Indrâ nî, l'épouse du Roi-du-ciel, est aussi appelée Shacî ou Paulomî car elle est la fille du génie Puloman. Indra tua Puloman pour l'épouser. Elle correspond à la Sujâtâ du bouddhisme.
Les formes mineures de la déesse
LES YOGINI-S
Les yoginî-s sont les compagnes de Durgâ, l'Inaccessible. A l'origine elles étaient huit mais devinrent ensuite treize puis soixante-quatre. Elles sont représentées comme des sorcières et des ogresses.
LES DÂKINÎ-S
Les Dâkinî-s sont des démons-femelles, mangeuses de chair crue. Elles sont les compagnes de Kâlî. Pûtanâ, le démon qui voulut empoisonner K rishn a, était une Dâkinî.
QUELQUES AUTRES ASPECTS DE LA DÉESSE 439
LES GRAHÎ-S
Les Grahî-s, ou saisisseuses, sont des sorcières qui entrent dans le corps des nouveau-nés et les font mourir.
BHAIRAVÎ-S
Les Bhairavî-s sont des servantes à l'aspect terrible de Shiva et de Durgâ.
SHÂKINÎ-S
Les Shâkinî-s sont des démons femelles qui entourent Durgâ.
CINQUIÈME PARTIE
LES DIEUX SECONDAIRES
I
LES FILS DE SHIVA
Ga napati ou Ga nesha, le Seigneur-des-catégories, le Principe-du-nombre
TOUT ce que nos sens peuvent percevoir ou notre esprit saisir peut être classé en des genres, en des catégories. Il est donc logique de considérer la caté-
gorie comme un aspect, un principe fondamental de l'existence. « Tout ce qui peut être compté ou classifié forme une catégorie (ga n a)... le mot catégorie représente n'importe quelle collection de choses. » (Bhagavat tattva.) Le principe de toutes les classifications qui permettent d'établir des rapports entre différents ordres de choses, entre le macroscosme et le microcosme, est appelé le Seigneur-des-catégories (Ga n apati).
« Ga n apati est le régent des catégories. » (Bhagavat tattva.) Il peut être identifié à la divinité dans sa manifestation perceptible. « Je te salue Seigneur-des-catégories.
Tu es la seule forme visible du Principe. Tu es le seul créateur, tu es le seul soutien, tu es le seul destructeur, tu es, sans erreur possible, le seul principe de toutes choses, le seul Soi véritable. » ( Ga n apati Upani sh ad, 2.) Ga n apati est parfois identifié au grand-maître, B ri has-444 LE POLYTHÉISME HINDOU
pati, le précepteur des dieux, Il est mentionné déjà dans le Ri g Veda. « Seigneur-des-catégories, tu en es le maître.
Tu es le voyant des voyants. Ta richesse est sans égale.
Tu es le Roi-des-ancêtres, le Souverain-du-principe-des principes. Écoute-nous et prends ta place [parmi nous]
apportant avec toi tous les plaisirs. » (Ri g Veda, 2, 31, 1.) Nommé indirectement dans le Taittirîya Ara n yaka et dans [un passage interpolé de] la Maitrâya n î Samhitâ.
Ga n apati n'apparaît sous sa forme actuelle que dans le Mahâbhârata. L ' A g n i Purâ n a et la Yâjñavalkya sm ri ti décrivent brièvement des rites de Ga n apati. La Yâjñavalkya sm ri ti le décrit comme un être démoniaque. Il joue un rôle significatif dans le Tantrisme. Le Prapañ ca-Sâra-Tantra donne de lui une description détaillée.
Pour les fidèles de la secte des Gâ n apatya-s, il représente la divinité suprême. Il est l'un des cinq dieux du culte smârta. Plusieurs Purâ n a-s le placent au-dessus de la trinité.
Le Seigneur-des-catégories est le patron des lettres et celui des écoles. Il est le scribe qui transcrivit les livres saints. « C'est toi, Chef-des-catégories, qui transcrivis cet ouvrage. » ( Mahâbhârata, 1, 1, 77.) Les Brâhma n a-s le reconnaissent comme le dieu du savoir. Il est vénéré au début de chaque entreprise. Son image se trouvé à l'entrée de toutes les maisons, de tous les sanctuaires.
Les noms de Ga napati
Ga n apati a beaucoup de noms; les principaux sont Ga n esha (Souverain-des-catégories), Vighneshvara (Maître-des-obstacles), Vinâyaka (Meilleur-des-guides), Gajânana (Face-d'éléphant), Gajâdhipa (Roi-des-éléphants).
La signification de Ga napati Ga n apati représente l'un des concepts de base du symbolisme mythologique hindou, l'identité du macrocosme LES FILS DE SHIVA 445
et du microcosme, ou, en termes religieux, la notion que l'homme est l'image de Dieu. Les notions de la divinité de l'homme et de l'immanence du divin doivent être présentes dans notre esprit chaque fois que nous entre-prenons quelque chose. C'est pourquoi Ganesha est salué le premier.
L'identité du macrocosme et du microcosme peut être observée dans la permanence de certaines relations qui forment le substrat de tous les aspects de l'univers perceptible. Ces relations peuvent être exprimées par des nombres.
C'est pourquoi le nombre peut sembler aisément l'élément commun de toutes les formes, l'élément qui unifie toutes les substances. Le principe du nombre qui s'exprime dans ce qui est nombrable, les catégories, est antérieur, même à l'intellect qui fonctionne par catégories. « Le Seigneur-des-catégories règne sur l'intellect universel, le Principe-transcendant (Mahat tattva), ainsi que sur les principes-des-éléments (tattva-s) qui en sont dérivés. » (Cité dans Bhagavat tattva.)
La naissance de Ga napati
Selon le Shiva Purâ n a, l'épouse de Shiva, la Fille-de-la-montagne fut un jour dérangée par son seigneur qui entra dans la maison alors qu'elle prenait son bain.
Agacée de n'avoir point un serviteur à elle pour garder sa porte, elle se frotta le corps et avec un peu de crasse elle façonna un être beau comme le jour qu'elle appela son fils et qu'elle utilisa comme gardien. Lorsque l'enfant prétendit empêcher Shiva d'entrer dans la maison, le dieu lança contre lui ses sbires et, dans la bagarre, la tête de Ga n apati fut tranchée. Voyant le chagrin de la Fille-de-la-montagne, Shiva coupa la tête du premier être vivant qu'il rencontra et la joignit au corps de l'enfant. Il se trouva que cette tête était celle d'un éléphant.
446 LE POLYTHÉISME HINDOU
Dans une autre légende que conte le Brahma-vaivarta Purâ n a, c'est le regard maléfique de Saturne qui fit s'envoler la tête de l'enfant.
L'éléphant et l'homme 1
Ga n apati est représenté comme un homme à tête d'éléphant qui symbolise l'unité du petit être, le microcosme, c'est-à-dire l'homme, et du grand être, le macrocosme, qui est l'éléphant. Le mot homme (nara) est défini comme signifiant « la divinité qualifiée ». Le microcosme est la progéniture de l'Être-cosmique. « C'est pourquoi les êtres nés de l'homme universel sont connus des sages sous le nom d'hommes. » ( Mahâbhârata, 5, 70, 10.) Le mot éléphant (gaja) a comme sens symbolique :
« l'origine et la fin ». Le stade atteint par le yogin dans son ultime expérience d'identification (samâdhi) est appelé la fin (ga); et le principe appelé (ja) est le Verbe, le principe duquel la syllabe-de-soumission AUM est issue par un processus de réflexion multiple. L'éléphant est donc le symbole du stade « d'où commence l'existence » et
« d'où naît la syllabe A U M , d ' A U M [la loi de l'univers], le Veda, et du Veda le monde ».
La partie homme du Ga n apati étant le principe manifesté, est inférieure au non-manifesté qui est l'éléphant. La partie éléphant est donc la tête.
Tu es cela
Dans les termes de la logique de ce monde, un homme ne peut pas être un éléphant; pourtant, du point de vue de la logique divine, il n'y a pas là d'impossibilité, car la divinité 1. L'explication que nous donnons du symbolisme de Ga n apati est presque entièrement basée sur un texte Hindi, Shrî Bhagavat tattva, p a r Svâm î K a r a p â t r î , Bénarès , 1943.
LES FILS DE SHIVA 447
est ce en quoi les contraires co-existent. Ceci devient évident lorsque nous suivons les symboles jusqu'à leur sens essentiel. La formule sacrée qui représente sous une forme verbale le principe appelé Ga n apati est Tat-tvam-asi
« Tu es cela ».
« Tu (toi, l'être vivant) es la forme visible de cela (l'essence divine). » ( Ga n apati Upani sh ad, 2.) Le pronom neutre tat (cela) représente « le principe transcendant et sans limites qui est vérité et connaissance » ( Taittirîya Ara n yaka, 8, 1, 1) au-delà de tous les attributs. Le pronom tvam (tu) représente « le principe qualifié dont la forme est l'Univers ». Le « toi » et le « cela »
sont soudés en une entité indivisible par le troisième terme asi (es), c'est-à-dire l'existence.
L'existence humaine est la coordination de l'absolu et du relatif, du « cela » et du « toi ». La connaissance véritable est la réalisation de cette relation.
L'image du Ga n apati nous rappelle incessamment la réalité d'une identité apparemment impossible. L'homme est réellement l'image du Cosmos. Toutes les réalisations lui sont possibles sans sortir de lui-même. En étudiant ses impulsions intérieures et sa structure interne il peut comprendre la nature de l'Univers.
Celui-qui-enlève-les-obstacles
Le Seigneur-des-catégories est le destructeur des obstacles. « Je salue le fils de Shiva qui personnifie le Dispensateur-de-dons et le Destructeur-des-obstacles. » (Ga n apati Upani sh ad, 15.) Expliquant ce passage, Shankarâcarya dit : « C'est lui qui en donnant l'immortalité fait disparaître la crainte inhérente au temps et à la durée. »
Dans le Skanda et le Maudgala Purâ n a-s se trouve l'histoire du prince Agréable-à-tous (Âbhinandana) qui offrit de grands sacrifices aux dieux mais omit d'inviter 448 LE POLYTHÉISME HINDOU
Indra, le Roi-du-ciel. Quand il entendit cela, Indra se mit en colère. Il fit venir le Temps, le destructeur, et lui commanda de mettre fin au sacrifice. Le Temps prit alors la forme du génie Obstruction (Vighna-asûra) et tua le prince Agréable-à-tous. Ce génie erra ensuite par le monde, parfois visible, parfois invisible, fomentant le désordre dans tous les rites. Ne sachant que faire, Vasi shth a et les autres sages allèrent trouver le créateur Brahmâ pour demander sa protection. Brahmâ leur suggéra de prier le Seigneur-des-catégories qui est au-delà du Temps que lui seul a le pouvoir de dominer.
Vaincu par Ga n esha, le génie Obstruction se mit sous sa protection et le servit fidèlement. C'est pourquoi Ga n esha est aussi appelé Seigneur-d'obstruction (Vighna-râja). Si on entreprend quoi que ce soit sans prier et vénérer Ganesha, des obstacles sont certains d'apparaître. C'est pourquoi dans l'invocation préliminaire de tous les sacrifices (Pu n yâhavâcana) se trouvent toujours les mots :
« Puissent les deux dieux Obstruction et son maître être satisfaits. »
Comme tous les autres dieux, Ganapati peut être repré-
senté par divers symboles. Il existe donc un diagramme ou yantra, une formule-parlée ou mantra et une icône ou image de Ga n apati.
Le mantra ou représentation-verbale de Ga n apati est le monosyllabe A U M prononcé au début de tous les rites.
Son sens est exprimé dans la formule sacrée Tat-tvam-asi (Tu es cela) qui représente l'identité fondamentale du macrocosme et du microcosme.
Le svastika est le symbole graphique du Ga n esha. Il est fait d'une croix qui représente le développement dans le multiple, en partant de l'unité, le point central, mais chacune des branches de la croix est coudée de sorte que la partie extérieure ne montre pas la direction du centre.
Ceci a pour but d'indiquer que les formes extérieures de LES FILS DE SHIVA 449
l'Univers ne nous conduisent jamais vers leur unité fondamentale. C'est pourquoi il est dit que la voie qui mène au principe est « tordue » (vakra).
Il existe en dehors du svastika un diagramme plus complexe qui est le symbole géométrique, le yantra de Ga n esha, et qui sert pour les rites de son culte. Un autre emblème de Ganesha est la pierre suvarna-bhadra.
L'image de Ga napati
« Il n'a qu'une défense, mais quatre bras. Deux de ses mains tiennent un lacet et un crochet. Ses deux autres mains font les gestes d'accorder des dons et d'éloigner la crainte.
« Sur son fanion on voit une souris. Il est rouge et obèse, ses oreilles ont la forme de vans. Il est vêtu de rouge et tous ses membres sont couverts de pâte de santal rouge.
« Il est vénéré avec des fleurs rouges. Infaillible, charitable, il est l'origine des mondes. Il apparaît, au début de la création, seul, avant la Nature, avant la Personne-cosmique.
« Quiconque médite sur sa forme prend une place importante parmi les réintégrés. » ( Ga n apati Upani sh ad, 11-14.)
LA DÉFENSE
Ga n apati n'a qu'une dent, qu'une défense. D'après le Maudgala Purâ n a, « le mo t un est le symbole de l'Illusion de laquelle tout est issu. La dent est le soutien de l'existence, la force instigatrice de l'Illusion ».
Ganapati n'a qu'une dent parce qu'en lui sont unis l'être qualifié et manifesté qui est l'Illusion (Mâyâ) et l'être non qualifié et non manifesté qui est l'instigateur de l'Illusion, l'Illusionniste (Mâyin).
450 LE POLYTHÉISME HINDOU
LA TROMPE
La trompe de Ga n apati est tordue. « Son visage, image du Soi, est tordu. »
« Tandis que la forme extérieure du monde semble intelligible pour l'esprit et la parole, le divin ne peut être directement approché et est donc appelé « tordu ». On dit aussi que sa trompe est courbée parce qu'il contourne les obstacles. » Cette trompe de Ga n apati est courbée tantôt à droite, tantôt â gauche. Ces deux directions correspondent aux deux voies par lesquelles les obstacles peuvent être contournés et le but suprême atteint. Ces deux voies sont appelées la voie de la main droite et celle de la main gauche. Cette distinction s'applique aussi au svastika dont les branches peuvent être courbées à droite ou à gauche.
LES QUATRE BRAS
En tant que roi de l'Univers, Ga n apati a quatre bras.
C'est lui qui créa les quatre sortes d'êtres. C'est lui aussi qui établit les quatre castes et révéla les quatre voies de la connaissance, les quatre Veda-s.
« Dans le ciel, cet enfant établira la prédominance des dieux, sur terre celle des hommes, dans le monde inférieur, celle des anti-dieux et des serpents. O prêtre, c'est par lui que se meuvent les quatre principes des éléments1. Il a donc quatre bras. Il existe beaucoup de choses qui vont par quatre, c'est lui qui les a toutes établies. »
Il tient un lacet pour attraper l'Erreur (Moha), l'ennemi des chercheurs de vérité. Son crochet pour diriger les éléphants est le symbole de son empire sur le monde. La main qui donne montre sa générosité envers ceux qui l'invoquent. La main qui éloigne la crainte indique qu'il 1. Le cinquième élément, l'éther, est immobile.
LES FILS DE SHIVA 451
est au-delà de l'atteinte du temps, de la mort, à laquelle appartient toute crainte.
LA SOURIS
La monture de Ga n apati est une souris (mûshaka).
La souris a pour domaine l'intérieur des choses. Le Soi, l'Atman omniprésent, est une souris qui vit dans un trou appelé l'intellect, à l'intérieur du cœur de tous les êtres.
C'est lui qui profite des plaisirs de toutes les créatures.
Ce soi de tous est un voleur comme la souris car sans être vu, il s'approprie tout ce que possèdent les êtres. Il se dissimule derrière les formes inscrutables de l'illusion et nul ne sait que c'est lui qui jouit des plaisirs que les êtres croient ressentir. « C'est même à lui que va le bénéfice de toute ascèse. » ( Bhagavad-Gîta.)
Le mot mu sh a (souris) vient de la racine mush qui veut dire voler. Bien qu'elle vole aux êtres vivants tout ce dont ils ont la jouissance, la souris se moque de savoir s'il s'agit des fruits du vice ou de la vertu. De même le Souverain-intérieur de toutes choses, caché sous l'inscrutable Illusion, jouit des plaisirs de tous, mais n'est en rien affecté par les distinctions de vertu et de vice.
« La souris est son glorieux véhicule que tous peuvent admirer. La sagesse éternelle l'appelle Chevaucheur-de-souris. La racine mush veut dire voler. Le vol est le métier de l'être-immense qui, invisible, est l'âme de tous les noms et de toutes les formes. Étant leur cause, il est dans tous les plaisirs, celui qui en a la jouissance. Ceux qui sont égarés par l'orgueil du Moi sont seuls à ne pas le savoir.
Il est celui qui jouit de tout, le Seigneur-souverain, installé en nous comme un voleur. Instigateur de l'homme on l'appelle souris. » (Cité dans Bhagavat tattva.) Ga n apati est obèse parce que la manifestation tout entière est contenue en lui. Lui-même n'est contenu dans rien.
4 5 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
« Il n'y a pas de doute que beaucoup d'univers immenses sont nés de son ventre. » (Cité dans Bhagavat tattva.) Les oreilles de ce dieu ressemblent aux vans des mois-sonneurs parce qu'il sélectionne les paroles que les hommes lui adressent. Il jette au vent la poussière du vice et de la vertu et seules les valeurs réelles demeurent. « Car c'est seulement en le vannant que le blé devient libre de poussière et tel que tout homme peut en faire sa nourriture. »
(Cité dans Bhagavat tattva.)
« C'est pourquoi, très charmant! Celui qui néglige de vénérer les oreilles qui vannent ne découvrira jamais l'absolu noyé dans les formes changeantes des apparences. »
(Cité dans Bhagavat tattva.)
« Les hommes cherchent la protection des oreilles qui vannent et qui rejettent les impuretés de tout ce qui change, pour que le Grand-être puisse s'établir parmi eux et qu'ils puissent s'identifier à lui. » ( ibid.) Ganesha est aussi le Roi-des-ancêtres (jye shath a-râja).
Il est le premier parmi les grands et il préside à l'assemblée des dieux.
Kumâra, l'adolescent
« Tourmentés par l'anti-dieu, Târaka, les dieux conduits par Indra, leur chef, s'en furent dans le monde de l'Auto-engendré qui est le Créateur. » ( Kumâra sambhava, 2, 1.) Le Créateur dit : « Seule la semence de Shiva peut pro-duire un héros qui vaincra les puissances maléfiques. »
Mais Shiva, le Grand-yogi, était perdu dans sa méditation.
Kâma, le dieu de l'érotisme, essaya d'attirer son attention et fut réduit en cendres par un seul regard de son troisième œil. La Fille-de-la-montagne (Pârvatî) commença alors des pratiques d'ascèse. Mais c'est seulement après de longues mortifications qu'elle attira l'attention du Maîtrc-du-yoga. Une fois que Shiva fut enflammé, nul LES FILS DE SHIVA 4 5 3
être ne put contenir sa semence brûlante. Elle tomba dans la bouche du feu, puis dans le Gange qui la rejeta dans des buissons de roseaux appelés la Forêt-de-flèches (shara-vana). Cette semence de vie donna naissance au
« Sauteur » ou « Jet-de-sperme » (skanda), qui fut appelé le Chaste-adolescent (Kumâra) car il demeure toujours jeune et ne se marie jamais. Skanda fut conçu sans la participation d'un être femelle.
Il fut élevé par les six pléiades (K ri ttika-s). C'est pourquoi on l'appelle Fils-des-pléiades (Kârtikeya). Il se donna six visages pour boire leur lait. Il fut fait seigneur de la guerre, le chef mystérieux de l'armée des dieux. Il vainquit les anti-dieux Mahi sh a et Târaka ( Mahâbhârata, 3, 14610, et 13, 4181) dont la puissance, obtenue par d'incroyables pratiques d'ascèse, menaçait celle des dieux. Le but principal de sa naissance était de commander l'armée des dieux. On le considère parfois non comme le fils mais comme l'incarnation de Shiva.
On dit que l'armée des dieux est la seule épouse de Skanda, c'est pourquoi il ne se marie jamais. Toutefois on représente parfois Sena (l'armée) comme une fille de Brahmâ. On l'appelle aussi Kaumari (épouse de Kumâra).
La force de Kumâra est immense. Un jour, encore enfant, il planta son épieu dans la terre, défiant qui que ce soit de le mouvoir. Vi shn u saisit l'épieu de sa main gauche et chercha à l'ébranler. Ce fut la terre, avec ses forêts, ses montagnes et ses océans qui trembla. Et lorsque le génie Prahlâda essaya de l'arracher, il ne put y réussir et s'évanouit. ( Mahâbhârata, 12, 12320.) On représente Skanda comme un adolescent avec une ou six têtes, deux ou douze bras. Vêtu de rouge, il tient un arc et des flèches, une épée, la foudre et une hache. Son javelot qui jamais ne manque sa cible, revient dans sa main après avoir tué son opponent. Skanda a pour monture un paon qui est appelé l'Année (paravâ nî). Son emblème 454 LE POLYTHÉISME HINDOU
est le coq. Son fanion, don d'Agni, est rouge comme le feu de la destruction du monde et flamboie très haut au-dessus de son char.
Le culte de Skanda est ancien. Patañjali mentionne ses images et les monnaies de l'époque Kushan portent son nom. Il était l'objet d'un culte important dans l'Inde du Nord sous les Guptas. Il fut le dieu d'élection des Calukya-s. De nos jours, il est presque exclusivement vénéré dans l'Inde du Sud. Les femmes ne doivent pas assister ou participer à son culte. On a suggéré qu'à l'origine il a pu être un génie des enfants ou des morts. Plusieurs anciens dieux de l'Inde du Sud ont été fondus en lui, en particulier le Garçon (Murugan)1, le Porteur-d'épieu (Velan) et le Rouge (Sheyyân ou Sheyyavan). Des tentatives pour en faire une déification d'Alexandre ou d'un aspect de Soma ou pour l'identifier au Dionysos de Mégasthènes ont été prouvées inexactes. Le nom de Skanda apparaît pour la première fois dans un passage que l'on croit interpolé, de la Maitrâya n î Samhitâ et dans les G ri hya-sûtra-s, où il apparaît dans un rôle plutôt démoniaque qu'il a conservé par la suite. La Chândogya Upani sh ad l'identifie avec Sanat-Kumâra, l'éternel-adolescent.
L'histoire de Skanda est surtout contée dans le Shiva-Purâ n a et le Mahâbhârata. Elle est reprise dans le célèbre poème de Kâlidâsa, le Kumâra sambhava dont certaines parties passent pour apocryphes. Le culte de Skanda est décrit dans les Tantra-s. Le Skanda-Purâ n a, le plus considérable des Purâ n a-s, prétend être un épitomé des enseignements du dieu. Il existe aussi un traité d'architecture qui lui est attribué.
