Kubera protège les voyageurs et distribue des pierres AUTRES DIEUX

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précieuses. Il est associé à Ganesha, le Seigneur-des-cohortes. « Tous les trésors qui se trouvent dans la terre appartiennent à Kubera. C'est seulement avec son consen-tement que les métaux et les pierres précieuses peuvent être trouvés sous le sol. D'après la Science-des-trésors (Nidhi-vidyâ) les richesses minérales sont vivantes et se déplacent. Selon les mérites des hommes, Kubera sort ses trésors ou les cache. Durant le règne d'un roi vertueux, les choses précieuses sont proches de la surface et plus aisément trouvées. » ( Devatâ-tattva.) Les Yaksha-s, gardiens des trésors

Les Yak sh a-s et leur roi Kubera étaient à l'origine des Anti-dieux (Asura-s), mais ils firent des avances aux dieux et furent acceptés parmi eux.

Le mot Yak sh a vient d'un mot védique qui veut dire

« Merveilleux ou Mystérieux ». Les Mystérieux (Yak sh a) sont aussi appelés « secrets » (Guhyaka-s). Ils sont souvent mentionnés avec les errants-de-la-nuit (Rak sh asa-s) ou démons. Les Yak sh a-s sont aussi en relation avec les Serpents (Nâga-s). Guidés par Kubera, ils se séparèrent des Rak sh asa-s.

L'origine des Yak sh a-s est donnée de plusieurs manières.

Ils sont les fils de Cheveux-lisses (Pulastya) ou de Poil-hérissé (Pulaha) ou de Vision (Kashyapa) ou même de l'Être-immense (Brahmâ). Leur fonction est de protéger leur prince Kubera, prince-des-richesses, et ses trésors, avec leurs javelots, leurs massues et leurs épées et de garder sa forteresse et son jardin. Par ailleurs ils sont bienveillants. Ils vivent sur la terre ou sur ses bords.

D'après le Bhâgavata Parâ n a (5, 24, 5), Brahmâ créa un grand nombre d'êtres divins et leur demanda : « Quelle sera votre fonction? » Quelques-uns dirent : « Nous offrirons des sacrifices. » (Yak sh ama h.) Ils sont appelés Yak sh a-s.

2 1 2 LE POLYTHÉISME HINDOU

D'autres dirent : « Nous protégerons » (Rak sh ama h). Ils sont appelés Rak sh asa-s. Kubera est leur roi à tous.

Les Yak sh ini-s sont des Yak sh a-s femelles, des génies malveillants de l'air qui hantent et possèdent les enfants.

Nir rita, le déclin

D'après les Purâ n a-s, le Régent du Sud-Ouest est Nir ri ta, le déclin. Nir ri ta est le fils de Vision (Kashyapa) et d'Odorante (Surabhî). Il est aussi l'un des onze Rudra-s ( Padma Purâ n a, Srishti khanda, chap. 40). Il est le roi des lutins (Nair ri ta-s), des fantômes (Bhûta-s), des errants-de-la-nuit (Rak sh asa-s). Il est aussi le chef des Régents de l'espace. On le vénère pour obtenir la victoire ( Bhâgavata Purâ n a, 2, 3, 9).

« Il y avait une fois un roi vertueux qui appartenait à la tribu criminelle des Shabara. Il s'appelait Œil-brun (Pingâk sh a). Il entendit des gens appeler au secours dans la forêt. Il y courut et trouva quelques voyageurs en train d'être dépouillés par des sauvages (dasyu-s). Il les combattit et fut tué. Il fut en récompense fait Régent d'une des directions. » ( Devata-tattva.) Les Nair ri ta-s sont les descendants de Nir ri ta. Ils forment un groupe de lutins attachés à Kubera.

Nir riti, déesse de la misère Nir ri ti est une déesse sinistre qui représente la misère, la maladie, la mort. On peint son image sur du tissu.

Tous ses attributs sont rouges. Pour ses cérémonies on doit revêtir des vêtements et des ornements noirs.

« Incarnation de toutes les misères, elle apparut lors du barattement de la mer, avant la déesse de la Fortune Lak sh mî. Sa demeure est le figuier sacré, le pippala, où chaque samedi la Fortune vient lui rendre visite. Tous les AUTRES DIEUX

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malheurs de l'homme viennent d'elle. Le jeu, les femmes, la paresse, la pauvreté, la maladie sont ses aides.

Elle est l'épouse de Vice (Adharma), fils du Destin (Varu n a). Ses fils sont la Mort (M ri tyu), la Peur (Bhaya), et la Terreur (Mahâbhaya). » ( Mahâbhârata, 1, 67, 52.) Dans ce monde, tous ceux qui sont défavorisés à leur naissance, qui sont nés parmi les voleurs et les malfai-teurs mais qui restent pourtant honnêtes sont protégés par Nir ri ti.

Trita (troisième) ou Aptya (génie-des-eaux) Trita apparaît dans le Ri g Veda comme un double mineur d'Indra. Il s'associe avec les dieux de l'atmosphère, les Marut-s, et avec Vâyu et Indra. Il prépare le soma avec Agni. Il est vainqueur des anti-dieux, d'Obstruction (V ri tra), de Nuage (Vala) et des fils d'Industrie (Tva shtri), Triple-tête et Forme-universelle. Il réside dans la région la plus lointaine du monde. Trita accorde la longévité.

Sâyana, commentant sur le Ri g Veda (1, 105), raconte que Trita, accompagné de deux autres sages appelés Premier (Ekata) et Deuxième (Dvita), souffrant de la soif, trouva un puits dont il commença à tirer de l'eau.

Les autres le poussèrent dedans et fermèrent le puits avec une roue. Trita composa un hymne aux dieux et parvint miraculeusement à préparer le soma sacrificiel qu'il put boire lui-même et offrir aux dieux. Il obtint ainsi d'être libéré. On trouve une allusion à cette histoire dans le Ri g Veda (9, 34, 4).

VII

DIEUX ET ANTI-DIEUX

Nous avons vu que pour chaque être individuel, les stades de son développement qui sont au-delà

de lui lui semblent lumineux, angéliques et peuvent être représentés comme des dieux, et les états qu'il a dépassés, qui se trouvent au-dessous de lui apparaissent sombres, sans vie, mauvais, démoniaques.

La différence entre les Dieux (Sura-s) et les Anti-dieux (A-sura-s), les esprits du bien et du mal, n'est donc pas une différence de nature mais de degré. Selon la voie que nous suivons, certaines forces, certaines puissances seront des aides ou des obstacles, des anges ou des démons, feront de nous la proie de nos instincts ou nous aideront à nous en libérer. Les mêmes actions, les mêmes tendances peuvent donc être utiles, bonnes pour certains êtres, nuisi-bles, mauvaises pour d'autres.

« A rencontre des Dieux, les Anti-dieux sont les inclinations des sens qui par leur nature appartiennent à la tendance désintégrante. Ce sont les activités des énergies vitales dans tous les domaines de la sensation qui cherchent dans la vie (asu) leurs délices (ra). » ( Chândogga-Upani sh ad, 1, 2, 1. Commentaire de Shankarâcârya.) Les Anti-dieux sont tout ce qui détourne l'homme de 2 1 6 LE POLYTHÉISME HINDOU

la voie de la réalisation du divin. Ce sont les puissants instincts, les attachements, les vertus mêmes qui main-tiennent l'homme sous la domination de la Nature, empê-

chent son progrès intérieur, obscurcissent son intelligence.

