Cet été-là, elle ne reçut aucune lettre d’Ovila. Elle lui écrivit à plusieurs reprises, passant sous silence les minutes qui avaient précédé son départ, préférant lui décrire les faits anodins qui assaisonnaient ses journées et celles des enfants. Elle lui raconta, entre autres, qu’elle avait rencontré Alma, cette jeune pensionnaire qu’elle avait hébergée avec Antoinette après l’incendie du couvent. Elle ajouta qu’il ne l’avait jamais rencontrée, puisqu’à ce moment, il était parti aux chantiers. Elle lui parla de Félicité qui semblait de plus en plus décidée à quitter le vieux bien pour que Ti-Ton et sa nouvelle épouse puissent y élever leurs enfants sans la présence d’une vieille toute craquante de rhumatismes. Elle terminait chacune de ses lettres en lui disant que sa grossesse allait toujours aussi rondement — ce qui n’était pas une figure de style — et qu’elle croyait bien que l’été de 1917 serait le dernier qu’elle passerait à Saint-Tite, surtout si sa mère allait habiter chez Éva au lac à la Tortue. Elle écrivit enfin sa dernière lettre pour lui indiquer la date de leur retour et lui dire qu’elle et les enfants avaient terriblement hâte de le voir.

Ils attendirent une heure à la gare avant qu’Émilie ne décide de rentrer à la maison par les transports en commun. Ovila avait dû avoir un empêchement.

«Je suis donc dans la lune! Votre père m’avait dit aussi qu’il pourrait pas être là. On va lui faire la surprise de rentrer tout seuls comme des grands. »

Elle cacha ses grimaces d’angoisse à chaque fois qu’un cahot les faisait sursauter. Elle tenait Alice sur ses genoux.

«Boum en l’air!» et Alice riait de ses yeux bleu turquoise et de sa bouche illuminée de petites dents blanches, bien droites.

Ils arrivèrent à la maison. Les enfants se précipitèrent dans les escaliers. Émilie fermait la marche, essoufflée par le poids des bagages et celui de ses six mois de grossesse. Elle n’avait pas encore atteint le palier que les enfants redescendaient pour jouer dehors. Marie-Ange fut la dernière à la croiser, ne se permettant pas, à presque quatorze ans, de montrer autant d’enthousiasme.

Émilie poussa la porte et soupira de soulagement. Elle ne s’habituerait jamais à vivre au deuxième étage. Maintenant qu’Ovila semblait heureux à Shawinigan, le moment était venu d’acheter cette maison qu’il lui avait promise. Elle entra dans sa chambre et gela. Elle n’avait pas eu besoin d’yeux pour s’expliquer l’absence d’Ovila. Son nez avait suffi. Il était étendu sur le dos, les bras en croix, la bouche ouverte, la barbe longue, les cheveux défaits. Un sommeil lourd le clouait au lit.

«Oh! non!... Oh! non!... Oh! non!...»

Plus elle refusait le spectacle qui s’offrait à ses yeux, plus elle s’affaissait, se retrouvant bientôt accroupie sur le plancher, les mains devant ses yeux. Elle demeura là jusqu’à ce qu’elle entende claquer la porte du rez-de-chaussée. Giflée par le bruit, elle se releva, sortit précipitamment de la chambre, en ferma la porte et s’enferma à double tour dans la salle de toilette. Elle entendit Blanche qui l’appelait et s’empressa de répondre avant que sa fille ne décide d’aller voir dans la chambre à coucher.

«Moman est ici, Blanche.

       Avez-vous bientôt fini? J’ai envie.

       Donne-moi deux minutes. Peux-tu attendre deux minutes?

       Seulement si je me serre les cuisses.

       Serre tes cuisses!»

Elle se moucha rapidement, s’essuya aussi les yeux, actionna la chasse d’eau et sortit en regardant en direction de la cuisine pour éviter de croiser le regard de sa fille, Blanche se précipita dans la salle de toilette sans remarquer les boursouflures qui avaient labouré le visage de sa mère.

Ovila ne s’éveilla pas de la soirée et les enfants ne songèrent jamais à le trouver, convaincus qu’il était au travail. Le lendemain matin, Émilie le secoua.

«Ovila...Ovila...réveille-toi. Faut que tu ailles travailler. »

Il ouvrit un œil, se prit la tête à deux mains en grognant de douleur, regarda Émilie, ferma les yeux, les rouvrit, de plus en plus étonné de la voir à ses côtés.

«Qu’est-ce que tu fais ici?

       On est rentrés hier...comme je te l’avais écrit.

       Tu m’avais écrit ça?»

Émilie ne répondit pas, sortit de la chambre et se dirigea vers le meuble sur lequel ils avaient l’habitude de poser le courrier. Elle fouilla à travers la paperasse et trouva trois de ses lettres, toujours cachetées, dont la dernière annonçant la date du retour. Elle la prit et revint dans la chambre. La colère avait rapidement pris le pas sur sa déception et son chagrin. Elle lui lança la lettre. Ovila fît une grimace d’incompréhension en prenant l’enveloppe dans ses mains.

«J’ai pas dû la remarquer quand je suis allé au bureau de poste.

       Il y en a deux autres aussi que tu as pas vues. Tu ferais mieux de te grouiller parce que tu vas être en retard.

       C’est pas grave. J’ai un bon boss.

       Comment ça, tu as un bon boss? Me semblait que c’était toi le boss!

       Un jour on est un p’tit boss français, pis un jour on est pus un p’tit boss. Pis à part de ça, aujourd’hui, je travaille pas. Demain? Non plus. Le jour d’après? Non plus. La semaine prochaine? Non plus. Le mois prochain?... pour le mois prochain, on verra. Je dirais que le mois prochain, ils vont commencer à avoir pas mal de machines de pétées pis ils vont m’appeler...Non. Ils vont pas m’appeler parce que le téléphone est parti, mais ils vont envoyer quelqu’un me chercher. Est-ce qu’il y a d’autre chose que tu voudrais savoir?»

Emilie comprit rapidement qu’Ovila n’avait pas encore cuvé tout l’alcool qu’il avait ingurgité. Elle lui dit sèchement de continuer à dormir. Il la remercia d’une courbette et d’un grand signe de la main, se retourna et s’endormit aussitôt.

Emilie mit une bonne semaine à comprendre qu’Ovila n’avait pas menti. Les comptes n’avaient pas été payés depuis la mi-juillet. Il lui confirma qu’il avait été congédié de la Belgo, deux semaines après son départ pour Saint- Tite.

«Les Anglais ont pas le sens de l’humour, Émilie. Je suis juste rentré un peu gorlot un matin, pis ils m’ont dit:

Bye bye mister Prénovo. Don’t call us, we’ll call you if somet’ing really wrong ’appens and if our ingeneers cannot control it. Bye Bye mister Prénovo.

       Je dois avoir quelque ancêtre anglais, Ovila, parce que j’ai pas le sens de l’humour pantoute.

       Ça, ma belle brume, ça fait longtemps que je le sais. Tu m’apprends rien. »

Comme Ovila l’avait prévu, la Belgo le contacta pour qu’il aille régler quelques problèmes de mécanique. Émilie se prit à espérer que toute leur infernale machinerie rende l’âme. Entre ses quelques heures de travail hebdomadaires, Ovila continuait à fréquenter ses amis et tous faisaient des gorges chaudes de l’incapacité des «savants ingénieurs de l’Université McGill de Montréal» à régler des problèmes moins compliqués que des problèmes de ménage.

