Ça devient vachement dramatique et frigolien, sans compter que le don de Béru se confirme.

Il y a une résignation bouleversante dans une queue. Des gens qui se rassemblent et se placent en file indienne pour attendre que leur soit accordé une denrée ou un plaisir portent sur leur visage la soumission de l’homme à son destin. On a l’impression qu’à ce moment-là enfin ils se pressentent mortels, eux qui toujours vivent comme s’ils devaient vivre toujours et ne souscrivent des assurances vie que parce qu’elles ne s’appellent pas des assurances mort.

Je mate cette cohorte immobile. Ces bouilles emmitouflées, languissantes dans leur grande patience. Je ne peux me défendre de les admirer. Ces êtres souffrent du froid, de l’engourdissement, d’un gaspillage de temps ; mais ils offrent ces maux à la perspective d’une satisfaction hasardeuse : celle qui consiste à connaître de leur futur. Quelle sottise ! Quelle aberration ! Le seul intérêt de notre avenir est qu’il nous soit mystérieux. Attendre des événements prévus, comme on attend l’arrivée d’un train ou d’un avion, devient une corvée insipide.

Qu’est-ce qui lui prend, au Gros, de chiquer les prophètes ? Un don, par volonté d’être doué, c’est rarissime, non ? Phénomène psychique ? Dépassement de la simple personnalité par projection du moi second sur l’écran de contrôle du neurovégétatif ?

Et pourquoi pas ?

Toujours est-il qu’au moment précis où, depuis le seuil du palace, je considère la merveilleuse queue, raidie dans l’hiver suédois, deux coups de feu claquent.

Du chouette. Calibre surchoix. Pas du tout de l’agace-bidoche, mais du truc à composter les couennes pachydermiques.

Ce genre de bruit est éloquent pour les portugaises d’un royco. En plus, dans le froid, il se définit parfaitement. C’est vachement porteur d’ondes hertziennes, l’air glacé. Les décibels glissent là-dessus comme un agent ne peut pas glisser sur une merde : il a le pied marin. Disons, en ce cas, un facteur.

J’ai un double réflexe, ce qui n’est pas si mal pour un garçon qui n’a qu’un traitement d’officier de police. Je regarde, primo en direction des coups de feu ; deuxio les conséquences de ceux-ci.

Un peu de fumaga grise tournique autour d’un fenestron situé au quatrième étage de l’immeuble d’en face.

V’là pour la première constatation.

Pour ce qui est de la seconde, je m’avise d’un remous dans la file naguère immobile. Je fonce. Un corps est allongé sur le trottoir, la tronche au-dessus de la chaussée. L’intéressé a effacé les deux pralines. La première lui a fait sauter la boîte crânienne au niveau de l’occipital (qui se fout de la charité), la seconde est allée se ficher dans son buffet, là où un individu normal remise son portefeuille et son oreillette gauche.

Pas besoin de faire appel aux miroiteries de Saint-Gobain pour constater que l’individu est mort.

Pauvre cher Maeleström, c’est plus maintenant qu’il bouffera de la merde.

A moins qu’on ne l’inhume dans une fosse d’aisance.

Je lui décoche une pensée compatissante qui ne modifie en rien sa condition nouvelle, et je me précipite vers l’immeuble voisin.

Il s’agit d’une étroite construction, coincée entre une église et un jardin public (le Skondmesmeergarden). Classée monument historique, sûrement. Ça date du 17 t’ième cercle polaire un machin pareil, avec des fenêtres à moluscrates disparates et des entrechoucrins en croix, tu parles ! Qu’est-ce que je débloque, moi : du 16 z’ième arrondissement au moins, si même c’est pas du 15 z’ième !

Une porte cloutée, qui n’est pas d’époque, mais en pin du nord, défend l’accès de cette relique de briques et de broc. Munie d’un fort judas. Un sexe masculin, en bronze, pourvu de ses deux compléments directs d’objet, sert de heurtoir. Lorsqu’on le laisse retomber, après l’avoir soulevé auparavant, bien entendu, il percute une seconde sculpture représentant un sexe féminin.

Je me dis confusément qu’il doit s’agir de la demeure d’un gynécologue.

Une voix retentit ; en provenance d’un parlophone logé dans le montant de la lourde, que je n’avais pas remarqué.

Une question m’est posée, dont je ne puis connaître le sens précis, mais que je pressens relative à mon identité.

— Police ! réponds-je.

La porte s’ouvre.

Me voici seul dans un étroit couloir aux murs tendus de satin cramoisi et qu’éclaire un petit lustre hollandais. Au fond du couloir, un escalier garni d’un tapis rouge et dont la rampe est gainée d’un velours de même couleur. Sur les murs, des gravures XVIIIe, dans des cadres dorés, représentant des scènes galantes.

Personne.

Je grimpe l’escalier.