On ne peut donc faire une séparation nette entre les Dieux et les Anti-dieux. Dans l'évolution générale de l'homme certains Anti-dieux deviennent des Dieux et des divinités sont réduites au statut d'Anti-dieux. Les mêmes principes qui sont des Dieux dans une voie particulière de développement intérieur sont des démons, des obstacles dans une autre. Ceci est immédiatement clair si nous compa-rons par exemple les formes du rituel védique et tantrique et les codes de morale qui leur correspondent. La diffé-

rence est la même entre la voie de la vertu et celle de l'amour. A chaque stade les puissances cosmiques qui sont utiles, bénéfiques, seront les Dieux, les puissances qui s'opposent au progrès, à l'illumination, qui semblent obscures, cruelles, destructrices seront les Anti-dieux.

V ri tra, l'obstruction personnifiée, qui empêche la pluie de tomber, s'oppose à Indra, le dispensateur de la pluie.

Les Anti-dieux sont les aînés des Dieux, ils sont les dieux d'un monde encore dans son enfance et tous les dieux au fur et à mesure que nous progressons seront un jour pour nous des Anti-dieux.

« Les Dieux et les Anti-dieux sont les deux lignées des enfants du Progéniteur (Prajâpati). Les Dieux sont les cadets, les Anti-dieux sont leurs aînés. Ils se combattent éternellement pour la domination du monde. » ( B ri had-

âra n yaka Upani sh ad, 1, 2, 7.)

« La Terre avec ses forêts, ses océans, ses montagnes, fut d'abord gouvernée par de puissants génies (Daitya-s).

Mais les dieux dirigés par le Savoir (Vi shn u) les massacrè-

rent dans de grandes batailles et capturèrent les trois mondes et tous leurs habitants. » ( Râmâya n a, 7, 11, 16-17.) DIEUX ET ANTI-DIEUX

2 1 7

Les Anti-dieux (Asura-s)

Le terme Asura qui représente l'Être suprême dans les parties les plus anciennes du Ri g Veda est équivalent de l'Ahura zoroastrien. Dans le sens de Dieu, le terme Asura s'appliquait à plusieurs des divinités principales, à Indra, à Agni, à Varu n a. Plus tard il prit un sens contraire et arriva à signifier un Anti-dieu, un démon, un ennemi des Dieux. C'est avec ce sens qu'on le retrouve dans le dernier livre du Ri g Veda et dans l' Atharva Veda.

Le mot Asura semble venir de la racine as « être ». Les Asura-s sont donc les formes de l'être, de l'existence. Les Brâhmana-s et les Purâ n a-s font venir le mot de asu,

« souffle ». Asura peut toutefois avoir d'autres sens. « Ceux qui n'aiment pas leur résidence ou en ont été chassés et ceux dont les souffles, les énergies vitales, sont fortement noués ensemble sont des Asura-s.

« Il créa les Dieux en partant des plus hautes formes de l'énergie vitale, c'est pourquoi ils sont des Dieux (Sura-s) et avec les formes inférieures de la vie il a formé les Anti-dieux, c'est pour cela qu'ils sont des Anti-dieux. » ( Nirukta, 3, 2, 7.)

Le Râmâya n a appelle Asura-s ceux qui s'abstiennent de boire du vin, un préjugé commun parmi les populations pré-aryennes.

« Ceux qui burent le vin (surâ) [qui apparut lorsque l'Océan fut baratté] sont appelés des Dieux (Sura-s) tandis que les fils de Diti qui refusèrent de boire sont des Anti-dieux (A-sura-s). » ( Râmâya n a, 1, 45.) D'après le Taittirîya Brâhma n a « le souffle (asu) du Progé-

niteur devint vivant. Avec ce souffle il créa les Asura-s ».

Le mot Asura pourrait toutefois aussi venir d'une autre racine, as, qui veut dire effrayer. Il représente alors les aspects terribles des divinités. Le nom est sans aucun doute d'origine indo-iranienne.

2 1 8 LE POLYTHÉISME HINDOU

Les Dieux de l'Inde pré-védique

Le terme Asura fut souvent employé pour représenter les dieux de l'Inde pré-védique. Comme tous les autres groupes socio-religieux, les peuples qui combattirent pour la domination du continent indien, tendaient à repré-

senter leur idéal de vie, leur morale, leur conception du bien et les puissances célestes qui protégeaient leurs demeures, leurs troupeaux, leur société, comme les vrais Dieux, et les divinités qui protégeaient l'ennemi comme des Anti-dieux, des démons. C'est pourquoi le poète védique pouvait aisément voir l'humanité divisée entre des nobles Arya-s, adorateurs des Dieux et organisateurs de sacrifices et des barbares (Dasyu-s) impies, constructeurs de cités maudites et experts dans les arts magiques. Les cieux étaient de même partagés entre les Dieux et les Anti-dieux.

Il est intéressant de remarquer que ce n'était pas pour leurs vices que les Anti-dieux devaient être détruits mais à cause de leur puissance, de leurs vertus, de leur savoir qui menaçaient ceux des dieux Aryens. On les dépeint souvent comme de saints prêtres (Bali, Prahlâda). Une fois vaincus ils servent fidèlement les Dieux ( Shiva-Purâ n a).

La mythologie tardive cherche à expliquer le changement dans le statut des Asura-s, en disant qu'à l'origine ils étaient justes, bons, charitables, respectueux de la Loi, ornés de vertus et qu'ils offraient alors des sacrifices.

C'est pourquoi Shrî, la déesse de l'harmonie, demeurait auprès d'eux durant les premiers âges, au commencement du monde. « En ces temps révolus, je demeurais auprès des vertueux Dânava-s. » ( Mahâbhârata, 12, 8381.) Lorsqu'ils se multiplièrent, les Anti-dieux devinrent orgueilleux, vains, querelleurs, impudiques. Ils agirent à rencontre des lois, négligèrent les sacrifices et ne visitè-

DIEUX ET ANTI-DIEUX

2 1 9

rent plus les lieux saints pour s'y purifier de leurs fautes.

Ils devinrent envieux du bonheur des Dieux. Ils torturè-

rent les hommes, créèrent de la confusion en toutes choses et voulurent narguer les Dieux.

« Je vis, qu'avec le temps, leur cœur avait changé, que la Loi divine n'était plus avec eux, qu'ils étaient animés par la rage et par la passion. » ( Mahâbhârata, 13, 8360.) Pendant un temps ils réussirent à détrôner Indra et à mettre Bali à sa place. Mais comme ils avaient perdu leurs vertus, la Fortune les abandonna.

Au cours d'alignements politiques et avec de nouvelles alliances ainsi qu'avec certains changements dans les conceptions de la morale et du rituel, certains des Dieux changèrent de bord. Les enseignements des sages Asura-s furent mêlés à ceux des prophètes védiques et très souvent, plus ou moins ouvertement, les remplacèrent.

Par ailleurs, peu à peu, on confondit les Asura-s avec les démons, les génies, les fantômes que vénèrent les tribus aborigènes ainsi que la plupart des Dieux des autres populations non-védiques de l'Inde. Dans la partie tardive des poèmes épiques, le terme Asura est un nom commun pour tous les opposants des Dieux védiques et inclut les génies, les Daitya-s, les Dânava-s et autres descendants du sage Vision (Kashyapa), bien que généralement on les différencie encore des Errants-de-la-nuit (Râk sh asa-s), les démons, qui sont la progéniture du sage Cheveux-lisses (Pulastya).

Plusieurs des anciens héros, qui furent reconnus comme des incarnations de Vi shn u et sont mentionnés dans l'histoire des avatâra-s, proviennent du contexte de la culture pré-aryenne et ont apporté avec eux le souvenir de grands Asura-s, dont rien n'a pu ternir le nom ni la réputation.