À la fin d’octobre, Émilie dut faire face à une dure réalité. Jamais ils n’auraient de maison, Ovila en ayant bu ou joué les fondations, les murs et la toiture. Ce fait aurait été acceptable s’il n’avait été jumelé à de graves problèmes d’argent. Ovila ne rapportait plus un sou à la maison — quand il y venait — et Émilie, en secret, se résigna à faire venir son héritage, qui avait dormi à l’abri des tempêtes, à Saint-Tite.

Plus son enfant grandissait en elle, plus son amour pour Ovila rapetissait. Il rejoignit ce coin de son cœur qu’elle avait bourré de cendres et de poussières. Mais chaque fois qu’elle le voyait entrer, en perte d’équilibre, elle pinçait les narines, non pas tant à cause de l’odeur qu’il dégageait qu’à cause de sa beauté, que l’alcool ne réussissait pas à effacer. Elle apprit à respirer sans l’oxygène qu’il lui avait apporté depuis cinq ans, mais elle étouffa dans son corps, qui ne cessait de le réclamer malgré la vie qu’il y avait, une dernière fois, fait naître.

Au mois de novembre, le froid attaqua violemment et elle dut se résigner à mettre en marche le chauffage central. La maison se réchauffa, mais pas son cœur ni celui des enfants qui avaient compris que leur père avait été remplacé par une espèce de fantoche désarticulé, soutenu par des ficelles invisibles.

Au mois de décembre, Émilie accoucha de sa sixième fille. Ovila avait bien essayé de lui tenir compagnie mais il s’était endormi dans un fauteuil avant d’avoir vu cette enfant, véritable portrait de sa mère. Le lendemain, il s’était approché du berceau et l’avait longuement regardée. «Jamais vu ça, Émilie! Si j’avais bu, je dirais que tu t’es déguisée en bébé pis que tu es rentrée dans le berceau. Si j’avais pas souvenir d’avoir été avec toi au mois de mars, je jurerais que tu l’as fait toute seule.»

Émilie lui sourit, presque dédaigneusement, et répondit qu’il n’y avait mis que quelques petites heures. Rien de plus. Rien de moins.

Au mois de janvier 1918, Émilie se promenait sur les rives du Saint-Maurice, Rolande emmitouflée dans le traîneau rouge qui avait maintenant seize ans, Alice à ses côtés, s’amusant à faire des boules de neige. Les remous de la centrale de Shawinigan empêchaient l’eau de geler et Émilie regardait la vapeur qui s’élevait des bouillons d’eau comme si sous cette eau glacée il y avait eu un enfer de feu. Elle regardait le manteau élimé d’Alice et se demandait comment, en quelques mois, elle et Ovila avaient pu rejoindre les rangs des pauvres et des presque affamés. Elle s’immobilisa quelques instants, attirée par le flottement d’un morceau de tissu. Elle demanda à Alice de surveiller le bébé et s’approcha de la rive. Elle prit une branche morte et réussit à attirer le lourd tissu jusqu’à elle. Elle le tira partiellement de l’eau et l’examina. Une épaisse laine feutrée aux couleurs du coton jaune. Elle regarda à nouveau les remous et vit un autre tissu qui flottait à la dérive, puis un troisième. Elle reprit la poignée du traîneau et rentra chez elle. Ovila était assis dans la cuisine, pipe au bec, couteau à la main, occupé à taillader un bout de bois.

«Ovila, c’est quoi les espèces de couvertes qui flottent sur la rivière?

       C’est les couvertes de la Relgo.

       Les couvertes de la Belgo?

       Ben oui, les couvertes qu’on met sur les rouleaux quand on fait la finition du papier. Quand on a trop de pâte de collée dessus, on les enlève pis on les maudit à l’eau.

       Ovila, tu vas trouver une chaloupe, pis ce soir, demain soir, pis tous les soirs que tu vas rien avoir à faire, tu vas aller me chercher toutes les couvertes qui flottent.

       Es-tu folle? J’vas me tuer dans les remous. Ça pèse une tonne les couvertes mouillées. As-tu envie que je chavire pis que je me noie?

       Non. Tu vas apporter un bon fanal, pis tu vas y aller. J’vas être capable de faire des manteaux aux enfants là-dedans. Pis des couvertes pour les tenir au chaud. Tu y vas ce soir. Ça fait que pour aujourd’hui, pas une goutte, mon vieux. Pas une goutte! Parce que c’est celle-là qui va te noyer. Pas la rivière.»

Ovila trouva une chaloupe et partit, terrifié par le grondement de l’eau, à la pêche aux couvertures de la Belgo. Il avait attendu que la noirceur ait envahi les rives, de façon à pouvoir pêcher sans risquer d’être vu. Il revint quelques heures plus tard avec deux couvertures. Il les déposa dans une grande cuve et se coucha, transi, à côté d’Emilie. Il tenta de se coller à elle pour absorber un peu de sa chaleur. Elle le repoussa. Il soupira et s’endormit en claquant des dents.

Il recommença le même manège pendant trois nuits. Il avertit enfin Émilie qu’il leur faudrait attendre une dizaine de jours, le temps que les nouvelles couvertures soient inutilisables sur les rouleaux. Émilie n’en crut pas un mot, sachant fort bien qu’il brûlait de son froid intérieur. Elle ne s’était pas trompée et pendant sept jours, il brilla par son absence, meublant ses journées de râlements et de morosité et ses nuits de fumée, d’alcool et de dettes.

Émilie consacra tout son temps à travailler sur les couvertures de la Belgo. Elle passa des heures, assise à sa table de cuisine, à gratter tous les morceaux de pâte de papier qui adhéraient à la laine. Le travail exigeait patience et concentration. Elle utilisait un petit couteau pour venir à bout des miettes les plus incrustées. Quand elle eut enfin terminé sa première couverture, les ongles brisés, les doigts rougis et des cloques sur son pouce et son index, elle en entreprit une seconde, puis une troisième. Les enfants lui avaient demandé ce qu’elle faisait et elle leur avait répondu qu’elle préparait des manteaux. Ils ne posèrent plus de questions, sa réponse ne les ayant ni éclairés ni convaincus. Elle compta son argent et acheta de la teinture. De la bleue, de la rouge vin, de la brune et de la beige. Pour les garçons, elle tailla des pantalons et des vestons dans les couvertures brunes et beiges. Pour les filles, elle coupa des manteaux dans les autres couvertures. Marie-Ange la regarda faire, une moue de dédain aux lèvres.

«Franchement, moman, avez-vous l’impression qu’on va aller à l’école habillés avec ça?

       Fais aller ton imagination un peu. Oublie les couvertes pis contente-toi de regarder le tissu. Tu le trouves pas beau?

       Ben...oui. C’est du beau tissu, mais ici à Shawinigan, tout le monde va le reconnaître.

       Fais-moi confiance, Marie-Ange. Vous allez avoir les plus beaux manteaux que vous avez jamais eus.»

Et elle tint parole, travaillant jusque tard dans la nuit à coudre, doubler, piquer les collets, faire des ceintures, poser des boutons vis-à-vis des boutonnières toutes de la même grosseur.

Au début de février, tous ses écoliers purent étrenner leurs nouveaux vêtements. Elle avait mis quatre semaines entières à essayer de les habiller du peu de fierté qui lui restait.

