [BnF cote 8-Z-13067]
« L’art n’est peut-être que le don de parer la vérité des grâces irrésistibles du mensonge. »
< Cinquantes pensées noires, p.109 >
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Réalisme n. Art de dépeindre la nature telle qu’elle est vue par les crapauds. Charme qui ressort d’un paysage peint par une taupe, ou d’une histoire écrite par un asticot. »
< p.234 >
Edouard HERRIOT / Jadis (**) D’une guerre à l’autre 1914-1936 / Flammarion 1952
« Dalimier me raconte aussi le départ précipité pour Bordeaux des Ministres*, prévenus à 7 heures, partant à 11 heures par la gare d’Auteuil. Dans un petit sac, il emporte les diamants de la Couronne. Un conservateur du Louvre s’inquiète de voir enlever les tableaux : "Si les Allemands viennent et qu’ils voient les murs vides, ils me fusilleront ! — Oui, mais je vous remplacerai ; je ne remplacerais pas les Rembrandt." »
< p.38 >
* La progression allemande est si rapide que, le 2 septembre 1914, le gouvernement français se transporte à Bordeaux. Dalimier est sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts.
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« En art, il n’y a que des batailles ou des tombes. »
< 23 mars 1942, p.53 >
« Picasso dit : "On peut écrire et peindre n’importe quoi puisqu’il y aura toujours des gens pour le comprendre (pour y trouver un sens)." »
< 23 mars 1942, p.53 >
Réalisme :
« Hier inauguration de l’exposition Breker à l’Orangerie. Discours, uniformes. Statues géantes avec un goût presque sensuel du détail et de l’humain. Les cheveux, les veines. Sacha Guitry me dit : "Si ces statues entraient en érection on ne pourrait plus circuler." »
< Samedi 16 mai 1942, p.125 >
Paul-Jean TOULET / Monsieur du Paur homme public / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Une théorie d’art aide à la critique, non à la création. »
< 57 p.269 >
48
ART
Paul VALÉRY / Tel Quel / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Dans les arts, les théories ne valent pas grand’chose... Mais c’est une calomnie. La vérité est qu’elles n’ont point de valeur universelle. Ce sont des théories pour un. Utiles à un. Faites à lui, et pour lui, et par lui. Il manque, à la critique, qui les détruit facilement, la connaissance des besoins et des penchants de l’individu ; et il manque à la théorie même de déclarer qu’elle n’est pas vraie en général, mais vraie pour X
dont elle est l’instrument.
On critique un outil sans savoir qu’il sert à un homme auquel il manque un doigt, ou bien qui en a six. »
< p.638 >
Paul VALÉRY / Degas Danse Dessin (1936) / Œuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Nous avons contracté cette curieuse habitude de tenir pour médiocre tout artiste qui ne commence par choquer et par être suffisamment injurié ou moqué. Qui ne nous heurte ou ne nous fait hausser les épaules est imperceptible. On en conclut qu’il faut choquer et l’on s’y consacre. Une bonne étude de l’art moderne devrait mettre en évidence les solutions trouvées de cinq ans en cinq ans au problème du choc, depuis deux ou trois quarts de siècle... »
< p.1207 >
Jean COCTEAU / Le Rappel à l’ordre / Romans, Poésies, Œuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« Il y a un utile et un inutile en art. La majorité du public ne ressent pas cela, envisageant l’art comme une distraction. »
< p.441 >
« "Ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi."
Enfoncez-vous bien cette idée dans la tête. Il faudrait écrire ce conseil comme une réclame.
En effet le public aime à reconnaître. Il déteste qu’on le dérange. La surprise le choque. Le pire sort d’une œuvre c’est qu’on ne lui reproche rien — qu’on n’oblige pas son auteur à une attitude d’opposition. »
< p.442 >
Raymond RADIGUET / Œuvres / La Pochothèque LdP 2001
« L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur. »
< Art poétique (1922) p.189 >
Jean-François REVEL / Contrecensures / Robert Laffont - Bouquins 1997
« Beaucoup de gens estiment avoir vu un tableau quand ils en ont vu une "superbe" reproduction en couleurs. Nous savons fort bien que la photographie d’une personne n’est pas la personne elle-même, mais nous croyons "voir" des peintures ou des sculptures en feuilletant les luxueux albums qui leur sont consacrés. »
< p.663 >
À propos du musée imaginaire de Malraux :
« Le musée imaginaire n’est, en somme, que le musée des gens sans imagination. »
< p.668 >
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« Ne l’oublions pas : tout art est aussi un commerce ou doit pouvoir l’être, sans quoi nous aboutissons à un art de type soviétique ou nazi, reposant tout entier sur les commandes officielles, avec les cataclysmes esthétiques que l’on connaît. La littérature a conquis sa liberté en devenant un commerce, car, même au plus haut niveau, il vaut mieux être Balzac, et vivre, fût-ce mal, de livres achetés par les lecteurs, que Racine ou Boileau, si grands soient-ils, tributaires de la cassette du prince. »
< p.328 >
ASTROLOGIE
49
ASTROLOGIE
ARNAULD & NICOLE / La logique ou l’art de penser / Champs -Flammarion 1970
« ... il n’y a point d’absurdités si insupportables qui ne trouvent des approbateurs. Quiconque a dessein de piper le monde, est assuré de trouver des personnes qui seront bien aises d’être pipées ; et les plus ridicules sottises rencontrent toujours des esprits auxquels elles sont proportionnées. Après que l’on voit tant de gens infatués des folies de l’Astrologie judiciaire, et que des personnes graves traitent cette matière sérieusement, on ne doit plus s’étonner de rien. Il y a une constellation dans le ciel qu’il a plu à quelques personnes de nommer balance, et qui ressemble à une balance comme à un moulin à vent. La balance est le symbole de la justice : donc ceux qui naîtrons sous cette constellation seront justes et équitables. Il y a trois autres signes dans le Zodiaque, qu’on nomme l’un Bélier, l’autre Taureau, l’autre Capricorne, et qu’on eût pu aussi bien appeler Eléphant, Crocodile, et Rhinocéros : le Bélier, le Taureau et le Capricorne sont des animaux qui ruminent : donc ceux qui prennent médecine, lorsque la lune est sous ces constellations, sont en danger de la revomir. Quelques extravagants que soient ces raisonnements, il se trouve des personnes qui les débitent, et d’autres qui s’en laissent persuader. »
< p.37 >
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« L’entêtement pour l’astrologie est une orgueilleuse extravagance. Nous croyons que nos actions sont assez importantes pour mériter d’être écrites dans le grand-livre du Ciel. Et il n’y a pas jusqu’au plus misérable artisan qui ne croie que les corps immenses et lumineux qui roulent sur sa tête ne sont faits que pour annoncer à l’Univers l’heure où il sortira de sa boutique. »
< p.1570 >
Friedrich NIETZSCHE / Le Gai Savoir. (1882-1887) / Œuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Préludes de la science. — Croyez-vous donc que les sciences se seraient formées et seraient devenues grandes si les magiciens, les alchimistes, les astrologues et les sorcières ne les avaient pas précédées, eux qui durent créer tout d’abord, par leurs promesses et leurs engagements trompeurs, la soif, la faim et le goût des puissances cachées et défendues? Si l’on n’avait pas dû promettre infiniment plus qu’on ne pourra jamais tenir pour que quelque chose puisse s’accomplir dans le domaine de la connaissance? »
< 300 p.178 >
Paul WATZLAWICK / Faites vous-même votre malheur / Seuil 1984
« Dans le journal du jour, votre horoscope vous met en garde (vous et les quelques trois cents millions de personnes qui sont nés sous le même signe) contre l’éventualité d’un accident. Et ça ne rate pas, vous glissez et vous faites une chute. Tant crie-t-on Noël qu’il vient !...L’astrologie, ce n’est pas si creux que ça, en définitive...