Des pages d'histoire, se rapportant à des peuples et des tribus avec lesquels les Aryens se trouvèrent en conflit, 2 2 0 LE POLYTHÉISME HINDOU

furent incorporées dans les mythes des Asura-s et des Râk sh asa-s. Les allusions aux nombreuses et désastreuses guerres qui opposèrent les Asura-s et les Sura-s et que nous trouvons mentionnées dans les Purâ n a-s et les poèmes épiques doivent contenir bien des épisodes du conflit qui opposa les tribus aryennes aux anciens habitants de l'Inde. Les Râk sh asa-s apparaissent comme des partisans qui cherchent à interrompre les sacrifices.

Un Râk sh asa enlève la femme de Bh ri gu qui avait originellement été promise au Râk sh asa Puloman. Nombreux sont les Arya-s qui contractèrent des alliances avec les Asura-s. Arjuna épousa la sœur du roi Vâsuki. La fille de Mâtali épousa le Nâga Sumukha ( Mahâbhârata, 5, 3627). Le Nâga Tak sh aka est un ami intime d'Indra ( Mahâbhârata, 1, 18089). Bhîma eut un fils, Ghatotkacha, d'une femme Râk sh asa appelée Hi d imbâ. Des Rak sh asa-s et des Yak sh a-s faisant partie de l'armée des dieux sont mentionnés. Durant la guerre du Mahâbhârata, plusieurs Asura-s soutiennent l'armée des Kuru-s ( Mahâbhârata, 7, 4412). Les Asura-s sont souvent classés avec diverses tribus hindoues telles que les Kalinga-s, les Magadha-s, les Nâga-s. Il existe encore aujourd'hui des tribus Nâga-s en Assam, et les Asurs sont une tribu primitive de forgerons dans l'Inde centrale.

Description des Anti-dieux

Les Anti-dieux sont des fils de la déesse Terre, la Limitée (Diti) et du sage non-Aryen Vision (Kashyapa). On voit en eux parfois également la progéniture des treize filles d'Art-rituel (Dak sh a). Ils sont les frères aînés des Dieux et des Aditya-s, Manu dit que les Asura-s furent créés par les Progéniteurs (Prajâpati-s). Selon le Vi shn u Purâ n a, ils naquirent de l'aîné du Progéniteur. Le Taittirîya Brâhma n a dit que le Progéniteur créa les Asura-s de sa DIEUX ET ANTI-DIEUX

2 2 1

respiration, le Shatapatha Brâhma n a qu'il les fit sortir de son souffle excrétoire. Le Taittirîya Ara n yaka explique que le Progéniteur créa les dieux, les hommes, les ancê-

tres, les Gandharva-s et les nymphes (Apsara-s) avec de l'eau et que les Asura-s, les Rak sh asa-s et les Pishâca-s naquirent des gouttes répandues.

Les Asura-s habitent les cavernes des montagnes dans les entrailles de la terre et dans des régions infernales où ils possèdent de vastes cités : la Cité-d'or (Hira n ya-puri), la Cité-d'ancienne-lumière (Prag-jyotisha), la Cité-de-Libération (Nirmocana), toutes construites par leur magicien-architecte Maya. Les Asura-s vivent aussi dans la mer où ils sont gouvernés par Varu n a et dans le ciel où ils possèdent trois forteresses volantes faites de fer, d'argent et d'or d'où ils attaquent les trois mondes.

Les Asura-s sont de puissants guerriers. Ils arrachent les arbres et lancent les sommets des montagnes contre leurs ennemis. Ils sont experts dans l'art magique et peuvent se transformer à leur gré, prenant les formes les plus diverses. Ils peuvent aussi se rendre invisibles. Leurs rugissements terrifient les peuples.

Le précepteur des Asura-s est le sage Shukra qui obtint de Shiva les moyens de protéger les siens contre les Dieux.

Le mariage par achat de la femme est appelé la forme Asura du mariage.

Différentes sortes d'Asura-s

Le Mahâbhârata donne une liste de diverses sortes d'Asura-s. Les principaux sont les Daitya-s (génies), les Dânava-s (géants), tous deux connus des Veda-s, les Dasyu-s (barbares), les Kalañjaka-s (esprits des étoiles), les Kâleya-s (démons du temps), les Khalin-s (écraseurs), les Nâga-s (serpents), les Nivâta-kavaca-s (porteurs d'armures impé-

nétrables), les Pauloma-s (fils de Cheveux-lisses), les Pishâ-

2 2 2 LE POLYTHÉISME HINDOU

ca-s (ogres) et les Râk sh asa-s (errants-de-la-nuit). Les plus souvent mentionnés sont les Dânava-s et les Râk sh asa-s.

Tous ces êtres sont dépeints comme des adorateurs de Shiva et sont donc associés à l'ancien culte shivaïte, qui fut probablement, au début, la plus grande force qui s'opposait à l'établissement des formes du culte védique à travers l'Inde.

Nous reparlerons plus loin (IVe Part., chap. II) des différentes espèces d'Asura-s.

Les Dieux (Sura-s), les esprits-de-lumière (Deva-s) Le mot sura (dieu) peut venir de la racine svar, « briller ».

Le mot deva vient de div qui a le même sens. D'après une étymologie traditionnelle, le mot sura veut dire « celui qui se plaît à lui-même ». Toutefois il semble probable que le mot sura est un mot fabriqué en partant d'asura, l'ancien mot pour « dieu », le a initial ayant été pris pouf un préfixe privatif. Asura devenait alors anti-dieu et se rapportait aux dieux de l'ennemi.

On attribue aux deux principaux noms des dieux (sura et deva) beaucoup de significations accessoires qui toutes indiquent leurs vertus. Les principales sont : jeu (krî dâ), désir de suprématie (vijigîshâ), relation (vyâpâra), lumière (dyuti), louange (stuti), joie (moda), intoxication (mada), rêve (svapna), rayonnement (kânti), mouvement (gati).

« Les dieux jouent. La création, le maintien et la destruction du monde est leur jeu.

« Les dieux conquièrent. Ils détruisent le pouvoir des anti-dieux ainsi que la douleur et le mal.

« Les dieux sont la source de toute activité. Dans un monde où tout est relatif, ils sont les liens qui unissent le mobile et l'immobile, le subtil et le grossier, l'esprit et la matière.

DIEUX ET ANTI-DIEUX

2 2 3

« Les dieux sont la lumière intérieure du savoir et la lumière extérieure qui révèle le monde.

« Les dieux méritent la louange. Le monde entier chante leur gloire.

« Les dieux jouissent de toutes choses. C'est la divinité qui, en nous-mêmes, jouit de tous nos plaisirs.

« Les dieux intoxiquent l'esprit et nous font oublier l'agitation inhérente aux attachements.

« Les dieux sont des êtres subtils correspondant à l'état de rêve.

« Les dieux brillent. Leur splendeur illumine les mondes.

« Les dieux ne sont pas liés par l'espace et le temps. Ils sont présents partout, à tous moments. Leur nature est le mouvement, leur substance est le savoir, » ( Devatâ-tattva.) Les dieux se meuvent dans les hautes sphères de l'espace.

Ils habitent le ciel (svarga), très loin au-dessus de la terre.

C'est de là qu'ils descendent dans notre monde. Lorsqu'ils apparaissent devant les mortels, les signes auxquels on peut les reconnaître sont qu'ils ne transpirent pas, leurs yeux ne clignent pas, leurs pieds ne touchent pas le sol, leurs guirlandes sont toujours fraîches et ils n'ont pas d'ombre.