Au bout de huit marches, il tourne à gauche. Je constate alors qu’il déboule dans une douillette antichambre élégante et feutrée. Une grosse dame se tient au sommet, qui m’attend, les sourcils froncés. Malgré l’heure peu avancée, elle porte une longue robe d’hôtesse en lamé et, sur les épaules, un long châle que je te vais qualifier d’arachnéen sans qu’il fasse un pli.

J’ai exagéré dans la modération, en te disant que la dame est grosse. En fait, elle est énorme. Tiens, mettons obèse et parlons-en. Une vraie vache surmenée par sa maternité et qui aurait bouffé des choses fermenteuses. Vue d’en bas, tu croirais une montgolfière. Elle est brune, avec un large visage fardé blanc dans lequel les yeux aux cils tressés et la bouche écarlate en forme de cœur se découpent comme sur un masque indonésien.

Elle me regarde monter à elle comme un bourreau du Moyen Age verrait se pointer un condamné alors qu’il vient de briser le manche de sa hache.

Elle me cataplasme une phrase dans laquelle entre le mot police.

Je lui demande si elle parle anglais.

Elle me répond « yes of course ». Puis démarre dans une vertueuse diatribe dans laquelle il est précisé que son bordel est le plus sélect de Stockholm. Qu’elle y reçoit des gens du meilleur monde. Que jamais la plus chétive vérole n’y fut contractée. Que ses pensionnaires sont radioscopées et munies de seize vaccins avant de pratiquer chez elle. Que sa réputation dépasse les frontières, vu qu’il lui vient de hautes personnalités du monde entier, y compris de la Principauté de Monaco. Que la famille royale (côté mâles) fait de fréquentes incursions en ce lieu. Et que quand elle reçoit de la police, c’est sous forme de hauts dignitaires venus ici pour se détartrer le glandulaire.

Là-dessus, force lui est de reprendre souffle, étant donné son embonpoint qui dérape en asthme.

Je profite de ce qu’elle pompe l’air pour lui annoncer que quelqu’un vient de tuer un autre quelqu’un à coups de fusil, depuis un fenestron de son quatrième étage et je lui demande si le vétuste immeuble comporte une autre issue.

Au lieu de me répondre, elle s’évanouit.

Je m’écarte pour la laisser perdre connaissance sans être happé par l’avalanche.

Un élan : je la franchis (affranchie, elle doit l’être déjà, ça ferait double emploi). Deux grandes portes prennent (ou donnent suivant de quel côté on se place) sur l’antichambre. J’en pousse une d’un coup de pied, l’autre d’un coup de poing. Je mate à gauche et à droite. A gauche, c’est un grand salon dans lequel une tripotée de sirènes élégamment fringuées boivent du café en devisant.

A droite, un deuxième escalier mène au premier.

Je m’élance, le gravis quatre à quatre, pour accéder à un palier où s’ouvrent deux portes sur chacune desquelles est peinte une fleur. Je commence par la pensée. Ce faisant, je peux voir, sans bourse délier, celles d’un vieux monsieur à barbe blanche.

Il se trouve en compagnie de deux dames. L’une le tient par les chevilles, comme on empoigne les mancherons d’une brouette. La seconde, bottée de cuir (elle n’a pas d’autres vêtements) le frappe avec un fouet pour le forcer d’avancer sur ses mains ; ce dont l’aimable vieillard s’acquitte en poussant des aboiements.

J’ouvre la porte comportant une marguerite.

Deux jeunes gens à têtes de veau et à queues d’âne opèrent leur jonction par l’entremise (c’est le cas d’y dire) d’une jeune femme hébergeante qui devrait, selon toute logique, s’appeler Philippine.

Je leur dis « excusez-moi, m’sieurs-dames », et je les laisse se concentrer.

Troisième étage. Deux autres chambres.

Dans celle du coquelicot, y a un notaire chauve, vêtu d’une chemise de nuit de femme et de bas noirs, assis sur les genoux d’un marin. Il est très fortement maquillé. Une musique douce achève de créer une ambiance capiteuse. Je leur souris et les quitte pour visionner la chambre de la tulipe.

Elle est vide. Je regarde néanmoins sous le lit à baldaquin : nobody !

Voyez quatrième étage : sport, meubles de jardin, cycles, barbecues !

C’est le terminus de l’immeuble. Une espèce de galetas-musée plein de sommiers démantelés, d’accessoires de torture, de tables pour examens gynécologiques, de martinets, de cilices. La petite fenêtre est ouverte. Le local sent la poudre. Je vais couler un œil dans la rue. J’avise une voiture de police en stationnement devant l’hôtel. Un essaim noir cerne le cadavre de Maeleström.

Outre la fenêtre, le grenier comporte une seconde ouverture : genre tabatière. Ouverte également. Un escabeau est placé dessous. Je l’escalade. Le toit enneigé est immaculé. Le meurtrier, s’il a voulu faire croire qu’il s’est barré par cette voie, en est pour sa mise en scène.

Je dévale jusqu’en bas.