Skanda a beaucoup de noms. Il est l'Adolescent (Kumâra,) 1. Murugan était le dieu dravidien de la guerre, le fils héroïque de la terrible Korrovei. Gracieux et aimable, il a six visages, douze bras, le coq comme emblème. On le vénère a v e c des fleurs et des danses orgiastiques.
LES FILS DE SHIVA 455
le Fïls-des-Pléiades (Kârtikeya), le Mystérieux (Guha), le Fils-de-Rudra (Rudra sûnu), Cher-aux-brahmanes (Subrahma n ya), le Grand-capitaine (Mahâ-sena), le Chef-des-armées (Senâ-pati), le Chef-des-réalisés (Siddha-sena), le Porteur-de-javelot (Shakti-dhara), le Fils-du-Gange (Gangâ-putra), Né-d'un-buisson (Shara-bhû), Vainqueur-du-[démon]-Taraka (Târaka-jit), Aux-six-visages (Shanmukha ou Sha dânana), Fils-du-Purificateur ou Fils-du-feu (Pâvaka), etc. Le Mahâbhârata (3, 14630) mentionne trente et un de ses noms.
En yoga, Skanda est le nom qu'on donne au pouvoir de l'abstinence sexuelle. Selon V. S. Agraval ( Kalyâ n a, Shiva anka, p. 501) : « L'énergie de la semence virile, pré-
servée par l'ascèse et la chasteté absolue, est appelée Skanda (le jet de semence) ou Kumâra (l'adolescent). »
Aussi longtemps que dans la pratique du yoga, un contrôle absolu n'a pas été réalisé, Kumâra ne naît point et l'effort mental est toujours mis en échec par les tentations. En d'autres termes, les dieux sont tourmentés par les anti-dieux. C'est seulement lorsque la semence sublimée monte par l'artère centrale (Sushumnâ) du corps subtil jusqu'à la bouche du feu dans le sixième centre où elle est consumée que le yogi devient complètement le maître de ses instincts et que Skanda naît. Le yogi qui peut contrôler son corps et son esprit, même quand il dort, peut dériver son énergie procréative vers des fins intellectuelles et spirituelles. Il devient alors réellement un adepte, une image de Shiva. »
Les pléiades sont les divinités du feu, envisagé sous son aspect doux et bénéfique. Ces six nourrices de Kumâra sont en relation avec les six centres subtils à travers lesquels Kumâra se développe.
Kumâra chevauche un paon, l'animal qui tue les serpents, car il sait détruire les instincts les plus subtils qui enchaînent l'esprit de l'homme à son corps. Kumâra change le poison en ambroisie. Le serpent, par ailleurs, repré-
456 LE POLYTHÉISME HINDOU
sente le cycle de l'année. Le paon est le tueur du Temps.
En cosmologie, Kumâra est identifié à l'énergie solaire qui réside dans les plus hautes régions de la sphère terrestre, au-delà de la sphère de l'air et qui donne naissance à l'année. C'est l'énergie ignée de l'année (Samvatsara-agni) : Kumâra est donc la forme du Rudra appelée le Bleu et Rouge (Nîla-lohita). (Voir Shatapatha Brâhma n a, Brahma Kha nd a, 6, 1, 3.)
II
DIEUX MINEURS ET GÉNIES
Dieux mineurs et génies
PARMI les êtres célestes, les divinités qui protègent les sphères, les diverses espèces et les éléments, sont appelées les Dieux-perpétuels (Nitya-devatâ-s). Ils sont entourés de puissances mineures sur lesquelles ils règnent. Parmi eux sont les Régents-des-directions-de-l'espace (Loka-pâla-s), les Progéniteurs (Prajâpati-s) et les divinités protectrices des villes et des villages (Grâma-devatâ-s).
« Les Parfums [ou harmonies-célestes] (Gandharva-s), les Essences [ou possibilités-non-manifestées] (Apsara-s), sont des êtres célestes nés de la tendance cohésive, sattva, qui crée la lumière. Ils sont donc des aspects de l'Immanent (Vi shn u).
« Les Mystérieux (Yak sh a-s) ou esprits de la terre, les Bardes-célestes (Kinnara-s), les Génies (Daitya-s) sont des esprits nés de la tendance-orbitante rajas, dont la nature est l'action. Ils sont donc des aspects de l'Être-immense (Brahmâ).
« Les Errants-de-la-nuit (Rak sh asa-s), les Serpents (Nâga-s), les Esprits-errants (Preta-s), les Fantômes (Bhûta-s) sont les êtres surnaturels nés de la tendance-désin-458 LE POLYTHÉISME HINDOU
tégrante, tamas, qui crée l'obscurité. Ils sont donc des aspects du Seigneur-du-sommeil, dont ils sont les compagnons.
« Les principales divinités féminines sont les Pouvoirs-de-réintégration (Yoginî-s), les fées ou auxiliaires (Upanâyika-s) et les Puissances-du-temps protégeant les villages (Grâma-Kâlî-s).
« Les saints ou êtres humains qui par leurs vertus ont gagné le ciel et ont droit à ses plaisirs, sont aussi comptés parmi les dieux. » ( Devatâ tattva.)
Les compagnons de Shiva
Les principaux compagnons de Shiva sont les Gana-s ou Catégories, qui incluent toutes les divinités mineures dont on parle par groupes. Ils sont sous les ordres du Seigneur-des-catégories (Ga n apati). Ils résident sur la montagne des plaisirs : Kailasa.
Les principales Catégories sont de neuf sortes : les Principes-souverains (Aditya-s), les Esprits-vitaux (Rudra-s) et les Demeures (Vasu-s) qui sont respectivement les dieux du ciel, de l'atmosphère et de la terre (voir plus haut).
En dehors de ces importants Ga n a-s, il faut citer les dix Principes-universels (Vishva-s ou Vishvedeva-s), les Satisfaits (Tushita-s), les soixante-quatre Rayonnants (Abhâsvara-s), les quarante-neuf Vents (Anila-s), les Principes-royaux (mahârâjika-s), les Réalisations (Sâdhya-s).
Les esprits mauvais tels que les Ames-errantes (Preta-s), les Monstres (Pishâcha-s), les Fantômes (Bhûta-s), les Ogresses (Dâkinî-s), les Esprits-végétaux (Shâkini-s), les Esprits-terribles (Bhairava-s), font aussi partie des compagnons de Shiva.
Les Principes-universels, les Vishva-s on Vishve-deva-s D'après le Vi shn u Purâ n a, les Vishva-s sont les fils de Vishvâ, elle-même fille d'Art-rituel. Le nombre des DIEUX MINEURS ET GÉNIES 459
Vishva-s varie de dix à treize selon les textes. Les principaux sont :
1. Vasu, Demeure.
2. Satya, Vérité.
3. Kratu, Volonté, Intelligence, le Sacrifice.
4. Dak sh a, l'Art-rituel.
5. Kâla, le Temps.
6. Kâma, l'Erotisme.
7. Dh ri ti, la Patience.
8. Kuru, l'Ancêtre-nordique.
9. Purû-ravas, le Cri-d'abondance (un esprit vivant dans l'atmosphère).
10. Mâdrava, le Cri-de-joie.
On leur ajoute parfois :
11. Rocaka, le Charme, ou Locana, la Beauté.
12. Dhvani, la Gloire.
13. Dhuri, l'Autorité.
Ces deux derniers principes peuvent être réunis en un seul. Nous avons déjà rencontré Vasu parmi les dieux Védiques et Kâla parmi les aspects de Shiva. Après eux les plus importants des principes-universels sont l'Art-rituel (Dak sh a) et le Dieu-éros (Kâma).
Les Satisfaits (Tushita-s)
Les Satisfaits sont les fils du Principe-de-la-connaissance, l'ancêtre de la caste des prêtres et de son épouse Satisfaite (Tushitâ).
Les Rayonnants (Abhâsvara-s)
Les Rayonnants forment une classe de soixante divinités qui règnent sur toutes les qualités rayonnantes.
Les principaux sont : « Atman (l'Ame), Jñâtâ (le Savant), Dama (le contrôle de Soi), Dânta (la patience), Shanti (la paix), Jñâna (le savoir), Sama (le calme), Tapa (l'ascé-
460 LE POLYTHÉISME HINDOU
tisme), Kâma (la luxure), Krodha (la colère), Mada (l'ivresse), Moha (l'erreur) ».
Les Artisans ( Ribhu-s)
Les Ri bhu-s furent des hommes qui atteignirent l'immortalité en accomplissant un grand nombre de rites propitiatoires. Ils sont au-delà du désir, au-delà de la souffrance et de la joie, hors de l'atteinte du temps, dans un état que les dieux eux-mêmes voudraient atteindre.
Les Ri bhu-s sont les fils de Bon-archer (Sudhanvan) dont les yeux sont pareils au soleil. Ils sont identifiés aux esprits de l'année (Ri g Veda, 1, 7, 30).
Ils se reposent dans la maison du Soleil durant les douze jours intercalaires du solstice d'hiver. Ils sont les gardiens invisibles du Sacrifice-rituel ( Devatâ-tattva). Ailleurs on les présente comme trois artisans habiles : Ri bhu (l'imagination), Vâja (la force), et Vibhvan (la dextérité). Ces Artisans résident dans la sphère solaire. Ils fabriquèrent le char des Ashvin-s, le palais d'Indra, la vache miraculeuse de B ri haspati, la hache de Tva shtri. Ils rendirent la jeunesse à leurs parents. Ils sont les compagnons habituels d'Indra.
Les Portenrs-de-sagesse (Vidyâ-dhara-s)
Les Porteurs-de-sagesse ressemblent aux hommes, mais ils ont des pouvoirs magiques et peuvent changer de forme à volonté. Ce sont des esprits de l'air, habituellement bienveillants. Ils vivent dans les montagnes du Nord où se trouvent leurs villes et leurs rois. Ils peuvent épouser des humains qui deviennent alors eux-mêmes des porteurs-de-sagesse.
« Lorsque les guerriers se battent avec courage, les DIEUX MINEURS ET GÉNIES 461
Vidyâ-dhara-s font pleuvoir sur eux des fleurs » ( Mahâ-
bhârata, 2, 408).
Les Vidyâ-dhara-s sont mentionnés dans la mythologie jaina et bouddhiste. Le Nâgânanda de Har sh a est une pièce basée sur une légende des Vidyâ-dhara-s.
Les Essences (Apsara-s)
Les Apsara-s sont les possibilités non manifestées de tous les mondes possibles qui existent dans l'imagination divine, mais n'existeront probablement jamais matérielle-ment. Comme leur nom l'indique, les Apsara-s sont les Essences-des-eaux, étant les formes qui apparaissent et s'évanouissent dans l'océan causal. « O Roi! lorsque les eaux (Ap) furent barattées, des femmes très belles apparurent qui sont l'essence (rasa) des eaux. Elles sont donc appelées les Essences-des-eaux (Apsa-ras) » ( Râmâya n a, 1, 45, 33). Yâska explique leur nom comme Ap-sârini,
« se mouvant sur les eaux » ( Nirukta, 2,5,13). On dit aussi qu'elles sont filles de Vision (Kashyapa). Dans la mythologie tardive, elles sont représentées comme des nymphes éternellement jeunes qui sont les courtisanes et les danseuses du ciel. Elles sont appelées Femmes-des-dieux (Surânganâ-s) ou les Filles-du-plaisir (Sumad-atmajâ).
Elles naquirent durant le barattement de la mer et
« comme personne ne les épousa, elles devinrent des filles publiques » ( Râmâya n a, 1, 45, 33).
On présente parfois les Apsara-s comme les compagnes des Parfums (Gandharva-s) qui vivent avec elles dans leurs demeures océaniques. Parfois elles apparaissent comme des fées de l'air.
Elles sont représentées comme étant d'une étonnante beauté, avec des yeux de lotus, des tailles étroites et des hanches opulentes. Par leurs poses languissantes et leurs douces paroles, elles dérobent à ceux qui les regardent 4 6 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
leur sagesse et leur discernement. On les envoie pour séduire les ascètes dont les pouvoirs pourraient mettre en danger la suprématie des dieux.
Leur nombre est considérable, le Kâshî Kha nd a parle de trente-cinq millions. Elles sont divisées en catégories (gana-s). Le Vâyu Purâ n a mentionne quatorze de ces catégories, le Harivamsha sept. Douze des Apsara-s sont particulièrement célèbres; parmi elles sont Menakâ qui séduisit le sage Vish vamitra et devint la mère de Shakuntalâ, Rambhâ qui fut enlevée par le démon-roi Râvana, Tillotama qui causa la mort des démons Sunda et Upasunda. Urvashî est mentionnée dans le Ri g Veda (4, 2, 18; 5, 41, 19; 7, 33, 11; 10, 95, 10; 10, 95, 17).
Les Apsara-s ne sont pas prudes et dispensent volontiers leurs faveurs. Leurs amours sur terre ont été nombreuses.
On peut les conquérir en volant leurs vêtements pendant qu'elles se baignent. Elles se choisissent des amants parmi les morts tombés sur les champs de bataille. Elles ont le pouvoir de changer de forme. Elles aiment le jeu de dés et donnent la chance à ceux qui leur plaisent. Elles causent aussi la folie. L' Atharva Veda indique des charmes et des incantations contre elles.
Les Parfums (Gandharva-s)
Les Parfums ou Harmonies-célestes sont des êtres scintillants qui résident dans le ciel. Ils correspondent à des aspects solaires. Les Veda-s parlent du Gandharva au singulier. Sâyana le mentionne comme un dieu solaire.
Le Ri g Veda dit que le Gandharva se tient debout sur le firmament et, comme le Soleil, fait tomber une pluie précieuse. Le Gandharva védique connaît et révèle les secrets du ciel et la vérité divine. C'est pourquoi il est en rapport avec la déesse de la Parole (Vâc).
Les Gandharva-s portent des vêtements parfumés et se DIEUX MINEURS ET GÉNIES 4 6 3
nourrissent de l'odeur des herbes et de l'eau stagnante.
Ils sont associés à Soma, l'élixir de vie, dont ils protè-
gent la résidence, mais qu'ils essaient parfois d'accaparer.
On leur attribue une force sexuelle sans limites et un grand goût des femmes. Ils jouent le rôle d'amants, donnent et refusent la fécondité. Ils volent le fœtus, troublent l'esprit avec l'aide du vin, du jeu et de l'amour.
Un Gandharva guérit Varuna de son impotence au moyen d'une plante aphrodisiaque1. Dans les Samhitâ-s tardives et les Brâhma n a-s, ils sont en rapport avec l'embryon humain et sont invoqués dans les rites du mariage. On leur attribue une grande influence sur les filles non mariées.
Ils possèdent parfois les êtres humains.
Selon Sâya n a, le mot Gandharva représente le macrocosme, « la force vitale primordiale et universelle, enveloppée dans la coque cosmique ». Dans le microcosme, le Gandharva est le souffle vital, le porte-odeurs (Voir B. R.
Sharma, opus cité).
Dans la mythologie tardive, les Gandharva-s sont des musiciens et des chanteurs très bienveillants. Ils jouent de la vî nâ (luth) et chantent les plus beaux modes. Ils enseignent la science musicale. Leur roi est le Possesseur-du-char-merveilleux (Citra-ratha). Leur place dans la hiérarchie céleste est très haute, proche de celle des dieux.
Le Vi shn u Purâ n a dit qu'ils sont fils de Brahmâ, mais parle d'eux plus loin comme des enfants de Kashyapa.
Le Harivamsha les fait naître du nez de Brahmâ.
Les Gandharva-s possèdent des cités splendides. Les mirages sont des villes-des-Gandharva-s (Gandharva-nagara) que l'on aperçoit. On représente souvent les Gandharva-s avec un torse humain et un corps d'oiseau ou de cheval. Ils sont de la même famille que les Hommes-célestes (Kinnara-s), les Sortes-d'hommes (Kimpurusha-s) 1. Voir : Some aspects of the Vedic Gandharva and Apsaras, p a r B. R. S h a r m a (Poona Orientalist, vol. 13, p. 65).
4 6 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
et les Esprits-vagabonds (Câra n a-s) qui sont aussi des bardes et des musiciens célestes. Ils sont probablement apparentés aux centaures et en rapport avec des groupes constituant des sectes (Louis Renou). On les appelle parfois Gâtu-s ou Pulaka-s. Dans le Mahâbhârata on rencontre une peuplade résidant dans les montagnes et les déserts et appelée Gandharva-s.
Les Esprits-vagabonds (Cârana-s)
Les Vagabonds sont les panégyristes du ciel. Ils admirent les héros et chantent leurs louanges. Ils sont aussi des danseurs.
Les Hommes-célestes (Kinnara-s)1
Les Kinnara-s sont des êtres mythiques avec des corps d'hommes et des têtes de chevaux, ou bien, au contraire, des corps de chevaux et des têtes d'hommes. Ce sont des bardes qui chantent la gloire des dieux et sont parfois considérés comme une espèce de Gandharva-s. Ils sont attachés au service de Kubera, le Roi-des-trésors.
Les Divinités protectrices des villages (Grâma-devata-s) Ces Divinités sont les dieux tutélaires des villages. Us veillent au bien des habitants. Les Grâma-Kâlî-s ou Puissances-du-temps, protectrices des villages, en sont une variété. « Les Grâma-Kâlî-s sont des Divinités protectrices appartenant à la même classe que les Nâga-s. Elles sont les gardiennes des villages et des forêts » (Devatâ tattva).
Les Ancêtres (Pitri-s)
Sous le nom d'Ancêtres (Pitri-s) on vénère les premiers Progéniteurs des races humaines ainsi que tous les ancêtres 1. Le sanskrit K i n n a r a et le grec Kentauros (Centaure) sont de m ê m e origine.
DIEUX MINEURS ET GÉNIES 465
brûlés ou enterrés selon les rites. On les considère comme les égaux des dieux auxquels parfois ils s'opposent. Ils sont immortels et partagent la vie glorieuse des habitants du ciel. Des rites appelés shrâddha-s (hommages) sont accomplis en leur honneur et des offrandes appelées pi nd a-s (corps) leur sont offertes. Manu (3, 284) dit : « Il faut considérer les ancêtres comme des dieux. »
Les ancêtres résident dans la sphère de l'espace (bhuvas) ou la sphère de la lune. Ils sont les régents des constellations Magha et Mûla.
Les Réalisés (Siddha-a)
« Les humains qui ont atteint l'état de libération et rentrent donc dans les limites de la définition des dieux, donnée par Patanjali, restent toutefois distincts des autres dieux. Il y a une différence entre des êtres nés dieux, éternellement libres, et des êtres devenus dieux après avoir été des hommes et avoir traversé une vie d'esclavage.
L'être humain qui se dissout dans la Nature-fondamentale risque toujours de revenir et de retrouver le fruit de ses actions qui l'attend. Un dieu né est éternellement libre. » (Yogatrayânanda, Shrî Râmâvatara kathâ, p. 101.) Les Siddha-s sont fréquemment mentionnés dans le Mahâbhârata. « Ce sont des esprits parfaits et bénis qui résident dans le territoire sacré de l'Uttara-Kuru, dans le Nord lointain. » ( Mahâbhârata, 6, 254.) Siddhapura, la ville des réalisés, est mentionnée dans les ouvrages d'astronomie (Aryabha tîya, IVe siècle) comme étant située dans un pays où le soleil se lève, quand il se couche à Lanka (Ceylan), qu'il est midi à Romaka (Alexandrie) et qu'il est minuit dans la millième île à l'est de Java.
466 LE POLYTHÉISME HINDOU
Les Moyens de réalisation (Sâdhya-s)
Les Moyens de réalisation sont distincts des Réalisés (Siddha-s). « Les Sâdhya-s vivent de la cinquième essence [les Upani sh ad-s]. Brahmâ est leur bouche... Ils entrent dans la forme [qui semble vibrer au cœur du soleil] et jaillissent de cette forme. » ( Chândogya Upani sh ad, 3, 8. 3-7.)
D'après l' Agni Purâ n a (Ganabheda âdhyaya) « les Sâdhya-s sont douze. Ils sont appelés le mental (Manas), la pensée (Mantâ), la vie (Prâ n a), l'homme (Nara), la digestion (Apâna), la virilité (Vîryavân), la puissance (Vibhu), la vivacité (le cheval, Haya), la prudence (Naya), la sagesse (l'oie, Hamsa), la demeure-du-savoir (Nârâya n a), la domination (Prabhu).
Les Génies (Daitya-s et Dânava-s)
« Les Daitya-s et les Dânava-s sont des êtres surnaturels qui résident dans les mondes inférieurs et pourtant jouissent des plaisirs célestes. Ils sont les premiers enfants de Vision (Kashyapa) et sont donc comptés parmi les anti-dieux (Asura-s), frères aînés des dieux. On dit qu'ils furent relégués dans un monde inférieur parce qu'ils étaient orgueilleux, cruels et sensuels. » ( Devatâ tattva.)
Le nom des Dânava-s vient de leur mère Danu, une des filles d'Art-rituel et épouse de Vision. Le nom des Daitya-s vient aussi de leur mère Diti, également fille d'Art-rituel et épouse de Vision. Les génies Œil-d'or (Hira n yâ-K sh a) et Vêtu-d'or (Hira n yakashipu) sont des Daitya-s. Les Marut-s (Dieux des vents) sont aussi les fils de Diti. Le plus puissant des Dânava-s est V ri tra, mais le plus fameux est leur roi, Maya, l'architecte des génies.
DIEUX MINEURS ET GÉNIES 467
Les Serpents ou Dragons (Nâga-s), les perpétuellement mobiles
Les Nâga-s ou Serpents sont apparentés aux anti-dieux. On les représente comme des êtres mi-humains, mi-serpents. Ils ont un grand courage. Ils sont beaux, couverts de bijoux. Ils portent des couronnes et de grands anneaux d'oreilles. Ils appartiennent à des tribus diverses.
Certains sont bleus, certains rouges, d'autres blancs. Ils sont dangereux et forts, ils ont des dents empoisonnées.
Certains ont trois têtes, d'autres sept, d'autres dix ( Mahâ-
bhârata, 1, 216; 5, 3622). Les Nâga-s ont aussi d'autres noms. Ils sont les Sarpa-s (serpents), Panaga-s (rampants), Uraga-s (reptiles), Bhujanga-s .(glissant-sur-leurs-épaules), Ajagara-s (mangeurs-de-boucs).
Les rois des Nâga-s sont trois : Vâsukî, Tak sh aka et She sh a. She sh a (Vestige) est le serpent géant qui est enroulé sous la terre et en porte le poids. She sh a repré-
sente les vestiges des univers détruits qui subsistent lorsque, durant la nuit divine, la puissance de création se replie sur elle-même.