Ovila avait été appelé à la Belgo à raison de trois ou quatre fois par semaine. Il était arrivé qu’Emilie soit obligée de mentir au messager, parce qu’Ovila avait été incapable de se lever. Ces jours-là, elle lui faisait la tête et Ovila, ne pouvant supporter son regard, lui promettait une nouvelle pêche nocturne. Quand elle eut nettoyé cinq bonnes douzaines de couvertures, Émilie lui dit qu’il ne serait plus nécessaire d’aller pêcher.

Au début de mars, Émilie compta l’argent qui leur restait et additionna le montant de leurs dettes. Ovila n’étant pas entré depuis deux jours et deux nuits, elle lui laissa donc un message sur la cuvette de la salle de toilette, certaine qu’à cet endroit, il ne pouvait lui échapper.

Elle ouvrit les yeux sur un matin ensoleillé et sentit la présence d’Ovila à ses côtés. Elle le regarda, soupira et se leva pour préparer le petit déjeuner des écoliers: du pain durci, trempé dans du lait et généreusement recouvert de cassonade. Elle avait présenté ce menu comme un menu spécial, que peu d’enfants avaient goûté. Les enfants, que l’exclusivité mettait toujours en appétit, se léchaient les babines tant ce petit déjeuner de roi leur plaisait. Émilie les regardait manger en berçant Rolande. Elle lui fredonnait toutes les chansons qui faisaient sourire le bébé, particulièrement J’ai du bon tabac.

Ovila se leva en grande forme, faisant un signe de main à Émilie pour la faire taire avant même qu’elle n’ouvre la bouche.

«Oui, je le sais. Je t’ai pas donné de nouvelles depuis deux jours. Mais c’est pour une bonne raison. Faut que je te parle.

       Parle toujours, Ovila, je peux pas aller bien loin.

       Émilie, je veux pus rien savoir de la ville.»

Émilie leva les yeux, incrédule, puis comprit qu’il ne mentait pas et qu’il avait même l’air très sérieux.

«Tu as pas bu, Ovila?

       Non, j’ai pas bu. Pis j’ai pas bu depuis deux jours. J’ai passé ces deux jours-là à marcher...dans le bois. Je m’ennuie du bois, Émilie. Je suis pus capable de m’en passer.

       Je le savais.

       Comment ça?

       Tu as recommencé à gosser une p’tite branche.»

Ovila éclata de rire. Il s’approcha d’Émilie et lui posa une main sur l’épaule.

«J’aimerais mieux que tu me touches pas, Ovila.»

Ovila retira sa main, hocha la tête et continua à parler. Il lui redit qu’il n’avait pas bu depuis deux jours et que, quant à lui, il n’avait plus l’intention de retoucher à l’alcool de sa vie. Chaque fois que je bois, disait-il, je rends tout le monde malheureux. Il lui rappela la déception de son père et sa déception à elle. Il insista sur le fait que lui- même n’en pouvait plus de se décevoir aussi. Émilie l’écouta sans cesser de fredonner. Si cela agaça Ovila, il n’en laissa rien paraître. Il enchaîna en lui disant qu’il était certain qu’elle avait toujours été plus heureuse à la campagne. Que les enfants eux-mêmes parlaient sans cesse de la campagne. Émilie se berçait toujours, mais plus Ovila parlait, plus son cœur lui tambourinait aux oreilles. Il lui avoua qu’il l’aimait toujours autant et elle leva un sourcil.

«Fais pas cet air-là. C’est vrai. J’ai presque toujours bu parce que je voyais bien que tu étais pas heureuse pis que je savais pus quoi faire pour que tu souries.

       Rends-moi pas responsable de ton vice, Ovila.»

Ovila quitta la cuisine et Émilie l’entendit fouiller dans ses poches de manteau. Elle ferma les yeux tout en se frottant les lèvres sur le duvet qui recouvrait la tête de Rolande. Elle inspira profondément pour se convaincre qu’elle était bien vivante et pour se donner la force de croire à ce qu’Ovila, son Ovila qu’elle ne pouvait regarder sans ramollir, lui racontait. Se pouvait-il que ces derniers mois d’enfer fussent les derniers qu’elle connaîtrait? Une toute petite rechute? Une curiosité d’Ovila de retourner voir dans son âme ce qu’il avait quitté depuis tellement d’années? Rolande gargouillait sous les chatouillis du souffle de sa mère. Emilie ouvrit les yeux et replaça le bébé qui glissait. Ovila revint dans la cuisine, une liasse de papiers dans les mains.

«La semaine prochaine, Emilie, je pars pour Barraute...

       C’est où ça?

       En Abitibi.

       Qu’est-ce que tu vas aller faire là?

       Acheter des terres... en fait, louer des terres, pour les déboiser pis les défricher. L’aventure, ça te tente toujours?»

Émilie avait cessé de se bercer. Elle le regardait bien en face, essayant de lire quelque part dans son expression qu’il était atteint d’une nouvelle folie. Elle ne vit rien d’autre que des yeux de plaidoirie et un sourire d’espoir.

«Ovila, j’ai pas envie d’aller vivre dans ce pays de maringouins! Il y pas un chat là-bas! C’est tout juste s’il y a des écoles. Pis nos enfants ont du talent, Ovila. Faut que nos enfants fassent des études pour...pour...

       ...pour pas devenir comme leur père?

       C’est pas ça que je voulais dire.

       Non, mais tu l’as pensé par exemple.»

Émilie se leva, coucha Rolande sur la table, la retint d’une main pendant que de l’autre elle fouillait dans un tiroir pour prendre une couche, changea la couche souillée en ne cessant pas de parler au bébé.

«Tu la gâtes trop, celle-là.»

Émilie haussa les épaules, prit Rolande sous son bras et se dirigea vers le poêle. Ovila la suivait des yeux.

«Vas-tu passer ton temps à tournailler pour pas être obligée de me répondre?»

Emilie prit le canard et versa de l’eau dans un pot. Elle y trempa un biberon et Rolande s’agita.

«Regarde donc par la fenêtre voir si Jeanne pis Alice sont toujours dans la cour.»

Ovila regarda et fit signe que oui. Émilie se rassit et donna le biberon à Rolande après avoir vérifié la température du lait sur les veines de son poignet gauche.

«Pis? Tu as rien à dire?

       Pas pour le moment, Ovila... Tu changeras jamais. Quand tu m’as demandée en mariage, tu avais tout organisé dans ta tête, sans même me demander mon avis. Aujourd’hui, tu fais pareil. Tu as organisé toute ma vie, sans me demander si ça me tentait.

       Qu’est-ce que tu penses que je fais, là?

       Tu me demandes pas mon avis...tu veux ma bénédiction. Me demander mon avis, Ovila, ça aurait voulu dire que tu m’aurais parlé des possibilités d’aller en Abitibi, avant d’arriver avec toute la paperasse. Tu passes ton temps à me placer devant des faits accomplis.

       Ben non, Émilie! Ça fait une heure que je me fends le derrière à te demander ton avis.

       Pourquoi Barraute, Ovila?

       Parce qu’à Barraute il y a de l’avenir.

       Si moi je disais que Barraute, j’aime pas ça, est-ce que ça changerait quelque chose?

       Ben..