Le lieu de réunion et le lieu de plaisir des dieux est la plus haute des montagnes, la montagne polaire du Nord parfois identifiée au plus haut sommet de l'Himalaya, entre le Mâlayavat et le Gandhamâdana ( Mahâbhârata, 1, 1098 et 1114, et 12, 12986). D'après le Mahâbhârata (13, 4862), cette montagne, le Meru, est ronde comme le soleil du matin et ressemble à une flamme sans fumée.

Elle a 84.000 yojana-s (175.000 lieues?) de hauteur et une profondeur égale. Elle projette son ombre sur les mondes en dessus, au-dessous et en travers. Tous les oiseaux sur cette montagne ont des plumes d'or. C'est pourquoi l'oiseau Beau-visage (Sumukha), un fils d'Aile-jolie (Supar n a, c'est-à-dire Garu d a), quitta la montagne 2 2 4 LE POLYTHÉISME HINDOU

pour protester parce qu'on n'y faisait aucune différence entre les bons, les indifférents et les méchants oiseaux.

Le soleil, la lune et le vent (Vâyu) tournent sans répit autour de cette montagne. Ses jardins sont pleins de fleurs et de fruits. Partout on peut y voir des palais d'or resplendissants. Des cohortes de dieux, de musiciens-célestes (Gandharva-s), d'anti-dieux (Asura-s) et de démons (Râk sh asa-s) jouent avec les nymphes (Apsara-s).

Le haut du mont Meru est couvert de forêts. Parmi les arbres aux fleurs odorantes et les gigantesques jambu-s, résonnent les voix mélodieuses des chanteuses du ciel, les Kinnarî-s.

L'âge et le bonheur des dieux

Les dieux ont toujours seize ans. Seize est le nombre de la perfection, de la plénitude. Dans l'homme, après la seizième année, les premiers signes du déclin font leur apparition et quand la lune atteint le seizième jour elle aussi commence à décroître.

« Dieu, la mort de la mort, reste toujours un adolescent de seize ans. » ( Bhâgavata Purâ n a, 10.) Le seizième « doigt » représente la plénitude de l'existence-conscience-expérience. La nature de l'Être-total et toutes ses manifestations font partie de cette immense joie, de cette immense existence. A chaque stade la manifestation se fragmente davantage. C'est pourquoi les plus basses formes de la Création, bien qu'essentiellement faites d'existence, de conscience et d'expérience, ont une plus petite part de chacune, et une graduation des niveaux des choses et des êtres peut être faite en terme de conscience relative, d'expérience ou de sensation relative et d'existence relative.

La Taittirîya Upani sh ad donne l'échelle relative du bonheur des êtres célestes par rapport à l'homme.

DIEUX ET ANTI-DIEUX

2 2 5

« Voici l'échelle du bonheur. L'unité de bonheur peut être celui dont jouit un homme jeune et vertueux, instruit et enthousiaste, bien portant, vigoureux, riche et maître de la terre entière.

« Ceux qui par leurs mérites ont atteint le ciel des Gandharva-s, des musiciens célestes, ressentent un bonheur qui est cent fois plus grand.

« C'est aussi le bonheur que connaît le sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur des dieux-musiciens (Deva-Gandharva-s) est encore cent fois plus grand.

« C'est aussi le bonheur que connaît le sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur des ancêtres dans leur monde immortel est encore cent fois plus grand.

« C'est aussi le bonheur que connaît le sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur des saints qui par la pratique des rites sont devenus des dieux est encore cent fois plus grand.

« C'est aussi le bonheur que connaît le sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur des dieux eux-mêmes est cent fois plus grand, égal au bonheur du sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur d'Indra, roi du Ciel, est cent fois le bonheur des dieux, il égale le bonheur du sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur du Grand-maître (B ri haspati), le Précepteur des dieux, est cent fois le bonheur d'Indra. Il a pour égal le bonheur du sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur du Progéniteur (Prajâpati) est cent fois supérieur au bonheur du Grand-maître, mais il est pareil au bonheur du sage qui a dépassé le désir.

« Le bonheur dont jouit l'Être-immense est cent fois le bonheur du Progéniteur. Il est égalé par le bonheur du sage qui a dépassé le désir. » ( Taittirîya Upani sh ad, 2, 8, 1-4.) TROISIÈME PARTIE

LA TRINITÉ

I

VI SHN U L'IMMANENT

Sattva, la tendance-cohésive

DANS la Trinité cosmique, Vi shn u, l'Immanent, est le nom que l'on donne à la tendance cohésive ou centripète qui est appelée sattva. Tout ce qui dans l'Univers tend vers un centre, vers un plus grand degré de concentration, de cohésion, d'existence, de réalité, tout ce qui tend à créer la lumière, la vérité, est représenté par Vi shn u. Shiva, le principe centrifuge, au contraire, représente la dispersion, l'annihilation, tend vers l'obscurité, la non-existence.

Le mot Vi shnu

C'est la tendance centripète qui tient assemblés les éléments de l'Univers. C'est elle qui est la cause de toute concentration, donc de la lumière, de la matière, de la vie.

Cette tendance pénètre toutes choses, est en toutes choses, est la nature immanente de tout.

Selon la B ri had-devatâ (2, 71) le mot Vi shn u peut venir de la racine vi sh (vi shnâti, se répandre) ou vish (vishati, pénétrer) ou de vi shlri (veve shti, entourer) qui tous ont le même sens.

230

LE POLYTHÉISME HINDOU

En tant que la cohésion intérieure par laquelle tout existe, Vi shn u réside en toutes choses, possède tout, vainc les puissances destructrices. « Il est Vi shn u parce qu'il conquiert t o u t l . » ( Mahâbhârata, Udyoga parvan, 70, 13.) La nature de Vi shnu

Vi shn u est la cause interne, la puissance par laquelle les choses existent. Il n'est pas concerné par leur forme extérieure qui reste du domaine de la tendance orbitante, de l'Être-immense, Brahmâ. Il n'y a pas d'état d'existence qui ne dépende de la destruction en même temps que de la durée. Il ne saurait y avoir de vie sans mort, ou de mort sans vie. Vi shn u et Shiva sont donc interdépendants.

Mais, alors que Shiva est le principe destructeur, Vi shn u est le principe de la continuation et peut être considéré comme le symbole de la vie perpétuelle. Il est le pouvoir qui maintient l'Univers assemblé. Il est donc le but vers lequel tendent les êtres temporaires. Il est l'espoir de tout ce qui voudrait durer, de tout ce qui doit mourir, le but vers lequel sont orientées toutes les religions.

L'état de rêve

Le principe Vi shn u à l'état pur est la source, le plan de l'existence. Il est identifié à l'état de rêve dans lequel des mondes sont conçus comme des prototypes non encore réalisés. La seule création réelle, durable est cette création mentale. Nous créons une machine quand nous la concevons. Une fois les plans tracés dans l'abstrait, la réalisation dans une matière périssable n'est qu'une ques1. Louis Renou ( L'Inde classique, p. 323) considère l'origine du m o t Vi shn u c o m m e obscure et peut-être non-aryenne. Il mentionne p a r m i les étymologies suggérées par divers savants vi + sânu « t r a -

versant les sommets», et vis « actif ». Il mentionne l'épithète sipi-vi sht a

« réalisé par le pénis » cornme indiquant une origine phallique possible.

VISHNU L'IMMANENT 231

tion secondaire que l'inventeur laisse à des techniciens.

L'invention du monde est l'œuvre de Vi shn u , de l'Intellect universel.

Sur le plan de la Création, les trois conditions du mental — les états de sommeil-profond, de rêve et de veille

— sont les conditions relatives correspondant aux trois qualités, aux trois dieux. Nous avons l'expérience de Shiva dans le vide du sommeil-profond, de Vi shn u dans la vision du rêve et de Brahmâ dans l'état de veille.