Les Nâga-s sont les descendants de Surabhi (l'Odorante), une vache fabuleuse, fille du sage non-Aryen Vision. Un autre mythe les fait naître de l'union de Vision et de Coupe-d'immortalité (Kadru), une des filles d'Art-rituel.
Dans ce dernier cas, les Nâga-s représentent les cycles du temps.
Les Nâga-s vivent dans le monde souterrain ou monde des serpents (Nâga loka) qui est un domaine immense empli de palais, de maisons, de tours et de jardins. Ce monde des serpents est aussi appelé Pâtâla ou Niraya.
Sa principale ville est la ville des plaisirs (Bhogavatî), gouvernée par Vâsukî. Selon le Varâha Purâ n a, trois des mondes inférieurs, Pâtâla, Atâla et Sutâla appartiennent aux Nâga-s. Les Nâga-s vivent aussi sur la terre, mais 468 LE POLYTHÉISME HINDOU
résident alors dans les cavernes de montagnes inaccessibles. Leurs pays favoris sont les rives de la rivière Ik sh umatî, la forêt Naimi sh a sur les bords de la Gomati, la rive nord du Gange et le pays Ni shâda. Ils ont des demeures également sous les mers.
Bien qu'ennemis des dieux, les Nâga-s ne sont pas défavorables à l'homme et ils se marient aux hommes.
Arjuna épouse une fille Nâga appelée Ulûpî.
La légende des Nâga-s semble venir de plusieurs sources combinées. D'un côté, le culte des serpents considérés comme les génies des arbres et des rivières, de l'autre, le souvenir de dans anciens dont le serpent était le symbole. De nos jours les Nâga-s sont vénérés dans tous les villages du Sud de l'Inde. Le serpent était le totem des anciens dravidiens et, jusqu'à des temps très récents, il existait dans l'Est et le Sud de l'Inde des dynasties de rois représentés avec un capuchon de cobra au-dessus de leur couronne. La tribu qui porte le nom de Nâga en Assam semble être d'une origine différente. Selon le Râja-taranginî, les Nâga-s étaient les premiers habitants du Cachemire.
Les Errants-de-la-nuit (Râk shasa-s) Les Errants-de-la-nuit sont de trois sortes : certains sont des génies ressemblant aux Yak sh a-s et aux Daitya-s, d'autres sont des titans, de puissants ennemis des dieux, d'autres sont des ogres et d'affreux démons. Les Errants-de-la-nuit dévorent les humains, animent les corps des morts, désorganisent les sacrifices, harassent les sages et affligent les hommes de mille façons. Ils sont fils de l'obscurité et errent la nuit. Leur pouvoir vers l'heure de minuit est absolu. Ils hantent les forêts, les déserts, les montagnes qui résonnent de leurs cris terribles.
Les Râk sh asa-s peuvent prendre toutes les formes DIEUX MINEURS ET GÉNIES 469
qu'ils désirent : humaines, animales ou monstrueuses; mais ils ont toujours un air effrayant, des yeux fulminants, des dents pointues qui sortent de leur bouche et une langue d'une longueur démesurée.
« Lorsque le singe Hanuman, l'envoyé de Râma, entra secrètement dans la ville de Lanka, il vit des Râk sh asa-s de toutes formes et de toutes espèces. Certains faisaient peur à voir, d'autres semblaient beaux. Plusieurs avaient des bras démesurés et des formes hideuses. Il y en avait de gros et de maigres. Certains étaient nains, d'autres d'une taille prodigieuse. Il en était qui n'avaient qu'un œil ou qu'une oreille. Plusieurs avaient des ventres énormes, des poitrines flasques, des dents proéminentes, des jambes tordues, d'autres étaient superbes à voir et riche-ment vêtus. Il y en avait à deux jambes, à trois ou à quatre, avec des têtes de serpents ou d'ânes, ou de chevaux, plusieurs avaient même des têtes d'éléphants. »
( Râmâya n a, Sundara kât nd a, sarga-s 4 et 17.) On attribue aux Râk sh asa-s des origines diverses. Ils sont les descendants du sage non-Aryen, Cheveu-lisse (Pulastya) ou bien ils sont nés du pied de Brahmâ et d'une fille d'Art-rituel. D'après le Vi shn u Purâ n a, ils sont les descendants de Râk sh as, un fils de Vision et de Khashâ, une fille d'Art-rituel.
Râva n a aux dix têtes qui régna sur Lanka et fut l'ennemi de Râma est le plus célèbre roi des Râk sh asa-s.
L'aspect démoniaque des Râk sh asa-s est très atténué dans la version dravidienne du Râmâya n a. Il y a de fortes raisons de penser qu'ils furent identifiés aux hommes à peau noire du Sud de l'Inde. Le mariage par capture est appelé, par Manu, la forme Râk sh asa du mariage.
Un grand nombre de noms et d'épithètes décrivent le caractère des Errants-de-la-nuit. Ils sont des tueurs (Hanû sh a), des mangeurs-d'offrandes (I sh tipaca), forts après la chute du jour (Sandhyâbala), errant la nuit 470 LE POLYTHÉISME HINDOU
(K sh apâta, Naktancâra, Râtri-cara, Nishâ-cara, Sâmanî-
sh ada), mangeurs d'hommes (N ri jagdha ou N ri cakshas), mangeurs de chair crue (Palâla, Palâda, Palanka sh a, Kravyâda), buveurs de sang (Asra-pa, As ri k-pa, Kaunapa, Kîlâla-pa, Rakta-pa), mordeurs (Dandamshuka), gloutons (Praghasa), aux visages sales (Malina mukhà), etc.
Les Monstres (Pishaca-s)
Les Pishaca-s sont mentionnés habituellement avec les Râk sh asa-s et souvent identifiés à eux. Ils sont aussi associés avec les Asura-s et les Yak sh a-s. Comme les Râk-sh asa-s, ils sont hideux, repoussants, assoiffés de sang.
Leur nom apparaît dans l' Atharva Veda. La tradition cachemirienne les fait vivre en Asie centrale. Comme les Nâga-s, ce sont des êtres fabuleux, semi-humains.
On leur attribue un Prâk ri t aberrant, le Paishacî. La forme la plus basse du mariage, celui par viol, porte leur nom.
Les Sorciers (yâtu-s ou Yâtudhâna-s)
Les Yâtu-s sont des êtres qui ressemblent aux Râk-sh asa-s, mais dont l'origine est distincte. Ils sont aussi apparentés aux Dasyu-s ou tribus primitives. Ce sont des magiciens et des sorciers. Leur nom est d'origine védique.
Dans ies Purâna-s on les identifie aux Râk sh asa-s. Ils sont les descendants de Vision et de Bon-goût (Su-rasâ).
Douze yâtudhana-s sont nommés dans le Vâyu-Purâ n a.
Les Vampires (Vetâla-s)
Les Vétala-s sont des vampires qui animent les cadavres.
Les Tantra-s décrivent des formes vetâla-s de magie noire.
DIEUX MINEURS ET GÉNIES 471
Les Fantômes (Preta-s)
Les Preta-s sont des fantômes, des esprits qui ont quitté le monde des vivants mais n'ont pu entrer dans le monde céleste, ni se réincarner dans d'autres corps. Ils sont directement gouvernés par Yama, le roi des morts, et sont parmi les compagnons de Shiva.
« Ils sont cruels et créent toujours le désordre. Ils aiment les lieux et les gens malpropres. L'homme tombe facilement sous leur influence quand il est sous l'effet de ses plus basses émotions, telles que la peur. Les Preta-s sont eux-mêmes dans un état de souffrance et ressentent d'incessantes douleurs. » (Devatâ tattva.) Les Ames-errantes (Bhûta-s)
Les Bhûta-s sont aussi des fantômes mais leur nom est employé pour toutes sortes d'esprits malfaisants. Ils sont les âmes des gens morts de mort violente. On les voit suivre les armées, empoisonner les arbres, les étangs et les champs. Ils hantent les arbres et les maisons abandonnées.
Beaucoup de basses castes dans le Nord de l'Inde n'ont aujourd'hui d'autre culte que celui des Bhûta-s auxquels ils offrent des oblations et qu'ils invoquent dans des rites magiques.
Les Esprits-terribles (Bhairava-s)
Vîrabhadra et les autres Bhairava-s sont représentés comme des compagnons terribles de Rudra mais ils sont parfois aussi considérés comme ses aspects.
III
AUTRES DIEUX
Kâma, le dieu-de-l'érotisme
KAMA, le dieu de l'érotisme, est l'un des Principes-universels (Vishvadeva-s). Dans l' Atharva Veda, Kâma est appelé le dieu suprême, le moteur de la création.
« Éros naquit le premier. Ni les dieux, ni les ancêtres, ni les hommes ne peuvent se comparer à lui. Il est supérieur à tous et à jamais le plus grand. » ( Atharva Veda, 9, 2, 19.) Le feu (Agni) n'est qu'une forme d'Éros. « Lorsqu'on les distingue, Éros apparaît comme la forme supérieure de l'autre dieu. » ( Atharva Veda, 9, 2, 24.) Le dieu Éros naît de lui-même (atma-bhû), il n'est né de nul autre (ananya-ja), il n'est point né (aja) mais sort du cœur de l'Être-immense (Brahmâ) ou des eaux primordiales (irâ-ja). Le Taittirîya Brâhma n a en fait le fils de la Loi-de-perfection (Dharma) et appelle sa femme Hommage (Shraddhâ). Selon le Harivamsha, il est le fils de la Fortune (Lak sh mî-putra).
Dans les Purâ n a-s, la femme de Kâma est le Désir (Rati ou Revâ). Son frère cadet est la Colère (Krodha).
Kâma a lui-même un fils appelé Sans-rival (Aniruddha) qui est aussi un aspect de Vi shn u, et une fille appelée la Soif (Thri shâ).
474 LE POLYTHÉISME HINDOU
Kâma est la divinité du mental, le dieu de la beauté et de la jeunesse. On le représente comme un fier adolescent, chevauchant un perroquet. Il a deux ou huit bras. Il tient un arc fait de canne à sucre, la corde est une chaîne d'abeilles, les cinq flèches sont faites des cinq fleurs qui inspirent l'amour : le lotus bleu, le jasmin, la fleur de manguier, le champaka et le shirî sh a. Sur la bannière rouge du dieu on voit un dauphin (makara). Il est entouré de danseuses et de musiciens-célestes ( Mahâbhârata, 21, 270). On le vénère avec des guirlandes de feuilles d'ashoka rouges.
Dans un très ancien mythe que relate le Râmâya n a, les dieux, inquiets du pouvoir de l'anti-dieu Târaka, envoyè-
rent le dieu Éros pour éveiller Shiva de sa méditation.
Troublé par Éros, le dieu furieux le réduisit en cendres d'un seul regard de son troisième œil. C'est pourquoi il est depuis lors, sans corps (Ananga). Ému par les plaintes de Désir (Rati), Shiva permit à Kâma de renaître sous la forme de Pradyumna, le fils de K rishn a.
Kâma est vénéré par les yogin-s, car c'est lui seul, lorsqu'il est satisfait, qui peut libérer l'esprit du désir.
C'est l'une des raisons pour lesquelles des images érotiques doivent être sculptées sur les parois du temple et sur la porte du sanctuaire. Car ce n'est pas le plaisir mais le désir qui lie l'homme et qui est un obstacle à son progrès spirituel.
« Celui qui cherche l'amour dans l'espoir d'une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sensuels quand ils viennent mais avec un cœur détaché.
Il n'est pas victime du désir. » ( Gopâla-uttara-tâpinî Upanish ad, 15.)
Le védantiste fait une différence entre « le processus par lequel le souverain de l'Univers dépose sa semence dans la matrice de la Nature, ce qui constitue l'éros véritable (sâk sh at manmatha) et la simple goutte de luxure AUTRES DIEUX 475
qui, répandue dans l'univers, forme tout l'érotisme du monde.
L'attirance qu'éprouve le Créateur incarné dans K rishn a (l'Attirant) pour sa propre manifestation représentée par Râdhâ (le Succès) est le véritable érotisme. La beauté divine est si grande que dieu lui-même en reste stupéfait.
L'Amour (Kâma) regardant les ongles, pareils à des joyaux, des pieds de K rishn a, en fut intoxiqué. Il perdit toute notion de virilité ou de féminité et dit : « Même si je dois pendant des vies sans nombre pratiquer la plus sévère des ascèses, il me faut renaître un jour fille de bouvier, dans le pays-des-vaches pour caresser avec volupté les ongles des pieds de K rishn a . Mais déjà K rishn a, épris de lui-même, avait résolu d'avoir avec lui-même l'expé-
rience de l'amour. Il fit apparaître sa propre nature sous la forme des filles de bouviers et put alors jouir d'elles. » (Karapâtrî, Lingopâsanâ-rahasya.) La semence d'Eros (Kâma-bîja)
En cosmologie, l'éros naît de l'union d'un principe aqueux représenté par la lune et d'un principe igné, ou souffle vital, assimilé au soleil.
« Prajâpati, le Progéniteur voulut procréer. Il s'échauffa et inventa la copulation : « De l'union de la semence (la
« lune) et du souffle (le soleil) j'obtiendrai de nombreux
« fils. » ( Prashna Upani sh ad, 1, 4.) Dans l'art des formules-verbales magiques, les mantra-s, « pour former la semenced'Éros (Kâma-bîja), c'est-à-dire la syllabe KLIM qui le représente dans tous les rites, on assemble la semence-de-l'eau (Ab-bîja) qui est le son K, la semence de la terre (P ri thivî-bîja) qui est le son L, la semence de l'énergie qui est le son I, et la lune représentée par la nasale finale ».
(Commentaire du Gopâla-Pûrva-tâpinî Upani sh ad, 1, 11-13.)
476 LE POLYTHÉISME HINDOU
Kâma a de nombreux noms. Il est le Souvenir (Smara), Celui-qui-trouble-l'esprit (Manmatha), le Tueur (Mâra, en rapport avec le Mâra du bouddhisme), le Possesseur-de-flèches (I sh ma), Né-des-eaux (Kañjana), l'Esclave (Kinkara). Il est aussi l'Intoxication (Mada), la Volupté (Rama ou Rama n a), le Fils-des-passions (Bhâva-ja), le Fils-de-1'esprit (Mano-ja), le Fils-de-1'attirance (Kârshni), le Fils-de-l'illusion (Mâyi ou Mâyâ-suba), Aimé-de-la-fortune (Shrî nandana), le Beau (Abhi-rûpa), Celui-qui-enflamme (Darpaka ou Dîpaka), l'Intense (Gadayitnu, G ri dhu, G ri tsa), le Convoiteur (Kâmana, Kharu), Celui-qui-enflamme-le Créateur (Kandarpa), l'Heureux (Kantu), le Dévergondé (Kulâkeli), le Trompeur (Mohî), la Flamme-de-miel (Madhudîpa), le Stupéfiant (Muhira), le Bruit-du-feu (Murmura), la Tige-de-1'attachement (Râga-Vrinta), Armé-de-beauté (Rûpâstra), le Voluptueux (Shatanârîca), le Destructeur-de-la-paix (Shamântaka), le Maître-du-monde (Samsâra-guru), la Matrice-de-la-volupté (Sh ri ngara-yoni), le Pimenté (Ti th a), l'Harmonieux (Vâma), Aux-armes-de-fleurs (Kusamâyudha), à l'Arc-de-fleurs (Pu sh pa-dhanus), Aux-flèches-de-fleurs (Pu sh pa-shara).
L'Architecte-de-l'Univers (Vishva-karman)
Vishva-karman, l'Architecte des dieux, est un démiurge qui est une réplique spatiale du Progéniteur. Son nom qui veut dire « celui-qui-a-tout-façonné » apparaît d'abord comme une épithète solaire, mais il a une individualité séparée dans les parties plus récentes du Ri g Veda.
« Dans les Purâ n a-s, Prabhâsa, l'épouse de Vasu, fidèle et experte en yoga, est la mère du Grand-architecte.
C'est lui qui construit les chars volants des dieux et leurs armes. Il bâtit la ville de Lanka, celle de Dvarakâ, et la cité du Seigneur-du-monde (Jagannâtha) Shrîvigraha.
On l'identifie parfois à l'artisan céleste Tva shtri. L'épouse AUTRES DIEUX 477
du Soleil, la Connaissance-universelle (Samjñâ) est sa fille.
Il a deux fils : Forme-du-monde (Vishva-rûpa) et Sombre-nuage (V ri tra). Il construisit l'univers au moyen d'un grand sacrifice (Sarvamedha) et compléta l'ouvrage en se sacrifiant lui-même.
« Il est le dieu des artisans. Nala, le roi des singes, qui construisit le grand pont par lequel Râma envahit Ceylan, était son incarnation partielle. Les architectes et les artisans le vénèrent le jour où le soleil entre dans la constellation Bhâdrapada. Ce jour-là aucun outil ne peut être utilisé. Le culte de Vishva-karman est surtout observé de nos jours au Bengale. » ( Devatâ tattva.) Maya, l'Architecte-des-anti-dieux
Maya est le souverain du monde inférieur appelé Sutala.
Il est un adorateur de Shiva. Sur terre il réside sur la Montagne-des-dieux (Deva-giri) près de Delhi. Il travailla pour les hommes ainsi que pour les génies dont il est l'architecte et l'artificier. Son habileté n'est en rien inférieure à celle de Vishva-karman. Le Mahâbhârata parle d'une salle qu'il avait construite pour un sacrifice-royal (Râjasûya) offert par les Pa nd ava-s. Il est souvent mentionné dans le Harivamsha.
« La plus grande des merveilles créées par Maya était la triple cité (Tripura) : trois forteresses d'or, d'argent et de fer qui pouvaient se mouvoir à volonté dans l'air, sur terre et sur les eaux. Il fit don de ces villes à ses fils. Ces trois villes se rencontraient une fois tous les mille ans et c'est alors qu'elles étaient vulnérables. Dans la cité d'or, était un puits d'ambroisie. Shiva détruisit les trois cités mais épargna Maya.
« Le père de Maya était le Sagace (Vipracitti). Sa fille, Taille-fine (Ma nd odari), épousa Râvana, le démon-roi de Ceylan. Maya eut quatre fils; Mâyâvî (le magicien) et Dun-478 LE POLYTHÉISME HINDOU
dhubhi (le tambour-de-guerre), furent tués dans la guerre contre Vâli, le roi des singes. Le troisième, Vyoma (la voûte-céleste), se rendit à K rishn a, qui lui donna une place dans le ciel. Le quatrième est appelé Ardent-comme-l'éclair (Vajra-k â ma).
« Lorsque Agni, avec l'aide de K rishn a et d'Arjuna, dévora la forêt de Khâ nd ava, protégée par le dieu des pluies, Indra, Maya s'était retiré dans la forêt pour pratiquer l'ascèse. Toutes les créatures qui tentèrent de s'échapper furent tuées. Seul Maya fut sauvé par K rishn a.
En reconnaissance, il construisit la salle d'assemblée de Yudhi shth ira.
« Maya est le précepteur des magiciens. Il inventa l'art magique (Indra-jala) et tous les pouvoirs obscurs de la magie (âsurî-siddhi-s). Il est toujours vénéré par les magiciens. » ( Devatâ tattva.)
Le Saisisseur (Râhu)
Râhu, l'esprit qui cause les éclipses en essayant de dévorer la Lune et le Soleil, est le plus connu des génies (Dânavâ-s). On l'appelle aussi Lumière-du-soma (svar-bhânu). Le mythe de Râhu est en rapport avec le barattement de la mer, et le combat des dieux et des anti-dieux pour la possession de l'ambroisie et la souveraineté des mondes. D'après le Mahâbhârata (1, 1103-1118) Râhu est le fils de Sagace (Vipracitti). Il est donc le frère de Maya.
Sa mère est la Lionne (Simhikâ).
« Alors que les dieux se partageaient le nectar, un Dânava nommé Râhu, déguisé en dieu, voulut boire sa part. Le Soleil et la Lune le découvrirent au moment où le nectar pénétrait dans son gosier. Ils en informèrent les dieux. Vi shn u aussitôt trancha avec son disque la tête du Dânava qui fut projetée dans le ciel où elle émit des cris pitoyables, tandis que le corps roulait sur la terre qu'il AUTRES DIEUX 479
fit trembler avec ses montagnes, ses îles et ses forêts.
Depuis ce jour il existe une querelle entre la tête de Râhu et ses dénonciateurs, le Soleil et la Lune. C'est pourquoi il essaie éternellement de les dévorer. » ( Bhâgavata Purâ n a, 10, 8, 9.) La queue de Râhu devint Ketu, le monstre qui produit les comètes et les météores.
En astronomie, Râhu est la tête du dragon, le nœud ascendant de l'orbite lunaire, c'est-à-dire le point où l'orbite de la lune traverse l'écliptique. Ce point mobile est classifié comme une planète (graha). Râhu est le régent de la direction sud-ouest.
La vache
La vache est le symbole de la Terre, la nourricière.
Son culte qui tient une place importante dans la religion populaire est mentionné dans l' Atharva Veda.
Selon le Kâlikâ Purâ n a (adhyaya 91), la Vache-d'abondance (Kâmadhenu) est née d'Odorante (Surabhî), fille d'Art-rituel, et du sage Vision (Kashyapa). Le taureau de Shiva, Vagabond (Bh ri ngi), est le fils de la Vached'abondance couverte par Vetâla, l'un des compagnons de Shiva. P a r ses pratiques d'ascèse, Bh ri ngi obtint de Shiva la faveur d'être sa monture et de paraître sur son fanion. Nous avons déjà parlé du taureau de Shiva à propos de Nandikeshvara.
Les Voyants (Rishi-s)
Les Voyants sont des êtres mystérieux en rapport avec l'origine de l'homme et l'origine de la connaissance. On les représente comme des sages de forme humaine, mais ils sont en réalité des puissances éternelles qui apparaissent de temps en temps, chaque fois qu'une nouvelle révélation est nécessaire. « La puissance appelée Voyant est le témoin 480 LE POLYTHÉISME HINDOU
qui perçoit la Loi-de-perfection (Dharma), qui régit l'Univers et qui la manifeste enveloppée dans la Révélation, le Veda. Les Voyants représentent donc des énergies fondamentales qui se combinent pour créer la vie. » (Motilal Sharma Gaud, Ishopani sh ad Vijñ âbhâ sh ya.) Les Voyants sont des êtres qui « voient » la loi-cosmique et qui l'expriment en termes de création ainsi qu'en termes de savoir.
Dans la mythologie tardive, les Voyants sont de simples sages humains et sont innombrables. On les divise selon leur origine et leurs accomplissements en Prêtres-sages (Brahma- rish i-s), Rois-sages (Râja- rish i-s), et Sages-divins (Deva- rish i-s). Ces derniers sont des sages qui ont atteint le statut des dieux. Les principaux Voyants sont en théorie au nombre de sept, mais on en mentionne souvent dix et même douze. Ces dix Voyants sont parfois identifiés aux Progéniteurs.
Les sept Voyants résident dans le ciel sous la forme des sept étoiles de la Grande Ourse. Ils sont en rapport avec les dieux des éléments.