       Ben... non! Parce que toi, tu rêves de Barraute. Il doit y avoir quelqu’un quelque part qui t’en a parlé. C’est pas ton genre, Ovila, de regarder bien des solutions. Tu t’enlignes toujours sur une affaire, pis il faut qu’on suive. Barraute, Ovila, ça me dit rien pantoute. Je pourrais même pas te dire où c’est...pis j’ai toujours été forte en géographie. »

Ovila se versa un grand verre d’eau pendant qu’Emilie se levait pour coucher Rolande. Elle revint dans la cuisine.

«Tu compliques toujours tout, Émilie. J’essaie de te dire depuis tantôt que je veux partir de Shawinigan. Pis, ma belle, tu viendras pas me dire que là-dessus, on n’est pas d’accord.

       C’est vrai. On pourra pas dire que je partirai d’ici la larme à l’œil.

       La deuxième affaire que je te dis, c’est que je veux retourner vivre à campagne. Pis ça avec, c’est ce que tu veux.

       Je regrette, Ovila. C’est pas de la campagne que tu parles. Tu parles du fond des bois.

       Exagère pas, Émilie. Trois de tes frères vivent en Abitibi pis ils t’envoient de l’argent. Si c’était si dans le fond du bois, il y aurait pas une cenne là-bas.

       Mes frères sont pas à Barraute!

       Pis? Un village ou l’autre, c’est du pareil au même.

       Pas pour moi pis les enfants, Ovila.

       J’vas leur en parler, moi, aux enfants. Peut-être qu’ils ont le sens de l’aventure comme leur père.

       Mêle pas les enfants à ça! Ces enfants-là t’ont presque pas vu depuis un an, ça fait que viens pas les mêler à nos histoires!»

Pendant des semaines, Ovila discuta avec Émilie. Pendant autant de temps, elle ne voulut pas entendre parler de l’Abitibi et de Barraute. La seule toute petite chose qui l’ébranla un peu fut le fait qu’aucune de ces journées n’avait été arrosée d’alcool. A la mi-avril, elle commençait à se demander si Ovila n’avait pas raison. Peut-être leur offrait- il la possibilité d’oublier toutes leurs discordes et de recommencer à neuf.

Les événements vinrent l’aider à démêler ses émotions. Tout commença par la visite inopinée d’inconnus. Ils arrivèrent en pleine nuit et frappèrent à la porte. Son premier réflexe fut d’ouvrir, pensant qu’il s’agissait d’un messager de la Belgo. Puis, se rappelant qu’elle n’avait plus vu de messager depuis des jours et des jours, elle s’était méfiée.

«Qui c’est?

       Des chums d’Ovila.

       Il est pas ici, Ovila.

       On veut voir ça avec nos yeux...

       Vous reviendrez demain.

       Non, ma p’tite madame. On veut voir ça tout de suite!»

Un des hommes commença à marteler la porte et Émilie, affolée, s’empressa d’ouvrir de crainte que le bruit n’éveille les enfants et les voisins. Quatre hommes se précipitèrent dans le logement, en firent rapidement le tour, regardant même dans la salle de toilette. L’un deux, celui qui avait parlé derrière la porte et qu’Émilie reconnut à sa voix, s’approcha d’elle et lui prit le menton entre ses gros doigts sales.

«Écoute-moi bien, la p’tite madame Ovila. Tu vas faire un message de la part de Ben, de Bob pis de leur gang. Tu vas dire au grand que l’argent qu’il nous doit, c’est pas dans trois mois qu’on le veut, c’est avant la fin de la semaine. As-tu compris?»

Émilie le regarda bien en face, espérant qu’il ne sentait pas ses tremblements, leva une main et exigea, à la force du poignet, qu’il retire la sienne.

«Combien est-ce qu’il vous doit, mon mari?

       Trois cents piastres!»

Émilie se demanda s’ils perçurent que ses yeux s’étaient ouverts, que son pouls s’était accéléré, que ses jambes avaient ramolli et que sa gorge s’était déshydratée.

«Venez demain soir. J’vas avoir deux cents piastres pour vous autres.

       C’est trois cents!

       Vous allez vous contenter de deux cents!»

Bob regarda Ben qui fit un signe d’assentiment.

«On va être ici demain à midi.

       Deux heures!

       Midi!

       Si vous venez à midi, j’vas être en train de faire manger les enfants. J’aurai pas le temps de m’occuper de vous autres.

       Fais-nous pas de farce. On va être ici à deux heures. »

Les quatre hommes -repartirent aussi bruyamment qu’ils étaient venus. Émilie fit trois fois le tour de sa chambre, enragée et humiliée. Comment pourrait-elle, une journée de plus, être la femme d’Ovila à Shawinigan?

Comment Ovila pourrait-il y rester? Elle courut à son placard, en sortit une valise et y jeta en vrac tous les vêtements d’Ovila. Elle fît le tour du logement, ramassant tout ce qu’elle y voyait qui lui appartenait. Elle regarda l’heure. Il était une heure et Ovila n’était toujours pas arrivé. Elle plaça tous ses effets devant la porte d’entrée et retourna dans sa chambre. Elle sortit une seconde valise qu’elle emplit de ses effets à elle. Elle n’avait plus de choix.

Ovila entra au moment où elle emballait toutes ses couvertures de la Belgo. Emilie ne le regarda qu’une fraction de seconde pour comprendre que sa toute nouvelle sobriété l’avait quitté.

«Qu’est-ce que tu fais là, Émilie?

       Tu pars, Ovila. Tu t’en vas à la gare, pis de là, tu prends le premier train qui va en Abitibi. Va-t-en à Barraute!»

Ovila essayait de se placer les idées vis-à-vis de l’orbite de ses yeux.

«Qu’est-ce qui te prend, Émilie? J’ai juste passé la soirée à faire mes adieux aux gars de la Belgo. Je suis pas saoul, Émilie, j’ai juste pris un verre.

       Un de trop, Ovila. Envoyé, file!

       As-tu le feu?

       Oui! J’ai le feu! File!»

Elle lui chargeait les bras de tous ses effets et le poussait en direction de l’escalier. Elle n’avait pas le choix. Ovila la regardait, incrédule, essayant de comprendre ce qui se passait. Émilie perdit patience.

«File, ou c’est Bob pis Ben pis leur gang qui vont s’occuper de toi.»

Ovila blêmit. Il regarda Émilie puis, penaud, lui demanda si elle pouvait lui avancer quelques dollars.

«J’vas t’avancer ce que tu leur dois demain, Ovila.

       Je peux même pas prendre le train, Émilie.»

Elle expira bruyamment par les narines, se dirigea vers son sac à main, en sortit quelques dollars froissés et les lui mit dans une poche.

«Astheure, va-t’en!

       Pis vous autres?

       Crains pas pour nous autres. Ça t’a jamais tellement tracassé. C’est pas le moment de commencer à y penser. File, Ovila, pis arrête-toi nulle part. Parle à personne si tu tiens à tes dents pis à ton nez.

       Émilie, j...

       On n’a pas le temps de parler. File!»

Ovila descendit les escaliers et Émilie écouta la porte qu’il refermait doucement derrière lui. Elle s’appuya le front sur un des murs de sa chambre et sanglota toute sa peur de la nuit. Elle sanglota le départ d’Ovila. Elle n’avait plus de choix.