Mais est-ce bien sûr? Pourriez-vous jurer que vous seriez tombé si vous n’aviez pas lu cette prédiction? Ou si vous étiez entièrement convaincu de la parfaite inanité de l’astrologie ? Après coup, il n’est évidemment pas possible, hélas ! de répondre à la question. »
< p.55 >
ATHÉISME
Blaise PASCAL / Pensées / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Athées : Quelle raison ont-ils de dire qu’on ne peut ressusciter ? Quel est le plus difficile, de naître ou de ressusciter, que ce qui n’a jamais été soit, ou ce qui a été soit encore ? Est-il plus difficile de venir en être que d’y revenir ? La coutume nous rend l’un facile, le manque de coutume rend l’autre impossible : populaire façon de juger !
Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter? Une poule ne fait-elle pas des œufs sans coq ? Quoi les distingue par d’avec les autres? Et qui nous a dit que la poule n’y peut former ce germe aussi bien que le coq ? »
< 357 p.1182 >
50
ATHÉISME
MONTESQUIEU / Spicilège / Œuvres complètes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Quand un homme me vient dire qu’il ne croit rien et que la religion est une chimère, il me fait là une fort mauvaise confidence, car je dois avoir sans doute beaucoup de jalousie d’un avantage terrible qu’il a sur moi. Comment ! il peut corrompre ma femme et ma fille sans remords, pendant que j’en serois détourné par la crainte de l’enfer ! La partie n’est pas égale. Qu’il ne croie rien, j’y consens, mais qu’il s’en aille vivre dans un autre pays, avec ceux qui lui ressemblent, ou, tout au moins, qu’il se cache et qu’il ne vienne point insulter à ma crédulité. »
< p.1318 >
VOLTAIRE / Dictionnaire philosophique / Garnier 1967.
« Les athées sont pour la plupart des savants hardis et égarés qui raisonnent mal, et qui, ne pouvant comprendre la création, l’origine du mal, et d’autres difficultés, ont recours à l’hypothèse de l’éternité des choses et de la nécessité. »
< p.42 >
« S’il y a des athées, à qui doit-on s’en prendre, sinon aux tyrans mercenaires des âmes, qui, en nous révoltant contre leurs fourberies, forcent quelques esprits faibles à nier le Dieu que ces monstres déshonorent? »
< p.44 >
« L’athéisme est le vice de quelques gens d’esprit, et la superstition le vice des sots ; mais les fripons, que sont-ils? des fripons. »
< p.463 >
À propos de l’abbé Meslier :
« C’est un homme si profondément ulcéré des crimes dont il a été témoin qu’il en rend la religion chrétienne responsable, en oubliant qu’elle les condamne. Point de miracle qui ne soit pour lui un objet de mépris et d’horreur ; point de prophétie qu’il ne compare à celles de Nostradamus. Il va même jusqu’à comparer Jésus-Christ à don Quichotte, et saint Pierre à Sancho-Pansa : et ce qui est le plus déplorable, c’est qu’il écrivait ces blasphèmes contre Jésus-Christ entre les bras de la mort, dans un temps où les plus dissimulés n’osent mentir, et où les plus intrépides tremblent.
[...]
On a imprimé plusieurs abrégés de son livre ; mais heureusement ceux qui ont en main l’autorité les ont supprimés autant qu’ils l’ont pu. » *
< p.585-586 >
* Publicité hypocrite pour contourner la censure : Voltaire est l’auteur d’un Extrait des sentiments de Jean Meslier.
