PRISE DE BEC AU
PROCÈS DISNEY
Le procès intenté par les actionnaires de la Walt Disney Company à son ex-président Michael Ovitz, à propos de sa faramineuse indemnité de licenciement, a connu aujourd'hui un brusque rebondissement avec la déposition d'un témoin inattendu. Celui-ci a été interrogé par l'avocat du géant de l'industrie du divertissement.
L'AVOCAT : Le témoin peut-il décliner son nom ?
LE TEMOIN : Mickey Mouse.
AVOCAT : Pouvez-vous s'il vous plaît indiquer à la cour votre profession.
TEMOIN : Rongeur animé.
A : Étiez-vous ami avec le P-DG Michael Eisner ?
T : Je ne dirais pas vraiment ami - nous avons dîné ensemble à plusieurs occasions. Une fois, lui et sa femme nous ont invités chez eux, Minnie et moi.
A : Vous est-il arrivé de discuter affaires avec lui ?
T : J'ai participé à un petit déjeuner où il y avait M.
Eisner, Roy Disney, Pluto et Dingo.
A : Où a eu lieu ce petit déjeuner ?
T : Au Beverly Hills Hôtel.
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A : Y a-t-il eu d'autres témoins ?
T : Steven Spielberg s'est arrêté à notre table pour dire bonjour... Oh, et Daffy Duck.
À : Vous connaissez Daffy Duck ?
T : Daffy Duck et moi, on s'était rencontrés chez Sue Mengers, quelques mois plus tôt, et on avait sympathisé.
A : Si j'ai bien compris, M. Eisner n'approuvait pas que vous soyez en contact avec Daffy Duck ?
T : On s'est disputés à plusieurs reprises à ce sujet.
A : Et que s'est-il passé finalement ?
T : J'ai fini par arrêter de voir Daffy quand j'ai appris qu'il était devenu scientologue.
A : Revenons au petit déjeuner, si vous le voulez bien.
Vous souvenez-vous de quoi il a été question ?
T : M. Eisner a dit qu'il avait l'intention d'engager Michael Ovitz, qui était alors à la direction de la Créative Artist Agency.
A : Quelle a été votre réaction en entendant cela ?
T : J'ai été étonné, mais Pluto, lui, a eu encore plus de mal à encaisser. Il a paru découragé.
A : Pourquoi découragé ?
T : Il était inquiet parce que M. Ovitz était beaucoup plus proche de Dingo. Pluto a eu le sentiment que son temps de présence à l'écran risquait d'en pâtir.
A : Donc vous étiez au courant qu'il existait une «
relation privilégiée » entre M. Ovitz et Dingo ?
T : Je savais qu'à l'époque où M. Ovitz était agent, il avait courtisé Dingo, et, si je me souviens bien, ils avaient loué ensemble une maison à Aspen.
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A : Est-ce qu'il y a eu un moment précis où ils se sont rapprochés ?
T : M. Ovitz a défendu Dingo quand il s'est fait arrêter à Malibu pour une histoire de dope.
A : Est-il vrai que Dingo avait un problème avec la drogue ?
T : Il était accro au Percodan.
A : Cela durait depuis combien de temps ?
T : Dingo était sous calmants à cause d'un dessin animé
- une belle plantade. Il avait sauté de l'Empire State Building avec un parapluie en guise de parachute, et il s'était fait mal au dos.
A : Et alors ?
T : M. Ovitz a pris l'initiative de faire admettre Dingo en cure de désintoxication au Betty Ford Center.
A : Avez-vous fait part à M. Eisner de vos craintes concernant son projet d'engager M. Ovitz ?
T : Minnie et moi en avons discuté. Nous savions que c'était le clash assuré.
A : En avez-vous parlé avec d'autres personnes, hormis votre femme ?
T : Dumbo, Bambi - je ne me souviens pas vraiment.
Ah oui, Jiminy Criquet, une fois, chez Barbra Streisand.
Elle a organisé une soirée en son honneur lorsqu'il a acheté sa maison à Trancas.
A : Est-ce qu'il en a été conclu quelque chose ?
T : Dumbo estimait que c'était à Donald Duck de faire part à M. Eisner de notre inquiétude, parce que M. Eisner écoutait toujours Donald. Comme il l'avait dit lui-même, il considérait Donald comme « l'un des canards les plus brillants qu'il lui avait été donné de rencontrer ». Ils avaient passé beau-219
coup de temps ensemble, au bord de la mare de Donald.