Elle sécha ses larmes et regarda l’heure. Il était quatre heures. Elle avança sur la pointe des pieds dans la chambre des garçons et les réveilla. Attendrie par leur surprise et leurs jérémiades, elle les consola en leur disant que finalement ils ne se levaient qu’une heure plus tôt qu’ils ne le faisaient quand ils trayaient les vaches, à la campagne. Elle leur demanda de s’habiller à la hâte et de faire leurs valises. Elle ajouta que, dès qu’ils auraient terminé, ils devaient prendre toutes les taies d’oreiller qu’ils pouvaient trouver et y mettre tout ce qu’ils verraient dans la cuisine, «sauf ce qui est cassant.» Elle fit de même avec les filles, laissant dormir Jeanne, Alice et Rolande. À sept heures, elle demanda aux aînés de défaire les lits.

«Ce que je veux, c’est que vous les démontiez.»

Les enfants sentaient l’urgence, mais ils n’auraient pas osé poser de questions. A huit heures, elle les avait tous nourris, avait habillé les trois petites et, Rolande dans les bras, s’était dirigée vers la banque, remerciant le ciel que les banquiers fussent derrière leurs guichets de si tôt matin. Elle retira tout l’argent qui restait dans son compte: douze cents dollars. Elle n’en garda que cinquante dans son sac et enfouit le reste dans ses bottes. Elle sortait de la banque lorsqu’elle tomba nez à nez avec Aima.

«Alma!

       Emilie! Tu parles d’une surprise. J’ai pas eu de tes nouvelles depuis l’été passé. C’est pas ta p’tite dernière? Est bien belle!

       C’est Rolande. Pis toi? Toujours à Saint-Tite?

       Non. On est arrivés à Shawinigan hier, ma chère.

       En visite?

       Non. Pour rester. Moi, la campagne, c’est pas mon fort, pis mon mari s’est trouvé un bon emploi à la Belgo.

       La Belgo...

       Dans la comptabilité. Mais pour un comptable, il est pas fort. Il a même pas réussi à louer notre maison de Saint- Tite.» Alma éclata de rire.

Émilie n’avait pas le choix. Son cœur se mit à battre à tout rompre.

«Pas votre maison à côté de la voie ferrée?

       Oui. On espère la louer en septembre. On va mettre des annonces, ici à Shawinigan. On sait jamais.

       Nous autres on part aujourd’hui pour Saint-Tite!

       Ton mari veut retourner là?

       Pas... exactement. Notre projet, c’est de rester à Saint-Tite pendant à peu près... un an, pis après ça, de probablement aller à l’aventure... En Abitibi ou ailleurs. C’est le temps ou jamais, astheure que la famille est presque élevée.

       Tu parles d’une nouvelle! Tu changeras donc jamais, Emilie. Te rappelles-tu quand tu me racontais comment tu étais partie de chez ton père quand tu avais juste seize ans...

       Si je m’en rappelle? Alma, c’est comme si c’était hier. Pis toi, te rappelles-tu quand tu avais brûlé le gruau?

       Moi? Brûler du gruau? C’était pas Antoinette?

       Essaie pas, Alma...c’était toi.

       Mon Dieu, j’ai dû changer parce qu’astheure, du gruau, j’en brûle pus. Astheure, du gruau, j’en mange pus non plus. C’est pour ça que je le brûle pus.»

Émilie éclata de rire et se demanda comment quitter Alma poliment avec...les clés de la maison de Saint-Tite. Elle n’avait pas le choix.

«Alma, c’est dommage que tu arrives la journée de notre départ. On aurait pu se voisiner. Parler du bon vieux temps. Faire des p’tites sorties ensemble...Bon il va falloir que tu m’excuses parce que je suis attendue à la maison. Les déménageurs vont être là d’une minute à l’autre.»

Elle se pencha et frôla la joue d’Alma de ses lèvres desséchées.

«Salue ton mari pour moi, Alma.

       Pis toi le tien, Émilie.»

Émilie tourna les talons et serra Rolande près de son cou. Elle marcha lentement, priant son père et tous ceux qui l’avaient quittée de souffler sur l’esprit d’Alma. Elle avança encore, refusant de se retourner et de feindre un soudain intérêt pour la maison près de la voie ferrée. Elle regarda à gauche puis à droite, sachant que dès qu’elle mettrait un pied dans la rue, elle se retrouverait sans maison. Elle embrassa le dessus de la tête de son bébé comme si elle lui demandait pardon d’avoir à traverser la rue.

«Émilie! Émilie!»

Elle s’arrêta, ferma les yeux, les rouvrit et regarda au ciel pour remercier son père. Elle se retourna.

«Oui, Alma? Veux-tu que je fasse un message à quelqu’un?»

Alma se dirigeait rapidement vers elle, la langue placée à droite dans sa bouche, gonflant sa joue comme si elle y avait oublié une des bouchées de son petit déjeuner.

«Coudon, Émilie, où c’est que vous allez rester à Saint- Tite?

       Chez ma belle-mère, Alma. C’est tout arrangé. Elle nous attend impatiemment.

       C’est que... oh! pis non, ça tient pas debout.

       C’est que quoi, Alma?

       Ben, notre maison est vide pis j’ai pensé que vous pourriez rester là pendant quelque temps. C’est mieux qu’une maison soit habitée...

       Oh! je sais pas, Alma. Ma belle-mère serait déçue si on arrivait avec d’autres plans.

       C’est ce que je me disais aussi. » Alma pinça la bouche et fronça les sourcils. Émilie ne broncha pas. Elle attendait, espérant qu’Alma tombe dans son piège.

«Écoute, Émilie, penses-tu que tu pourrais en discuter avec ton mari? Peut-être que vous pourriez nous rendre ce service-là? Ta belle-mère serait pas trop déçue de vous avoir pas loin, pis elle a probablement oublié ce que c’est qu’une maison pleine d’enfants. Si vous pouviez rester dans la maison jusqu’au mois de septembre, pis vous habituer, après ça, peut-être que vous voudriez rester un an? Si vous vous habituez pas, en septembre, nous autres, on va essayer de trouver un autre locataire ou bien de vendre.

       Tu nous demandes de changer tous nos plans, Alma.

       Si on vous faisait pas payer de loyer jusqu’en septembre?

       Voyons, Alma! Tu y penses pas!

       Mon mari m’a dit qu’une maison habitée, ça s’use moins vite.»

Emilie sentit que Rolande commençait à s’agiter. Il lui fallait clore cette discussion le plus rapidement possible.

«Émilie, faites ça pour nous autres...Tu m’as déjà rendu service une fois... tu peux peut-être me rendre service une deuxième fois...

       Bon! si c’est comme ça, donne-moi la clé. J’vas m’en occuper de ta maison. Compte sur moi. J’vas la nettoyer comme si c’était à moi. Pis en septembre, si tu veux la vendre, elle va être propre comme un sou neuf.»

Alma sauta de joie, fouilla dans son sac à main, sortit la clé et la remit à Émilie en la remerciant cent fois. Elle l’assura qu’elle et son mari lui seraient éternellement reconnaissants. Elles se quittèrent, toutes les deux heureuses de l’affaire qu’elles venaient de conclure. Émilie, toutefois, n’en laissa rien paraître. Elle avait déjà d’autres préoccupations en tête.