D'après le Shatapatha Brâhma n a, les Voyants sont les auteurs des hymnes védiques. Leurs noms sont : Gautama, Bharadvâja, Vishvâmitra, Jamadagni, Vasi shth a, Kashyapa et Atri. Mais dans le Mahâbhârata et le Padma-Purâ n a (Sarga Kha nd a, chap. II) les Voyants sont des principes cosmiques. On les appelle Rayon-de-lumière (Marîci), Dévorant (Atri), Flamboyant (Angiras), Pont-de-l'espace (Puloha), Inspiration (Kratu), Cheveux-lisses (Pulastya) et Possesseur-de-richesses (Vasi shth a).
Manu les appelle des Progéniteurs et ajoute trois noms : Art-rituel (Dak sh a) ou Conscience (Pracetas), Craquement-du-feu (Bh ri gu) et Donneur-de-conseils (Nârada). Le Brahama nd a Purâ n a donne la même liste. On y ajoute parfois le Déplaceur-de-montagnes (Agastya). Ceci fait un total de douze.
Les épouses des sept Voyants sont : Bonne-Santé AUTRES DIEUX 481
(Sambhûti) pour Marîci, Sans-dépit (Anasûyâ) pour Atri, Modestie (Lajjâ) pour Angiras, Pardon (Kshamâ) pour Pulaha, Humilité (Sannati) pour Kratu, Tendresse (Prîti) pour Pulastya, Fidélité (Arundhati) pour Vasi shth a.
Certains des voyants jouent un rôle important dans la gestation de l'univers, la création des dieux et des hommes.
Pulastya et Pulaha sont les voyants des anti-dieux.
Kashyapa est le Progéniteur de tous les êtres : anti-dieux, dieux, animaux et hommes. Ses treize épouses sont les filles d'Art-rituel.
La stabilité du monde dépend des rites accomplis trois fois par jour, à l'aurore, à midi et au couchant, par les sept sages et de la récitation du Triple-chant (Gayatri), aux mêmes heures, par tous les deux-fois-nés.
Les noms des sept voyants diffèrent pour chaque cycle-de-la-Création (Manvantara) 1 .
Dans le premier cycle gouverné par le législateur Fils-de-1'auto-engendré (Svâyambhuva Manu), les voyants sont Marîci, Atri, Angiras, Pulastya, Pulaha, Kratu et Vasi shth a. ( Harivamsha, 17, 8.) Dans le second cycle gouverné par le Fils-de-1'auto-illuminé (Svâroci sh a Manu), les voyants sont : Urjastamba, Prâ n a, Dattoli, Rish abha, Nishcara, Arva et Vîra. ( Mârkandeya Purâ n a, 16, 7, 4.) Dans le troisième cycle gouverné par le Fils-du-Très-Haut (Auttama), les voyants sont les sept fils de Vasi shth a ( Mârka nd eya Purâ n a, 73, 13) : Rajas, Gâtra, Urdhvabâhu, Manava, Anava, Sutapas et Shukra. ( Kûrma Purâ n a, 12.)
Dans le quatrième cycle gouverné par le Fils-de-1'obscurité (Tâmasa Manu), les voyants sont : Jyotirdhâma, 1. Le M a n v a n t a r a ou période d ' u n Législateur ( M a n u ) d u r e d e u x précessions et demie des équinoxes, c'est-à-dire 4.320.000 a n n é e s humaines.
482 LE POLYTHÉISME HINDOU
Prithu, Kâvya, Caitra, Agni, Balaka et Pîvara. ( Mârkandeya Purâ n a, 73, 13.)
Dans le cinquième cycle gouverné par le Fils-de-1'opulence (Raivata), les voyants sont : Hira n yaromâ, Vedashrî Urdhvabâhu, Vedabâhu, Sudhâmâ, Parjanya et Vasi shth a.
( Mârkandega Purâ n a, 175, 73, 74.) Dans le sixième cycle gouverné par le Fils-de-la-vue (Cakshu sh a Manu), les voyants sont Sumedhâ, Virajâ, Havishman, Unnata, Madhu, Atinâmâ, Sahi shn u. ( Mâr-ka nd eya Purâ n a, 75, 5 4 ) Dans le septième cycle, le cycle présent, gouverné par le Fils-de-la-lumière (Vaivasvata Manu), les sept voyants sont les auteurs des hymnes védiques : Atri, Vasi shth a, Kashyapa, Gautama, Vishvamitra, Bharadvâja, Jamadagni. ( Mârkandega Purâ n a, 79, 9, 10.) Dans le huitième cycle gouverné par le Parent-du-Soleil (Arka-savar n ika-Manu), les voyants sont Gâlava, Dîptimân, Parashurâma, Ashvatyâmâ K ri pâ, Rish yashringa et Vyâsa. ( Mârka nd ega Purâ n a, 80, 4.) Dans le neuvième cycle gouverné par le Parent-d'Art-rituel (Dak sh a-sâvar n ika Manu), les voyants sont : Medhâ-
tithi, Vasu, Satya, Jyoti sh mân, Dyutimân, Sabala et Havyavâhana. ( Mârka nd ega Purâ n a, 94, 8.) Dans le dixième cycle gouverné parle Parent-de-1'Immensité (Brahma-sâvar n ika Manu), les voyants sont : Âpa, Bhûti, Havashmân, Suk ri ti, Satya, Nâbhâga et Vasi shth a ( Mârka nd ega Purâ n a, 94, 10-14.) Dans le onzième cycle gouverné par le Parent-de-la perfection (Dharma-sâvar n ika Manu), les voyants sont : Havishmân, Vasi shth a, Aru n i, Nishcara, Anagha, Vi sht i et Agnideva, ( Mârka nd eya Purâ n a, 94, 19-20.) Dans le douzième cycle gouverné par le Parent-du-Seigneur-des-larmes (Rudra-sâvar n ika Manu), les voyants sont ; Dyuti, Tapasvî, Sutapâ, Tapomurti, Taponidhi, Taparati et Tapodh ri ti. ( Mârka nd eya Purâ n a, 94, 25.) AUTRES DIEUX 4 8 3
Dans le treizième cycle gouverné par le Parent-de-la-lumière (Deva-sâva n ika Manu) ou Fils-de-clarté (Raucya Manu), les voyants sont : Dh ri timân, Avyaya, Tattvadarshî, Nirutsuka, Nirmoha, Sutapa et Ni sh prakampa. ( Mâr-ka nd eya Purâ n a, 94, 30.) Dans le quatorzième cycle gouverné par le Parent-du-pouvoir (Indra Sâvar n ika Manu) ou Fils-du-pouvoir (Bhautya Manu), les voyants sont : Agnidhra, Agnibâhu, Shuci, Mukha, Madhava, Shuka et Ajita. ( Mârka nd eya Purâ n a, 100, 31.)
Le Flamboyant (Angiras)
Angiras est la manifestation d'Agni envisagé comme le pouvoir d'illumination. Il est le maître de la connaissance-transcendante (Brahma-Vidyâ). Il est aussi l'un des dix Progéniteurs. Il est l'un des dix fils issus de la pensée de l'Être-immense. Il sortit de sa bouche. D'après le Matsya Purâ n a, il était l'un des trois sages qui naquirent du sacrifice de Varu n a. Agni est quelquefois représenté comme son fils, mais selon le Matsya Purâ n a, c'est lui qui fut adopté par Agni. Les principales épouses d'Angiras sont : Tradition (Sm ri ti) et Dévotion (Shraddhâ). Il épousa aussi plusieurs filles d'Art-rituel (Dak sh a) et deux filles d'Amitié (Maitreya). Ses quatre fils, nés de Dévotion, sont le Feu (Agni), la Révolution-cosmique (Samvarta), la Vérité-
immanente (Utathya) et le Grand-maître (B ri haspati), le précepteur des dieux.
Angiras eut quatre filles de Dévotion qui sont : Sinîvâlî (le premier jour de la lune qui donne la fécondité), Kuhu (la nouvelle lune), Râkâ (la pleine lune) et Anumati (acceptation, qui est le dernier jour avant la pleine lune, jour où les dieux et les mânes reçoivent les oblations avec faveur). Une cinquième fille, Akûpâra (l'illimitée), est d'une autre mère.
4 8 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
Angiras donna des fils à l'épouse de Rathîtara, un prince sans enfants. Ces fils, héritiers de la science des brahmanes, furent appelés les descendants d'Angiras et sont tous des personnifications de la lumière. Les hymnes-védiques ( Ri ca-s), le donneur d'oblations (Havismat) et les hommes sont aussi des descendants d'Angiras.
Tout ce qui est lumineux vient de lui. On l'identifie parfois à la planète Jupiter ainsi qu'à l'une des étoiles de la Grande Ourse.
Angiras est le prêtre des dieux et le seigneur des sacrifices. Un grand nombre d'hymnes védiques lui sont attribués. Il est l'un des législateurs et l'auteur d'un traité d'astronomie.
Le Possessear-de-richesses (Vasi shtha) Vasi shth a est en rapport avec les sphères d'existence (Vasu-s). Il représente le pouvoir de la richesse sur lequel reposent les sacrifices rituels. Vasi shth a est le fils de la Vache d'abondance appelée Délices (Nandini), elle-même fille de l'Odorante (Surabhi) qui, en lui accordant tout ce qu'il désirait, en fit le possesseur de tous les objets de plaisir (Vasu).
Vasi shth a est l'auteur de nombreux hymnes du Ri g Veda.
Un recueil de lois lui est aussi attribué. D'après le Ri g Veda, Vasi shth a était le prêtre de la famille du roi Sudâsa.
Le Râmâya n a fait de lui le prêtre des rois de la race du Soleil, en particulier de Râma-candra.
D'après une autre tradition, Vasi shth a était le fils de la nymphe Urvashî, ses pères étaient Mitra et Varu n a. Il est l'un des Progéniteurs, ancêtres des races humaines.
Dans les Purâ n a-s, il apparaît comme l'arrangeur des Veda-s. Il eut sept fils dont Aurva et les Sukâlin (un des groupes d'ancêtres).
AUTRES DIEUX 485
L'Ami-de-tous (Vishvâmitra)
Vishvâmitra représente le pouvoir des lois sociales qui unissent les hommes les uns aux autres. Il est aussi la personnification de la volonté et de la longévité. Il est l'auteur d'un grand nombre d'hymnes du Ri g Veda.
On lui attribue aussi un livre sur les lois, un autre sur le tir à l'arc et aussi un livre sur la médecine.
Vishvâmitra obtint de s'élever de la caste princière à celle des prêtres. Il était l'opponent de Vasi shth a et vivait comme lui à la cour du roi des T ri tsu-s, Sudâsa. Il vint à l'aide des Bharata-s, mais ne put empêcher leur défaite.
Il était l'ami et le conseiller du jeune Râma-candra.
L'Art-rituel (Dak sha)
Dak sh a représente le pouvoir des rites qui relient l'homme aux dieux. Il est la source de la vie cosmique, le principal Progéniteur. En tant que Principe-souverain (Aditya), il est le père des dieux, des hommes et des anti-dieux.
Dak sh a est mentionné dans le Ri g Veda (10, 72, 4-5), le Shatapatha Brâhma n a (2, 4, 4, 1), le Sankhyâyana Brâhma n a (4, 4), etc. « Il donne naissance à l'univers mobile. Son culte est lié à celui du Roi-des-morts (Yama) et de son scribe Citra-gupta. » ( Devatâ tattva.) D'après les Purâ n a-s, le principe de la vie sur terre est l'Art-rituel. Un autre Art-rituel a existé au temps du premier législateur, Svâyambhuva Manu. Selon le Bhâ-
gavata Purâ n a (4, 1), Art-rituel naquit du pouce droit de l'Être-immense. Son épouse qui s'appelait Prasûti était la fille de Svâyambhuva Manu. Dak sh a eut d'elle seize filles dont treize furent mariées à la Loi-de-perfection (Dharma), une appelée Offrande (Svâhâ) au Feu, la quinzième Invocation-d'offrandes (Svadhâ) aux Ancêtres, la seizième Fidélité (Sati) à Shiva.
486 LE POLYTHÉISME HINDOU
Le second Art-rituel naquit durant le règne de Câk sh usha Manu. Il était le fils de Mâri shâ et des dix Consciences-
éveillées (Pracetas). Obéissant aux ordres de l'Être-immense, il entreprit de procréer des êtres vivants. Il prit pour épouse Obscure (Asinî), fille de Profondeur (Vîra n a), un autre Progéniteur. Il eut d'abord dix mille fils appelés les Chevaux-joyeux (Haryashva). Ils avaient tous le même caractère. Quand leur père leur commanda de continuer la création, ils commencèrent à pratiquer l'ascèse dans ce but. Le sage Nârada intervint et les persuada de renoncer au monde et ils refusèrent de procréer. Une seconde fois, Art-rituel procréa dix mille fils appelés les Chevaux-multicolores (Sabalâshva) ou Chevaux-faciles (Saralâshva).
Eux aussi écoutèrent les avis du voyant et firent des vœux monastiques. La colère d'Art-rituel fut grande.
Il maudit le voyant. « Tu ne pourras jamais rester en un lieu pour plus de deux tiers d'heure. »
L'Être-immense calma la colère du Progéniteur. Jusqu'alors la procréation était seulement un acte mental.
Art-rituel inventa alors la procréation physique et soixante filles naquirent de son épouse. Il maria dix de ses filles à la Loi-de-perfection (Dharma), treize au sage Vision (Kashyapa), quatre au Cheval-céleste Târk sh ya, vingt-sept à la Lune (Soma), deux à Existant (Bhûta), deux à Flamboyant (Angirasa), deux à Riche-en-chevaux (K rish ashva) ( Bhâgavata Purâ n a, 6, 5-6 1). «Tous les êtres vivants qui sont sur la terre, les dieux, les démons, les hommes et les animaux, sont nés des treize filles mariées à Kashyapa.
Ces filles sont appelées les Mères-du-monde. Les vingt-sept filles mariées à la Lune forment les maisons lunaires. »
En dehors des deux Art-rituels généralement connus, quatre autres sont mentionnés dans les Purâ n a-s. Ce sont : 1. D'après le Harivamsha ( 1 , 3) et le Vi shn u Purâ n a ( 1 , 15), dix filles furent données à D h a r m a , treize à K a s h y a p a , vingt-sept à Soma, q u a t r e à Ari sh tanemin, d e u x au fils de Bh ri gu et d e u x à K rish ashva.
AUTRES DIEUX 487
1° Le créateur des clans (Gotra-Kâra) qui appartenait au clan de Flamboyant. 2° Le fils de Flamboyant et de Belle-forme (Surûpâ) ( Matsya Purâna, 196, 2). 3° Le fils de Bh ri gu et de Paulomî ( Mârka nd eya Purâ n a, 195, 13) et 4° le fils de Bâ sh kala ( Brahmâ nd a Purâ n a, 3,5, 38, 39).
« S'étant querellé avec Shiva, Art-rituel décida de ne donner au dieu aucune part dans les oblations du sacrifice qu'il offrait à tous les autres dieux. Voyant que son époux était exclu des offrandes faites par son père, Fidélité (Sati), la plus jeune des filles d'Art-rituel, se consuma dans le feu de sa colère. Shiva, désespéré de la perte de celle qu'il aimait, envoya le monstre Vîrabhadra pour la venger.
Vîrabhadra sacrifia la tête d'Art-rituel dans le feu du Sud, le feu de la mort. Pacifié par les requêtes des dieux, Shiva permit à Art-rituel de revivre avec la tête du premier être vivant qu'il rencontrerait. Ce fut un bouc. En effet la tête du bouc est celle du sacrifice. Le nom de Dak sh a veut dire « expert ». Dak sh a est donc l'expert rituel ou l'Art-rituel. C'est une technique difficile. C'est par la technique sacrificielle que sont créés tous les êtres. Les dieux eux-mêmes vénèrent Art-rituel. En le rendant favorable on obtient l'habileté et l'adresse. » ( Devatâ tattva.)
Bh rigu, le Craquement-du-feu Bh ri gu représente la puissance-du-savoir. Il est l'auteur présumé de deux hymnes védiques et il est l'un des dix Progéniteurs créés par Manu.
Le Déplaceur-de-montagnes (Agastya)
Le Déplaceur-de-montagnes ou Déplaceur-de-1'immuable1
représente la puissance-de-1'enseignement. Agastya est le maître de la grammaire, de la médecine et d'autres 1. P o u r l'étymologie du m o t Agastya, en p a r t a n t de gam « se m o u -
voir » et aga « l ' i m m u a b l e ou m o n t a g n e », voir Râmâya n a (2, 11).
488 LE POLYTHÉISME HINDOU
sciences et il est l'auteur de plusieurs hymnes védiques et d'un livre de médecine. Indra lui enseigna le Jaiminîya Upani sh ad Brâhma n a. (Voir ce texte, 4, 15, 1 et 4, 16, 1.) Agastya, comme Vasi shth a, était le fils de Mitra-Varu n a et d'Urvashî. On dit qu'il naquit dans une cruche d'eau.
(Brihad devatâ, 5, 134.) Le Ri g Veda mentionne sa naissance. Il était de petite taille et on le représente comme un nain. Pourtant il avala l'Océan ( Mahâbhârata, 3, 105; Padma Purâ n a, 1, 19) et il obligea les monts Vindhyâ à se prosterner devant lui. ( Mahâbhârata, 3, 104; Devî-
Bhâgavata, 10, 3, 7.)
L'épouse d'Agastya est Lohâmudrâ, fille du roi des Videha-s. Le Ri g Veda mentionne une conversation entre elle et son mari.
Dans l' Aitareya Brâhma n a (5, 16), on représente Agastya comme négociant une paix entre Indra, dieu de la paix, et les Marut-s, dieux des vents, qui s'étaient querellés.
Le roi Nahu sh a qui remplaçait Indra comme roi du ciel pendant l'une de ses absences demanda aux sages de porter le palanquin dans lequel il s'assit pour aller faire sa cour à l'épouse d'Indra. Agastya était si petit qu'il ne pouvait marcher assez vite et le roi l'injuria. Agastya maudit Nahu sh a qui fut changé en serpent. Plus tard, K rishn a le libéra de cette malédiction.
Agastya donna des armes célestes à Râma pour lui permettre de tuer les démons lorsqu'il vivait dans la forêt. ( Râmâya n a, 3, 11.) Le Râmâya n a raconte que les dieux, conduits par Indra, venaient rendre visite à Agastya dans son ermitage. Deux démons, Vâtâpi et Ilvala, maltrai-taient les sages. Agastya tua Vâtâpi et avala Ilvala.
( Râmâya n a, 3, 12.)
Agastya conquit l'Inde du Sud et enseigna les rites védiques à ses habitants. Il établit son ermitage dans l'extrême Sud. Son culte fut transporté du pays tamoul en Indonésie.
AUTRES DIEUX 489
Agastya est mentionné dans le Ri g Veda (1, 165, 13-15; 1, 166-169; 1, 170, 2 et 5; 1, 171-178; 1, 179, 3-4; 1, 180-191) ; dans la Taittirîya Samhitâ (2, 7, 11, 1); la Katha Samhitâ (10, 11); la Maitrâya n i Samhitâ (2, 1, 8); le Pañcavimshati Brâhma n a (21, 14, 5) ; le Jaiminîya Upani sh ad Brâhma n a (4, 15, 1); l'Aitaraya Brâhma n a (5, 16); le Devi-Bhâgavata (10, 3, 7); le Râmâya n a (3, 11-12); etc.
La naissance d'Agastya est aussi mentionnée dans le Matsya Purâ n a (61, 201); le Padma Purâ n a (1, 19 et 1, 22); le Mahâbhârata (3, 98; 3, 104-105; 7, 157, et 185; 12, 344); le Brahma n da Purâ n a (3, 35).
Le Dévorant (Atri)
Atri représente la puissance du détachement. Il est l'un des dix Progéniteurs nés de la pensée de l'Être-immense (Brahmâ), il jaillit de ses yeux. Les fils de Brahmâ ayant été détruits par une malédiction de Shiva, Atri, le Dévorant, naquit de nouveau des flammes du sacrifice offert par Brahmâ. Son épouse dans ses deux manifestations est Anasûyâ (Sans-dépit). Elle lui donna trois fils, Datta, Durvâsas et Soma dans sa première vie, puis un fils, Noblesse (Aryaman) et une fille, Pureté (Analâ), dans la seconde.
Le Dévorant brille dans le ciel comme l'une des étoiles de la Grande Ourse. Il est l'auteur de nombreux hymnes védiques et d'un livre de lois. On raconte dans les Purâ n a-s que Soma jaillit de ses yeux alors qu'il s'adonnait à de sévères mortifications.
L'Inspiration (Kratu)
Kratu représente le pouvoir de l'intelligence. Il est l'un des dix fils nés de la pensée de l'Être-immense. Il est aussi l'un des Progéniteurs qui engendrèrent l'espèce humaine. Il épousa Action (Kriyâ) ou Celle-à-tête-de-cheval 4 9 0 LE POLYTHÉISME HINDOU
(Hayashiras) et il est le père des soixante mille Vâlakhilya-s, les sages de la grandeur d'un pouce qui entourent le char du Soleil. ( Bhâgavata Purû n a, 4, 1, 39.) Nârada, le Donneur-de-conseils
Nârada représente le pouvoir de la persuasion. Il est l'auteur de quelques hymnes du Ri g Veda. Il est associé à Parvata (l'Immobile) et sert de messager entre les hommes et les dieux. Il aime semer la discorde, d'où son épithète (Kaliprîya, aimant les querelles). Il apparaît parmi les dix Progéniteurs comme fils de Brahmâ. Il naquit de la cuisse de Brahmâ. On le représente dans la mythologie tardive comme un ami de K rishn a et l'inventeur du luth.
Il est l'auteur supposé d'un ouvrage de politique et de plusieurs ouvrages sur la musique.
Marîci, le Rayon-de-lumière
Marîci est en rapport avec les Marut-s, les dieux des vents. On le considère comme l'un des fils de Brahmâ ou comme l'un des Grands-ancêtres créés par le premier législateur, Manu. Il est le père de Vision (Kashyapa).
Kashyapa, Vision
Kashyapa représente le pouvoir de procréation. Il est le progéniteur universel des hommes, des dieux et des anti-dieux, tous nés de ses treize femmes qui étaient les filles d'Art-rituel (Dak sh a). Kashyapa est le fils de Rayon-de-lumière (Marîci), lui-même le fils de l'Être-immense.
Le nom de Kashyapa est considéré comme un anagramme du mot pashyaka qui veut dire vision.
AUTRES DIEUX 491
B rihaspati, le Grand-maître, le Précepteur-des-dieux
« L'épouse du sage Flamboyant (Angiras), à cause d'une faute commise, donna naissance à un enfant mort-né.