La connaissance des formes extérieures est obtenue dans l'état de veille, la connaissance des principes intérieurs dans la vision mentale qui est le rêve. La perception de la réalité informelle, transcendante est obtenue seulement dans l'immobilité absolue, le silence total de la pensée.

Toute religion est de Vi shnu Chaque religion comprend une théologie et une éthique.

La théologie cherche à définir les principes qui régissent l'existence et le destin de notre moi subtil. L'éthique propose des règles d'action qui peuvent préparer le moi-transmigrant pour son voyage vers la lumière, vers la perfection, vers la réalisation de la réalité divine. Toutes deux n'ont donc à voir qu'avec Vi shn u.

Toute religion est une forme de Vi shn uisme; alors que toutes les sciences se rapportent à Brahmâ et que toutes les tentatives orientées vers la connaissance transcendante, tous les efforts pour appréhender ce qui est ou n'est pas, au-delà de l'existence, au-delà de l'individualité, se rapportent à l'aspect Shiva de la Trinité. La science se base sur la perception des sens. La religion utilise les facultés mentales et intellectuelles, la Foi et le Savoir.

La connaissance transcendante peut être atteinte seulement par les méthodes du yoga et la réduction du mental au silence.

232 LE POLYTHÉISME HINDOU

Les noms de Vi shnu

Selon l'aspect envisagé, Vi shn u est connu sous des noms divers. Le commentaire de Shankarâcârya sur le Vi shn u-sahasra-nâma, explique la signification de mille noms de Vi shn u.

Du point de vue religieux, Vi shn u est Hari « celui qui enlève ». Upani sh ad Brahma-yogin explique ce nom en disant : « Ce qui efface l'ignorance et son effet est Hari, qui enlève et détruit les choses autres que lui. » (Commentaire de la Kali Samlara n a Upani sh ad, 2, 1.) Hari, celui qui enlève, est aussi celui qui nous délivre du chagrin, celui qui nous console.

Lorsque Vi shn u dort, l'Univers se dissout dans son état informel représenté comme l'Océan causal. Les restes de la manifestation repliée sur elle-même sont représentés par le serpent Vestige (She sh a) enroulé sur lui-même et flottant sur l'abîme des eaux. C'est sur ce serpent que repose Vi shn u endormi.

Vi shn u est alors appelé Nârâya n a « Reposant sur les eaux ». Le mot Nârâya n a peut aussi vouloir dire « Demeure-de-l'homme », ou « Demeure du savoir ».

II

L'IMAGE DE VI SHN U

TOUTES les qualités et attributions qui sont inhérentes à la nature de l'Immanent et sont nécessairement présentes dans ses manifestations, sont symbolisées par les caractéristiques et les attributs de son image.

La représentation d'un dieu ne peut être qu'un groupe de symboles et aucun élément de l'image ne devrait être le fruit de l'invention d'un sculpteur. Chaque particula-rité de l'attitude, de l'expression, des ornements, est importante et est un sujet de méditation.

La signification de l'icône de Vi shn u est expliquée dans les Purà n a-s et plusieurs Upani sh ad-s mineures. Les deux images les plus fréquentes le montrent soit étendu, endormi sur l'Océan causal, appuyé sur les anneaux du serpent Vestige, soit debout avec quatre bras et de nombreux attributs. Il représente alors le souverain de sattva, la tendance cohésive, centripète.

La Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad (46-49) décrit quelques-unes des caractéristiques importantes de l'image de Vi shn u.

Vi shn u parle : « Sur mes pieds se trouvent des lignes traçant un étendard céleste et un parasol royal. Sur ma poitrine se trouve une mèche de poils appelée Cher-à-

234 LE POLYTHÉISME HINDOU

la-Fortune et un joyau brillant nommé Trésor-de-1'Océan.

Dans mes quatre mains je tiens une conque, un disque, une massue et un arc (ou un lotus). Mes bras sont ornés de bracelets. Je porte une guirlande, un diadème resplendissant et des boucles d'oreilles en forme de monstres-marins. »

Les quatre bras

Quatre, nombre de la Terre, représente l'accomplissement de la manifestation dans toutes les sphères de l'existence. Quatre stades se rencontrent dans toutes les formes de développement ou de vie. Dans toutes les images des dieux, les quatre bras signifient la domination sur les directions de l'espace, donc le pouvoir absolu. Mais ils représentent aussi les quatre stades du développement humain et les quatre buts de la vie : le plaisir, le succès, la perfection de son état et la libération finale. C'est la prédominance relative de ces divers buts qui conduit à la division de la vie en quatre périodes, de la société humaine en quatre castes et de l'histoire du monde en quatre âges. Ces quatre stades sont aussi en relation avec l'orientation des images dans les temples. Les aspects du savoir appartenant à ces quatre aspects de la destinée humaine sont représentés par les quatre Veda-s. De plus, dans le cas de Vi shn u, « les quatre bras représentent les trois tendances fondamentales et la notion du Moi »

( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad, 55).

Dans chacune de ses mains Vi shn u tient l'un de ses quatre attributs. Dans sa principale image, ils sont dans un ordre donné :

« Dans ma main [basse à droite qui représente la tendance orbitante créatrice], je tiens la conque, symbole des cinq éléments.

« Dans ma main [haute à droite qui représente la ten-L'IMAGE DE VISHNU 235

dance cohésive] je tiens le disque [brillant comme] un jeune [soleil], symbole du mental.

« Dans ma main [haute à gauche qui représente la tendance désintégrante] je porte l'arc, symbole du Pouvoir-d'illusion et le lotus, image de l'univers mobile.

« Dans ma main [basse à gauche qui représente la notion-du-moi] se trouve la massue, symbole de la Connaissance-primordiale (Adyâ-vidyâ). » ( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upanish ad, 55-57.)

Les vingt-quatre images de Vi shnu La relation qui unit d'une part les trois tendances fondamentales et la notion du moi (qui régit les sphères de perception des sens) et d'autre part les éléments, le mental, le pouvoir d'illusion et le pouvoir de connaître ou intellect, peut varier pour différentes sortes d'êtres, différentes formes de création, différents âges du monde.

Les aspects du Divin régnant sur ces diverses sphères de manifestation sont représentés par vingt-quatre images de Vi shn u, tenant ses attributs dans des mains différentes.

Ces images sont décrites dans le Padma Purâ n a (Pâtâla Kha nd a). Le Rûpa ma nd ana, un ouvrage technique sur l'architecture, donne une liste similaire mais avec une distribution légèrement différente des attributs. Étant donné les différentes relations possibles qui peuvent exister entre les éléments de base de l'existence, Vi shn u, la forme immanente du Divin doit descendre comme un avatâra, une incarnation durant chacun des âges importants de l'histoire du monde pour établir sous une forme nouvelle la Loi de perfection et les modes de la Connaissance qui conviennent à l'état du monde.

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2. Nârâya 3. Mâdhava 4. Govinda 5. Vi 6. Madhusûdana 7. Trivikrama 8. Vâmana 9. Shrî-dhara . H . Padma-nâbha . Dâmodara . Sankarsha

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10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24

L'IMAGE DE VISHNU

237

Les attributs sont toujours mentionnés partant de la main droite en bas, en montant autour de l'image.

La conque

La conque est le symbole de l'origine de l'existence.

Elle a la forme d'une spirale partant d'un point et se développant en des anneaux qui s'élargissent progressivement. Elle provient de l'élément eau, le premier élément compact. On l'associe donc avec l'Océan primordial. Lorsqu'on souffle dans la conque elle produit un son qui est pris comme l'image du son primordial, point de départ de la Création.

La conque est le symbole de la pure-notion-d'existence-individuelle (sattvika ahamkâra) de laquelle sont issus les cinq principes-des-éléments.