Elle se hâtait. Elle savait qu’un de leurs voisins faisait des déménagements. Elle frappa à sa porte et l’éveilla. Elle lui expliqua qu’une urgence et une offre d’emploi très alléchante les forçait à quitter Shawinigan le jour même. Le voisin se frotta les yeux, essayant de démêler ce qu’elle lui demandait. Il comprit qu’elle voulait qu’il soit chez elle à onze heures précises, qu’il devait monter tous ses meubles dans son camion, filer à Saint-Tite, demander la maison de madame Alma Bonenfant et les attendre. Son mari serait retardé, mais elle y serait le lendemain matin, préférant voyager de nuit avec tous ses enfants. En digne fille de son père, elle sortit trente dollars de son porte-monnaie pour appuyer sa demande, sachant que ce prix était plus qu’honorable. Le voisin empocha la moitié de l’argent et elle lui promit de lui remettre la différence à Saint-Tite. Le déménagement réglé, elle alla chez son propriétaire raconter la même histoire et lui donna l’équivalent d’un mois de loyer, afin qu’il leur pardonne ce départ imprévu.

À neuf heures et quart, elle était de retour et demanda aux enfants s’il y avait eu des visiteurs durant son absence. Ils lui répondirent que non. Elle les félicita de ce qu’ils avaient réussi à faire. Sans qu’elle le leur dise, ils étaient allés chercher des boîtes chez l’épicier. Emilie leur demanda d’accélérer un tout petit peu. Ils devaient tout avoir terminé pour onze heures. Les enfants s’agitèrent. Emilie les remercia secrètement de ne pas avoir posé de questions ni sur le déménagement, ni sur l’absence de leur père.

Tout se déroula comme elle l’avait prévu. Le voisin et son aide arrivèrent à onze heures; à midi, Emilie quittait un logement presque vide pour-aller conduire ses enfants au restaurant le plus près de la gare. Elle s’attabla avec eux, fit manger son bébé, puis les quitta en leur demandant de se rendre à la gare et de l’attendre. Elle y serait au plus tard à trois heures. Elle confia Rolande à Marie-Ange, Jeanne à Rose, Alice à Blanche, Clément et Paul à Emilien.

Elle paya le restaurateur et prit, luxe suprême, un taxi. Elle se fit conduire chez elle.

Elle aida les camionneurs à ramasser les dernières traîneries, celles qui n’entraient jamais dans les boîtes, et les remercia. Elle leur souhaita bonne route après leur avoir remis un plan de Saint-Tite leur indiquant où ils devaient attendre. Les camionneurs partirent à une heure quarante.

Elle entra dans la cuisine, sortit un mouchoir de son sac et s’épongea la figure. Elle regarda l’heure et recommença à trembler. Elle s’assit sur le bord du comptoir et attendit. Cinq minutes avant deux heures, elle sortit deux billets de cent dollars puis, se ravisant, elle n’en prit qu’un et glissa le second dans son soulier. Elle n’avait plus le choix. Elle n’avait plus rien à perdre.

À deux heures précises, elle les entendit monter l’escalier. Elle sauta sur ses pieds, ajusta ses cheveux et son chapeau et se dirigea vers la porte d’entrée. Elle y arriva en même temps qu’eux et ne leur laissa pas le temps de frapper. Elle ouvrit et descendit sur la première marche, refermant la porte derrière elle.

«Je vous attendais, messieurs.» Elle était soulagée de voir que seuls Bob et Ben s’étaient déplacés.

Elle ouvrit la main et leur tendit le billet de cent dollars.

«Une minute, la p’tite. On a dit deux cents.

       J’y ai repensé et je me suis dit que cent, c’était assez.

       Tu veux rire de nous autres, toi?

       Ton grand est-tu là?

       Mon mari dort. Je vous serais reconnaissante de le laisser dormir. Ecoutez, messieurs, si vous n’êtes pas satisfaits, prenez tout ce que vous voudrez dans la maison. Nous autres on peut pas donner un sou de plus. »

Elle ouvrit la porte, invitant Bob et Ben à entrer. Les deux hommes le firent, la bousculant au passage. Emilie ferma les yeux.

«Calice!

       Tabamak! On s’est fait avoir, Ben.»

Ils revinrent sur leurs pas, regardèrent Emilie qui n’avait pas bougé d’un pouce.

«Le grand est mieux de jamais se épointer à Shawi’.

       Le grand est rendu pas mal loin déjà, messieurs.»

Les deux hommes se regardèrent, ne sachant plus que faire. Ben prit finalement la parole.

«Viens-t-en, Bob. Cent piastres, c’est mieux qu’un coup de pied au cul.»

Ils partirent. Émilie attendit cinq minutes, fit le tour de son logement trois fois, essayant surtout de ne pas penser aux bons moments qu’elle y avait vécus, poussa le verrou de la porte du devant et sortit par la porte arrière, plaçant, comme elle l’avait promis, la clé sous une vieille catalogne délavée et remplie de sable.

 

36.

Le train filait lentement dans la nuit. Émilie était épuisée. Ils avaient dû attendre pendant des heures et des heures avant de pouvoir monter. Ce n’est qu’à son retour qu’elle avait annoncé aux enfants, sur le ton qu’elle utilisait pour les grandes surprises, qu’ils partaient pour Saint-Tite. Pour y vivre. Quand la locomotive avait traîné sa carcasse de fer devant la gare, elle avait secoué les plus jeunes qui s’étaient assoupis. Les aînés veillaient avec elle. Il y avait si peu de passagers qu’elle put prendre dix banquettes. Elle les installa, un par un, et promit qu’elle les réveillerait avant qu’ils ne soient à Saint-Tite, à l’aube. Elle regretta de ne pas avoir apporté les couvertures de la Belgo avec elle. Elle les couvrit de leurs manteaux.

Elle avait installé Rolande sur la banquette devant elle. Pour être certaine qu’elle ne se blesserait pas si le train freinait brusquement, elle avait enlevé ses chaussures et retenait le bébé avec ses pieds. Ses enfants clignaient des yeux, inquiets. Elle sortit son accordéon et joua des berceuses. Vingt minutes après leur départ, les neuf enfants dormaient d’un sommeil bien mérité. Elle posa son instrument.

Elle regardait dehors en se laissant bercer par le train, la nuit noire reflétant ses pensées. Où était Ovila? Avait- il pu monter à bord d’un autre train? Elle sortit un mouchoir de son sac et se moucha. Maintenant que les enfants dormaient, maintenant qu’ils étaient en sécurité, elle pouvait pleurer. Elle ferma les yeux quelques instants et se revit dans un autre train, celui qui les conduisait, elle et Ovila, à Montréal. Dix-sept ans plus tôt... Pour leur premier anniversaire de mariage. Leur anniversaire de papier. Maudite Belgo qui fait tout ce papier! Elle tourna la tête, ouvrit les yeux et regarda Rose. Sa pauvre tête remplie de misères et de difficultés ballottait au même rythme qu’une de ses mains.

Une main qui ballotte. Louisa! Depuis combien d’années Louisa les avait-elle abandonnés?...Presque treize ans, Louisa. Et ton père a été le premier à bercer ton dernier sommeil. C’est là, Louisa, que ton père et moi nous nous sommes heurtés pour la première fois. Est-ce que tu te souviens, toi Louisa, si c’était lui, ou si c’était moi qui avais dormi pendant que tu t’étouffais avec ce lait qui devait te nourrir et qui t’a fait mourir? Pardonne-nous, Louisa.