Brahmâ lui conseilla de pratiquer une forme d'ascèse
« donneuse de fils » (pumsavana). Ayant appris la technique de ces exercices auprès du sage Jeunesse-perpétuelle (Samat-kumâra), l'épouse de Flamboyant fut capable de plaire au dieu. Elle donna naissance à un fils appelé le Grand-maître (B ri haspati), qui est la divinité présidant à l'intelligence et le Précepteur des dieux. » ( Devatâ tattva.) Le Grand-maître enseigne la science-des-luminaires (Jyotir-vijñâna, c'est-à-dire l'astronomie-astrologie). Il est le régent du Soleil et de la Lune. Assis sur son char appelé le bruit-des-bonnes-règles (nîti-ghosha), il contrôle le mouvement des planètes. Il est couleur d'or. Le sage Hirondelle (Bhardvâja) est son fils.
B ri haspati est mentionné dans le Ri g Veda comme le fils du ciel ayant sept visages et sept rayons (4, 50, 4). Il a des cornes pointues (10, 155, 2). Il tient un arc, des flèches et une hache d'or (2, 24, 8; 7, 97, 7). Des chevaux rouges tirent son char (7, 97, 6). Il relâcha les vaches qu'Indra avait volées alors que le dieu combattait un démon (2, 23, 18). B ri haspati vainc ses ennemis et détruit leurs forteresses (6, 73, 2). On l'invoque avant de commencer à se battre (1, 40, 8). Il protège ses fidèles (2, 25, 1).
Aucun rite n'est complet si le Précepteur-des-dieux n'est pas invoqué.
Le Grand-maître est mentionné sous plusieurs noms.
Les principaux sont : le Seigneur-des-prêtres (Brahman aspati), le Seigneur-des-assemblées (Sadasaspati), le Roi-des-anciens (Jye shth a-râja), le Seigneur-des-cohortes
[célestes] (Ga n apati).
Il est le voyant qui transcrivit l'un des hymnes du Veda dont il eut la vision (Ri g Veda, 10. 72). Son épouse est 4 9 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
appelée Discours (Dhenâ) ( Gopatha Brahmâ n a, 2, 9) ou la Grande (B ri hati) ou la Parole (Vâ nî). C'est parce qu'il est son mari qu'on l'appelle le Grand-maître ( B ri had âra n yaka Upani sh ad, 1, 3, 20-21).
B ri haspati vénéra Shiva pendant mille années dans le champ de lumière (Prabhâsa-k sh etra). Comme récompense, Shiva fit de lui la planète Jupiter (Skanda Purâ n a).
Son épouse est l'Étoile (Târâ). Elle fut séduite par le dieu-Lune et en eut un fils qui est la planète Mercure (Budha). Târâ revint plus tard auprès de son époux.
Un livre de lois et un livre de politique sont attribués à Brihaspati.
« La B ri haspati Samhitâ contient un grand nombre d'enseignements du Précepteur-des-dieux concernant les dons charitables. Il ne subsiste aujourd'hui qu'un fragment connu de ce texte. Certains lettrés traditionnels considèrent que la philosophie athéiste, attribuée plus tard à Carvâkâ, était à l'origine la création de Brihaspati et avait été enseignée pour dissuader les anti-dieux d'offrir des sacrifices rituels et de pratiquer la charité (dâna) et l'ascèse (tapas) qui leur avaient permis d'acquérir des pouvoirs égaux à ceux des dieux. » ( Devatâ tattva. Voir aussi D e v a g u r u B ri haspati, Siddhânta, 4, p. 54-66.) Shukra, le précepteur-des-anti-dieux-et-des-génies
« Fils du Voyant Bh ri gu, Shukra, à cause de son ini-mitié pour B ri haspati, accepta d'être le Précepteur-des-génies (Daitya-s). Le fils de B ri haspati, Joli (Kaca), apprit de lui la science de ressusciter les morts. Lorsque, au cours du sacrifice offert par le roi des génies Vali, Vi shn u sous la forme du nain commença de demander de la terre, Shukra essaya de l'empêcher de réaliser son plan.
Pour le punir d'avoir essayé de mettre obstacle à un don charitable, Vi shn u le rendit borgne et son nom est resté depuis synonyme de borgne.
AUTRES DIEUX 4 9 3
« Shukra veut dire sperme. Le voyant Shukra est le dieu du sperme. Sa forme visible est la planète Vénus.
Son influence est expliquée dans les traités d'astrologie.
Shukra est l'inventeur de l'art politique et on lui attribue la Shakra-nîtî, le plus fameux ouvrage de morale et de politique. Ses fils, Impétueux (Ca nd a) et Éclipse (Marka), enseignèrent cette science au génie Vêtu-d'or (Hira n yakashipu). » (Devatâ tattva.)
P rithu, le Premier-roi
P ri thu, le Premier-roi, est aussi l'inventeur de l'agriculture. C'est grâce à cette invention que les hommes purent traire la terre comme une vache. P ri thu naquit d'un feu tisonné et consacré par les dieux. Il est le distri-buteur de la richesse et le créateur de l'investiture royale et du principe du gouvernement par un roi.
Manu, le Législateur
Les quatorze Progéniteurs et Législateurs de la race humaine dans quatorze créations successives, sont appelés Manu-s. Le premier Manu était le fils de l'Auto-engendré (Svayambhu) formé par l'Être-immense après qu'il se fut divisé en moitié mâle et moitié femelle.
De Manu naquirent les dix grands Voyants (Mahâ-
rish i-s) ou Progéniteurs (Prajâpati-s). Le Manu de l'âge présent est le Fils-de-la-loi-cosmique (Vaivasvata). Son histoire est liée à celle du déluge. Il est mentionné dans les Veda-s comme le progéniteur de l'espèce humaine (Ri g Veda, 1, 80, 16, etc. ; Taittirîya Samhitâ, 2, 1, 5, 6: Atharva Veda, 14, 2, 41). L'histoire du déluge et de Manu est contée dans le Shatapatha Brâhma n a (1, 8, 1, 1). Manu accomplit de grands rites de sacrifices. (Ri g Veda, 10, 63, 71 ; Taittirîya Samhitâ, 1, 5, 1, 3, etc.)
494 LE POLYTHÉISME HINDOU
Selon le Mahâbhârata (12, 343, 40), ce fut le premier Manu, Svâyambhuva, qui écrivit le traité de morale et de politique appelé Manu Sm ri ti. D'après le commentaire de Kullûkâ, ce fut le Progéniteur lui-même qui écrivit ce traité qui, à l'origine, avait cent mille versets. Ce texte fut ensuite condensé par Manu. Un texte tantrique est également attribué à Manu.
Dans son histoire de la Création, un jour et une nuit de l'Être-immense sont appelés kalpa. Ce jour est divisé en quatorze parties sur chacune desquelles règne un Manu.
Cette période sur laquelle règne un Manu est appelée manvantara (intervalle d'un Manu). Chaque manvantara dure deux précessions et demie des équinoxes, c'est-à-dire 4.320.000 années humaines. Il y a donc quatorze Manu-s dans un kalpa et, pour le règne de chaque Manu, sept Voyants nouveaux ainsi que des dieux différents, un nouveau Roi-du-ciel et de nouveaux avatâra-s.
SIXIÈME PARTIE
LES REPRÉSENTATIONS
ET LE CULTE DES DIEUX
I
LES REPRÉSENTATIONS DES DIEUX
La vénération des formes du manifesté
L'ESPRIT humain est enchaîné à la forme. Il ne peut atteindre l'informel. Il ne peut le concevoir, encore moins se fixer sur lui. C'est pourquoi les formes et les symboles sont des intermédiaires inévitables dans le processus par lequel le mécanisme mental est dépassé et les états supra-mentaux réalisés. Nous ne pouvons approcher du non-manifesté qu'à travers la manifestation. Ce que nous pouvons appeler des dieux correspond à l'état initial, l'état le moins formel, de chaque aspect de la manifestation. Le mot « religion », comme le mot « yoga », veut dire « ce qui relie ». Une religion qui ne voudrait envisager que le non-manifesté serait une contradiction dans les termes. Il ne peut y avoir de relation directe entre une individualité humaine et l'Être non manifesté.
Toutes les religions cherchent à établir des contacts avec des formes subtiles mais cependant manifestées du divin.
« Ceux qui sont attirés par la contemplation du non-manifesté se trouvent en face d'un problème, car un être emprisonné dans un corps ne peut pas saisir les données du non-manifesté. » ( Bhagavad-Gîlâ, 12, 5.) 498 LE POLYTHÉISME HINDOU
Toute religion est donc un effort pour établir des contacts avec la divinité manifestée. « Celui qui enseigne qu'il faut vénérer l'être informel et non qualifié agit comme le médecin qui recommande à ses malades de boire du nectar céleste. Nous n'avons pas à discuter de l'existence du nectar et de sa valeur curative, mais nous savons que nul médecin ne peut donner un tel conseil. On raconte que toutes les plantes médicinales sont nées de quelques gouttes tombées de l'urne du nectar divin. Ces plantes forment notre pharmacopée, car le remède, tel qu'il est défini dans l'ancienne science médicale, est ce qui agit contre la maladie et est à la portée du malade. C'est en vertu d'un principe similaire que le guru, le guide spirituel, doit évaluer les qualifications du néophyte et lui indiquer alors l'aspect divin qu'il doit vénérer. » (Devatâ tattva.) La représentation des dieux
Le nom et la forme sont, pour l'homme, les deux aspects essentiels de la manifestation, la forme étant l'expression directe d'une idée dans la pensée du Créateur, et le nom étant le processus parallèle de la manifestation dans la pensée de l'être humain. « En vérité, au commencement, le monde n'était pas différencié. Il se différencia par le nom et la forme, de sorte que toute chose a un nom et une forme. Même aujourd'hui, les choses se différencient simplement par le nom et la forme, de sorte que nous disons : cela a te! nom, telle forme. » ( B ri had-âra n yaka-Upani sh ad, 1, 4, 7.)
C'est seulement lorsque la perception de la pensée divine et le nom se superposent, c'est-à-dire lorsque la création divine et la création humaine s'unissent, que les choses existent réellement. Le monde prend vie.
Les énergies fondamentales de l'univers, qui sont les dieux, peuvent être approchées à travers un processus LES REPRÉSENTATIONS DES DIEUX 499
mental créatif, c'est-à-dire à travers des mots, ou à travers la perception de formes créées. Les dieux sont donc représentés en termes de mots et en termes de formes.
Dans ces deux champs, il y a des degrés divers d'abstraction. Nous pouvons représenter un dieu en décrivant ses caractéristiques, en faisant son portrait en mots, ou en employant des éléments sonores symboliques, c'est-à-dire des formules-mentales (mantra-s) ou paroles-magiques, qui correspondent à sa nature bien qu'elles puissent être extérieurement dépourvues de sens.
De la même manière nous pouvons représenter un dieu par une image anthropomorphique, accompagnée de divers attributs, ou encore nous pouvons utiliser des formules graphiques ou diagrammes symboliques à signification magique que l'on appelle des yantra-s.
Les représentations des dieux par des formules-verbales et des diagrammes symboliques, par des mantra-s et des yantra-s, étan t les plus abstraites, sont les plus exactes, les plus proches de la nature des dieux et par conséquent les plus efficaces rituellement. Les tableaux descriptifs des dieux ont pour objet de faciliter la méditation des fidèles et les aider à concentrer leur pensée sur des abstractions.
Comme tous les aspects de la manifestation, le langage a pour base des principes élémentaires qui se développent en des formes complexes et multiples. Les monosyllabes fondamentaux qui sont les éléments avec lesquels sont construits tous les langages ont été mis en rapport avec des principes universels encore à peine différenciés. On appelle ces monosyllabes les « semences verbales » (bîja-mantra-s). Les éléments graphiques représentant les mêmes principes sont les racines graphiques (mûla-yantra-s).
Ils forment des idéogrammes. L'écriture est l'une de leurs utilisations.
Les descriptions et les légendes des dieux ainsi que leurs 500 LE POLYTHÉISME HINDOU
représentations anthropomorphiques, zoomorphiques ou botaniques sont les commentaires de ces idéogrammes.
Les images emploient comme symboles les formes plus complexes, c'est-à-dire plus manifestées, de la Nature et constituent une base de méditation plus facile pour les esprits qui ne peuvent saisir aisément un degré d'abstraction trop grand.
Un stade intermédiaire de représentation symbolique est celui par gestes conventionnels ou par des rapports de sons dont les applications les plus notables sont les arts sacrés de la danse et de la musique, qui sont considérés comme les instruments essentiels qui permettent de faire pénétrer dans l'esprit populaire la nature des concepts fondamentaux de la morale et de la religion.
Les dieux demandèrent : « Puisqu'il ne convient pas que les Veda-s soient entendus par les gens de basse naissance, tu devrais créer un cinquième Veda qui puisse servir à l'édification de tous. »
Brahmâ répondit : « Je créerai donc un cinquième Veda appelé l'Art-théâtral, basé sur l'histoire et qui servira de véhicule au sens de tous les livres saints, donnera de l'élan aux arts et contiendra des leçons morales, au sens profond qui guideront les hommes vers la vertu, la fortune et la gloire. Il montrera au monde futur la conduite à suivre. » ( Nâ t ya shâstra, 1, 1, 13, 15.) Les formules mentales (mantra-s) et les formules graphiques (yantra-s) sont des symboles abstraits, les gestes (mudra-s) et les notes de musique (svara) sont les repré-
sentations subtiles, l'image et le mythe sont les repré-
sentations matérielles des principes appelés les dieux.
II
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S)
ON dit que Manu, le Législateur, fut le premier à percevoir les formules-mentales des choses et à les enseigner aux hommes. Il expliqua les relations de ces formules avec les objets et créa ainsi le premier langage. Les formules-mentales sont considérées comme la forme subtile, le corps subtil des choses. Elles constituent des schémas abstraits, permanents et indestructibles, desquels les formes physiques peuvent toujours être dérivées.
Le langage qu'enseigna Manu est le langage primordial, le vrai, l'éternel langage duquel proviennent les racines des mots de toutes les langues. Le sanskrit est la langue la plus directement dérivée de ce parler originel dont toutes les autres langues sont des formes corrompues1.
C'est à ce langage vrai, primordial, qu'appartiennent les vocables sacrés utilisés dans les rites. Lorsque nous comprenons la signification subtile d'une formule-mentale d'un mantra, nous établissons un contact avec la nature véritable de ce qu'il représente.
En tant que plans abstraits des formes dont la manifestation est dérivée, les mantra-s sont, d'une certaine 1. B a r a d â K a n t h a M a j u m d a r : Principles ot Tantras, I n t r o d . p. 35-36.
502 LE POLYTHÉISME HINDOU
manière, identifiables aux dieux dont ils sont inséparables.
Le pouvoir d'un être divin réside dans son nom, dans sa formule, son mantra, qui devient le véhicule au moyen duquel des contacts peuvent être établis entre le dieu et son adorateur. Il n'est aucun être subtil qui ne puisse être évoqué au moyen de son mantra. Les formules-mentales et les semences-verbales sont donc la clef des rites dans toutes les religions et sont aussi employées pour toutes les formes de magie.
« En vérité, le corps du dieu provient de sa formule-mentale, de sa semence verbale. » (Yâmala Tantra.) Chaque dieu est représenté par un montra distinct, et c'est seulement à l'aide de ces sons mystérieux que les images peuvent être consacrées, et que la présence du dieu y devient réelle1. C'est le pouvoir de la formule-mentale qui attire le dieu et le fait s'établir dans son image.
Étant les liens entre des mondes différents, des ponts entre des ordres de choses séparés, les mantras sont les instruments par lesquels l'homme peut aller au-delà des limites de ses perceptions.
« Un mantra est ainsi appelé parce qu'il est l'instrument par lequel la nature du monde peut être pensée (mana-nam) et que la protection (trâ n a) qui délivre de la transmigration peut être obtenue. » ( Pingala Tantra.) « On l'appelle formule-mentale parce qu'il suffit d'y penser pour qu'elle vous protège. »
La perception première d'une formule-mentale est toujours due à un contact direct entre un être humain et un dieu. La formule-mentale doit être révélée par une incarnation divine, ou aperçue par un Voyant qui voit le monde supra-naturel. C'est pourquoi « celui qui le pre-1. La t r a n s m u t a t i o n des espèces d a n s le rituel chrétien est faite à l'aide d'un mantra et ne p e u t être faite a u t r e m e n t .
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 503
mier prononce un mantra est son Voyant » ( Sarvânukramanî). Le mantra a toujours une action, un effet particulier et c'est pour obtenir cet effet qu'on l'utilise.
Les semences-verbales (bîja-mantra-s)
Le nombre des éléments sonores utilisés dans toutes les langues pour former des syllabes articulées ou varna-s, est limité par les possibilités de l'organe vocal humain et par la capacité de différenciation de l'oreille. Ces élé-
ments sont communs à toutes les langues bien que chacune n'en utilise qu'un certain nombre. Ces éléments sonores sont permanents, indépendants de l'évolution du langage.
On peut donc en parler comme d'entités perpétuelles ou éternelles. Les Tantra-s leur attribuent une existence indépendante et les décrivent comme des puissances sonores, conscientes et vivantes, comparables à des dieux.
Ces puissances-sonores ont des correspondances dans toutes les sphères de la manifestation. Chaque forme perçue par l'esprit, ou les sens, a un équivalent en termes de son, a un nom naturel. Les formules-mentales monosyllabiques sont les éléments de base de cette formulation et sont appelées semences-verbales (bîja-mantra-s).
Chacun des éléments assemblés pour former un mantra correspond à une notion définie qui est en rapport avec sa place d'articulation, la nature de l'action musculaire nécessaire pour le prononcer, la hauteur relative du son, sa durée, etc. Ceci mène à l'attribution de qualités communes à chaque catégorie de lettres ou éléments du langage articulé. C'est ainsi que les voyelles et les consonnes simples sont femelles, les sibilantes et les aspirées simples sont neutres, les gutturales sont cléricales et conviennent à l'invocation des dieux. Les cérébrales, les palatales et les dentales sont guerrières et conviennent aux formules magiques, à l'action, au devoir. Les labiales et les liquides 504 LE POLYTHÉISME HINDOU
sont des marchands. Elles servent à persuader et aux invocations propitiatoires. Les sibilantes et les aspirées sont des artisans et sont utilisées pour les plus basses formes de magie.
La division des éléments sonores du langage est basée sur des différences de hauteur, de volume et de durée surajoutées à des voyelles ou sons continus, qui peuvent être produits dans cinq places principales d'articulation.
Il existe donc cinq voyelles principales et quatre intermédiaires ou mélangées.
Dans chaque place d'articulation, il peut y avoir quatre sortes d'occlusions correspondant à des efforts orientés vers l'extérieur ou vers l'intérieur et simples ou aspirés.
Il y a, de plus, une nasale pour chaque place d'articulation, une semi-voyelle pour quatre d'entre elles, une sibilante pour trois, une aspirée pour une. En tout trente-trois consonnes.
Il existe donc neuf voyelles qui se combinent avec trente-trois consonnes. Les semi-voyelles et les sibilantes peuvent de plus se combiner avec les autres consonnes dans une seule syllabe. Tous ces sons peuvent être nasalisés et peuvent avoir cinq tons différents, faciles à reconnaître. Ceci nous donne un total de 9 + 297 + 1188 +
891 = 2385 × 2 = 4770 × 5 = 23 850 monosyllabes possibles,
Plusieurs éléments articulés peuvent se combiner pour former les monosyllabes appelés semences-verbales et qui résument la nature complexe des énergies de base ou dieux.
Ces puissants monosyllabes sont les racines du pouvoir de la parole et ont des échos dans tous les aspects du manifesté. Le langage primordial était fait de ces idéophones et était essentiellement monosyllabique. Les syllabes qui expriment les forces des éléments de la Nature sont les vrais noms des dieux et leurs images verbales. Les dieux sont forcés de répondre à ces sons.
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 505
Différentes sortes de mantra-s.
Il existe un nombre presque illimité de formules-mentales. On dit que les principaux mantra-s sont au nombre de plus de soixante-dix millions et que les mantra-s secondaires sont sans nombre. Le texte des Veda-s, dans sa totalité, est considéré comme fait de syllabes magiques. Les mantra-s, pour être effectifs, doivent être transmis directement et avoir une tradition orale ininterrompue depuis le Voyant qui en a eu la perception directe. Autrement ils ne sont pas « vivants ». On ne peut pas apprendre un mantra dans un livre, ni le faire revivre, une fois que la tradition en a été interrompue. Les semences-verbales sont des monosyllabes mais les autres formules-mentales peuvent avoir la forme de phrases. Leur structure est régie par le symbolisme des nombres. C'est pourquoi les principaux mantra-s de Shiva on t cinq syllabes, ceux de Vi shn u huit, ceux du Soleil douze, etc. La plupart des mantra-s utilisés dans les rites possèdent, en dehors de leur signification supra-sensorielle, un sens exotérique apparent. Le sens exotérique est habituellement pour les hindous dans la langue sanskrite, mais pourrait être dans n'importe quelle langue. Il est une aide pour la mémoire et n'est pas nécessairement en rapport avec le sens secret de la formule-mentale, bien qu'il ait souvent la forme d'une louange du dieu représenté. Il existe aussi des mantra-s qui n'ont de sens extérieur dans aucune langue connue aujourd'hui, mais dont la résonance céleste et l'efficacité sont très grandes. Telles sont les mantra-s « sauvages » (shabara) qui servent pour certaines formes de magie dans l'Inde entière.
Les formules-mentales sont classifiées en diverses caté-
gories d'après leur effet. « Les hommes prudents savent que les mantra-s sont de quatre sortes : Éprouvés (Siddha), Secourables (Sâdhya), Réalisés (Susiddha) et Ennemis 506 LE POLYTHÉISME HINDOU
(Ari) » (Vishva-sâra Tantra). « Les mantra-s Éprouvés donnent des résultats assurés en un temps donné. Les mantra-s Secourables donnent de bons résultats si on les répète dans le rosaire, ou si on les emploie pour accompagner les oblations. Les mantra-s Réalisés donnent des résultats immédiats. Les mantra-s Ennemis détruisent ceux qui veulent les employer. » ( Mantra-Mahodadhi, 24, 23.)
Le même mantra peut appartenir à ces diverses caté-
gories. Cela dépend de la façon dont il a été transmis et des qualifications de celui qui l'emploie. « La vie hindoue est saturée de mantra-s. Toute l'existence d'un paysan ou d'un prince est réglée par eux. Les usages des mantra-s sont nombreux, tels que :
« 1° Atteindre la libération. 2° Vénérer les formes manifestées du divin. 3° Honorer les dieux mineurs et les génies.
4° Communiquer avec les dieux. 5° Acquérir des pouvoirs surhumains. 6° Nourrir les ancêtres et les dieux. 7° Communiquer avec les fantômes et les esprits des morts.
8° Écarter les influences néfastes. 9° Exorciser les démons.
10° Guérir les maladies. 11° Préparer de l'eau curative.
12° Détruire les plantes, les animaux et les hommes.