Mme la Vachasse a repris ses esprits. Entourée de belles récréatures, elle leur explique ma visite.

Hurle en me voyant.

Hésite à se révanouir. Mais on sonne et des flics en uniforme se pointent, la bouille rouge comme des véroles pas soignées. Ils gueulent en parlant, ou plutôt expriment des questions en gueulant. La grosse poupée de satin me désigne à leur vindicte. Les archers me sautent sur le poiluchard et j’ai toutes les peines du monde à les convaincre de mon innocence. Heureusement, ma carte de police et mon prix Nobel de lis tes ratures, les convainquent et les font devenir mes alliés.

Ces messieurs et moi-même tenons un bref conciliabule duquel il ressort que le meurtrier, lui, n’est pas ressorti. Impossible. La neige vierge sur le toit exclut toute possibilité de ce côté-là. Et la vachasse satinée affirme très haut que personne n’est parti de son claque depuis mon arrivée (son évanouissement n’ayant duré que quelques secondes (et encore j’exagère), elle est formelle.

Nanti d’un noir culot, bien que me trouvant sur sol étranger, je prends la direction des opérations. Faut dire que dans la police, y a une magie de « l’en civil ». C’est juste le contraire de l’armée. Un flic en uniforme passera toujours pour un bagagiste aux yeux d’un flic loqué par Sigrand. Alors moi qui le suis par Lapidus, tu juges de l’éclat !

Je donne mes ordres aux bourdilles suédois, exactement comme je le ferais à Paris à des collègues de commissariat de quartier.

— Surveillez l’issue. Rassemblez tous les occupants mâles et fumelles de la taule dans le grand salon. Fouillez partout pour retrouver le fusil. Prévenez un mec de votre laboratoire afin qu’il pratique le test de la paraffine sur les gens qui se trouvaient dans la taule au moment du meurtre.

Tu les verrais m’exécuter le désir.

Ces messieurs te vous branlent bas le combat que c’en est une bénédiction.

Bientôt, parmi les gonzesses très superbes et un peu sublimes qui jacassaient en attendant leur tour de passe-passer, v’là le notaire chauve et sa chemise de noye, le vieux barbu qui faisait la brouette à dix doigts, v’là les jeunes gens à tête de veau, qui se sont retirés du centre d’hébergement de leur partenaire, et puis y a de même le petit mataf de la flotte royale qui servait de tabouret au tabellion. Ces messieurs penaudent. Le bordel’s man, tu l’auras observé, est un peureux qui n’a de hardiesse que dans l’assouvissement de ses désirs.

Sitôt que ceux-ci sont satisfaits ou interrompus, il n’a qu’une idée : réintégrer son honorabilité et se faire oublier. C’est pourquoi, rien ne contriste davantage un « habitué » que d’être privé de ses habitudes, surtout par la gent policière (et non pas « l’agent policière », comme j’en ai vu qu’écrivaient).

Je prends les paluches de ces gentlemen et les hume.

Leurs doigts sentent tout ce que tu voudras, mais pas la poudre. De plus, ils se portent garants les uns des autres. Les radasses fouetteuses jurent que le vioque à barbiche était en action depuis vingt minutes. La fille aux veaux que ses partenaires l’obstruaient depuis un quart d’heure, et le notaire « cajôlait » le matelot depuis un laps de temps égal ou du moins presque équivalent, comme dirait Béru.

Tiens, à propos…

Je réclame le bigophone.

J’obtiens et sonne le Thalerdünbrank-Palace.

Ça effervesce vachement dans l’hôtel. Nonobstant le calme nordique, rappelle-toi que j’entends des chiées d’exclamations toutes plus gutturales l’une que les autres. Tout le monde s’en prend à chacun de ce qui arrive. J’en frissonne. Par moments ça m’accable, l’honneur d’avoir toujours et sans cesse affaire à des hommes. Des hommes cons ou malins, de gauche, de droite, de peur, de courage, de merde. Des hommes repus ou affamés, malades ou insolemment bien portants. Si harassants à fréquenter. Si minables ! Ah, oui, que j’en crève chaque jour, chaque heure, d’une grande et louche honte héréditaire. Que j’en regrette mon passage sur cette terre de chiotte. Que les pieds m’en blessent de fouler cette pelouse de simagrées. Gauchards, fachos, étiquetés, empafés profond, apostocoliques, scatoliques romains !

Youpins pourchassés, enguerriers blondis sous le pamplemoussier ! Ricains pourris à l’os, dégoulinants de nixonneries water-closed et gate ! Gens de l’est d’Aden et de plus loin ! Noirs rebiffeurs ! Crèmes de crêpes de brouillons de lavements. Sanieux-Trônants sur leurs hémorroïdes, ce siège de leur amour-propre. Chieurs de sottises et d’excréments. Beaux vanneurs. Cons confiants. Ces infâmes perdeurs de dents et de tifs. Ces ventripotents sans oreilles ! Ces mal greffés, ces rejets d’eux-mêmes ! Ces autovomis ! Ces balivernes à médailles. Ces à quel-titre-je-me-le-demande ! Tant d’impudeur. Tant d’infamies ! Gratteurs de morpions, bites-aux-vents-mauvais-qui-ne-les-emportent-ni-assez-vite-ni-assez-loin ! Crevures en crevage ! Pétroleurs ! Poils à ma zoute ! Fous-triqueurs en débandade ! Branlette de morue ! Foirade ! Morts à petits pas ! Déterrés de ventre ! Assassins ! Tous, arracheurs d’yeux, de couilles et de rêves ! Misérables punisseurs !