Denis DIDEROT / Correspondance / Œuvres t.V / Robert Laffont - Bouquins 1997
« Je crois en Dieu, quoique je vive très bien avec les athées. Je me suis aperçu que les charmes de l’ordre les captivaient malgré qu’ils en eussent ; qu’ils étaient enthousiastes du beau et du bon, et qu’ils ne pouvaient, quand ils avaient du goût, ni supporter un mauvais livre, ni entendre patiemment un mauvais concert, ni souffrir dans leur cabinet un mauvais tableau, ni faire une mauvaise action. »
< Lettre à Voltaire du 11 juin 1749 - p.15 >
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Je ne sais comment il arrive qu’il est impossible de former un système du Monde sans être d’abord accusé d’athéisme : Descartes, Newton, Gassendi, Malebranche. En quoi on ne fait autre chose que prouver l’athéisme et lui donner des forces, en faisant croire que l’athéisme est si naturel que tous les systèmes, quelque différents qu’ils soient, y tendent toujours. »
< 2072 p.1541 >
Louis-Ambroise de BONALD / Œuvres complètes t.3 / Paris, J-P Migne 1859
« On a sans doute de bonnes raisons pour ne pas croire en Dieu ; mais il en faut de meilleures pour le dire. »
< Pensées, p.1348 >
ATHÉISME
51
« Un déiste* est un homme qui, dans sa courte existence, n’a pas eu le temps de devenir athée. »
< Pensées, p.1348 >
* Celui, celle qui, reconnaissant un Dieu, rejette toute religion révélée. (Littré) Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Nos fautes sont des dettes contractées ici et payables ailleurs. L’athéisme n’est autre chose qu’un essai de déclaration d’insolvabilité. »
< 1863 p.113 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Lorsque l’incrédulité devient une foi, elle est plus bête qu’une religion. »
< 13 septembre 1862 p.859 >
« Il faut avoir une âme de prêtre pour écrire contre la religion. »
< 22 juin 1864 p.1084 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« S’il y a un Dieu, l’athéisme doit lui sembler une moindre injure que la religion. »
< 24 janvier 1868 p.129 >
« Dans toutes les sociétés qui se sont succédé depuis le commencement du monde, il y a eu un athéisme des intelligences supérieures, mais je ne connais pas encore de société ayant subsisté avec l’athéisme des gens d’en bas, des besogneux, des nécessiteux. »
< 11 avril 1882 p.935 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Lorsqu’ils rencontrent un homme qui pense librement, les croyants font le même vacarme que les poules découvrant, parmi leurs poussins, un caneton qui va vers l’eau. Ils ne songent pas que des gens vivent aussi sûrement dans cet élément qu’eux-mêmes sur la terre ferme. »
< p.54 >
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« BAUTRU
Cet académicien, conseiller d’État, grand goguenard et grand débauché, mort en 1665, fit encore plusieurs mots célèbres qu’on a mis sur le compte de bien d’autres, à commencer par celui-ci.
Comme il passait un enterrement, il ôta son chapeau devant le crucifix. Son irréligion était si notoire qu’un voisin le railla, disant :
— Ah ! voilà qui est de bon exemple.
— Nous nous saluons, répondit Bautru, mais nous ne nous parlons pas.
Je donne ici la version de Tallemant des Réaux. Il en est d’autres avec variante. On a même fait honneur du mot à Voltaire. »
< p.174 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les libres penseurs qui se convertissent me font l’effet de ces hommes chastes qui méprisent la femme jusqu’à ce qu’ils se fassent engluer par la première vieille peau venue. »
< 11 juin 1902 p.598 >
« Libre penseur. Penseur suffirait. »
< 26 juin 1905 p.772 >
« À chaque sou, le mendiant remercie Dieu par un signe de croix, mais il se détourne, par ce temps de libres penseurs qui courent les rues et qui se mêlent d’être charitables. »
< 2 juillet 1904 p.714 >
52
ATHÉISME
Félix LE DANTEC / L’athéisme / Flammarion 1907
Agnosticisme :
« Le fait que le pourquoi se pose en moi, n’implique pas l’existence d’un parce que qui me soit accessible. »
< p.45 >
« L’athée logique ne peut prendre aucun intérêt à la vie ; c’est là la vraie sagesse, mais c’est, à mon avis, trop de sagesse ; c’est l’indifférence du fakir. Je suis fort aise, pour ma part, d’avoir, à côté de mon athéisme logique, une conscience morale résultant d’une quantité d’erreurs ancestrales, et qui me dicte ma conduite dans des cas où ma raison me laisserait noyer. »
< p.101 >
« Dans une société de gens non athées, l’athée doué de sensibilité et de conscience morale, ne peut jamais agir en athée parfait, car il doit faire entrer en ligne de compte, dans ses déterminations, l’erreur qui fait le fond des raisonnements de ses congénères. Dans une société de gens vraiment athées, le suicide anesthé-sique serait évidemment en honneur ; la société disparaîtrait probablement par ce moyen. »
< p.106 >
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Je suis un incroyant. Je ne serai jamais un impie. »
< 6 novembre 1927 p.860 >
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Se passer de Dieu... Je veux dire : se passer de l’idée de Dieu, de la croyance en une Providence attentive, tutélaire et rémunératrice... n’y parvient pas qui veut. »
< 1947 p.312 >
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
À propos des athées :
« La gravité maussade et froide avec laquelle ils parlent du Néant me rend l’idée de Dieu séduisante au possible.
Leurs arguments décolorés tombent à plat - et quand ils cherchent à convaincre, ils en sont pour leurs frais, car la démonstration qu’ils font de la non-existence de Dieu leur donne aussitôt l’air de nier l’évidence.
Ne pas croire en Dieu, c’est repousser une hypothèse ravissante.
Nier Dieu, c’est croire en soi - comme crédulité, je n’en vois pas de pire !
Nier Dieu, c’est se priver de l’unique intérêt que peut avoir la mort.
Et, pour tout dire enfin, l’athée n’est à mes yeux qu’un fanatique sans passion, sans haine, sans amour -
sans ironie d’ailleurs - et, partant, sans excuse.
Et, s’il faut en conclure, que faut-il en conclure?
Les témoignages accumulés de la présence au Ciel du Divin Créateur sont loin d’être probants.
Mais, d’autre part - assurément - la "preuve du contraire" est inimaginable.
Or donc, précisément, il n’en faut pas conclure.
Il faut laisser à Dieu le bénéfice du doute. »
< p.89 >
François CAVANNA / Lettre ouverte aux culs-bénits / Albin Michel 1994
« Ce qu’on a appelé "liberté de conscience", au long de l’Histoire, c’est la liberté, pour les insatisfaits du culte officiel massivement majoritaire dans un certain pays, de pratiquer une religion différente, généralement simple version légèrement déviante du culte officiel, à proprement parler : une hérésie.
Il n’a jamais été question de liberté de conscience pour les non-croyants. Quand le protestantisme version Calvin se fut imposé à Genève comme religion dominante, le simple soupçon d’athéisme vous conduisait au bûcher plus sûrement que la persistance dans la religion catholique, devenue à son tour "hérésie".
Aujourd’hui encore, surtout hors de France, ne pas croire en une version quelconque de Dieu est proprement impensable. L’athée est regardé avec une certaine répugnance, comme une espèce de monstruosité, AUDACE
53
d’ébauche humaine inachevée à qui il manque une faculté essentielle. »
< p.45 >
« L’athée qui irait proclamant que l’inexistence de Dieu est démontrée serait en contradiction avec lui-même : il ferait acte de foi, cette foi fût-elle négative. En effet, ayant admis que la question même de l’existence d’un Dieu se situe hors du domaine des questions "permises" et n’a donc pas à être posée puisqu’on ne pourrait y répondre, dans un sens ou dans l’autre, que par des affirmations indémontrables, il la pose quand même et y répond péremptoirement. "Non" est tout aussi téméraire que "Oui".