13° Éliminer les poisons du corps. 14° Influencer les pensées et les actions des autres. 15° Avoir sous son contrôle les hommes, les bêtes, les génies et les fantômes. 16° Purifier le corps1. »
Les mantra-s sont aussi un moyen pour l'homme d'accroître sa propre puissance. « Les pouvoirs exceptionnels de la pensée peuvent être le résultat de la naissance, de drogues, de mantra-s, de l'ascèse et de la contemplation divine. » (Patañjali, Yoga-sûtra-s, 4, 1.) 1. B a r a d â K a n t h a Majumdar. Principles of Tantras. Introd. p. 38.
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 507
Les principales formules-mentales
I. LA SEMENCE-VERBALE DE
L'IMMENSITÉ (BRAHMA-BIJA) OU FORMULE-MENTALE
DE-LA-CONNAISSANCE-DE-L' IMMENSITÉ
(BRAHMA-VIDYA-MANTRA)
Son : AUM.
Sens: « je m'incline », « d'accord », « j'accepte » dans la langue primordiale. « En vérité cette syllabe est une acceptation, car lorsqu'un homme est d'accord avec quelque chose, il dit simplement AUM. Cette acceptation est en vérité une réalisation. » ( Chândogya Upani sh ad, 1, 1, 8.) Définition: Ce mantr a est aussi appelé « le passeur »
(ce qui mène à l'autre rive, Târâ ou Târi nî). Il est considéré comme la source de tous les mantra-s.
« A, U, M, sont les trois lettres et ces lettres représentent les trois tendances : l'orbitation, la cohésion, la désintégration. Ensuite vient la demi-lettre qui représente le non-qualifié, mais n'est perçue que par les yogin-s. »
(Dattatreya Samhitâ.)
« A représente l'Être-immense (Brahmâ), la tendance orbitante (rajas), la couleur rouge, la forme de l'Univers, la Personne-destructible (K sh ara Puru sh a) ou corps du Cosmos (le Glorieux, Virât), l'état de veille, le pouvoir d'agir.
U représente l'Immanent (Vi shn u), la tendance cohé-
sive (sattva), la couleur blanche, la loi de l'Univers, la Personne-indestructible (Ak sh ara Puru sh a), l'Intellect du Cosmos (l'Embryon-d'or, Hira n yagarbha), l'État de rêve, le pouvoir de la pensée, l'Univers non manifesté.
M représente le Seigneur-du-sommeil (Shiva), la tendance désintégrante (tamas), la couleur noire, le substrat causal, la Personne-immuable (Auyaya Puru sh a), la conscience du Cosmos (l'Omniscient, Sarva-jña), l'état de sommeil profond, le pouvoir de la Conscience.
508 LE POLYTHÉISME HINDOU
A et U pris ensemble représentent la vérité, l'immortalité.
La demi-lettre est la base de toutes choses mais cette base est tordue, c'est-à-dire hors de l'atteinte de la pensée et de la parole. » (Karapatrî, Shrî Bhagavatî tattva.)
« AUM représente également l'Être-unique qui est le support de l'espace, du temps et de la forme. » (Chalâri, commentaire du Tantra-sâra.)
Nombre de répétitions : Soit 300 000 répétitions, soit dix répétitions trois fois par jour pour les hommes mariés et en toute occasion pour les ascètes (Tantra sâra).
But : Conduit à la réalisation du divin, à la libération des liens terrestres, à la perception de la Réalité-suprême.
Usage rituel: Au début de tous les rites.
Références: Chândogya Upani sh ad, Tantra-tattva-prakâsha, Tantra-sâra, etc.
« Continuant l'analyse de cette syllabe unique, les Upani-sAad-s y voient huit éléments. Cette syllabe est formée de huit subtils éléments sonores. Elle a un caractère octuple et est divisible en huit parties.
« A est la première partie, U la deuxième, M la troisième; la nasalisation (bindu) est la quatrième; le son (nâda) est la cinquième; la durée (kâla) est la sixième; la résonance dans le temps (Kâlâtita) est la septième. Ce qui est au-delà, la répercussion hors du temps est la huitième. »
( Târâ-sâra Upani sh ad, 2, 1.) Envisagé comme le symbole de l'Être-divin, AUM apparaît comme la forme de laquelle naît l'univers. Les trois lettres ont par conséquent des équivalents dans tous les aspects du manifesté1.
1. Vasudeva S h a r a n a Agravâla : Shiva kâ svarûpa, K a l y â n a , Shiva A n k a , p . 492.
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510 LE POLYTHÉISME HINDOU
C'est de la syllabe fondamentale AUM que proviennent les semences-verbales (bîja-mantra-s) qui sont la source de tous les aspects de la manifestation, la clé de tout langage, les puissants éléments de son desquels est dérivé le pouvoir magique des formules-mentales. « AUM : Cette syllabe contient le monde entier. Elle est le passé, le pré-
sent, le futur. Tout ce qui existe n'est qu'AUM. Et tout ce qui est au-delà du triple aspect du temps, est simplement AUM. » ( Mâ nd ukya Upani sh ad, 1, 1.) Il existe une littérature considérable qui décrit les implications de cette unique syllabe envisagée comme le symbole le plus abstrait du divin et l'instrument de la réalisation mystique.
« La syllabe AUM a la Parole (Vâc) comme divinité.
Elle s'adresse au Roi-du-ciel (Indra), ou bien au Souverain-suprême (Parame shth in), ou bien à l'ensemble des dieux, ou à l'Immensité ou aux dieux en général. Ka en est la divinité. » ( B ri had devatâ, 2, 125.) Envisagé comme le symbole de l'unité des trois dieux, AUM apparaît comme la première des formules-mentales desquelles naît l'univers.
« La première unité (la lettre A) de la syllabe représente le monde terrestre (les sept continents entourés des sept mers). Elle symbolise la connaissance des mètres, le Ri g Veda. Brahmâ, l'Être-immense, est sa divinité. Les huit sphères d'existence, les Vasu-s, sont les principes qui exercent par elle leur influence bénéfique. Son mètre est Gâyatrî de vingt-quatre syllabes, son feu est le feu du foyer (Garhapatya).
« La seconde lettre représente le monde intermédiaire.
C'est la lettre U qui veut dire connaissance et réalité intérieure, c'est-à-dire le Yajur Veda qui glorifie le sacrifice. L'Immanent Vi shn u qui soutient le monde est sa divinité. Les onze Rudra-s (représentant les cinq organes de perception, les cinq organes d'action et le mental) LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 511
sont les divinités qui exercent par elle leur influence béné-
fique. Le mètre est Tri sht ubh de quarante-quatre syllabes.
Elle est la charité et le feu de la mort.
« La troisième lettre M représente le monde céleste. Elle est la connaissance-étendue, le Sâma Veda, fait d'hymnes chantés. Rudra le destructeur est sa divinité et les douze Principes-souverains, les Aditya-s, qui sont l'image des douze mois solaires, exercent par elle leur influence béné-
fique. Le mètre de quarante-huit syllabes, Jâgati, est sa mesure. Son invocation est Bhuva h (à l'espace) avec laquelle les oblations sont offertes dans le feu.
« La demi-lettre (ardha-mâtrâ) à la fin de cette syllabe sacrée en complète le quadruple caractère. Elle représente le monde lunaire, la connaissance des correspondances subtiles (l'Atharva Veda), faite d'hymnes [utilisés particulièrement pour les six observances et révélés par le Voyant Atharvângiras]. La pluie de feu qui réduit en cendres les trois mondes en est la divinité et les quarante-neuf dieux des vents, les Marut-s, sont les principes qui exercent par elle leur influence bénéfique. Le mètre de dix syllabes, Virât, est sa mesure. Le feu appelé Ekar sh i dans les rites de l'Atharva est son feu. Cette demi-lettre répand son éclat intérieur sur tous les éléments de la formule mentale. Elle est le principe souverain des mantra-s, l'âme de la quadruple lettre dans ses aspects physiques, subtil, germinatif et indifférencié. » ( Nrisimha-tâpinî Upani sh ad, 2, 3, 1-5.)
2. LA SEMENCE VERBALE DE LA CONSCIENCE, OU SEMENCE-DE-LA-PAROLE (VAG-BIJA)
Son : Ain(g)
Définition : Cette formule-mentale est aussi appelée formule-du-savoir (Sârasvata) ou déesse du savoir (Sârasvatî). Elle représente la forme de la conscience appelée 512 LE POLYTHÉISME HINDOU
Sarasvatî (le Flot-de-la-parole), compagne de l'Être-immense.
« Ai représente Sarasvatî. La nasalisation symbolise Celui-qui-détruit-la-souffrance. C'est la formule mentale du Flot-de-la-parole. En elle est vénéré le Verbe. » (Varadâ Tantra.) But. Acquisition du savoir et de la sagesse; de la maîtrise des mots et de la puissance oratoire.
Références : Tripurâ-Tâpinî Upani sh ad, Karpûra-stava, Varadâ Tantra, etc.
3. LA SEMENCE-VERBALE DE L'ILLUSION (MAYA-BIJA) OU SEMENCE-VERBALE DE L'ÉNERGIE (SHAKTI-BIJA) Son : Hrîm.
Définition : Cette formule-mentale représente Mâyâ la Puissance-d'illusion. Elle évoque la déesse des sphères (Bhuvaneshvarî), le destructeur de la douleur. Elle est le principe d'où naissent l'éther et les autres éléments du monde manifesté, le principe éternellement libéré qui n'est pas lié par la triple forme du temps.
« H veut dire Shiva, R est sa nature, Prak ri ti. I est l'Illusion-transcendante (Mahâ-mâyâ). Le son de la syllabe représente le progéniteur. La nasalisation est le destructeur de la douleur. C'est avec cette formule-mentale que la déesse des sphères doit être vénérée. » (Varadâ Tantra.) But : La conquête du non-manifesté, du pouvoir de la nature. La transgression des lois de l'espace et du temps.
Références: Tripurâ-Tâpinî Upani sh ad, 1, 13; Karpûra-stava, 2; Varadâ Tantra, etc.
4. LA SEMENCE-VERBALE DE L'EXISTENCE OU
SEMENCE-VERBALE-DE-LA-FORTUNE (LAKSHMI-BIJA) Son : Shrîm.
Définition : Cette formule-mentale représente la déesse de la fortune et de la multiplicité, Lak sh mî, la Millionnaire, la compagne de Vi shn u.
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 5 1 3
« Sh représente la divinité transcendante de la fortune.
R veut dire richesse, I satisfaction. Le son indique l'absence de limites. La nasalisation écarte la douleur. Telle est la semence-verbale de la déesse Lak sh mî. C'est par elle qu'il faut la vénérer. » (Varadâ Tantra.) But: obtenir les richesses terrestres, la puissance, la beauté et la gloire.
Références : Tripurâ-tâpinî Upani sh ad, Varadâ Tantra, etc.
5. LA SEMENCE-DU-DÉS1R
Son : Klîm.
Définition : Cette formule-mentale représente la natur e de la joie, du plaisir, la puissance procréatrice de Shiva exprimée sous la forme de sa compagne la Grande-déesse (Maheshvarî).
« K représente le dieu Éros (Kâma-deva) ou K rishn a qui incarne l'érotisme divin. L est le Roi-du-ciel (Indra), I indique la satisfaction. La nasalisation représente ce qui cause le plaisir et la douleur. Cette semence-verbale du désir t'est adressée par amour, O Grande-déesse! »
(Varadâ Tantra.)
But : Acquisition du savoir transcendant mais aussi du plaisir de la victoire et du pouvoir royal.
Références : Tripurâ-tâpinî Upani sh ad, Karpura-slava, Varadâ Tantra, etc.
6. LA SEMENCE-VERBALE PRIMORDIALE (ADYA-BIJA) OU SEMENCE-VERBALE-DE-LA-PVISSANCE-DU-TEMPS
(KALI-BIJA)
Son : Krîm .
Définition : Cette formule-mentale représente la puissance du temps, de la mort, l'aspect destructeur de Shiva et, 514 LE POLYTHÉISME HINDOU
par conséquent, la déesse Kâlî qui est la puissance du temps.
« K est Kâlî, R est l'Immensité, I, le Pouvoir-d'illusion transcendant. Le son représente la mère de l'Univers.
La nasalisation est la destruction de la douleur. C'est avec cette formule-mentale que la déesse Kâlî doit être vénérée pour que toute douleur soit effacée. » (Varadâ Tantra.)
But: Arriver au détachement, dominer la mort, obtenir la connaissance transcendante.
Références : Tripurâ-Tâpinî Upani sh ad, Mahâ-nirvâ n a Tantra, Varadâ Tantra, etc.
Quelques autres semences-verbales
DUM est Durga, la déesse inaccessible.
HAUM est Shiva, le Seigneur-de-paix, et aussi la Semence-de-la-parole.
HUM protège de la colère et des démons.
GAM est Ganapati, l'union du macrocosme et du microcosme.
GLAUM est Ganapati, en tant que dispensateur de pouvoirs mentaux.
K SH RAUM est l'Homme-lion, l'aspect de Vi shn u qui détruit le Mal.
STRIM libère des difficultés.
PHAT est l'arme qui détruit toutes choses.
STRAUM apporte le plaisir.
PREM sert aux enchantements et à la magie.
KHA tue.
AM est le lacet pour attraper toutes choses.
Les semences-verbales des éléments
YAM, l'Air. Sa couleur est le noir, son symbole l'hexagone, son véhicule l'antilope noire.
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 515
LAM, la Terre. Sa couleur est le jaune, son symbole le carré, son véhicule l'éléphant. C'est également le mantra d'Indra, le Roi-du-ciel.
RAM, le Feu. Sa couleur est le rouge, son symbole le triangle, son véhicule le bélier.
VAM, l'Eau. Sa couleur est le blanc, son symbole le croissant ou un fragment de cercle ou un triangle poin-tant vers le bas, son véhicule le crocodile.
HAM, l'Éther. Sa couleur est aussi le blanc, son symbole le point ou le cercle, son véhicule l'éléphant blanc.
La Chândogya Upani sh ad (1, 13, 1-3) donne les semences-verbales liturgiques suivantes :
HA-U, la Terre. « En vérité le son HA-U est ce monde
[car il se trouve dans le Rathantara Sâman identifié à la terre]. »
HA-I, le Vent : « Le son HA-I est le vent [car il se rencontre dans le Vâmadeva Sâman qui a pour sujet l'origine du vent et de l'eau]. »
ATHA, la Lune (ou le sperme) : « Le son ATHA (voici) est la lune (ou le sperme) [car tout est soutenu par la nourriture et la lune (le sperme) est faite de nourriture]. »
IHA, le Soi : « Le son IHA (ici) veut dire soi-même
[car ici est le lieu où on se trouve soi-même]. »
I, le Feu : « Le son I est le Feu (Agni) [car tous les Sâman-s consacrés à Agni finissent par le son I]. »
U, le Soleil : « Le son U (haut) est le Soleil [car on loue le soleil quand il monte haut (ûrdhvam)]. »
E, l'Invocation : « Le son E est l'invocation [car les gens s'appellent en criant : ehi (viens)]. »
O-HO-I, les Principes-universels (Vishve-deva-s) : « Le son O-HO-I représente les Principes-universels [car il paraît dans les sâman-s des Vishve-deva-s]. »
HIM, le Progéniteur : « Le son Him représente le Progé-
niteur [car le Progéniteur est indéterminé et le son HIM
est indistinct]. »
516 LE POLYTHÉISME HINDOU
YA, la Nourriture : « Yâ est la nourriture [car tout ici-bas se meut (Yati) à cause de sa nourriture]. »
VAC, le corps du Cosmos : « VAC est le corps de l'Être-cosmique (Virât) [car il apparaît dans le Sâman de l'Étre-cosmique]. »
HUM, l'Indéfini : « Le son HUM, la treizième interjec-tion variable, représente l'indéfini. »
Les mantra-s développés
Certaines formules-verbales sont formées en combinant des semences-verbales pour représenter des notions complexes.
LA FORMULE MENTALE DE L'ÉNERGIE-SUPRÊME
(PARA-SHAKTI)
Son: AUM, K R I M KRI M KRIM , HU M HUM, HRI M
HRIM, SVAHA.
Définition: C'est la formule mentale de la Grandedéesse, comprenant toutes les formes d'énergie. Elle sert pour son culte.
But : Donne toutes les réalisations.
Référence : Karpura-stava (5).
LA SEMENCE-VERBALE DU MOUVEMENT-DANS-L'ESPACE
(KHECARI-BIJA)
Son : HA SA K H A PREM .
Définition : HA est le Soleil, le Souverain-de-la-vie, et aussi l'Espace.
SA est la Puissance.
K H A est l'Espace et le Pouvoir-de-tuer.
PREM est le Pouvoir-d'enchantement-
magique.
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 517
But : Se mouvoir à travers l'espace.
Référence : Tripurâ-tâpinî Upani sh ad.
LA FORMULE-MENTALE DU TRIPLE-CHANT (GAYATRI) 1
GARDIEN DES ÉNERGIES VITALES
Son : AUM ! Bhû r Bhuva h Sva h! Ta t savitur vare n ya m bhargo devasya dhîmahi; Dhiyo yo na h pracodayat.
AUM!
Sens : AUM! sphère terrestre, sphère de l'espace, sphère céleste! Contemplons la splendeur de l'esprit solaire, le créateur divin. Puisse-t-il guider nos esprits [vers la réalisation des quatre buts de la vie]. AUM!
Définition : C'est le principal des mantra-s que chaque deux-fois-né doit répéter durant les trois méditations du matin, de midi et du soir. Il ne doit pas être prononcé par les femmes, ni par les hommes de basse caste. Il a deux fois douze syllabes, comme il convient à une formule solaire.
Nombre de répétitions : Douze fois.
Usage rituel : Dan s les trois rites journaliers des brahmanes.
Référence : Ri g Veda (3, 62, 10); Chândogya Upani sh ad (3, 12); B ri had-âra n yaka Upani sh ad (5, 15), etc.
LE TRIPLE-CHANT-DE-L'IMMENSITÉ
(BRAHMA-GAYATRI)
Texte : Parameshvarâya vidmahe para-tattvâya dhî-
mahi; Tan no Brahmâ pracodayat.
Sens : Puissions-nous connaître l'Être-immense! Puissions-nous contempler la réalité transcendante! et puisse cet Être nous guider.
1. P o u r la signification de ce m o t , voir B ri had-âra n yaka Upani sh ad (5, 14, 4).
518 LE POLYTHÉISME HINDOU
Définition : Cette forme de Gâyatrî peut être prononcée par tous.
But : La réalisation de l'Être-transcendant pa r tous les hommes.
Référence : Mahânirvâna Tantra.
LA FORMULE-MENTALE DU SEIGNEUR-DES-LARMES
(RUDRA-MANTRA)
Texte : AUM! Trayambakam yajamahé sugandhim pu sht ivardhanam Urvarukâmîva bandhanân m ri tyor-muk shi ya ma m ri tat.
Sens : AUM! Nous vénérons le Seigneur au x trois yeux, parfumé, qui donne la force et libère de la mort. Puisse-t-il nous libérer des liens de la mort.
Définition : Cette formule mentale est le plus important des mantra-s de Rudra, l'aspect destructeur de Shiva.
But : Élimine tous les stigmates de la mort, empêche le vieillissement du corps.
Référence : Uddîsha Tantra.
LE ROI DES FORMULES-MENTALES (MANTRA-RAJA) Texte : SHrîm, Hrîm, Klîm, Kri shnâya svâhâ.
Sens : Fortune, illusion, désir, offrande au Sombre-dieu.
Définition : Cette formule-mentale invoque les trois aspects de la Suprême-déesse et K rishn a, le symbole de l'amour.
But : Inspire l'amour divin et mène à la libération.
LA FORMULE-MENTALE QUI MET UN FREIN
A L'INFORTUNE
Texte : AUM Ha m Hâm , him hîm, hum hûm, hem haim, hom haum, ham ha h, k sh am k shâm, k sh im k shîm, k sh um LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 519
k shûm, k sh em k sh aim, k sh om k sh aum, k sh am k sh a h Hamsoham.
Sens : AUM, Ham... etc. Je suis l'oie [de la connaissance].
But : S'oppose au pouvoir des esprits malins et des fantômes, efface l'influence des mauvaises actions et rend les poisons inopérants.
Référence : U dd îsha Tantra, 166-168.
LA FORMULE-MENTALE-QUI-CALME-LA-COLÈRE
(KRODHA-SHANTI)
Texte : AUM, Shanté prashanté sarvakrodhopasha-mani svâhâ.
Sens : AUM. Paix ! Calme! Tout e colère est effacée!
Oblation !
Nombre de répétitions : Vingt et une.
But : calmer la rage des éléments.
Usage rituel : prononcer cette formule sur un récipient d'eau et se rincer la bouche avec cette eau.
Référence : U dd îsha Tantra.
LA FORMULE-MENTALE DU FEU (AGNI-PRAJVALANA) Texte : AUM, Citpingala Hana Hana, Daha Daha, Paca, Paca, Sarvanâjñâpya svâhâ.
Sens : Feu jaun e de l'esprit! Tue, tue ! Brûle, brûle!
Mange, mange! Invoque celui qui sait tout. Accepte l'oblation.
But : Faire naître le feu.
Référence : Mahânirvâ n a Tantra, 6, 142.
520 LE POLYTHÉISME HINDOU
LA FORMULE-MENTALE POUR-ARRÊTER-LE-FEU
(AGNI-STAMBHANA)
Texte : AUM, Namo agnirûpâya mama shariré stham -
bhanam kuru kuru svâhâ.
Sens : AUM, Je te salue, arrête l'action du feu dans mon corps. Accepte l'oblation.
Nombre de répétitions : cent huit.
But : Immuniser le corps contre le feu.
Rites : Prendre de la graisse de grenouille, la mélanger avec le jus de la plante de ghikumar et s'en frotter le corps en prononçant le mantra.
Référence : U dd îsha Tantra.
FORMULE POUR-ARRÊTER-LE-SOMMEIL
(NIDRA STAMBHANA)
Texte : AUM! Namo bhagavaté Rudrâya nidrâm stambhayal
Th a k, Th a h, Th a h!
Sens : AUM! Je salue la déesse. Puisse le Seigneur-des-larmes paralyser le sommeil.
Th a h Th a h Th a h.
Nombre de répétitions : Cent huit.
But : Empêcher de dormir.
Rites : Écraser les racines des plantes B ri hati [et Muléthi, filtrer à travers une étoffe et respirer l'odeur en répétant cette formule.
Référence : U dd îsha Tantra.
LA FORMULE-MENTALE-DE-CINQ-LETTRES
(PAÑCAK SH ARA)
Texte : AUM! Nama h shivâya.
Sens : AUM! Je salue Shiva.