Que de haine, mon Dieu, mon pauvre nom de Dieu de bordel de Dieu ! Que de flétrissures. Ah, que vienne le temps de l’abîme que je m’y repose ! Que j’aille y roter ma chienne de vie ! Que mon âme s’y emputride en plein dans un lointain silence.

Qu’est-ce que je bonnis-là, moi !

Le coup de rogne, toujours. Intermittent, mais endémique.

Il m’empogne, me poigne. M’explose.

Je vole en éclats de chiasse. Fasse le ciel que tu en reçoives dans l’œil, cloporte. Puceron du pou de la puce, comme dit Cohen ! Promeneur d’étrons ! Faux malin ! Dérisoire marcheur qui glisse dans sa vase malodorante. Mangeur de cloaque !

Je réclame le mage.

Urgent ! Police ! Quick ! Fissa ! Schnell !

On me le promet, tant ma demande est impérieuse, tant elle est impériale !

— Mouais, c’est à propos de quoi t’est-ce que ? s’inquiète bientôt Bérurier.

— Dites, madame Irma, l’attaqué-je, vous qui lisez dans l’avenir, comme dans le France-Soir d’hier, vous ne pourriez pas me dire qui était l’assassin et où il est passé ?

Le Mastar se ramuqueuse la glotte.

— Ça n’a z’été qu’une impression fugitive, Mec, s’excuse prudemment Nostrabérus.

— En somme, tu as ressenti quoi ?

— J’avais un client, marre-toi pas : le chef de la police.

— Hein, pardon ?

Il répète.

— Le catalogue suédois du Vieux, comme qui dirait. Y s’est radiné avec son chèque-liste d’affaires en rideau. Y’ m’ demandait si je verrais pas par hasard les solutions de ses problèmes. Tiens, entre outre, not’ gus. Je me suis fendu la cerise. Tu parles que si je pourrais retapisser ce gentelman dont nous recherchons, je m’aurais pas amusé à mater les paluches de tout Sherlostockholm. Et comme je me poire, v’là qu’il me mugit comme une sirène dans la tronche. Mon guignol cabriole. Je vois de la fumée et du sang, beaucoup de sang… C’est tellement vif que je t’hèle. Et pis v’là que j’avais eu un pressentiment corrèque. Tu sais que je vais mouler la rousse, ou bien exiger que le Dirluche fondasse une brigade d’estralucides dont je dirigerai. Des dons pareils, ça se cultive, quoi, merde. A France-Dimanche, on me filerait une fortune pour que j’exerçasse.

— Attends, ne bavarde pas…

Il s’indigne.

— Mince, elle est raide, celle-là ! Je bavarde, moi ? Mes prédilections, il appelle ça du bavardage !

— Tu sais qui a été tué ?

— Un vieux gus, m’a-t-on raconté ?

— Maeleström !

— Le bouffeur de merde ?

— En personne.

Un silence.

— Je pige, fait-il sobrement.

— Que piges-tu, coucourde ?

— Tout, répond avec un maximum de simplicité mon remarquable camarade. Ecoute le topo, Sana. La pube qu’on a faite ici sur mes prédilections est parvenue aux oreilles de Borg Borïgm. Il a compris que Maeleström allait venir me consulter, car il savait que le bouffeur de chiasses voulait bsolument le retrouver. Que c’était cela qu’il allait me demander et rien d’autre. Alors il a craint que je pusse révéler sa planque. Il est venu s’embusquer pour guetter Malalestom. Ce matin il l’a retapissé. Puis flingué. Et moi, quand le chef-poulard m’a cité le blaze à Borïgm, j’ai eu la vision de ce qui se passait. En somme, veux-tu que je te dise ?

— Voui, je veux.

— C’était pas la queue de mes clients qu’il fallait surveiller, mais le trottoir d’en face. T’as raté le coche, gars. Et un coche pareil, crois-moi, il repassera pas de sitôt dans les parages. C’était pas un arrêt fixe…

Il dérape en ricaneries si malodorantes que je lui raccroche à l’ouïe. Du plus fort que je peux pour lui froisser le tympan. Mais tu penses, avec l’épaisseur de poils qui lui matelasse les feuilles, Césarin, il est paré pour le grand fracas.

Les déclarations du faux mage (de tête) me laissent songeur.