L’athée cohérent se garde bien d’accepter la discussion sur ce terrain. Une fois pour toutes, il ignore Dieu et le problème de son existence, il se conduit en tout sans tenir compte de ces chimères.
L’agnosticisme est un raisonnement.
L’athéisme est un comportement.
L’un découle de l’autre. »
< p.152 >
Robert JOLY / Dieu vous interpelle? Moi, il m’évite... / Editions EPO 2000
« [L’agnosticisme] partage avec la foi du croyant l’idée qu’il existe de l’inconnaissable. Mais dire que l’inconnaissable existe, c’est savoir quelque chose sur l’inconnaissable. L’agnostique sait au moins ce qu’il entend par Dieu, assez en tous cas pour dire qu’il ne peut rien en dire : il y a là un cercle qui pourrait être vicieux. Le sceptique qui professe que "tout est incertain" doit faire une exception pour le principe qu’il vient de formuler, mais c’est une exception ruineuse.
[...]
Je crains que l’agnosticisme, très bien toléré socialement, soit parfois une idéologie de confort. Flotter aimablement entre deux clans est une façon de ne pas se faire d’ennemis, de se concilier plus facilement beaucoup de monde, d’éviter des obstacles, de se voir ouvrir plus de portes... »
< p.17-18 >
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Le véritable et authentique athée est celui qui croit fermement et dur comme fer que Dieu lui-même ne croit pas en Lui. »
< p.20 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Pendant des siècles des esprits se sont battus et ont risqué leur vie pour se libérer de Dieu. Et nous, au milieu du XXe , nous regrettons les chaînes qu’Il représentait et ne savons que faire d’une liberté pour laquelle nous n’avons fait aucun sacrifice, que nous n’avons pas conquise. Nous sommes les héritiers ingrats de l’athéisme héroïque, les épigones de la révolte, une masse de rebelles qui déplorent secrètement la disparition des "superstitions", des "préjugés" et des anciennes "terreurs". »
< 4 octobre 1966 p.415 >
Philippe BOUVARD / Journal 1997-2000 / Le cherche midi éditeur 2000
« L’athéisme peut conduire à l’injustice qui, sous prétexte que Dieu n’existe pas, considère certains ecclésiastiques estimables comme des charlatans. »
< p.27 >
AUDACE
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Fortune aveugle suit aveugle hardiesse.
Le sage quelquefois fait bien d’exécuter,
Avant que de donner le temps à la sagesse
D’envisager le fait, et sans la consulter. »
< Livre dixième, XIII Les deux aventuriers et le talisman p.628 > 54
AVARICE
Baltasar GRACIÁN / Maximes / Paris, Rollin fils 1730
« Il ne sied ni à l’ignorance d’être audacieuse, ni à l’habilité d’être timide. »
< Maxime CLXXXII Il est d’une prudence nécessaire au mérite d’avoir un peu de hardiesse, p.217 > Chevalier de MÉRÉ / Maximes, sentences et réflexions morales et politiques / Paris, E. du Castin 1687
[BnF]
« Celui qui ne veut pas se hasarder ne doit pas songer à s’élever. »
< 93 p.41 >
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) /
Garnier frères 1877 [BnF]
« Voici des vers que l’illustre et vieux M. de Fontenelle a adressés à un jeune auteur qui lui avait demandé des conseils :
Dans la vie où tu veux courir,
Songe bien ce que tu hasardes :
Il faut avec courage également offrir
Et ton front aux lauriers et ton nez aux nasardes.
»
< p.179 >
Prosper Jolyot de CRÉBILLON / Catilina (1749) / Œuvres (tome 3) / Didot Paris 1812
« Le succès fut toujours un enfant de l’audace. »
< Acte III scène vi p.149 >
Georges Jacques DANTON / Discours civiques de Danton / Fasquelle 1920 [BnF]
« Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. »
< 2 septembre 1792, p.14 >
NAPOLÉON Ier / Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« Avec de l’audace, on peut tout entreprendre, on ne peut pas tout faire. »
< 96 p.237 >
Jean COCTEAU / Le Rappel à l’ordre / Romans, Poésies, Œuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« Le tact dans l’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin. »
< p.429 >
Michel AUDIARD / Audiard par Audiard / Ed. René Chateau 1995
« Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît. »
< Les Tontons flingueurs, p.78 >
AVARICE
Michel de MONTAIGNE / Essais / Garnier 1962
« Dionisius le fils eust sur ce propos bonne grace. On l’advertit que l’un de ses Syracusains avoit caché dans terre un thresor. Il luy manda de le luy apporter, ce qu’il fit, s’en reservant à la desrobbée quelque partie, avec laquelle il s’en alla en une autre ville, où, ayant perdu cet appetit de thesaurizer, il se mit à vivre plus liberallement. Ce qu’entendant Dionysius luy fit rendre le demeurant de son thresor, disant que puis qu’il avoit appris à en sçavoir user, il le luy rendoit volontiers. »
< t.1 p.65 livre I chap.XIV >
Charles de SAINT-ÉVREMOND / Œuvres mêlées (12) / Paris, C.Barbin 1693
« On trouve d’illustres scélérats, mais il ne fut jamais d’illustres avares. »
< Maximes, LXXIV, p.244 >
AVARICE
55
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« L’usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d’entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n’ait pas un autre homme.
Diogène là-bas est aussi riche qu’eux,
Et l’avare ici-haut comme lui vit en gueux. »
< Livre quatrième XX L’avare qui a perdu son trésor p.253 > Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« L’avare dépense plus mort en un seul jour, qu’il ne faisait vivant en dix années ; et son héritier plus en dix mois, qu’il n’a su faire lui-même en toute sa vie. »
< p.194 VI (65) >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Pour être avare, il ne faut que la paresse, l’inaction. C’est pour cela que l’avarice est contagieuse. »
< 28 février 1799 t.1 p.283 >
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Le prodigue et l’avare aboutissent aux mêmes haillons. »
< 1848 p.206 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« La plus raisonnable des passions, l’avarice, est celle qui rend le plus fou. »
< 12 septembre 1864 p.1098 >
Georges COURTELINE / Philosophie / Œuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le dédain de l’argent est fréquent surtout chez ceux qui n’en ont pas. Disons les choses comme elles sont : il est agréable d’en avoir pour les commodités qu’il procure, d’abord, et plus encore pour l’impression de sécurité qu’il dégage et qui tranquillise. Et je crois bien que l’inexplicable Avarice rencontre son explication dans le développement poussé à l’excès de ce sentiment de bien-être. »
< p.810-811 >
Sacha GUITRY / Mémoires d’un tricheur / Théâtre & Mémoires d’un tricheur / Omnibus Presses de la Cité 1991
« Et, si j’étais le gouvernement, comme dit ma concierge, c’est sur les signes extérieurs de feinte pauvreté que je taxerais impitoyablement les personnes qui ne dépensent pas leurs revenus.