A : Ce sentiment était-il réciproque ?
T : Oh oui. Donald a vécu chez M. Eisner pendant six mois, lorsque lui et Daisy se sont séparés.
Donald avait eu une aventure avec Pétunia, la petite amie de Porky. Chez Disney, il n'était pas question de sympathiser avec des créatures d'un studio concurrent ; mais dans le cas de Donald, M. Eisner a choisi de fermer les yeux, ce qui n'a pas plu aux actionnaires.
A : C'est l'affaire à laquelle vous avez fait allusion dans votre déposition ?
T : Oui. Je ne me souviens plus exactement - mais il me semble que Donald a été présenté à Pétunia chez Jeffrey Katzenberg.
A : Étiez-vous présent ce jour-là ?
T : Oui, il y avait aussi Tom Cruise, Tom Hanks, Jack Nicholson. Et, il me semble, Sean Penn, Vil Coyote, Bip Bip...
A : Tom et Jerry ?
T : Non, ce week-end-là, ils étaient à un séminaire EST, la secte de Werner Erhard.
A : Six mois plus tard, messieurs Katzenberg et Eisner étaient attaqués en justice. Est-ce que vous vous souvenez des détails ?
T : C'était lié au fait que M. Eisner avait promis des stock options à Bugs Bunny s'il venait travailler chez Disney.
A : Bugs a-t-il accepté ?
T : Non, Bugs est quelqu'un de très indépendant.
À cette époque, il avait l'intention de prendre une année sabbatique pour écrire un roman.
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A : Revenons à la soirée - vous souvenez-vous de ce qui s est passé ensuite ?
T : Oui. Donald Duck s est saoulé et a dragué Nicole Kidman. C'était terriblement gênant parce qu'elle et Tom Cruise étaient encore mariés. Donald semblait en vouloir à Cruise, il avait l'impression qu'on ne proposait à Tom que des rôles qui auraient dû être pour lui. Je me souviens qu'à cette soirée M. Eisner a accompagné Donald dehors pour le calmer.
A : Vous rappelez-vous ce qui s'est passé ensuite ?
T : Donald a fait la connaissance de Pétunia sur la pelouse de M. Katzenberg. Il l'a trouvée très belle, très excitante et je sais qu'ils aimaient plus ou moins les mêmes groupes de musique. Donald avait toujours eu du mal à contrôler ses colères. Cela faisait des années qu'il était sous Prozac ; il était convaincu que sa carrière était un fiasco et qu'il finirait un jour ou l'autre au menu d'un restaurant cantonais. Malgré les recommandations de M.
Eisner, Donald a commencé à fréquenter en catimini la petite copine de Porky.
A : À votre connaissance, combien de temps a duré cette aventure ?
T : Un an environ. Pétunia a fini par annoncer à Donald qu'elle ne pouvait plus continuer à le voir parce qu'elle était tombée amoureuse de Warren Beatty, et que lui aussi était fou d'elle. Si vous vous souvenez, elle l'a d'ailleurs accompagné au festival de Cannes.
A : Y a-t-il eu un moment où Daisy a mis Donald à la porte ?
T : Oui. M. Eisner l'a alors hébergé. Il est resté chez lui jusqu'à ce que Donald et Daisy décident
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d'habiter à nouveau ensemble, mais en se mettant d'accord pour être un couple libre.
A : Donc, pour autant que vous sachiez, est-ce qu'il est possible que quelqu'un ait dit à M. Eisner que ce ne serait peut-être pas une bonne idée d'engager M. Ovitz ?
T : Le soir des Academy Awards, j'ai abordé le sujet avec Pinocchio, mais il n'a pas voulu s'en mêler.
A : Vous êtes donc en train de dire que ni Pinocchio ni personne d'autre n'a prévenu M. Eisner que lui et M. Ovitz risquaient de ne pas former une équipe très performante.
T : Pour autant que je me souvienne, c'est correct.
A : Et lorsqu'il s'est avéré que cela ne fonctionnait pas au plan professionnel, est-ce que la question des indemnités de licenciement a été abordée - les cent quarante millions de dollars perçus ? M. Ovitz a-t-il à un moment donné eu le sentiment que la somme était excessive ?
T : Je sais seulement que Jiminy Criquet était souvent perché sur l'épaule de M. Ovitz et lui conseillait toujours de laisser sa conscience guider ses pas.
A : Et alors ?
T : La suite de l'histoire, tout le monde la connaît.
A : Je n'ai plus d'autres questions, votre honneur.