« Il tient la conque « née-des-cinq » qui représente la partie cohésive de la notion-du-moi, origine des cinq éléments. »

Le disque

« Le disque [ou roue] de Vi shn u est appelé Bel-à-voir

[Sudarshana]. Il a six rayons et est l'équivalent symbolique d'un lotus à six pétales. » ( N ri simha Pûrva Tâpinî Upani sh ad, 5.) « Le disque représente le mental » (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 68), le pouvoir sans limites qui invente et détruit les sphères et les formes de l'Univers dont la nature est la rotation. Selon l' Ahirbudhnya Samhitâ, Bel-

à-voir représente la volonté de se multiplier.

« Les six rayons sont les six saisons du cycle de l'année.

Au centre est le moyeu dans lequel sont fixés les rayons.

[Dans ce centre est inscrite la syllabe-magique hm qui représente l'immobilité du centre, l'immuabilité du continu causal.] Le cercle autour de la roue est Mâyâ, le divin 238 LE POLYTHÉISME HINDOU

pouvoir d'illusion. » ( N ri simha-Pûrva-Tâpinî Upani sh ad, 5.) Le mental-universel correspond, dans le microcosme, à la notion active-d'existence-individuelle (rajas ahamkâra) associée au principe igné. « La puissance prodigieuse du mental peut détruire tous les aspects de l'ignorance. C'est pourquoi le disque est l'arme terrible qui tranche les têtes des démons, des erreurs. » (Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva, Siddhânta, vol. V.) Le lotus

Le lotus est l'image de l'Univers, la fleur qui s'épanouit, glorieuse, au sein de l'Océan informel et infini des causes.

« L'Univers apparaît dans mon esprit sortant de l'Océan causal. Les régents des huit directions de l'espace sont ses pétales épanouis. » ( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad, 5.) « Ce lotus immaculé qui s'élève des profondeurs des eaux mais reste éloigné du rivage est associé à la notion de pureté et à la tendance cohésive (sattva) de laquelle proviennent la Loi-de-perfection (dharma) et la Connaissance (jñâna). Il est pris parfois aussi comme l'emblème des six pouvoirs merveilleux (bhaga) qui caractérisent la divinité (bhâgavân).

« Représentant le déploiement de la Création, le lotus est l'équivalent symbolique de l'œuf-du-non-savoir, germe d'univers innombrables. » (Karapâtri, Shrî Vi shn u tattva, Siddhânta, vol. 5.)

L'arc

L'arc symbolise l'aspect destructeur de la notion-d'existence-individuelle, associée à la tendance-désinté-

grante (tâmas-ahamkâra) qui est l'origine des sens ( Vi shn u L'IMAGE DE VISHNU 239

Purâ n a, 1, 22, 70). C'est l'instrument avec lequel nous lançons les sondes de l'intuition dans les sphères inconnues d'une création illusoire.

« Il possède l'arc appelé Shârnga qui représente la partie désintégrante du Moi, origine des perceptions sensorielles. »

« L'arc correspond au pouvoir d'illusion divin. » ( K rishn a Upani sh ad, 23.)

Les flèches et le carquois

« Les nombreuses flèches de Vi shn u sont les pouvoirs des sens, à travers lesquels s'établit le champ d'activité de l'intellect. » (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 73).

Le carquois est la réserve du pouvoir d'agir.

La massue

« La massue est la puissance-de-connaître » (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 69) qui éblouit et enivre le mental. C'est pourquoi on l'appelle l'intoxicant-de-l'esprit (Kaumodaki).

Le pouvoir-de-connaître est l'essence même de la vie (prâ n a tattva). C'est de lui que sont dérivés tous les pouvoirs physiques et mentaux. Seul il peut conquérir le temps et devenir lui-même la puissance du temps.

La massue s'identifie donc à la déesse Kâli qui est la puissance du temps.

« La massue est Kâli, la puissance du temps qui détruit tout ce qui l'oppose. » ( K rishn a Upani sh ad, 23.) Le joyau, Trésor-de-l'Océan

Sur la poitrine de Vi shn u scintille un joyau éblouissant appelé Trésor-de-l'Océan (Kausthubha), « né des eaux qui entourent la terre ».

« Ce joyau représente la Conscience qui se manifeste 240 LE POLYTHÉISME HINDOU

dans tout ce qui brille : le soleil, la lune, le feu, la parole. »

( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad, 54.) La conscience universelle qui est « l'âme du monde, sans défaut, subtile et pure, est le joyau » (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 68) fait de la somme des consciences vivantes de tous les êtres.

Toutes les joies de la création lui appartiennent.

Les consciences individuelles semblent au mystique s'accrocher à la poitrine du bien-aimé. Dans le mythe de K rishn a, « alors que les fleurs, les perles et les pierres précieuses [qui sont les dieux, les saints et les sages]

restent suspendues au cou de celui qui efface les peines, comment les vachères dévorées par l'amour pourraient-elles jamais le quitter ».

La mèche de poils, « Cher-à-la-fortune »

Sur le sein gauche de Vi shn u se trouve une boucle de poils dorés appelée Cher-à-la-fortune (Shrî-vatsa). Cette mèche représente la source du monde naturel, la Nature fondamentale (Pradhâna) (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 69). Le joyau est la conscience qui jouit du monde, la mèche représente tout ce dont jouit la conscience, tous les êtres et les formes du monde perceptible.

« La mèche bouclée Cher-à-la-fortune est ma propre forme. Ceux qui connaissent l'essence des choses la décrivent comme un grand signe de bonheur. » ( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad, 53.)

La guirlande-de-la-forêt (vana-mâlâ)

Selon la théorie du yoga, le centre de perception transcendante, le centre-très-pur (vishuddha-cakra) se trouve situé dans la gorge. C'est là que peut être réalisée l'expé-

rience du Principe non-qualifié. La guirlande qui entoure la gorge de Vi shn u est le développement de la manifes-L'IMAGE DE VISHNU 241

tation enveloppant l'Immensité non-qualifiée. « Appelée le collier-de-victoire (Vaijayanti), la guirlande de Vi shn u, faite de fleurs odorantes et de cinq rangs de pierres pré-

cieuses (qui représentent les cinq sphères des sens), est la guirlande des éléments (bhûta-mâlâ) » (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 72), aussi appelée « guirlande-de-la-forêt (vana-mâlâ) ».

Elle est considérée comme l'image même de Mâyâ, le Pouvoir d'illusion de l'Immanent.

« La gorge est le Non-qualifié. La guirlande qui l'entoure est l'énergie primordiale incréée. » ( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad, 59.)

Les boucles d'oreilles

En forme de monstres-marins (makara-s), les boucles d'oreilles de Vi shn u représentent les deux méthodes de connaître : la connaissance intellectuelle (sânkhya) et la perception intuitive (yoga).

Les bracelets

« Les bracelets que l'on dit faits de substance divine sont les trois buts de la vie en ce monde : la perfection de son être, le succès et le plaisir. » ( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad, 57.)

La couronne

« La couronne est la réalité inconnaissable. » ( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad).

Le voile jaune (Pîtâmbara)

Vi shn u et surtout ses incarnations portent toujours un voile jaune léger autour des hanches. Ce voile représente les Veda-s. « Le corps sombre brille à travers ce mince 242 LE POLYTHÉISME HINDOU

voile d'or justement comme la réalité divine brille à travers les paroles sacrées du Veda. » (Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva, p. 144.)

Le cordon sacré

Le cordon sacré que l'on voit sur la poitrine de Vi shn u est fait de trois fils qui représentent les trois lettres de la syllabe sacrée AUM ou les trois tendances fondamentales de la nature.