Je sais des gens qui possèdent sept ou huit cent mille livres de rentes et qui n’en dépensent pas le quart.
Je les considère d’abord comme des imbéciles et un peu comme des malhonnêtes gens aussi. Le chèque sans provision est une opération bancaire prévue au Code d’Instruction Criminelle, et c’est justice qu’il soit sévèrement puni. Je serais volontiers partisan d’une identique sévérité à l’égard des provisions sans chèques. L’homme qui thésaurise brise la cadence de la vie en interrompant la circulation monétaire. Il n’en a pas le droit. »
< p.21 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« R. de R., après la mort de sa première femme, décida de se tuer. Il alla s’acheter un revolver, mais il le trouva trop cher, et resta en vie.
L’avarice est quelquefois utile. »
< 27 janvier 1971, p.904 >
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Il vaut mieux être l’héritier d’un homme économe que celui d’un homme riche. »
< p.61 >
56
BEAU
BEAU
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Le Père Buffier a défini la beauté : l’assemblage de ce qui est le plus commun. Quand sa définition est expliquée, elle est excellente, parce qu’elle rend raison d’une chose très obscure, parce que c’est une chose de goût.
Le Père Buffier dit que les beaux yeux sont ceux dont il y en a un plus grand nombre de la même façon ; de même, la bouche, le nez, etc. Ce n’est pas qu’il n’y ait un beaucoup plus grand nombre de vilains nez que de beaux nez ; mais que les vilains sont de bien différentes espèces ; mais chaque espèce de vilains est en beaucoup moindre nombre que l’espèce des beaux. C’est comme si, dans une foule de cent hommes, il y a dix hommes habillés de vert, et que les quatre-vingt-dix restants soient habillés chacun d’une couleur particulière : c’est le vert qui domine.
Enfin, il me paroît que la difformité n’a point de bornes. Les grotesques de Callot peuvent être variés à l’infini. Mais la régularité dans les traits est entre certaines limites.
Ce principe du Père Buffier est excellent pour expliquer comment une beauté françoise est horrible à la Chine, et une chinoise, horrible en France.
Enfin, il est excellent peut-être pour expliquer toutes les beautés de goût, même dans les ouvrages d’esprit.
Mais il faudra penser là-dessus. »
< 956 p.1256 >
« Les hommes ne paroissent jamais plus outrés que lorsqu’ils méprisent, ou lorsqu’ils admirent : il semble qu’il n’y ait point de milieu entre l’excellent et le détestable. »
< 959 p.1257 >
Madame de LAMBERT / Avis d’une mère à sa fille / Œuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Le grand malheur de la laideur, c’est qu’elle éteint et qu’elle ensevelit le mérite des femmes. On ne va point chercher dans une figure disgraciée les qualités de l’esprit et du cœur ; c’est une grande affaire, quand il faut que le mérite se fasse jour au travers d’un extérieur désagréable. »
< p.61 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« L’exclamation "c’est beau !" et son effet. C’est de tous les mots le plus indéterminé et le mieux entendu. »
< 16 août 1803 t.1 p.546 >
« Ni tous les rossignols ne chantent également bien, ni toutes les roses ne sentent également bon. »
< 7 août 1803 t.1 p.544 >
« Dans un ouvrage, quel qu’il soit, la symétrie apparente ou cachée est le fondement visible ou secret du plaisir que nous éprouvons. C’est elle qui donne une base aux mouvements qu’excitent les variétés, les contrastes. »
< 9 mars 1807 t.2 p.185 >
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Une chose réputée belle qui ennuie les esprits d’élite n’est point belle.
Principes : le beau n’est jamais ennuyeux, le mauvais n’est jamais amusant. »
< 1845-50 p.216 >
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.3) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Axiome : tout ce qui est joli n’est pas commode. Exemple : le mobilier contourné Louis XV. »
< 28 août 1894, p.1005 >
Isidore DUCASSE (LAUTRÉAMONT) / Poésies (1870) / GF 528 - Flammarion 1990
« Le goût est la qualité fondamentale qui résume toutes les autres qualités. C’est le nec plus ultra de l’intelligence. Ce n’est que par lui seul que le génie est la santé suprême et l’équilibre de toutes les facultés. »
< I p.331 >
BIEN
57
Lorédan LARCHEY / L’Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« Gérard de Nerval fut grand voyageur, sincère admirateur sans convoitise aucune, bien qu’il fût misérable, de tout ce qui lui paraissait digne d’être admiré. Ce culte désintéressé du beau, il le définissait en trois mots bien plus sensés qu’ils n’en ont l’air :
— Voir, c’est avoir. »
< p.228 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Il était si laid que, lorsqu’il faisait des grimaces, il l’était moins »
< 4 décembre 1891 p.83 >
« Ce qui nous paraît de mauvais goût, c’est ce que nous ne sommes pas en humeur de goûter. Un quart d’heure plus tard ou plus tôt, et s’était savoureux. »
< 13 avril 1905 p.764 >
Raymond RADIGUET / Œuvres / La Pochothèque LdP 2001
« En matière d’esthétique on n’est jamais nouveau profondément. Les lois du beau sont éternelles, les plus violents novateurs s’y soumettent sans s’en rendre compte : ils s’y soumettent à leur manière, c’est là l’intérêt. »
< Art poétique (1922) p.193 >
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« Il est difficile de rendre la beauté visible. Les gens ne reconnaissent que ses caricatures. »
< 2 février 1943, p.255 >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« À son dernier cours, ou à l’avant-dernier, Valéry a donné cette définition du Beau : "Le Beau, c’est le rare." On reconnaît bien là le précieux, le fabricant de poésie qu’est Valéry. Sa définition est aussi sotte que fausse, et que néfaste à propager. Le rare, c’est le fabriqué, le maniéré, le compliqué, le torturé, l’artificiel dans toute son acception. Quand on sait que les poèmes de Mallarmé, sous leur vocabulaire quintessencié, ont pour sujet (en clair) les motifs les plus plats et ainsi ne sont rares que par leurs chinoiseries de mots et de syllabes, cela en dit long sur ce qu’entend et propose la définition de Valéry. »
< 11 Avril 1944 III p.1043 >
LE CORBUSIER / Vers une architecture (1923) / Champs Flammarion 1995
« Les ingénieurs font de l’architecture, car ils emploient le calcul issu des lois de la nature, et leurs œuvres nous font sentir l’HARMONIE. Il y a donc une esthétique de l’ingénieur, puisqu’il faut, en calculant, qualifier certains termes de l’équation, et c’est le goût qui intervient. Or, lorsqu’on manie le calcul, on est dans un état d’esprit pur et, dans cet état d’esprit le goût prend des chemins sûrs. »