Tu trouves que je débloque avec ce polar, fiston ? Tant mieux. Chicane pas ou je t’en situe un prochain à Lourdes, pour t’offrir une monstre miraculade en couronne. Le cas Béru, tu le trouves excessif ? Tu sais pourquoi ? Parce que dans ta tronche, c’est tout en courants d’air. Ton cerveau, c’est un anus, il ne pense pas, il pète. Tu nies ce qui te dépasse. Donc, tu ne crois qu’en toi, c’est-à-dire en rien, à rien. Qu’on mette un pied dans la marge et tu gueules au violeur ! Béru est digne d’un don. Ding ding dong ! Alléluia ! Et puis après ? T’es le premier à expédier tes cinq sacotins à la mère Soleil pour qu’elle te peinturlure le futur en rose cucul-la praline, hé, foirade ! Le premier à te faire tirer les cartes plutôt que la tige ! A prendre une respiration d’asthmatique sitôt qu’un pelou quelconque se penche gravement sur ta cradingue paluche et hoche la tête devant tes lignes groupées.

Parfaitement, il a un don momentané de voyance, mon Béru. C’est son droit le plus absolu, et j’t’enfichtre, te foutraille, t’édicule le groin, banane ! Que si t’es malcontent, tu peux laisser tomber ton calbute et ramasser des pâquerettes en attendant le triste vouloir d’un bouc privé.

Les déclarations, donc, du grand Béru me laissent songeur.

Je me dis que de deux choses l’une.

Alors je choisis l’autre et je prie la mère maquerelle de m’accorder un instant d’entretien entre quatre yeux dont deux m’appartiendraient. Elle y consent.

Véhicule son lard jusqu’à une sorte de boudoir qu’elle remplit presque de sa seule personne. Empare un chausse-pied dont elle utilise habilement pour couler son monstrueux cul dans un fauteuil de dimensions normales. Elle attend, anxieuse. Son souffle fait un bruit de rasoir à manche dont on repasse la lame sur un cuir (si tu ne vois pas ce que je signifie là, passe-moi outre, on n’a pas de temps à perdre). Ses yeux écarquillés par les fards, sa bouche en cœur, ses joues blanches, son cou large comme une poubelle s’organisent pour me mijoter un cauchemar la nuit prochaine.

En plus elle cocotte, la poule. Un parfum distillé dans une conserverie de saumons, on dirait. Avec un peu d’essence de violettes de Parme par-dessus pour tenter de cacher la merde au chat.

J’en prends mal au cœur.

Je demande la permission d’allumer un cigare. Elle dit qu’ voui. J’enflamme un Davidoff numéro 2, plus pratique pour le voyage. Ensuite je contemple la mère Bourremiche à travers ma fumée à dix balles (anciens) la volute.

Elle pétrit un collier en je ne sais quoi d’authentique : des grosses boules violines, serties dans une monture d’or. Ça fait glingue glingue, comme quand elle exécute une pogne à un arthritique bourré de calculs.

Je continue de la fixer.

Elle se trouble, tel un ciel d’été dans une zone industrielle un lundi matin.

— Oui ? Elle se met à m’encourager. Oui ? Oui ?

Je la laisse piailler. Ma fumée emplit la minuscule pièce. On se voit trouble. J’y gagne.

Comme je m’obstine à la boucler, la dondon se risque.

— Que me voulez-vous ?

— Vous le savez bien, je lui réponds.

Elle linotte de la coiffe.

— Mais non, mais non ! elle dit.

— Mais si, mais si, que je lui réponds.

Ça pourrait durer longtemps.

Les vraiment gros, tu l’auras peut-être observé malgré tes nombreux handicaps, sont incapables de réprimer leurs angoisses ; quand quelque chose leur obnubile le citron, faut qu’ils se le bicarbonatent.

— Je ne sais pas ce que vous me voulez, monsieur ! On dirait que vous me soupçonnez de quelque chose. C’est injuste. J’ai une réputation solide à Stockhohn.

Et la v’là qui me retartine avec son claque prestigieux, où depuis plusieurs lustres on pratique des coïts académiques, des copulations de race, des fornifications dignes de la romantique Rome antique. Des sangs et des foutres bleus s’y échauffent et déversent. Elle est unique, Mâme la bordelière. Privilégiée ! Protégée de partout. Elle a rien à redouter. Y a que la mort qui pourrait la faire chier, et encore elle se demande… Ses précautions sont si tellement bien prises. Elle a tant su s’entourer, sélectionner, se prémunir que, non, franchement, elle peut rien craindre de personne.

Lorsqu’elle a conduit ses poumons aux confins de la surchauffe, j’entre en piste.

Y a de la cendre de cigare tout autour de moi, mais c’est bonnard pour les moquettes.

— Vous avez entendu parler de M. Gustav Maeleström ? je questionne à mine de rien recueillie.