Le char

« Le char de Vi shn u représente le mental et son pouvoir d'action. C'est en partant du mental que se développent les cinq sphères de perception objet des cinq sens. L'être divin, chevauchant le mental dans lequel réside le pouvoir d'action, place les flèches des sens sur l'arc du Temps et les dirige vers leurs objets. » (Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva, p. 146.)

« Ce char se meut à volonté, rapide comme la pensée. »

( Mahâbhârata, 13.)

La couleur sombre

Vi shn u est toujours de couleur noire ou bleu sombre.

Le sombre est la couleur de l'éther. la substance informelle de. l'univers spatial. Cette couleur est donc celle de l'Immanent.

Le noir est la couleur de la tendance désintégrante, de tamas, représentée par Shiva, tandis que la couleur symbolique de la cohésion, de sattva, représentée par Vi shn u est le blanc, Pourquoi sur ses images Shiva est-il blanc et Vi shn u est-il noir? La réponse est que « les deux tendances sont interdépendantes et sont l'âme l'une de l'autre, chaque degré de la manifestation étant inversé L'IMAGE DE VISHNU 243

par rapport au degré précédent, toute manifestation exté-

rieure de Vi shn u dont la nature est la pure tendance cohésive d'un blanc sans tache doit être noire, et toute manifestation de Shiva qui est l'obscurité sans fond doit paraître blanche. » (Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva, p. 142-163.)

Bien que Vi shn u soit noir, ses incarnations apparaissent de différentes couleurs, selon les âges du monde et les qualités prédominantes dans chaque âge. « Dans le premier âge [l'âge d'or où prédomine la tendance cohésive] Vi shn u apparaît blanc. Dans le second âge il est rouge [comme la tendance orbitante]. Dans le troisième âge il est jaune

[mélange de rajas et tamas]. Dans le quatrième âge [l'âge sombre] il est noir. » ( Brahma Purâ n a.) Ces couleurs se rapportent aussi à son incarnation dans les quatre races humaines. « Blanc, puis rouge, puis jaune, il est maintenant noir. » ( Bhâgavata Purâ n a, 10, 8, 13.) Les attributs et les serviteurs de Vi shn u sont de couleurs diverses.

« La couleur de l'oiseau verbe-ailé (Garu d a) est celle du lotus blanc. La massue est noire. La déesse Terre est comme la fleur de l'acacia. La Fortune (Lak sh mi) est dorée. La conque est couleur de pleine lune. Le joyau est couleur d'aurore. Le disque est comme le soleil. La mèche de poils est semblable au jasmin. La guirlande est de cinq couleurs. Le serpent est couleur de nuage.

Les flèches sont brillantes comme l'éclair ainsi que les autres attributs non mentionnés ici. » ( Garu d a Purâ n a, 1, 11.)

Le chasse-mouches

Le chasse-mouches de Vi shn u est la Loi-de-perfection (Dharma) qui est le souffle qui s'élève au moment de la manifestation ( K rishn a Upani sh ad, 20).

2 4 4 LE POLYTHÉISME HINDOU

L'éventail

L'éventail de Vi shn u est le sacrifice rituel. C'est l'éventail qui sert à attiser le feu.

Le fanion

« La gloire du Soleil et de la Lune est son fanion. »

( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upani sh ad, 53.) Le parasol

« Le parasol, symbole de la royauté de Vi shn u, repré-

sente le paradis de Vi shn u, le monde-sans-obstacle (Vaiku nth a), le lieu où la crainte n'existe plus. » (Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva, p. 146.) « Ne pas être obstrué (viku nth a) consiste à ne rencontrer nul obstacle (ku nth a) à son mouvement. Le lieu où l'obstruction n'existe pas est le monde-sans-obstacles, Vaiku nth a. »

« Le Meru [l'axe du monde] est la hampe du parasol : image du monde céleste. » ( Gopâla-Uttara-Tâpinî Upanish ad, 53.)

L'épée et le fourreau

« L'épée sans défaut [Nandaka (source de joie)] que l'Infaillible tient dans sa main est la pure connaissance (jñâna) faite de savoir (vidyâ). » (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 4.) Cette connaissance de l'immensité est associée à l'éther causal et à Shiva qui est la connaissance personnifiée. » (Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva, p. 145.) L'épée flamboyante de la connaissance est l'arme puissante qui détruit l'ignorance. « Le Grand-dieu (Maheshvara) [personnification de la connaissance] prend la forme d'une épée brûlante. » ( K rishn a Upani sh ad, 20.)

« Le fourreau qui masque l'épée de la connaissance L'IMAGE DE VISHNU 245

est le non-savoir (A-vidyâ). » (Vi shn u Purâ n a, 1, 22, 74.)

« Il représente l'obscurité qui est aussi la forme du divin. »

(Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva, p. 145.) L'oiseau Verbe-ailé (Garu da) Lorsque Vi shn u s'éveille, il a pour monture un oiseau, moitié vautour, moitié homme, appelé Verbe-ailé (Garuda).

Son nom védique Garutmat est mentionné également dans le Mahâbhârata (1, 33, 24; 5, 112-1; etc.).

Le mot garuda vient de la racine g rî qui signifie parole.

( U n adi-Sutra-s, « Gira u d ac », 4, 155.) Garuda représente les paroles hermétiques du Veda, les mots magiques sur les ailes desquels l'homme peut être transporté d'un monde dans un autre avec une force égale à celle de l'éclair, à une vitesse pareille à celle de la lumière. « Le triple Veda, que l'on dit être un oiseau, porte Vi shn u, le dieu du Sacrifice. » « Le son du Sâma Veda est son corps. Il est la monture du Souverain-suprême. » ( Matsya Purâ n a.)

Vi shn u, qui personnifie le sacrifice, a pour monture les mètres ( Ri k), les notes (Sâma) et la signification (Yaju h) qui sont les instruments du rituel. Les différentes branches du texte védique sont les différentes parties du corps du Verbe-ailé.

« La triple parole magique est ta tête. Les hymnes du Sâma Veda sont tes yeux. Ton cœur est fait des autres hymnes. Les hymnes de Vâmadeva forment ton corps.

Le B ri had et le Rathântara sont tes ailes. Les chants rituels sont ta queue. Les autres paroles sacrées sont tes membres et ton derrière. Les vers du Yajur Veda sont tes talons. Ceux de l' Atharva tes autres parties. Tes ailes sont puissantes, Garutman! T'élançant vers le paradis tu perces le ciel. » ( Garuda Upani sh ad, 11.) Verbe-ailé est invincible. « Cet oiseau à l'aile superbe 246 LE POLYTHÉISME HINDOU

est le courage même transformé en oiseau. » ( Shatapatha Brâhma n a, 6, 7, 26.)

Dans la tradition des Purâ n a-s, Garu d a est un fils de Vision (Kashyapa) et de Celle-devant-qui-le-savoir-s'incline (Vinatâ) qui est une des filles d'Art-rituel (Dak sh a) ( Mahâ-

bhârata, 1, 32). Le frère de Verbe-ailé, Aru n a (le Rouge) est le conducteur du char du Soleil.

Celle-devant-qui-le-savoir-s'incline se disputa avec l'autre épouse de Vision, Coupe-d'immortalité (Kadru)1 qui est la mère des serpents représentant les cycles du temps. C'est de sa mère que Garu d a hérita son horreur des serpents.

Avec l'aide d'Indra, il devint plus tard leur maître.

( Mahâbhârata, 1, 20, 35.)