< p.7 >
BIEN
Diogène LAËRCE / Vies et doctrines des philosophes illustres / La Pochothèque LdP 1999
« Ayant entendu un jour quelqu’un prétendre que le plus grand bien c’est d’obtenir tout ce que l’on désire,
[Ménédème] dit : "C’en est un beaucoup plus grand que de désirer ce qu’il faut". »
< II 136 Ménédème d’Érétrie p.352 >
ARISTOTE / Éthique de Nicomaque / GF 43 Flammarion 1992
« Tout art et toute recherche, de même que toute action et toute délibération réfléchie, tendent, semble-t-il, vers quelque bien. Aussi a-t-on eu parfaitement raison de définir le bien : ce à quoi on tend en toutes circonstances. »
< I,1 p.21 >
58
BIEN
ÉPICURE / Sentences vaticanes / Lettres, maximes, sentences / Livre de Poche (4628) 1994
« Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l’appât d’un bien vers un mal plus grand que celui-ci, l’on est pris au piège. »
< 16 p.211 >
MARC-AURÈLE / Pensées / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Se dire dès l’aurore : je vais rencontrer un indiscret, un ingrat, un violent, un perfide, un arrogant. Tous leurs défauts leur viennent de ce qu’ils ignorent les biens et les maux. Pour moi, je connais la nature du bien, c’est l’honnête, et celle du mal, c’est le vil ; je connais aussi la nature du pécheur : c’est un être de même race que moi, non pas de même sang ni de même père, mais participant à la raison et ayant une part de la divinité ; nul d’entre eux ne peut donc me nuire, car nul ne peut me faire faire une chose vile ; et je ne puis non plus m’irriter contre un être de ma race ni le laisser de côté. Nous sommes nés pour collaborer, comme les pieds, les mains, les paupières, ou les deux rangées de dents, celle du haut et celle du bas. Il est contre nature de s’opposer les uns aux autres : et c’est s’opposer à eux que de s’irriter ou se détourner d’eux. »
< II (1) p.1146 >
« Ce qui n’est pas nuisible à la cité ne l’est pas non plus au citoyen. Applique cette règle à tout ce qui te paraît être nuisible : "Si cela ne nuit pas à la cité, cela ne me nuit pas non plus." »
< V (22) p.1175 >
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Dans le Sunday Times de cette semaine je viens de lire un article de Raymond Mortimer contre Marc Aurèle, qui aurait été un "prig" (pédant), un philistin, un hypocrite. Évidemment on peut tout dire. Je me suis foutu en colère et j’ai failli écrire une lettre d’insultes à l’auteur. Puis en pensant à l’empereur, je me suis calmé. Quel besoin aussi de lire des journaux? »
< 16 juillet 1966 p.381 >
VOLTAIRE / Dictionnaire philosophique / Garnier 1967.
« Le plus grand bien est celui qui nous délecte avec tant de force qu’il nous met dans l’impuissance totale de sentir autre chose, comme le plus grand mal est celui qui va jusqu’à nous priver de tout sentiment. Voilà les deux extrêmes de la nature humaine, et ces deux moments sont courts.
Il n’y a ni extrêmes délices ni extrêmes tourments qui puissent durer toute la vie : le souverain bien et le souverain mal sont des chimères. »
< p.53 >
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« La fin du bien est un mal, la fin du mal est un bien. »
< MP 14 p.164 >
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Une mauvaise action n’est pas plus tôt faite qu’elle devient une bonne action, et voici comment : Elle punit celui qui l’a faite.
Elle se retourne contre lui, et le mord.
Il semble qu’elle lui dise : Ah ! tu m’as voulue injuste. Eh bien, je suis juste. Je te châtie. »
< 1870-75 p.76 >
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Pourquoi être puni pour ses péchés, puisque tous, même les plus charmants, portent leur punition en eux-mêmes. »
< 8 septembre 1968, p.50 >
BIEN
59
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Comme nous nous affectionnons de plus en plus aux personnes à qui nous faisons du bien, de même nous haïssons violemment ceux que nous avons beaucoup offensés. »
< p.143 IV (68) >
MONTESQUIEU / Mes pensées / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Il est bon qu’il y ait dans le Monde des biens et des maux : sans cela, on seroit désespéré de quitter la vie. »
< 1029 p.1272 >
« Telle est la nature des choses que l’abus est très souvent préférable à la correction, ou, du moins, que le bien qui est établi est toujours préférable au mieux qui ne l’est pas. »
< 1920 p.1461 >
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Le malheur de l’humanité, considérée dans l’état social, c’est que quoiqu’en morale et en politique on puisse donner comme définition que le mal est ce qui nuit, on ne peut pas dire que le bien est ce qui sert ; car ce qui sert un moment peut nuire longtemps ou toujours. »
< 471 p.159 >
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« On reproche souvent aux grands de n’avoir pas fait tout le bien qu’ils eussent pu dispenser — Ils pourraient bien répondre : songez seulement à tout le mal que nous eussions pu faire et dont nous nous sommes abstenus. »
< p.42 >
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« On n’est correct qu’en corrigeant. »
< 21 décembre 1790 t.1 p.129 >
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« La taquinerie est la méchanceté des bons. »
< p.814 >
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Le mieux, c’est le bien d’autrui. »
< 198 p.185 >
« D’être méchant, c’est se venger d’avance. »
< 205 p.185 >
Paul-Jean TOULET / Le carnet de monsieur du Paur / Œuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« On ne se lasse point à parler de ce Franklin, dont l’image se voit sur les pendules. Il admirait le soin que prenait la Providence pour envoyer aux baleines arctiques, par le Gulf-Stream, une certaine espèce de méduses, appelées orties-de-mer, dont elles sont friandes. Gageons que les orties-de-mer, si elles savaient, ne donneraient les marques, à la Providence, que d’une médiocre approbation. »
< p.284 >
Émile BERGERAT / Les soirées de Calibangrève / Flammarion 1892 [BnF cote 8-Z-13067]
« Je vois dans la nature plus de fortuité que de providence. »
< Cinquante pensées noires, p.113 >
60
BIOGRAPHIE
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le mieux n’est l’ennemi que du mal. »
< 14 novembre 1900 p.479 >
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Œuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Motif de l’attaque.