Elle couine un : « Naturellement ! » qui, pour être proféré en anglais, n’en est pas moins virulent, vu que l’anglais, quand tu sais t’en servir, eh ben mon vieux, je te jure que t’arrives à exprimer avec ! C’est pas ma langue de chevet, note bien. Mais pour la notice explicative d’une Rolls, moi, ça me suffit.

— Petite madame, savez-vous que c’est lui qu’on a assassiné depuis votre paradis à étages ?

Elle en reste comme deux couronnes suédoises de flan.

— Maeleström ! Maeleström ! répète-t-elle à loisir sur l’air de malédiction, ou de Waterloo, morne plaine.

— Oui, Maeleström, reprends-je avec force, vigueur et gesticulation adéquate et concomitante. Maeleström, madame, juré au prix Nobel ; ami personnel et presque intime du roi Pilaf. Maeleström, riche châtelain, bienfaiteur des arts, fondateur du plus grand musée scatologique du monde. Maeleström, gloire de toute la Scandinavie ! Assassiné, madame. Tiré comme un caribou (de ficelle) d’une fenêtre de votre merveilleux bordel. Ah ! craignez, madame ! Craignez les conséquences d’un tel acte qui risque de ruiner votre florissante maison si imparfaitement close, hélas, qu’on y peut tirer des coups jusque dans la rue. N’ajoutez pas à l’horreur d’un tel acte le poids effrayant d’un mensonge. La lumière sera faite ; prenez garde, madame, qu’elle vous aveugle !

J’attends qu’elle essuie ses larmes avec la pointe d’un mouchoir d’Adolf (y a pas de Baptiste en Suède).

Et je poursuis.

— La femme au grand gros cœur que je vous présume s’est peut-être laissé abuser un instant, mais l’intelligence qui brille en ses yeux est garante de sa raison. Voilà pourquoi elle apportera un concours complet, franc et massif, aux enquêteurs, sans détours ni faux fuyants, parce que la logique le lui dicte et qu’on ne triche pas avec la logique.

Elle en peut plus, poupette.

S’écroule.

S’écoule.

Cause.

Oh, certes, cela ne vient pas sans mal. Faut les forceps. Les démonte-pneus. D’ultimes exhortations. Des démonstrations de coordination. Des aupiedumurs sentis, impeccables. De belles brillances de l’esprit pour lui fulgurer sur le mental.

— Vous vous êtes évanouie, madame, lorsque je vous ai appris la vérité, preuve que celle-ci vous causait un choc profond. Preuve qu’elle vous concernait. Alors, n’attendez pas demain, baillez dès aujourd’hui les causes de l’aveu, vous qui donnez les pines aux roses.

— Je ne pouvais prévoir un aussi grand malheur, alexandrine-t-elle.

— Qui aurait pu le prévoir aurait su l’éviter ! réponds-je à cloche-pied (douze pour les dames).

— Quelqu’un est arrivé, hier, de fort bonne heure.

— Et ce quelqu’un, madame, c’était ?…

— Un vieux curé.

— Un prêtre, dites-vous ! Vêtu de sa soutane ?

— Il avait enfilé un manteau par-dessus.

— Et il vint se damner, en triquant comme un âne ?

— Non. La paix l’habitait, dessous son pardessus.

— Alors, que faisait-il, en ces lieux voluptueux ?

— Accomplir, me dit-il, une mission étrange.

— Un missionnaire chez vous ! Et pourquoi faire, grand Dieu ?

— Certes il vient des curés, quand l’envie les démange.

« Ils accourent en civil, étant civilisés.

« Mais d’en voir surgir un, aussi sacerdotal.

« M’impressionna si fort que j’en fus médusée. »

— Et que voulait, madame, ce prêtre peu banal ?

— User de ma fenêtre du quatrième étage.

« Ayant dans cette rue, des gens à observer,

« Des gens qui font la queue pour consulter un mage,

« Il redoutait d’en voir qui appartinssent au clergé.

« Il agissait au gré d’instances ecclésiastiques

« Et il avait la mine d’un parfait religieux,

« Parmi ces réformés, moi je suis catholique,

« Et ne puis refuser de montrer une queue.

« Car la prostitution engendre l’habitude

« Lorsqu’on vend de l’amour aux mâles en chaleur.

« On se sentirait trop empli de turpitudes

« En privant d’une telle queue un homme d’un tel cœur.

« Je ne crois pas, monsieur, aux sciences occultes.

« Je fais mes pâques à Pâques, et Noël aux buissons.

« Je réserve quelques passes à mon denier du culte

« Et fais la guerre à qui n’a guère de religion.