LES FORMULES-MENTALES (MANTRA-S) 521
Définition : Cette formule est celle d'un des principaux montras utilisés par les hindous. Il a des formes diffé-
rentes selon les qualifications des adorateurs. Le chiffre trois est le chiffre du Cosmos. Le chiffre cinq est le chiffre de la vie. Les cinq lettres de la formule mentale de Shiva représentent les cinq aspects qui caractérisent toutes les formes de vie, en commençant par les cinq éléments.
But : La réalisation spirituelle aussi bien que le succès humain. Fait reculer la crainte.
Nombre de répétitions : Cent huit ou cinq répétitions trois fois par jour.
Références : Shiva Purâ n a, Shiva Agama-s, Bhasma-jabala Upani sh ad (2, 4).
LA FORMULE-MENTALE-DE-L'OIE-DU-SAVOIR
(HAMSA-MANTRA)
Texte : AUM ! Hamsa h so-ham! Svâhâ!
Sens : ( Ham est la semence-verbale de l'éther. Sa repré-
sente le Soleil.) AUM! je suis lui, il est moi : Accepte l'oblation !
Définition : Cette formule doit être répétée au rythm e de la respiration, sans interruption d'une aurore à la suivante. N'importe qui peut la prononcer.
Nombre de répétitions : 21.600.
But : Réaliser les quatre buts de la vie : la vertu, le plaisir, le succès, la libération.
LA FORMULE-MENTALE-DE-HUIT-SYLLABES,
DE VI SHN U
Texte : AUM! Nam o Nârâyâ n âya !
Sens : AUM! je m'incline devant la demeure-du-savoir (c'est-à-dire devant celui de qui sont obtenus le savoir et la libération).
5 2 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
Définition : doit être répétée trois fois, trois fois pa r jour comme Gâyatrî.
But : obtenir d'être libéré.
LA FORMULE-MENTALE DE QUINZE SYLLABES
(PANCADASHI) OU LA PREMIÈRE DÉESSE
Texte : Ka-é-lî-lâ-hrîm, ha-sa-kha-la-hrîm, sa-ka-la-trîm.
Sens : Ka, est la luxure.
e, la matrice.
lî, l'élément érotique.
lâ, le dieu porteur de la foudre, ou la terre, ou Shiva,
hrîm, la caverne, la semence-verbale de la déesse.
ha, Shiva.
Sa, énergie.
kha, le vent (ou le désir).
la, le Roi-du-ciel (Indra) ou Shiva.
ka, le nuage ou Shiva (Sakala veut dire Tout).
Cette formule-mentale représente la puissance du Soi, le pouvoir d'enchantement du monde.
Définition : Répéter vingt et une fois ou cent huit.
But : Réaliser tous ses désirs et atteindre la libération.
Références : Devî Upani sh ad, Nityâshoda, Shikâr n ava Varivasyâ-rahasya, etc. La Lalitâ-trishatî, un hymne à la gloire de la déesse, est construit sur les semences-verbales de cette formule.
III
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S)
Les yantra-s ou diagrammes-magiques
LES yantra-s sont des figures géométriques faites d'élé-
ments linéaires qui représentent les dieux, ou énergies de base du monde naturel. Ces diagrammes symboliques sont les équivalents visuels des mantra-s, ou formules mentales. « Le yantra a comme âme le mantra.
Le dieu est l'âme du mantra. La différence entre le yantra et le dieu qu'il représente, est similaire à la différence entre un corps et l'âme qui l'habite. » ( Kaulâvaliyam, cité dans le Shabda-kalpa-druma.)
Les éléments du yantra sont les idéogrammes vrais ou naturels dont l'écriture est une application. « Les idéogrammes (lipi) sont de cinq sortes selon qu'ils s'expriment par le geste (mudrâ), l'image (shilpa), l'écriture, le dessin ou la gravure. » (Cité dans le Shabda-kalpa-druma.) Toutes les figures géométriques élémentaires sont des symboles, sont l'expression de réalités, de lois universelles.
Elles peuvent être combinées de manière à devenir les représentations des forces ou des qualités particulières qui caractérisent certains aspects de la création. Il n'existe aucune forme, aucun mouvement qui ne puisse être 524 LE POLYTHÉISME HINDOU
ramené à une combinaison de formes élémentaires. Les diagrammes symboliques construits avec des éléments géométriques simples, permettent de représenter analytiquement les énergies qui sont à la base des formes apparentes et de représenter les aspects créatifs du Cosmos que nous appelons des dieux.
Les diagrammes-symboliques forment en général des figures à deux dimensions, mais ne sont dans ce cas que la projection plane d'une figure de l'espace. Le dessin sur, un plan suggère la figure à trois dimensions que le yantra est en réalité. Et cette figure à trois dimensions n'est ellemême que l'image statique d'une combinaison de forces en mouvement qui expriment la nature d'une divinité vivante.
Les yantra-s sont la base inévitable de toute tentative de représentation symbolique, de toute forme sacrée, de toute image d'un dieu, de toute architecture religieuse, des autels, des temples et des gestes rituels. Ils sont utilisés dans toutes les formes de culte, la divinité étant invoquée en traçant son diagramme et en prononçant sa formule-mentale.
Les diagrammes symboliques peuvent exprimer l'aspect intérieur de toutes les formes de la création, la nature des hommes et des animaux comme celle des dieux. « Il existe dans le monde des yantra-s innombrables. Chaque objet, chaque feuille, chaque fleur est un diagramme qui par sa forme, sa couleur, son odeur, nous raconte l'histoire de la Création. » ( Mantra-yantra-tantra, Kalyâ n a, Shakti anka, p. 390.) « C'est ainsi que Vi shn u peut être vénéré dans l'eau, dans le feu, dans le cœur, dans le disque solaire, et dans le diagramme qui le représente. » (Nâradîya Samhita.) « Il réside également dans les galets noirs (shala-grâma), les joyaux, les images et les figures symboliques tracées sur le sol. » (Gautamîya Tantra.)
« La déesse est vénérée dans l'organe sexuel, dans un LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S) 5 2 5
livre, dans un dessin symbolique ainsi que dans une image, dans de l'eau ou dans une pierre. » (Yoginî Tantra.) Une fois que nous connaissons le sens des éléments géométriques qui les composent, nous pouvons lire le sens apparent de tous les yantra-s. Leur sens secret, qui est la nature même d'un dieu, est plus difficile à saisir et ne peut normalement être réalisé qu'à l'aide du pouvoir de perception obtenu par la pratique du yoga. Le secret des yantra-s est l'une des formes les plus jalousement gardées de l'enseignement ésotérique hindou, car on attribue au yantra, rendu vivan t par les rites, un pouvoir sans limites.
Les éléments constitutifs des diagrammes symboliques
LE POINT (BINDU)
Le point est un concept spatial. Tout mouvement, toute forme, peut être conçu comme fait de points. La nature de l'espace, de l'éther, est la localisation, c'est-à-
dire la possibilité de définir des endroits, des points particuliers. Le point mathématique, sans extension et partout présent, exprime la nature de l'éther. Le point peut aussi représenter la limite entre deux différents ordres d'existence, ainsi que le point de départ de toute manifestation.
Lorsqu'un stade non manifesté d'existence commence à se manifester, sa manifestation doit commencer quelque part en un point de l'espace, en un point du temps. Il doit exister un moment où il n'a pas encore d'extension et où pourtant il a commencé d'avoir une localisation.
Ce premier instant, dans lequel une chose n'existe pas et pourtant va exister en un lieu donné, est représenté par le point, limite du manifesté.
LA LIGNE DROITE
Lorsqu'un point se meut indépendamment d'une attraction extérieure, son mouvement trace une ligne droite.
526 LE POLYTHÉISME HINDOU
La ligne droite représente le mouvement sans obstacle, c'est-à-dire le principe du développement.
LE TRIANGLE IGNÉ,
LA POINTE DE FLÈCHE ET LA FLAMME
Tous les développements qui peuvent être assimilés à une montée, à un mouvement ascendant, peuvent être représentés par une pointe de flèche ou une flamme. Le triangle avec son sommet vers le haut représente aussi la même tendance. Les trois formes sont des symboles du feu, identifié au principe mâle et au phallus, image de Shiva, le Procréateur. Le même symbole sert à représenter la Personne-cosmique, Puru sh a, l'aspect mâle du Cosmos.
Tout mouvement ascendant est caractéristique de l'élé-
ment igné dont l'activité mentale est la forme subtile.
Son symbole numérique est le nombre 3.
LE TRIANGLE AQUEUX,
L'ARC DE CERCLE, LE CROISSANT ET L'ONDE
Le triangle dont le sommet pointe vers le bas représente la force d'inertie qui tend vers le bas, paralyse l'activité.
On l'associe avec l'élément aqueux qui cherche toujours à descendre, à s'aplanir, à égaliser son niveau. C'est l'aspect passif de la création. On l'identifie donc au yoni ou organe femelle qui est le symbole de l'énergie (shakti)
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S) 527
ou de la Nature-cosmique (Prak ri ti). Les autres symboles de l'élément aqueux sont l'onde, l'arc de cercle et le croissant. Le symbole numérique correspondant est le nombre 2.
LE CERCLE
La notion du cercle naît des révolutions des astres.
Le cercle est le symbole de tout ce qui revient à son point de départ, de tous les cycles, de tous les
rythmes qui rendent possible l'existence.
Le mouvement circulaire est la carac-
téristique de la tendance orbitante (rajas)
qui est la nature du monde perceptible.
Un cercle intérieur peut toutefois repré-
senter le repli de la manifestation sur elle-
même et l'énergie enroulée qui, lorsqu'elle se déploie, permet aux êtres de traverser la sphère des formes manifestées et d'atteindre la libération.
L'HEXAGONE
Le cercle est quelquefois pris comme un symbole de l'air, bien que la représentation conventionnelle de l'élément air soit l'hexagone.
Le mouvement est la qualité caractéristique
de l'air, mais ce mouvement est versatile
et désordonné. On le représente par les
multiples de 2 et de 3 qui sont les nombres
de la nature inanimée.
LE CARRÉ
La notion d'étendue est représentée par le
nombre 4, le premier carré, ou multiple, le
plus simple des nombres représentant une
surface. La terre est appelée l'étendue et son symbole est le carré.
528 LE POLYTHÉISME HINDOU
LE PENTAGONE
Toute existence est régie par le nombre femelle 2 et le nombre mâle 3. Leur produit, tous les nombres obtenus en multipliant les puissances de 2 et 3,
donne naissance au monde des formes. Mais
c'est quand ils s'unissent pour former un
seul nombre que le principe de la vie appa-
raît avec le nombre 5, soit 2 + 3. Le nombre
5 domine toutes les structures vivantes. Le
nombre 5 est le nombre de Shiva, la source
de la vie et de la mort. Nous retrouverons le pentagone sous sa forme étoilée appelée le Destructeur-du-désir.
LA CROIX
Lorsque le point se développe dans l'espace, les quatre directions apparaissent. La croix est le
symbole de l'extension, du développement,
ainsi que celui de la réduction du multiple
à l'unité. La croix sert également à montrer
la domination du 1 sur le multiple. C'est un
symbole équivalent à celui des quatre bras
dans la représentation des dieux souverains.
LE SVASTIKA
La connaissance du transcendant est appelée « tordue »
parce qu'on ne peut
l'atteindre directement,
parce qu'elle est en dehors
du domaine de la logique
humaine. La simple croix
représente la réduction à
l'unité, le champ de la
manifestation extérieure qui, partant d'un point central, le bindu, symbole de l'éther, se répand dans les quatre
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S) 5 2 9
directions sous la forme des quatre éléments perceptibles.
Ceci n'est pas exact du point de vue de la divinité transcendante qui ne peut jamais être ramenée à l'unité. C'est ce qui est indiqué par les branches tordues du svastika, qui, bien qu'il soit aussi relié au centre, n'y ramène pas et se perd dans l'immensité indéterminée de l'espace.
La connaissance des aspects transcendants du divin ne peut être atteinte qu'indirectement, par les voies détournées de la main droite et de la main gauche. C'est pourquoi les branches dit svastika peuvent être courbées dans un sens ou dans l'autre. Utilisé comme symbole d'heureux augure, le svastika a pour but de nous rappeler que la réalité suprême n'est pas accessible à l'esprit humain et n'est jamais sous le contrôle de l'homme.
L'HEXAGONE ÉTOILÉ
L'hexagone étoile (en fait un dodécagone) est l'un des éléments les plus employés dans les diagrammes-symboliques. Il est formé d'un triangle igné péné-
trant dans un triangle aqueux. Nous avons
vu que l'un représente le principe mâle, la
Personne-cosmique, le phallus, et l'autre le
principe féminin, la Nature-cosmique, le
yoni. Lorsque les deux principes sont unis,
sont en coïtion, s'équilibrent l'un l'autre, ils forment cette étoile à six branches qui représente la troisième tendance (rajas) qui manifeste l'univers. Le cercle par lequel on entoure parfois cette figure étoilée représente le champ dans lequel s'exerce son action, c'est-
à-dire le temps.
Lorsque les deux triangles se séparent, le monde disparaît, le temps cesse d'exister. Le point limite du monde qui va disparaître est représenté
par la forme du sablier, la forme du tambour
de Shiva.
530 LE POLYTHÉISME HINDOU
LES LOTUS
Tous les nombres symboliques corres-
pondant à des entités particulières sont
représentés par des formes de fleurs au
nombre de pétales variable appelées des
lotus.
Les principaux yantra-s
LE ROI DES DIAGRAMMES (YANTRA-RAJA)
Le roi des diagrammes-symboliques est décrit dans le M a h â n i r v â n a Tantra : « Tracer un triangle contenant la semence-verbale de l'Illusion (HRIM). Autour se trouvent deux cercles concentriques. Indiquer deux par deux les seize étamines et les huit pétales du lotus, le tout est enfermé dans la cité terrestre faite de lignes droites, avec quatre portes qui doivent être d'agréable apparence.
« Pour plaire à la divinité, il faut tracer ce diagramme à l'aide d'une aiguille d'or ou avec une épine de l'arbre de Bel sur une plaque d'or, d'argent ou de cuivre, enduite avec le suc des fleurs de svayambhu, kunda ou gola ou encore avec du santal, de l'aloès odorant, du kunkuma ou de la pâte rouge de santal. » ( Mahânirvâ n a Tantra, 15, 172-176.)
Le but de ce diagramme est de créer des contacts avec les mondes surnaturels. Grâce à son aide, le fidèle peut acquérir tous les pouvoirs naturels et surnaturels.
Au centre du diagramme le caractère HRIM représente Lak sh mî, la divinité de la Fortune. Autour d'elle est le triangle igné1 qui attire dans son mouvement ascendant l'énergie enroulée, indiquée par le cercle qui l'entoure.
Les seize étamines représentent la perfection, les huit 1. Woodroffe décrit la forme Shakta de ce diagramme, d a n s laquelle le triangle igné est remplacé par le triangle a q u e u x p o i n t a n t vers le bas.
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S) 531
pétales la tendance cohésive, c'est-à-dire Vi shn u. Le cercle extérieur est la création, le mouvement circulaire dont toute chose est née. Le pouvoir sur le monde manifesté est représenté par le carré, symbole de la terre. Sur les quatre côtés sont les quatre portes menant de la terre aux mondes de l'Au-delà.
Au nord (vers la gauche) est la porte des dieux (deva-yâna), au sud (sur la droite), la porte des ancêtres (pit ri-
5 3 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
yâna). A l'est (vers le haut) est la porte de la voie sacrée du Soleil et à l'ouest (en bas) la porte royale, la voie du Seigneur des eaux, Varuna. Les quatre portes mènent dans les quatre directions formant la croix, symbole de l'universalité. Cette croix se développe en un double svastika qui indique le retour au principe par les deux chemins détournés de la main droite et de la main gauche.
LE DIAGRAMME SYMBOLIQUE
PROTECTION-DE-TOUTES-PARTS (SARVATO-BHADRA)
Ce diagramme, décrit dans le Gautamîya Tantra (30, 102-108) est considéré comme l'instrument de la réalisation de tous les désirs, dans le présent
et le futur, dans le monde visible et le
monde invisible. « Son nom qui veut
dire carré-de-toutes-parts, est aussi le
nom du char de Vi shn u. Il indique
l'état d'équilibre entre l'activité et le
repos, entre l'acquisition et le renon-
cement. Celui qui de tous côtés est égal à lui-même, au-dedans et au-dehors, fleurit et porte fruit. Celui qui est bien assis sur le char de sa vie, protégé de tous côtés, parfait dans toutes les directions, ne craint pas le danger. » ( Mantra-yantra Tantra, Kalyâ n a, Shakti anka, p. 389.)
Ce diagramme a huit carrés de chaque côté. C'est donc un diagramme de Vi shn u correspondant à la tendance cohésive, à la voie de la main droite.
CELUI-QUI-EFFACE-LE-DÉSIR (SMARA-HARA)
La description de ce diagramme est donnée dans le Shyâmâstava Tantra (vers 18 et suivants). Il est formé
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S)
533
de cinq triangles entourant un pentagone. C'est donc un yantra de Shiva, puisque 5 est le nombre qui correspond au principe procréateur et destruc-
teur.
Ces triangles sont ignés et forment des
phallus de feu.
« Par le pouvoir de ce diagramme l'homme
peut dominer Éros (Kâma). L'adepte qui
connaît son secret est protégé de toutes
parts, de sorte qu'aucun ennemi ne peut l'émouvoir à l'aide des armes de la luxure, la colère, l'avarice, l'erreur, la souffrance ou la crainte. [C'est un instrument de réalisations magiques, et] celui qui le vénère peut se transporter où il lui plaît dans ce monde ou dans d'autres sans rencontrer d'obstacles. Ce yantra aide l'homme à vaincre le pouvoir d'Éros et les illusions de la vie. »
( Mantra-yantra Tantra, p. 389.)
Celui-qui-efface-le-désir est utilisé pour vaincre les ennemis extérieurs ainsi que pour se conquérir soi-même.
Son usage comme un instrument de magie noire est expliqué dans le Yantra Cintâmani (7, 5).
Ce yantra a aussi une autre forme expliquée dans le Kâlî Tantra. « Il a aussi cinq triangles mais ils sont l'un dans l'autre. Deux de ces triangles sont aqueux, féminins, trois sont ignés, masculins. Chaque stade de manifestation est alternativement igné ou oblationnel, dévorant ou dévoré, mâle ou femelle. »
Ceci est vrai également des enveloppes successives qui entourent l'âme individuelle et forment l'être humain.
Le cercle intérieur représente l'énergie enroulée qui, lorsqu'elle s'éveille, permet à l'homme de dépasser les cinq sphères de la manifestation intérieure et extérieure.
Le cercle extérieur indique la puissance créatrice du feu qui fait naître l'univers manifesté du sein des eaux primordiales. » ( Mantra-yantra Tantra, p. 389.)
534 LE POLYTHÉISME HINDOU
Le lotus aux huit pétales est le principe préservateur Vi shn u qui crée la stabilité du monde. Autour est le carré, la terre, avec ses quatre portes et le double svastika dont le sens a déjà été expliqué.
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S) 535
LE DIAGRAMME DE LA LIBÉRATION (MUKTI)
Ce diagramme est décrit dans le Kumarî Kalpa Tantra.
Il est fait d'un carré, d'un triangle igné, d'un triangle aqueux, d'un hexagone et d'un cercle placés les uns dans les autres. L'ensemble est entouré d'un octogone et d'un carré avec quatre portes. Au centre est la semence-verbale de l'Illusion. Ce diagramme représente les différents principes que l'adepte devra dominer dans son effort pour atteindre la libération.
536
LE POLYTHÉISME HINDOU
LE DISQUE DE LA FORTUNE (SHRI CAKRA) —> Le diagramme de la beauté, de l'harmonie (Shrî yantra) ou disque de la fortune (Shrî cakra).
Le Shrî cakra représente la déesse universelle. C'est l'un des principaux yantra-s utilisé dans le culte tantrique.
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S) 537
538 LE POLYTHÉISME HINDOU
LE GAN APATI YANTRA
Le Ga n apati-yantra indique l'identité du macrocosme et du microcosme.
LES DIAGRAMMES-SYMBOLIQUES (YANTRA-S) 539
LE VISHN U YANTRA
Le Vi shn u yantra exprime l'omniprésence de sattva, la tendance cohésive.
IV
LES IMAGES (MÛRTI)
Les images des dieux
LA troisième façon de représenter les dieux est de le faire par des gestes (mudrâ-s). Il existe un nombre important de gestes symboliques employés dans les rites, dont le but est d'évoquer des êtres surnaturels.
Beaucoup des gestes par lesquels les dieux peuvent être évoqués sont aussi employés dans l'art sacré de la danse pour suggérer leur présence.
Certains gestes indiquent les qualités qui caractérisent un être particulier dont l'image fera voir ces gestes. Les proportions qui ont une valeur symbolique jouent un rôle essentiel dans les images ainsi que dans l'architecture des temples. Il y a un canon différent pour chaque catégorie d'êtres. Ces canons sont donnés dans les traités d'art plastique. Les proportions des images et de l'architecture sacrées sont en rapport avec celles que forment les intervalles musicaux. C'est pourquoi les sons musicaux sont aussi en rapport avec les dieux. Les diagrammes, les gestes, les proportions et les attributs forment les éléments des images des dieux.
Le b u t de l'image est de représenter, par une combi-542 LE POLYTHÉISME HINDOU
naison de formes et de proportions, un aspect fondamental de l'univers et de la conscience qui préside à son mouvement. Ces aspects ne sont pas perceptibles pour nos sens.
« L'idée du culte des images est de vénérer l'invisible à travers le visible. Nulle part les hommes n'adorent du bois, de la pierre ou du métal. C'est l'essence divine, immanente, donc toujours proche, qui est invoquée par le pouvoir des paroles et des rites et qui devient objet d'adoration dans une image. C'est à travers la notion du particulier que la conception du tout peut se former dans l'esprit. » (Karapâtrî, Lingopâsanâ rahasya.)
« Pour que l'homme puisse réaliser son destin spirituel, des formes sont imaginées pour symboliser l'Immensité qui réside dans toutes les qualités bien qu'elle soit ellemême au-delà de toute qualité, de toute compréhension, de toute forme. » (Un Tantra, cité dans Lingopâsanâ rahasya.)
L'image d'un dieu est donc une forme utilisée pour concentrer la pensée sur une abstraction. Cette image est appelée une matérialisation (mûrti). Ses attributs peuvent être groupés de diverses manières. Les images qui combinent le plus grand nombre de caractères essentiels repré-
sentent les principaux dieux. Celles qui n'envisagent que quelques attributs sont les images des dieux mineurs.
Les statues des dieux ont habituellement plusieurs bras et plusieurs têtes, des traits particuliers et une couronne.
Chaque dieu a pour monture un animal qui est appelé son véhicule. il porte aussi des accessoires et des attributs.
Des images qui ne présentent que de légères différences dans la position des accessoires ou dans les gestes sont classifiées comme les divers aspects d'un même dieu.