Le train tourna et Émilie suivit son mouvement. Elle aperçut Marie-Ange qui essayait de combattre la gravité en s’accrochant sur le bord de sa banquette. Marie-Ange... Même en dormant, ma grande mule, tu te bats contre quelque chose. Laisse-toi donc aller, ma Marie-Ange. Laisse-toi donc sourire. Commence donc à avaler un peu de ton orgueil. Tu vas voir, ce n’est pas plus mauvais à avaler qu’un sirop. Ma grande mule...Pâpâ. Est-ce que vous la voyez, votre grande mule ce soir. Votre grande mule vient, toute seule, d’arrêter un train qui roulait sur une voie sans gare. Votre grande mule, pâpâ, roule dans la nuit, les larmes aux yeux, la peur dans l’âme. Votre grande mule roule dans une nuit noire sans fin. Votre grande mule roule avec neuf petits qui commencent à peine à grandir. Pâpâ, donnez-lui donc un peu de courage à votre grande mule. Bonne nuit, pâpâ. J’espère que vous avez été heureux de retrouver Elzéar Veillette. Je suis certaine que vous devez encore vous prendre aux cheveux. Mais maintenant, vous devez avoir des cheveux d'anges...sans mèches rebelles.

Le train siffla trois fois. Emilie fronça les sourcils. Le

coq, Berthe. Te souviens-tu du coq qui avait chanté trois fois? J’avais eu peur, Berthe, parce que je m’étais dit qu’un coq qui chante trois fois, c’est un coq qui annonce une mauvaise nouvelle. Le coq n’avait pas menti, Berthe. La mauvaise nouvelle est arrivée hier, à peu près à la même heure que maintenant. Berthe, j’ai fait partir Ovila pour le protéger. J’ai fait partir Ovila pour me protéger. Toi, Berthe, est-ce que c’est pour te protéger aussi que tu as décidé de ne plus m’écrire? Es-tu heureuse dans ton monde de silence, Berthe? Il me semble que ton monde doit ressembler à cette nuit qui nous aspire tous les dix vers quelque chose qui méfait peur. Pense quand même à moi, Berthe...

Le train ralentit lentement et s’arrêta nulle part. Emilie retint Rolande, regarda autour d’elle et ne vit pas une seule lumière. Elle frissonna, tout à coup craintive. Profitant de l’accalmie, elle se leva pour jeter un coup d’œil aux enfants qu’elle ne pouvait apercevoir de sa place, remonta les manteaux et s’attarda à chacun des visages qu’elle ne prenait plus vraiment le temps de regarder tant ils lui étaient devenus familiers. Bonne nuit, mon grand Émilien. Bientôt je vais te parler. Je vais t’expliquer que ton père nous cherche une nouvelle maison. Je vais te dire combien il a toujours été fier de toi. Je vais te mentir un tout petit peu, en te disant qu’il va revenir. Je n’en sais rien, Émilien. Ton père reviendra quand il aura appris à être fier de lui. Ton père va revenir s’il apprend à se pardonner le mal qu’il s’est fait. C’est sûr, Émilien, que ton père nous fait mal à nous aussi. Mais ce mal-là, Émilien, n’est rien comparé à son mal à lui. Quand tu seras grand, Émilien, si tu n’es pas satisfait de mes réponses, tu iras le voir et tu lui demanderas.

Le train ne bougeait toujours pas. Émilie sentit l’angoisse lui serrer la poitrine. Elle aperçut le conducteur et se dirigea vers lui pour lui demander la raison de l’arrêt. Elle eut conscience qu’elle n’avait pas remis ses souliers, mais continua de marcher sur ses bas. Pas besoin d’avoir des gros sabots, Émilie, pour faire ton chemin. Même sur la pointe des pieds tu peux te rendre d’un endroit à l’autre. Même sur la pointe des pieds tu peux marcher d’un pas ferme. Même sur la pointe des pieds... Elle était à la hauteur du conducteur. Il lui expliqua que le train s’était arrêté pour attendre qu’un convoi de marchandises prenne une voie de côté pour les laisser passer. Ce deuxième train venait de l’Abitibi et accusait un retard. Dès qu’ils le pourraient, ils repartiraient. Émilie le remercia et revint près de ses enfants. Rassurée. Elle replaça une mèche sur le front de Paul. Paulo, toi qui es toujours sérieux, qui réfléchis toujours, penses-tu que ton père, lui aussi, a eu le temps de voir ce train-là? Penses-tu que ton père aussi a eu le temps de penser que lui et nous, nous croiserions le même train? Dors, Paulo. Je te pose des questions trop compliquées.

Mon gros Clément...avec des poings aussi gros que ta tête. Tu es comme ton père, Clément, quand ton père réglait tous ses problèmes avec ses poings. Un jour, Clément, je vais te raconter comment il avait assommé un de mes anciens élèves. J’ai déjà dit que Marie-Ange avait un nom mensonger, parce qu’elle est loin d’être un ange. Toi aussi, Clément, tu as un nom mensonger. La clémence, Clément, c’est de la douceur. Peut-être qu’en vieillissant, Clément, tu vas apprendre la douceur. La paix.

Émilie retourna à son banc après avoir vérifié si Blanche dormait paisiblement. Blanche souriait. Tu peux bien sourire, ma Blanche. Je le sais que tu n’as jamais aimé Shawinigan. Tu souris parce que tu retournes à Saint-Tite. Pour rire avec tes oncles Ovide et Edmond. Pour te jeter à l’eau au lac. Pour être en classe, sage comme une image. Pour continuer à faire croire que tu es docile. Mais moi, Blanche, je sais. Je sais que derrière tes grands yeux bleus, se cache le bleu de la volonté d’acier. Ta douceur est presque apeurante, Blanche, quand on sait toute la force qu’elle cache. Dors bien, ma belle petite Blanche. Je suis certaine que tu as toute une vie devant toi et que tu as déjà besoin de sommeil.

Emilie regarda Jeanne et Alice par leur reflet dans la fenêtre. Elle sourit doucement. Si je faisais le trio des sourcils froncés, Jeanne, je serais obligée de t’inclure. Avec Marie-Ange. Avec Clément. Mais c’est tellement normal. Tu passes des heures et des heures à suivre Clément. Tu l’as même respiré dans mon ventre, toi, celle qui l’a suivi. On verra, Jeanne. On verra bien. C’est vrai que la vie nous fait froncer les sourcils. Mais la vie nous les fait soulever aussi. Tu as les sourcils soulevés, Jeanne. Des sourcils pour rire.

Alice...aux yeux de la même couleur que ma robe de mariée. Aux yeux de la couleur de la Batiscan, quand le soleil la rend coquette. Tu as sa clarté dans les yeux, Alice. Et son murmure dans la voix. Fais-moi penser, Alice, de te raconter l’histoire de ma robe de mariée que ton père et moi on a enterrée.