« Aussi, quand un curé, pour le bien de l’Eglise

« Débarque en mon bordel et se met à genoux

« Que voudriez-vous donc, monsieur, que je lui dise

« Sinon qu’il est chez lui, lorsqu’il est chez nous. »

A peu de chose près, c’est ce que me dit la grosse poupée bordelière, mais dans un style beaucoup moins direct et en anglais. Ce bon père, soucieux de contrôler, prétendait-il, les faiblesses spirituelles de jeunes prêtres éventuellement attirés par la renommée de Nostrabérus, a demandé l’aumône d’une fenêtre. Il marchait avec la jambe raide. Tout de suite, la chérie a cru qu’il charriait un tricotin monumental. Mais comme le religieux dépêché en croisade n’exigeait qu’une croisée, elle en a déduit que cette patte non pliable résultait de quelque accident lointain ou arthrose récente. Elle le conduisit au quatrième. Il y passa la journée de la veille, revint ce matin…

— Et où est-il présentement ? demandé-je avec une dure insistance.

Elle se ramone le corgnolon.

— Eh bien…

— Allez-y, j’écoute.

— Le prêtre m’avait demandé si nous ne disposions pas d’une issue secrète.

— Et c’est le cas ?

Elle bat des cils, ce qui produit un bruit de canari sautillant sur le plancher de sa cage.

— Où, cette issue ?

— Le lit à baldaquin de la chambre « tulipe » pivote, découvrant une porte qui communique avec le temple voisin.

Je la prie de me montrer.

Elle m’initie volontiers aux issues (des pieds) secrètes de sa maison.

Me voici faufilé en un étroit conduit aux marches brèves, obscur, salpêtreux.

Passionnant, non ?

Non ? Alors c’est que t’as pas le goût du mystère !

Je gravis ces menus degrés qui décrivent un angle vénérable, vu qu’ils sont au nombre de 45.

L’obscurité cesse lentement pour le céder à un jour gris et poussiéreux. Je finis par aboutir dans un local morose qui se trouve être le galetas du temple.

Des pigeons y roucoulent en grand nombre et à loisir. Ils s’envolent lorsque je déboule, avec des toiles d’araignées dans les cheveux.

Je m’approche d’un escadrin de bois qui, lui, descend (il ne monte que lorsqu’on arrive du bas). Comme je m’apprête à le dégravir, j’aperçois un petit tas sombre, de forme cylindrique, près de la rampe.

Le cramponne.

T’as deviné, bravo, il s’agit bien d’une soutane.

Evidemment, un gus en curé pouvait difficilement passer inaperçu dans un temple.

J’essaie d’enfiler le vêtement. Il est infiniment trop petit pour moi, preuve que l’assassin n’est pas un mastar. Dans une poche, je trouve un petit ticket vert sur lequel des choses sont écrites en suédois (c’est une manie qu’ils ont dans ce pays, d’employer cette langue, alors que le français est tellement commode que, chez nous, le dernier des cons parvient à se faire comprendre en l’utilisant).

Je coule le chose dans ma fouille projetant de le faire traduire incessamment par la môme Eggkarte.

Un truc me perplexe le mental : le fusil. Qu’en a fait le meurtrier ? Tu le vois débouler dans la rue avec son flingue en pogne, toi ?

Je mate scrupuleusement les abords, mais sans succès, et je dévale dans le temple.

La chance fait comme l’abbé machin ; elle me sourit. Figure-toi qu’un type en blouse blanche est occupé à réfecter une paire de fresques en sifflant « Mammy blues ». Ça représente une scène biblique. L’arche de Noë. On dirait une affiche du cirque Jean Richard. Tu verrais embarquer la girafe, tu te poilerais.

J’interpioche le barbouilleur d’hippopotame.

— Please, sir !

C’est un gars brun, avec des yeux bien sombres et des boucles brunes sur le front.

Il me dit, en italien, qu’il est italien.

Un frangin !

La converse s’engage dans le dialecte du Dante. Oui, il est là depuis longtemps. Il vient de Florence pour redonner l’éclat du neuf à Noé et à son cheptel. Un spécialiste. La fresque c’est délicat. Faut y aller menu, coller de la gaze, mouiller le plâtre. Un vrai documentaire il me déballe, toute affaire cessante, content d’avoir dégauchi un interlocuteur aussi chaud latin que lui. Il se pèle, dans ce bled. Il aime le poisson frit, lui, pas le fumé. Le chianti rosso, pas l’akvavit.

Il me demande d’où je sors, ne m’ayant pas vu monter. P’t’-ête que je suis passé devant son échafaudage pendant qu’il lancebroquait ?

— Quelqu’un d’autre que moi est entré et sorti, n’est-ce pas ? parviens-je à l’interrompre.

— La dame ?

Mon tour ne fait qu’un sang.

— Une dame ?

— La vieille ?

— Quelle vieille ?

— Elle grimpe là-haut depuis deux jours, hier elle y est restée toute la journée. Elle avait une boîte à musique…

Le gag classique de l’étui à violon. Un gangster et un violoneux c’est fait pour s’entendre, tu ne trouves pas ? Qui te dit que Menuhin ne joue pas de la mitraillette, en réalité ?

— Elle est comment, cette dame ?

— Pas grande, les cheveux blancs, des lunettes à verres bleus.

— Attendez, ami, vous permettez…

Je pris l’un de ses fusains et traçai sur le carreau du temple un pif comme celui de Borg Borïgm, c’est-à-dire sans cloison médiane.