La valeur d'une image réside dans sa forme plutôt que dans la matière dont elle est faite. Toutefois les images de certains dieux doivent de préférence être faites dans une matière donnée (de l'or, de l'argent, du bronze, de la LES IMAGES (MÛRTI) 543
pierre, etc.). Les images sont parfois classées d'après la substance dont elles sont faites.
« Les images sont de huit sortes, étant faites de pierre, de bois, de métal, de terre cuite, et de pierres précieuses.
Elles peuvent aussi être peintes ou être seulement mentales. » ( Bhâgavata Purâ n a, 11, 28, 12.) L'adoration des idoles
Si loin que nous remontions dans l'histoire de la pensée indienne, nous trouvons l'emploi raisonné d'idoles servant à représenter des abstractions. Toute l'iconographie hindoue est basée sur un code de symboles qui expriment les affinités réelles qui existent entre les formes et les idées.
Les idoles des dieux sont une application d'équivalences symboliques comme c'est aussi le cas pour les diagrammes magiques et pour l'écriture. Le code de symboles qu'emploient les hindous semble venir de temps extrêmement anciens. Son origine se perd dans les âges lointains de l'humanité préhistorique.
Lorsque nous trouvons parmi les peuples primitifs ou civilisés, des icônes, des idoles, des images étranges auxquelles une efficacité particulière ou des pouvoirs magiques sont attribués, nous pouvons d'ordinaire découvrir leur origine dans d'anciens cultes ou des récits symboliques dont le sens a été perdu.
Ceux qui croient pouvoir découvrir le sens et les implications des dieux hindous, dans des croyances primitives qu'Us reconstruisent arbitrairement, ne font pas justice à la logique, ni à l'usage systématique des attributs symboliques employés. Leurs efforts ne nous aident en rien à comprendre la signification des idoles et nous mènent à une conception erronée de l'histoire religieuse.
L'idée que les dieux hindous avec leurs membres nombreux, leurs formes en partie animales, sont des êtres 5 4 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
monstrueux, nés de la crainte ressentie par l'homme primitif devant le mystère de la nature ne pourrait jamais avoir été suggérée par des gens comprenant les langues et les symboles des hindous. Si certains dieux nous semblent avoir des traits surprenants ou monstrueux, c'est que nous n'en comprenons pas la signification. C'est seulement un besoin de symboles plus complexes, plus élaborés qui écarte l'art des images du simple anthropomorphisme. Les hindous savent généralement que les idoles sont des symboles et ils ne considèrent pas l'idole en soi comme une chose vivante ayant des pouvoirs magiques directs.
Des étrangers sont parfois surpris quand ils voient de magnifiques idoles modelées dans la glaise et décorées avec art et amour, vénérées avec un grand déploiement de cérémonies et de foi, jetées ensuite dans les étangs ou les rivières où elles se dissolvent peu à peu sans que personne s'intéresse à elles. C'est que l'idole n'est qu'un instrument qui n'a pas de valeur une fois qu'il a joué son rôle. Même les images de pierre ou de bronze vénérées dans les temples sont jetées et remplacées lorsqu'elles sont usées ou endommagées.
Les adeptes du yoga, experts dans une technique qui permet l'expérience directe des entités subtiles, n'ont pas besoin d'images ni de mythes. « Le yogin perçoit celui-qui-donne-la-paix dans son propre cœur. Les images sont faites pour les besoins des non-réalisés. » ( Jâbâla-darshana Upani sh ad, 4, 59.) Toutefois « ceux qui n'ont pas attein t la réalisation divine ont besoin du secours des idoles.
C'est pourquoi les idoles sont nécessaires. » (Chalâri, Commentaire du Tantra-sâra-sangraha.) L'erreur des iconoclastes est de croire qu'une image mentale est moins une idole qu'une image matérielle. En réalité la forme extérieure de l'image est une aide pour comprendre sa valeur relative. C'est chez les iconoclastes LES IMAGES (MÛRTl) 545
les plus violents que nous trouvons la conception de Dieu la plus matérielle, la plus enfantine, la plus anthropomorphique. Pour avoir un sens, l'opposition aux images devrait s'attaquer d'abord aux images mentales.
Lorsqu'une image ou l'histoire d'une incarnation ou d'un prophète ou de toute autre manifestation du divin en vient à être regardée comme une réalité matérielle, comme un fait historique, au lieu d'être comprise comme un symbole, elle a perdu la partie la plus importante de sa signification et est devenue en effet un objet d'idolâtrie et de superstition.
Depuis des temps très anciens, il a existé des groupements religieux qui se sont opposés à la représentation de principes abstraits sous la forme de dieux personnels, à l'utilisation d'images mentales ou matérielles des dieux car ils considéraient de telles pratiques comme inutiles ou dangereuses. De telles religions, comme celle des jaina-s par exemple, préfèrent vénérer des saints ou des sages comme les formes visibles à travers lesquelles nous pouvons atteindre la réalité transcendante. Le bouddhisme primitif suivit la même voie. Comme l'interdiction concer-nait principalement l'image mentale plutôt que de simples symboles de pierre, elle ne conduisit jamais à la suppres-sion des images mais à une prédominance d'éléments esthétiques et à la vénération d'êtres humains dont les portraits remplacèrent les images plus imaginatives des êtres surnaturels. Les apparitions des dieux parmi les hommes ne sont pas des faits historiques, bien qu'elles puissent se localiser autour d'un personnage historique.
Les manifestations du divin sont l'expression extérieure des lois cosmiques. Les caractéristiques de la divinité sont la permanence et l'universalité. Si une manifestation divine peut être concevable, elle doit avoir lieu partout, sans cesse et sur tous les plans, dans tous les aspects du monde physique ou subtil, dans tous les microcosmes 546 LE POLYTHÉISME HINDOU
comme dans le macrocosme. Si un principe universel se manifeste dans une individualité vivante, ceci ne saurait être un simple accident historique. Dans chaque univers, pour chaque cycle principal ou secondaire, les mêmes
« incarnations » se reproduisent de même que la même entité (Vyâsa) récrit les livres saints, âge après âge, même si elle se manifeste à travers des individus distincts, mais dont le caractère et les fonctions sont les mêmes. Vyâsa et tous les autres principes de la manifestation divine, existent aussi en nous-mêmes comme les éléments de la structure de notre être. Nous pouvons donc très bien envisager que cet aspect intérieur est le plus réel et que le mythe de Vyâsa et des avatâra-s historiques n'est qu'un symbole.
V
LES RITES
La vie envisagée comme un rite
DANS la conception hindoue de l'existence, il n'y a pas de séparation entre des activités sacrées et des activités profanes. La vie entière de l'homme est une participation à la symphonie cosmique. La vie est un sacerdoce. Il n'y a pas d'actions indifférentes. Tous nos gestes, tous nos actes ont des conséquences. Ils doivent donc être réglés pour se conformer au dessin harmonieux de l'Univers.
Il existe un rituel du bain, un rituel des repas, un rituel de l'amour, un rituel de la procréation. Il existe des rites du matin, de midi, du soir et de tous les points cruciaux des cycles des saisons, des années, de la vie. Il y a une manière rituelle de respirer, une manière rituelle de se vêtir, une manière rituelle d'étudier. Il y a des rites du feu, des rites de changement de condition humaine, des rites pour tous les événements de la vie. Toutes nos actions sont des formes de culte et doivent donc être accomplies avec calme, modération, ordre et précision. « Ayant par ses actes rendu un culte aux dieux, l'homme atteint la libération. » ( Bhagavad-Gîtâ, 18, 46.) En sanskrit il n'y a 548 LE POLYTHÉISME HINDOU
pas de mot distinct pour l'action physique et l'action rituelle. Toute action est une forme de rite.
Les rites d'adoration
Les rites de la vie peuvent être l'instrument de toutes les réalisations, il existe toutefois d'autres formes de rites que nous pouvons appeler extérieurs, pour les différencier des rites vitaux ou intérieurs, et qui constituent des techniques particulières dont le but est de créer des contacts entre ce monde et d'autres mondes. Par ces rites, l'homme peut obtenir l'aide de divinités et d'autres êtres surnaturels qui le guident dans ses efforts vers un progrès spirituel ou matériel.
Il existe des relations d'harmonie entre les divers mondes et l'on peut, par l'action des rites, provoquer entre eux des résonances comme celles des instruments à cordes qui vibrent quand on fait résonner l'un d'entre eux sur des notes qui leur sont communes. Le rite est l'application de la science des correspondances subtiles. Sa valeur ne peut être appréciée en termes d'apparences matérielles, mais seulement par le résultat qu'il produit en éveillant des énergies intérieures ou extérieures.
A cause de la concordance qui existe entre le macrocosme et le microcosme, tous les rites ont un effet simultané sur les énergies qui gouvernent les fonctions du corps humain et celles qui gouvernent les fonctions du corps de l'Univers et que nous appelons des dieux. En dehors de leur effet propitiatoire sur les êtres subtils, les rites ont donc également un effet physique et psychologique. Ces deux fonctions du culte sont inséparables. Les rites sont un art magique, par lequel, à l'aide de sons, de formes, de rythmes, de gestes, de fleurs, de lumières, d'encens et d'offrandes, l'esprit de celui qui les pratique est emporté loin de ses préoccupations matérielles vers un monde divin LES RITES 549
de beauté tandis que le dieu vénéré, lui aussi enchanté, est rapproché de l'homme. Les deux formes principales de rites sont les cultes individuels (pûjâ) et les sacrifices rituels (yajña).
La technique du culte
Bien que certaines formes d'illumination intérieure puissent permettre des contacts avec les états les plus élevés de l'être que nous appelons des dieux, par la seule force d'un désir intérieur, de tels contacts demeurent des expériences accidentelles qui ne peuvent être renouvelées à volonté et dont la nature exacte n'est pas contrôlable.
Il n'y a aucune raison de ne pas utiliser la technique des rites qui facilite considérablement ces contacts.
Même les formes mentales de culte doivent suivre un ordre systématique, car l'homme, par son seul pouvoir mental, n'est pas capable d'atteindre le divin. Le pont des rites extérieurs ou mentaux est essentiel pour établir un contact et pour le maintenir.
Les mondes invisibles sont nombreux et variés. L'effet des rites n'est pas directement vérifiable, ils peuvent donc créer des contacts autres que ceux qui sont recherchés et avoir des résultats contraires à ceux qui sont désirables.
Ils sont donc des instruments dangereux et seuls des techniciens compétents peuvent en altérer la forme. « Je suis le maître et le bénéficiaire de tous les rites, c'est pourquoi ceux qui ne connaissent pas ma nature subtile ne peuvent réussir. » ( Bhagavad-Gîtâ, 9, 23.) Une légende fameuse est racontée dans le Mahâbhârata :
« L'artisan céleste Tva shtri organisa un grand sacrifice pour obtenir d'avoir un fils qui détruirait Indra, le Roi-du-ciel.
A cause d'une légère erreur dans l'accent tonique, les mots
« Indra shatru h » qui voulaient dire « Indra l'ennemi »
prirent le sens de « l'ennemi d'Indra » et ce fut V ri tra, le 550 LE POLYTHÉISME HINDOU
fils du Sacrificateur, qui fut détruit. » (Voir également Shatapatha Brâhma n a, 1, 6, 5, 1.) Le lieu du culte
Le temple des hindous est l'Univers. C'est dans les forêts, sur les montagnes, au bord des rivières, à l'ombre de certains arbres ou dans la maison qu'ont lieu toutes les cérémonies quotidiennes, toutes les prières, toutes les méditations. « Les meilleurs emplacements sont les terres consacrées, la rive des fleuves, les cavernes, les lieux de pèlerinage, le sommet des montagnes, les confluents des rivières, les bois sacrés, les bocages solitaires, l'ombre de l'arbre de Bel, les vallées, les prairies où pousse la plante de Tulsi, les pâturages, les temples où Shiva est représenté sans son taureau, le pied des figuiers saints ou des arbres amalakî, les étables, les îles, les sanctuaires, les plages, sa propre maison ou la demeure d'un maître, les lieux qui portent à la méditation, les endroits solitaires où l'on n'est pas troublé par les animaux. » ( Gandharva Tantra, 7.) Il existe des constructions qui, par leur structure, créent une atmosphère favorable pour le culte des dieux. C'est pourquoi les traités d'architecture sacrée attachent une importance très grande aux proportions de la maison et des chapelles réservées aux rites, ainsi qu'aux proportions des temples. Toutefois les temples n'ont qu'une importance secondaire. Ils ne sont pas, comme dans d'autres religions, le lieu de réunion des fidèles, mais sont les demeures des dieux, des endroits où un aspect particulier du divin est honoré, vénéré par des prêtres qui sont ses serviteurs.
Les hindous vont au temple comme ils vont rendre visite à un saint homme ou à un lieu de pèlerinage ou à un lettré renommé. Ils s'inclinent devant l'idole et lui offrent des fleurs et de l'encens. Mais si ces sanctuaires n'existaient pas, la vie religieuse et les rites hindous n'en seraient en LES RITES 551
aucune manière affectés. Certaines classes d'hindous n'ont pas le droit d'entrer dans certaines parties du temple (de même que les femmes ne pénètrent pas près de l'autel durant les offices catholiques), mais ceci n'implique pas qu'ils n'accomplissent aucun rite ou n'ont pas de vie religieuse.
Les principaux éléments du culte individuel (pûjâ) Les rites sont un art complexe et minutieux. Bien qu'il existe des rites collectifs, les rites sont le plus souvent des exercices individuels dans lesquels le fidèle, seul avec son dieu, dans une chapelle solitaire, accomplit des cérémonies avec l'aide de fleurs, d'encens, d'eau consacrée et d'offrandes, dans le but d'établir une relation harmonieuse avec le monde surnaturel qui est le prélude nécessaire de la concentration mentale. L'idole est traitée comme un invité d'honneur reçu dans la maison. L'adorateur joue tout un acte, qui peut durer des heures, dans lequel l'hôte est accueilli, ses pieds sont lavés, un trône lui est offert. Il est baigné, parfumé, vêtu de neuf. On lui offre des fleurs, de la nourriture, de l'eau à boire et des noix de bétel. On lui permet de se reposer, on lui offre des présents, puis on lui dit adieu. Chacun des éléments employés dans ce genre de culte a un sens symbolique sur lequel l'adorateur doit concentrer sa pensée.
Les rites que nous décrirons sont de forme tantrique et tout le monde peut les pratiquer. Les autres rites, diffé-
rents dans leurs gestes symboliques, leurs paroles et les accessoires employés, sont par ailleurs similaires.
Les parties les plus importantes du culte sont : 1° la dédication et la purification des éléments (bhûta shuddhi) constituant le corps subtil et physique de l'adorateur.
2° La dédication des différentes parties du corps à des dieux particuliers avec l'aide des semences-verbales 552 LE POLYTHÉISME HINDOU
(nyâsa). 3° Le contrôle du souffle (prâ nâyâma). 4° La concentration mentale (dhyâna). 5° L'adoration mentale.
6° La répétition de formules mentales.
La dédication du corps
La dédication au dieu du corps de l'adorateur est le prélude nécessaire au culte cérémoniel. L'adorateur purifie et consacre chaque partie de sa personne pour devenir digne de paraître devant un dieu. « Personne ne peut honorer un dieu s'il n'est pas lui-même devenu un dieu.
La répétition de formules sacrées sans une dédication préalable des parties du corps aux différents esprits divins est démoniaque et inutile. Pour honorer un dieu, l'homme doit devenir l'âme de ce dieu par la dédication, le contrôle du souffle et la concentration jusqu'à ce que le dieu ait fait de son corps sa demeure. » (Gandharva Tantra.) La purification
L'acte préliminaire de tout rite est la purification de l'adorateur et des accessoires du culte.
« 1° La purification de la personne de l'adorateur consiste en un bain. La purification des éléments subtils du corps (bhûta-suddhi) se fait par le contrôle du souffle et par la dédication des six principales parties du corps aux six dieux auxquels elles correspondent. Les autres dédications se font après.
« 2° La purification des lieux se fait en les nettoyant avec soin, en décorant le sol avec des dessins d'heureux présages tracés avec des poudres de cinq couleurs, en y plaçant un trône et un dais, en brûlant de l'encens, en allumant des lumières, en répandant des fleurs, en plaçant des guirlandes, etc. Tout ceci doit être fait par l'adorateur lui-même.
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« 3° La purification des formules-mentales est faite en répétant les syllabes qui les composent à l'endroit puis à l'envers.
« 4° La purification des accessoires se fait en jetant des gouttes d'eau consacrée au moyen de semences-verbales, puis de la formule mentale acérée (le son « Pha t ») et en faisant le geste-symbolique de la vache (dhenu-mudrâ).
« 5° La purification du dieu se fait en plaçant son image sur un autel, en évoquant sa présence au moyen de sa formule secrète et de la formule-de-vie (prâ n a mantra), puis en l'ornant de vêtements et de bijoux. Après quoi une offrande d'encens et de lumière doit lui être faite. »
(Kulâr n ava Tantra.)
Pour détourner les obstacles
« L'adorateur doit saluer avec respect les dieux des portes. D'abord la porte Est, puis la porte Sud, la porte Ouest et la porte Nord. Il doit ensuite s'incliner devant le dieu choisi, présent sous la forme de son diagramme. »
( Nigama-kalpa-lâtâ, 14.)
Si le sanctuaire n'a qu'une porte, les salutations aux trois autres dieux se font mentalement. « Il faut entrer avec le pied droit dans le lieu du culte. » ( Shivarcana Candrikâ.) Toutefois on entre du pied gauche si les rites sont de la main gauche. « Pour éloigner les obstacles d'origine céleste, l'adorateur doit prendre le regard-des-dieux (regarder avec des yeux grand ouverts et qui ne clignent pas). Les obstacles du monde intermédiaire sont détournés avec l'aide d'aspersions d'eau consacrée au moyen de la formule acérée. Les obstacles terrestres sont détournés en tapant trois fois par terre avec le talon du pied droit. » (Shâmbhavî Tantra.)
554 LE POLYTHÉISME HINDOU
La glorification des dieux
« De même que l'or n'est libéré de sa gangue que par le feu, et que c'est la chaleur qui lui donne son éclat, de même l'esprit humain, libéré des impuretés de l'action et du désir, par son amour pour moi, devient mon image lumineuse. L'esprit se purifie en écoutant et en répétant les hymnes sacrés qui chantent ma gloire, » ( Bhâgavata Purâ n a, 11, 14, 25.)
La glorification d'un dieu est une chose différente de louanges dépourvues de sens. « Glorifier une chose consiste à prononcer son nom, à décrire sa forme, à proclamer ses hauts faits, à mentionner sa famille. » ( Brihad-devatâ, 1, 6.)
« Nous ne connaissons pas un être si nous ne connaissons pas ses mérites. Toute connaissance, toute science est une forme de louange. Le dictionnaire chante la gloire des mots. Les ouvrages scientifiques sont toujours une glorification. Tout ce qui est un objet de savoir est, en tant que tel, un aspect divin et est glorifié dans les textes qui en parlent. » (Devatâ tativa.)
La méditation
La méditation est de deux sortes : formelle ou subtile.
Dans la forme subtile elle se fait sur le corps verbal, c'est-
à-dire la formule-mentale du dieu. Dans la méditation formelle elle se fait sur une image qui a des pieds, des mains, e t c … Le supra-sensible peut rarement être atteint par la pensée, c'est pourquoi il est préférable de se concentrer sur l'aspect formel. » (Yâmala Tantra.)
« L'adorateur doit commencer sa méditation en concentrant sa pensée sur toutes les parties du corps de sa divinité d'élection. Il peut ainsi réaliser un état de concentration tel que si sa méditation se continue sans que rien ne puisse la troubler de l'extérieur, le corps entier du dieu LES RITES
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choisi apparaîtra devant les yeux de son esprit comme une forme indivisible. De cette façon la méditation sur l'aspect formel du dieu devient peu à peu plus profonde et plus stable. » ( Principles of Tantras, p. 134.) Japa, la répétition de formules-mentales
« Le japa ou répétition d'un mantra, a été comparé à l'action de quelqu'un qui secoue un homme endormi pour le réveiller ¹. » Une fois que l'image intérieure du dieu élu s'est formée avec l'aide de la concentration, la semence-verbale doit être répétée tandis que l'esprit se retire de toute autre pensée… Le japa est de trois sortes : audible, articulé mais inaudible, et enfin mental... Lorsque la concentration par ce moyen devient totale, la conscience de l'adorateur est transférée au dieu représenté par sa formule-verbale et il cesse d'avoir une individualité distincte de celle du dieu. (Voir Baradâ Kantha Majumdar, Principles of Tantra, introd. p. 78.) Les deux lèvres de l'adorateur sont identifiées aux deux principes mâle et femelle du monde, Shiva et Shakti.
Le mouvement des lèvres est leur coït. Le son qui en sort est le point-limite (bindu), le sperme, le point duquel la manifestation commence. Le dieu engendré est donc d'une certaine façon une création, un fils de l'adorateur.
Les accessoires du culte
L'EAU
L'eau est employée à chaque degré du culte comme un instrument de purification, mais aussi comme l'élément qui est partout présent dans ce qui vit. Elle est donc un symbole d'omniprésence.
« L'eau offerte pour laver les pieds du dieu représente 1. Woodroffe, Garland of letters, p. 210.
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la perception de l'existence-conscience-expérience présente dans toutes les formes et tous les noms. Le don de l'eau à boire symbolise la perception du principe-transcendant dont le monde subtil est pénétré.
« La perception du principe-de-la-perception est l'eau offerte pour se rincer la bouche.
« L'eau offerte pour baigner l'idole représente la perception de la conscience et de l'expérience (la joie) dont les trois tendances fondamentales sont pénétrées.
« Une forme de méditation dans laquelle la Déesse-du-plaisir (Kâmeshvari) qui incarne la conscience est visualisée comme l'objet de toute pensée, est appelée la consé-
cration de l'eau. » (Karapâtrî, Shrî Bhagavatî tattva, p. 192.)
LES ORNEMENTS
« Les divers ornements placés sur l'image symbolisent les attributs divins tels que d'être sans déguisement, de ne jamais décliner, d'ignorer l'anxiété, d'être immortel. »
(ibid.)
LE PARFUM
« L'offrande de parfums représente la perception de la conscience partout présente dans l'élément terre dont le corps de l'adorateur est constitué. » (ibid.) Le sens de l'odorat est celui dont l'élément terre est la sphère.
LES FLEURS
« L'offrande de fleurs représente la perception de la conscience partout présente dans l'élément éther. » (ibid.) L'ENCENS
« L'offrande d'encens représente la perception de la conscience partout présente dans l'élément air. » (ibid.) LES RITES 557
LES LAMPES
« L'offrande de la lumière représente la perception de la conscience partout présente dans l'élément feu. » (ibid.) LA NOURRITURE
« L'offrande de nourriture représente la perception du principe de l'immortalité. » (ibid.) C'est la nourriture qui assure la continuation de la vie.
LE RIZ
« L'offrande de riz représente la perception de l'existence-conscience-expérience présentes en toutes choses. »