Le train eut un hoquet. Emilie regarda Rose reprendre possession de sa main et la glisser sous sa cuisse. Rose, ma fleur. Petite de cœur dans ton grand corps. C’est difficile, je le sais, d’être à la frontière de deux mondes. Celui de l’innocence et celui de la peur. Mais je suis là, Rose. Je te tiendrai toujours la main. Ensemble, toi et moi, on va découvrir que le monde n’est pas rempli uniquement de livres et de savants. Dans le monde, Rose, il y a des gens de cœur, comme toi. Le train eut un second hoquet. Il commença à rouler, doucement d’abord, puis de plus en plus rapidement. Émilie chercha à voir ce train qui arrivait d’Abitibi. Elle ne vit qu’une ombre tapie le long de la voie. Elle referma les yeux et chantonna au rythme que lui dictaient les essieux et les joints de la voie. Venez divin Messie...Puis, ce sont ses pensées qu’elle rythma. Demain, le soleil va se lever. Demain, le soleil va briller. Demain.. .Je n'avais pas le choix. Je n’avais plus le choix... Pâpâ, je trouve qu’il y a quelque chose de pas juste...Le diable! Le diable! Lazare est un diable!...Charles? Tu t’appelles Charles?...Le Windsor...Emilie, je vous trouve sans pareille... J’ai toujours été jalouse de toi, Emilie...Et moi de toi, Antoinette... Penses-tu, ma belle brume, que Télesphore va l’aimer, son meuble?...J'en ai assez de ce village maudit!... Tu peux être sûr, Ovila, que je ne quitterai pas Shawinigan la larme à l’œil...Bonne nuit, ma belle brume... ma belle brume... belle... brume... brume... brume... brume... brume... brume... brume... br...

Le train siffla trois fois et l’accordéon tomba par terre. Émilie n’entendit rien. Elle venait d’endormir son brouillard.

 

Saint-Lambert, Québec 8 octobre 1984

À paraître en 1986

LE CRI DE L’OIE BLANCHE

(suite et fin de Les Filles de Caleb)

GLOSSAIRE

A

Accroire: croire

Acheteux: acheteur

Astheure: maintenant ( de: à cette heure)

Avec: aussi

B

Balance: reste

Balancigne: balancement

Baptême: juron

Bardasser: brasser, secouer

Barguigner: marchander (anglicisme de “to bargain”)

Batêche: juron

Bedon (ou): ou bien

Beurrer: tartiner

Bienvenu: il n’y a pas de quoi

Bine: haricot; «crier bine»: expression équivalente à «crier lapin»

Bonyenne: bon Dieu

Bonyeu: idem

Boss: patron (mot anglais)

Boucane: fumée

Bouillon à la reine: lait chaud battu avec un œuf, du sucre et de l’essence de vanille

Breast rolls (guide rolls): mots anglais, rouleaux dans les usines de pâte et papier

Bretter: flâner

Bricade: briqueterie

Buggy: voiture (mot anglais)

C

Câlice: juron

Caneçon: caleçon

Capine: chapeau

Capot: manteau

Catalogne: tissage de guenilles sur trame de corde

Catin: poupée

Cenne: sou, de l’anglais cent

Chesser: sécher Chicoter: chipoter, agacer

Chum: ami, compagnon (mot anglais)

Ciboire: juron

Clairer: évacuer, vider, nettoyer (anglicisme de “clear”)

Coudon: au fait

Couette: mèche (de cheveux)

Coup de pieds (Ford à): Ford Model T

Couverte: couverture

Crigne: crinière; chevelure Search

E

Écharpe: éclisse, aspérité

Écorniffler: épier

Écriveux: portés sur la plume

Égrandir: agrandir

Élève (en): sous tutelle, sous la garde de, pupille

Emmanché: foutu

Engagement: contrat (anglicisme)

Envoyé: Allez!

Étamper: assommer

Érocher: enlever roches et cailloux

Épivarder(s’): s’exciter, s’énerver

F

Faire du lard: prendre du poids

Farmer: fermier, sens péjoratif, idiot, imbécile (anglicisme) Foreman: contremaître (mot anglais)

Futur: soupirant, fiancé

G

Gang: groupe (anglicisme)

Goriot: éméché Gosser: tailler

Goût de tinette (prendre): rapidement; c’est dans la tinette (sorte de baril) que se faisait le beurre que l’on s’empressait de sortir avant qu’il ne goûte le bois ou le métal

Gréer: se préparer, se vêtir, enfiler son manteau

Grichement: grincement

Grosse poche: bourgeois, personne financièrement à l’aise

Gun métal: acier oxydé, servant à la fabrication des montres durant la Première Guerre

H

Haït: hait; prononcé a-i t

Itou: aussi

J

Jasage: placotage J’m’ai: je me suis

L

Léontine: montre de poche pour femmes

M

Machine: automobile

Maganer: abîmer, user, briser, défigurer

Maisé: difficile (de malaisé)

Marieux: attirés par le mariage

Masse (en): beaucoup, énormément, assez

Maususse: juron, de l’anglais Moses (Moïse)

Mémère: grand-mère

Méné: petit poisson qui sert d’appât

Minouchage: minauderie

Mitons: bottines de feutre, lacées, que l’on recouvrait de caoutchoucs

Mon’oncle (ma’tante): oncle, tante

Mouche à chevreuil: grosse mouche noire qui pique et pince en arrachant un petit morceau de chair

Mouche de moutarde: cataplasme à la moutarde que l’on mettait sur la poitrine pour faciliter la respiration

N

Niaiseux: niais Nordais: vent du nord-est

O

Ordinaire: tâches quotidiennes

Ouaouaron: mot onomatopéique, gros crapaud

P

Puntouto: du tout

Papoose: bébé (de l’amérindien)

Pinotte: arachide, de l’anglais “peanuts”. «Travailler pour des pinottes»: travailler pour un maigre salaire

Pépère: grand-père

Pété: brisé

Piano box: calèche à quatre places (mot anglais)

Pied de vent: rayon de soleil qui réussit à passer à travers plusieurs nuages comme une colonne de lumière

Piqué: superposition de tissus, piqués ensemble, destinés à protéger le matelas

Pi-tourne: bougeotte, dérivé de “puis tourne”,

Pogner: coincer, prendre

Poquer: marquer, abîmer

Pourdre: poudre

Presse: hâte P’tit blanc: alcool pur

P’tit Canada: rue Notre-Dame, à Saint-Tite

P’tit char: tramway

Pulp and paper: pâte et papier (anglicisme)

Q

Quêteux: mendiant

Qu’ossé: qu’est-ce que

R

Rapailler: réunir, rassembler Ratoureux: roublard

Raveau: désordre, déformation de ravage

Reel: rigodon (mot anglais)

S

Sablage: ponçage

Savonnier: porte-savon, fait de broche, avec une poignée, dans lequel on mettait le savon et que l’on agitait dans l’eau

Set: ensemble, mobilier de (anglicisme)

Sleigh: traîneau ou carriole (mot anglais)

Sparage: simagrée

Stand-by: être de garde, être prêt à (anglicisme)

Straight: une suite (aux cartes)

Suisse: tamara à rayures, petit rongeur qui ressemble à l’écureuil Sweep: remise à l’eau des billes échouées sur les rives (mot anglais)

T

Tabarnak:juron

Tapé: froissé, écrasé

Thébord: cabaret pour le thé, déformation de “tea board”

Top: dessus (anglicisme)

Torhieu: juron (de: tort de Dieu)

Train: traite des vaches

Traînerie: objet en désordre, à la traîne

Trimbaler: transporter

Truie: petite fournaise de plancher alimentée au bois V

Vaisseaux: chaudrons, plats de cuisson

Vieux bien: terre ancestrale ou paternelle

Achevé d’imprimer au Canada

Imprimerie Gagné Ltée Louiseville

 

Les Filles De Caleb
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