— N’avait-elle point le nez ainsi fait ? demandai-je non sans quelque anxiété.

Le peintre en ménagerie hocha la tête.

— Exactement, vous la connaissez ?

— Presque. Elle était habillée comment ?

— Un tailleur gris, un manteau de fourrure noire, ouvert.

Il joignit ses sourcils méditerranéens pour s’inquiéter :

— Qu’est-ce que vous lui voulez donc ?

— J’ai des renseignements à lui demander.

Sa physionomie était devenue hermétique, ce qui fait toujours triste chez les Italiens aux visages tellement expressifs que, pour eux, parler est du superflu.

— Vous ne seriez pas flic, par hasard ?

J’eus la présence d’esprit de lui virguler un clin d’œil polisson.

— Y a flic et flic, ami.

Là-dessus, je pris un grand congé de lui après lui avoir offert un Davidoff qu’il déposa avec onction sur le rebord d’une corniche en m’affirmant qu’il le fumerait ce soir, dans l’une des pizzarias de la ville.

Je quittai le temple assez satisfait de moi. En très peu de temps, ne venais-je point de découvrir que Borïgm était le meurtrier de Maeleström ? Et qu’il se transformait avec une grande aisance, soit en dame, soit en prêtre. Signe particulier : il se déguisait en vieille dame ou en vieux curé, ce qui me donnait à penser qu’il se réfugiait, depuis son évasion, sous les traits d’un vieillard. Probablement de sexe féminin.

Toutes les polices recherchaient un type blond, de trente et des poussières. Alors que, j’en aurais donné ma tête à sectionner, le fugitif se placardait sous l’aspect d’une très vieille autant qu’honorable dame.

Pensif, je regagnai le Thalerdünbrank Palace où l’animagitation était à son comble. Le super-inspecteur Sördmongardensinonchtambrök, un grand gueulard presque roux et tout à fait con, poussait des hurlements contre Bérurier qu’il accusait d’être un fauteur de troubles et de désorganiser la vie paisible de Stockholm. Fidèle à ses fonctions de traductrice bénévole, Eggkarte traduisait tant bien que mal les invectives.

Le Gravos les écoutait d’un air soucieux.

Lorsque le flot lui fut restitué en bon français, il hocha sa forte tête habitée et, d’un geste fulgurant, prit la main du policier. Son regard couleur de soir d’été s’anéantit derrière ses paupières de sécurité.

— Mec, fit-il, t’es marrida à une grande vachasse blonde qu’a des nichons de cinq kilos pièce. Vous avez un garçon et une fille. Vous habitez le sixième étage d’un grand immeuble rose en bordure des environs d’un parc. Vous possédez un clébard de race que j’ sais pas, mais qu’est gros avec des pattes de basset et des étiquettes traînantes, exaguete ou nonne-exaguete ?

Eggkarte traduisit.

Le super-inspecteur Chose-truc-comme-je-vous-l’ai-déjà-écrit-plus-haut-que-ça-suffit-une-fois-un-nom-pareil-tu-parles marqua une intense stupéfaction et convint que les dires du mage correspondaient parfaitement à la plus réelle des réalités.

Sur quoi, Alexandre-Benoît Bérurier, dit Béru, dit le Gros, dit le Mastar, dit Pépère, dit Sa Majesté, reprit la parabole en ces termes galants :

— En ce moment que tu fais tes magnes, mon pote, ta mégère est en train de se laisser cuponcter en levrette par un petit jeune homme à lunettes qu’a même pas quitté son pull à col roulé, ni même ses souliers. Y s’tiennent au bord de ton plumard que le couvre-lit représente un paon en train de faire la roue. Elle gueule si fort que ton cador aboye dans la salle de bains où qu’ils l’ont enfermé pour pas qu’y vienne leur carrer sa truffe dans l’oigne au moment psychique. Le petit gus à besicles donne des cours de piano à vot’ fille, dont laquelle a été espédiée en courses par sa mozeur.

« En te remuant la besace, t’arriveras pas avant que le copain ait chopé son foot vu qu’il est sur le point de larguer les amarres, mais p’t-être que t’auras l’honneur de lui voir reboutonner sa braguette, ce qu’est mieux que rien. »

Nouvelle traduction d’Eggkarte qui se retint de ne pas pouffer. Un violent éclat de rire secoua l’assemblée de bourdilles et autres assistants. Le super-inspecteur brandit un poing velu sous le nez de Béru en hurlant des menaces.

— Confonds pas, collègue, riposta calmement l’Honorable, j’ sus pas professeur de piano, moi !

Comme les rires enflaient, ruinant l’autorité du bonhomme, ce dernier prit le parti de foncer jusqu’à son domicile, lequel, grâce au dieu des cornards, était peu distant.

Alors je présentai le papier vert à Eggkarte qui m’apprit qu’il s’agissait d’un ticket de parking.