On n’attaque pas seulement pour faire du mal à quelqu’un, pour le vaincre, mais peut-être aussi pour le seul plaisir de prendre conscience de sa force. »
< 317 p.601 >
« La méchanceté est rare.
La plupart des hommes sont bien trop occupés d’eux-mêmes pour être méchants. »
< 85 p.487 >
Léon BLOY / Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
« Entre deux maux, il faut choisir le moindre.
Là-dessus, pas d’incertitude. Les personnes les plus charitables reconnaissent que le mal du prochain est toujours le moindre et que c’est bien là qu’il faut choisir. Les moralistes ont remarqué depuis longtemps qu’on a toujours assez de force pour supporter les peines d’autrui. »
< p.167 >
« Faire le bien autour de soi.
Question de périmètre. Moins il est étendu et plus on se fait de bien à soi-même. »
< p.205 >
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Lorsque le médecin vous recoud la peau du visage, à la suite de quelque petit accident, il y a, parmi les accessoires, un verre de rhum propre à ranimer le courage défaillant. Or, communément, ce n’est point le patient qui boit le verre de rhum, mais l’ami spectateur, qui, sans en être averti par ses propres pensées, tourne au blanc verdâtre et perdrait le sentiment. Ce qui fait voir, contre le moraliste, que nous n’avons pas toujours assez de force pour supporter les maux d’autrui. »
< 20 février 1923 p.469 >
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Mais non ; il n’est nullement nécessaire d’être méchant pour blesser autrui. Et c’est bien là le plus tragique : que des êtres bons et qui s’aiment puissent s’endolorir et se navrer avec la meilleure volonté du monde. »
< 10 mars 1928 p.876 >
Pierre DAC / Arrière-pensées - Maximes inédites / Le cherche midi éditeur 1998
« Le mieux est l’ennemi du bien, mais le pire est l’ami de l’excès. »
< p.157 >
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« Sans la paresse qui dissuade de pousser la méchanceté trop loin et la concurrence à son paroxysme, notre société ne serait pas vivable. »
< p.131 >
BIOGRAPHIE
LA BEAUMELLE / Mes pensées ou Le qu’en dira-t-on (1752) / Droz 1997
« Il y a peu de belles vies en détail : les grands hommes ne le sont qu’en gros. »
< CLIII p.91 >
BONHEUR
61
Charles-Augustin SAINTE-BEUVE / Mes Poisons / Collection Romantique / José Corti 1988
« Oh ! qu’il devrait donc bien y avoir, à chaque biographie de poète, un petit chapitre secret et réservé, à l’usage des seuls bons esprits, capables de porter la vérité, toute la vérité, sans la prendre de travers ni en abuser. »
< p.128 >
Maurice JOLY / Recherches sur l’art de parvenir / Paris Amyot 1868 [BnF Cote LB56-1958]
« L’intérêt de toute biographie peut se résumer par ces mots : Comment est-il parvenu? »
< p.138 >
Oscar WILDE / Intentions / Œuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« De nos jours tous les grands hommes ont leurs disciples et c’est toujours Judas qui rédige la biographie. »
< p.830 >
Rémy de GOURMONT / Épilogues (3) / Mercure de France 1923
« C’est dans leur œuvre, non dans leur vie, qu’il faut étudier les hommes supérieurs, car leur œuvre re-présente les actes par quoi ils différent, et leurs amours, par exemple, représentent les actes par quoi ils ressemblent. Les jeux de l’instinct de reproduction ne sont pas plus curieux chez Napoléon ou chez Gœthe que chez ce passant obscur qui s’en va en bonne fortune. »
< juillet 1903, p.177 >
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Quand on lit le récit d’une vie "exemplaire" comme celle de Balzac, on arrive toujours au récit de la mort.
Ainsi, à quoi bon? »
< 27 aout 1895 p.223 >
« Lis toutes les biographies des grands morts, et tu aimeras la vie. »
< 29 novembre 1895 p.237 >
Jerome K. JEROME / Arrière-pensées d’un paresseux (1898) / Arléa 1998
« J’aime les anecdotes sur la petitesse des grands de ce monde. J’aime me dire que Shakespeare levait volontiers le coude. Je me cramponne même au récit de cette ultime orgie avec son ami Ben Jonson. Peut-
être l’histoire est-elle apocryphe, mais j’espère que non. J’aime l’imaginer sous les traits d’un braconnier, d’un bon à rien de village, vilipendé par le maître d’école, cible constante des sermons du magistrat local.
J’aime songer que Cromwell avait une verrue sur le nez ; cette pensée me réconcilie avec mes propres traits.
J’aime savoir qu’il mettait des bonbons sur les chaises pour voir les dames élégantes abîmer leurs belles robes ; me dire que sa farce idiote le faisait hurler de rire, comme n’importe quel Dudule de banlieue avec son pistolet à eau les jours de fête. J’aime lire que Carlyle balançait des tranches de bacon à la tête de sa femme et se rendait parfois parfaitement ridicule pour des contrariétés de rien du tout, qui auraient fait sourire un homme équilibré. Je songe alors à la cinquantaine de bourdes que je commets par semaine et je me dis : "Moi aussi, je suis un homme de lettres." »
< p.190 >
BONHEUR
ÉPICURE / Sentences vaticanes / Lettres, maximes, sentences / Livre de Poche (4628) 1994
« Voix de la chair : ne pas avoir faim, ne pas avoir soif, ne pas avoir froid ; celui qui dispose de cela, et a l’espoir d’en disposer à l’avenir, peut lutter pour le bonheur. »
< 33 p.213 >
ÉPICTÈTE / Manuel / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« N’essaie pas que ce qui arrive arrive comme tu veux, mais veux ce qui arrive comme il arrive, et tu couleras des jours heureux. »
< VIII p.1114 >
62
BONHEUR
ÉRASME / Éloge de la Folie / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Mais, dit-on, c’est un malheur d’être trompé. Non, ce n’est pas l’être qui est un très grand malheur. Car ceux qui croient que le bonheur de l’homme réside dans les réalités ont vraiment perdu l’esprit. Il dépend de l’opinion qu’on a d’elles. L’obscurité et la diversité des choses humaines sont telles qu’on ne peut rien savoir clairement, comme l’ont bien dit mes Académiciens, les moins orgueilleux des philosophes. Ou si on peut savoir quelque chose, c’est bien souvent aux dépens du plaisir de la vie. Enfin, l’âme humaine est ainsi modelée qu’on la prend beaucoup plus par le mensonge que par la vérité. Veut-on une expérience évidente et claire ? Qu’on aille écouter le sermon à l’église : s’il est question de choses sérieuses, tout le monde dort, bâille, s’ennuie. Si le braillard, pardon, je voulais dire l’orateur [jeu de mot en latin : clamator, celui qui pousse des cris, et declamator, celui qui déclame = l’orateur] commence, comme il est fréquent, par quelque histoire de bonne femme, tout le monde se réveille, se redresse, est bouche bée.
[...]
J’ai connu quelqu’un de mon nom qui fit présent à sa jeune femme de quelques pierres fausses et la persuada, car c’était un beau parleur, non seulement qu’elles étaient vraies et naturelles mais qu’elles avaient une valeur rare, inestimable. Eh bien, qu’est-ce que cela faisait à la jeune femme, puisqu’elle n’éprouvait pas moins de plaisir à repaître ses yeux et son esprit de la verroterie et qu’elle gardait cachés chez elle ces riens comme s’il s’agissait d’un précieux trésor?
En attendant le mari évitait une dépense, et profitait de l’illusion de son épouse qui lui était tout aussi re-connaissante que s’il lui avait offert un cadeau coûteux. »
< p.52-54 >
« Par les dieux immortels, y a-t-il plus heureux que cette espèce d’hommes qu’on appelle vulgairement bouffons, fous, sots, innocents, les plus beaux noms à mon avis ? Au premier abord, j’ai peut-être l’air de dire une chose folle et absurde ; c’est pourtant rigoureusement vrai. D’abord ils ignorent la crainte de la mort, qui, par Jupiter, n’est pas une petite misère. Ils ignorent les remords de conscience. Ils ne sont pas terrifiés par les histoires de revenants. Ils ne sont pas épouvantés par les spectres et les lémures, ni torturés par la crainte des maux qui les menacent, ni écartelés par l’espérance des biens à venir. Bref, ils ne sont pas déchirés par les mille tourments auxquels cette vie est en butte. Ils ignorent la honte, la crainte, l’ambition, l’envie, l’amour. Enfin, s’ils parviennent à l’inconscience des bêtes brutes, ils ne commettent même plus de péché, selon les théologiens.
Maintenant, sage plein de folie, je voudrais que tu comptes avec moi tous les soucis qui jour et nuit tourmentent ton esprit, que tu réunisses en un seul tas tous les ennuis de ta vie, et tu comprendras enfin de combien de misères j’ai affranchi mes fous. Ajoutez-y que non seulement ils ne font que jubiler, s’amuser, chantonner, rire, mais de plus ils apportent à tous, partout où ils vont, le plaisir, le jeu, l’amusement et le rire, comme si la bienveillance des dieux les avait destinés à égayer la tristesse de la vie humaine. Aussi, tandis que les gens ont les uns envers les autres des sentiments divers, tout le monde les reconnaît également pour des amis, les recherche, les régale, les choie, les entoure, les secourt s’il arrive quelque chose, leur permet de dire ou de faire n’importe quoi impunément. On désire si peu leur nuire que même les bêtes sauvages s’abstiennent de leur faire du mal, les sentant d’instinct inoffensifs. Car ils sont véritablement consacrés aux dieux, en particulier à moi ; ce n’est donc pas à tort qu’on les respecte universellement. »
< p.42 >
Michel de MONTAIGNE / Essais / Garnier 1962
« Les biens de la fortune, tous tels qu’ils sont, encores faut il avoir du sentiment pour les savourer. C’est le jouïr, non le posseder, qui nous rend heureux. »
< t.1 p.293 livre I chap.XLII >
Blaise PASCAL / Pensées / Œuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« La nature nous rendant toujours malheureux en tous états, nos désirs nous figurent un état heureux, parce qu’ils joignent à l’état où nous sommes les plaisirs de l’état où nous ne sommes pas ; et, quand nous arriverions à ces plaisirs, nous ne serions pas heureux pour cela, parce que nous aurions d’autres désirs conformes à ce nouvel état. »
< 167 p.1131 >
BONHEUR
63
« Le sentiment de la fausseté des plaisirs présents et l’ignorance de la vanité des plaisirs absents causent l’inconstance. »
< 170 p.1132 >
« Divertissement : Quand je m’y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.
Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près. »
< 205 p.1138 >
« Le roi est environné de gens qui ne pensent qu’à divertir le roi, et à l’empêcher de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu’il est, s’il y pense. »
< 205 p.1140 >
« Il n’y a que trois sortes de personnes : les unes qui servent Dieu, l’ayant trouvé ; les autres qui s’emploient à le chercher, ne l’ayant pas trouvé ; les autres qui vivent sans le chercher ni l’avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux ; les derniers sont fous et malheureux ; ceux du milieu sont malheureux et raisonnables. »
< 364 p.1183 >
VOLTAIRE / Lettres Philosophiques / Mélanges / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1961
« Pourquoi nous faire horreur de notre être ? Notre existence n’est point si malheureuse qu’on veut nous le faire accroire. Regarder l’univers comme un cachot, et tous les hommes comme des criminels qu’on va exécuter, est l’idée d’un fanatique ; croire que le monde est un lieu de délices où l’on ne doit avoir que du plaisir, c’est la rêverie d’un sybarite. Penser que la terre, les hommes et les animaux sont ce qu’ils doivent être dans l’ordre de la Providence est, je crois, d’un homme sage. »
< p.110 >
VOLTAIRE / Discours en vers sur l’Homme / Mélanges / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1961
«
Un jeune colonel a souvent l’impudence
De passer en plaisirs un maréchal de France.