L'épouse de Garu d a est le Progrès (Unnati) appelée aussi Reine-du-savoir (Vinâyakâ). D'après le Mahâbhâ-

rata (5, 10, 2-8), Garu d a eut d'elle six fils appelés Beau-visage (Sumukha), Beau-nom (Su-nâma), Bel-œil (Sunetra), Belle-vigueur (Su-varcas), Bel-éclat (Su-ruk), Belle-force (Su-bala). C'est d'eux que descendent tous les oiseaux mangeurs de serpents — les possesseurs du vrai savoir sur qui les cycles du temps n'ont pas de prise.

Ils vénèrent Vi shn u comme leur protecteur.

Garuda vit dans le Sud du pays Ni shâda près d'une rivière qui produit de l'or, dans la terre de l'Or (Hira n-

maya) ( Mahâbhârata, 6, 8, 5-6). Il est décrit comme un oiseau immensément grand et fort, égal par sa splendeur au Dieu du feu. « Il est si brillant que lors de sa naissance les dieux l'adorèrent le prenant pour Agni. Il est viril et lascif et prend à volonté la forme qu'il désire.

Il va où il veut. Il est terrifiant comme le tisonnier rougi du sacrifice. Ses yeux sont rouges et luisants comme l'éclair.

Il brille comme le feu qui détruira le monde à la fin des temps. » ( Mahâbhârata, 1, 23, 6-9.) « Cet oiseau est capa-1. Voir le Ri g Veda, 8, 45, 26 pour K a d r u envisagée c o m m e la coupe de Soma.

L'IMAGE DE VISHNU 247

ble d'arrêter par le vent de ses ailes, la rotation des trois mondes. » ( Mahâbhârata, 5, 105, 2.) « Sa vitesse est telle qu'il semble tirer après lui la terre avec ses montagnes, ses mers et ses forêts. » ( Mahâbhârata, 5, 112, 6 et 1, 28, 19.) Il est énorme et agressif. Sa couleur est celle de l'or fondu. Il a la tête d'un aigle, un bec rouge et des ailes emplumées, un large ventre et deux bras pareils à ceux d'un homme. » ( Parameshvara Samhitâ, 6, 269, 276-277.) Un jour Garuda vola l'ambroisie aux dieux pour pouvoir acheter la liberté de sa mère que la mère des serpents, Coupe-d'immortalité, gardait emprisonnée. Indra qui découvrit le vol s'aperçut que la foudre ne pouvait blesser Garuda et que sa force était trop grande pour qu'on puisse le combattre. Indra ne put récupérer l'ambroisie qu'en trompant Garuda par des manifestations d'amitié.» ( Mahâbhârata, 1, 32. 34.)

Garu d a a des noms multiples. Il est Bien-ailé (supar n a)1, Roi-des-oiseaux, le Grand-chef ou Roi-du-savoir (Vinâyaka), Dieu-des-oiseaux (Khageshvara), Chef-des-oiseaux (Pakshi râ t), Dieu-du-ciel (gaganeshvara), Fils de l'Art-rituel (Dâk sh ya), Fils de Vision (Kâshyapa), Fils-du-mouvement (Târkshya)2. Il réside dans l'arbre Shalmali, il a le visage blanc, les ailes rouges. Il est rouge et blanc (Shveta-rohita), son corps est doré (Suvar n a-kâya).

Ennemi des serpents (Sarpârati), il détruit les serpents (Nâgântaka ou Pannaga-nâshana). Il est rapide (Tarashvin), Comme le mercure (Rasâya n a), il va où il lui plaît (Kâma-carin), vit autant qu'il lui plaît (Kâmâyus), mange longtemps (Cirâd), porte Vi shn u (Vi shn u ratha), vole l'ambroisie (Am ri tahara n a ou Sudhâ-hara), vainc Indra (Surendra-jit), maîtrise la foudre (vajra-jit), etc.

1. Suparno vai Garutmân. ( Vâjaneseya Samhitâ, 17, 5 2 ; Taittirîya Samhitâ, 4, 1-10; Mahâbhârata 1, 34, 25.) 2. Ri g Veda, 1, 89, 6 et Vâjanaseya Samhitâ, 25, 19.

248 LE POLYTHÉISME HINDOU

Le serpent Vestige (She sha Nâga) Quand il dort, c'est-à-dire quand il résorbe le monde, Vi shn u repose sur un gigantesque serpent appelé Sans-fin (Ananta) ou Vestige (She sh a). ( Bhâgavata, 3, 8, 10-11.)

« L'Univers entier devient alors un immense océan. Le dieu souverain, ayant dévoré tous les êtres, dort sur les anneaux du serpent. » (Vi shn u Purâ n a, 1, 2, 64-65.) Ce serpent représente la nature non-évoluée, la totalité des stades premiers de la conscience, l'éternité des révolutions sans fin du temps. Parfois on montre le serpent, sa tête soutenant la terre et portant en collier le monde avec ses dieux, ses hommes, et ses démons. (Vi shn u Purâ n a, 2, 5, 27.) Lorsque la création est résorbée, elle ne peut pas cesser complètement d'exister. Pour que l'Univers puisse apparaître à nouveau, il faut que subsiste sous une forme subtile le germe de tout ce qui a été et sera. C'est ce vestige des univers détruits qui est personnifié par le serpent flottant sur l'océan sans limites des causes et formant la couche sur laquelle Vi shn u endormi repose.

She sh a est le roi des serpents, des toujours-mouvants, qui représentent les cycles du temps. Il règne sur le monde infernal ou Pâtâla. « Sous la terre réside ce serpent sans fin, féroce, régnant sur le royaume des reptiles. » ( Mahâbhârata, 1, 36.) « Lorsque le Sans-fin (Ananta), ses yeux lourds d'intoxication, bâille, la terre avec ses océans et ses forêts se met à trembler. » (Vi shn u Purâ n a, 2, 5, 23.) « A la fin de chaque période cosmique, le serpent vomit le feu brûlant de la destruction qui dévore toute la création. » (Vi shn u Purâ n a, 2, 5, 19.) Il fut utilisé par les dieux comme une corde qu'ils enroulèrent autour d'une montagne pour baratter la mer. « Vêtu de bleu sombre, ivre d'orgueil, il porte un collier blanc. Dans une main il tient une charrue et dans l'autre, un pilon. » ( Vishnu Purâ n a, 2, 5, 17-18.) Dans les Purâ n a-s, She sh a est le fils de Vision (Kashyapa) L'IMAGE DE VISHNU 249

et de Coupe-d'immortalité (Kadru). Il est donc le demi-frère de Verbe-ailé. Son épouse est Début-de-1'éternité (Ananta-shîr shâ). Le capuchon du serpent est le continent-joyau (Ma n i-dvîpa). Sa demeure est la Salle-des-joyaux (Ma n i-ma nd apa).

Les compagnons de Vi shnu.

Le chef des compagnons de Vi shn u est le Conquérant-universel (Vishvaksena) qui représente les Écritures-de-la-connaissance-terrestre, (les Agama-s), par lesquelles est définie la technique du culte.

L'image du Conquérant-universel est à côté de celle de Vi shn u . « Il porte les fleurs tombées de l'autel. Il a quatre bras, tient une conque, un disque, une massue. Il a des cheveux longs en broussaille et une barbe. Il est rouge et fauve et se tient debout sur un lotus blanc. » ( Kâlikâ Pwâ n a, chap. 12.)

Les autres compagnons de Vi shn u sont les huit pouvoirs surhumains (Vibhûti-s) dont les yogi-s ont l'expérience.

III

LES AVATARA-S OU INCARNATIONS

DE VI SHN U

Les Avatâra-s

L'IMMANENT, cause ultime du monde, nature de toutes choses, est partout présent, pénétrant tout, sans limites. Ses qualités, ses actions, les manifestations de son pouvoir sont infinies. Ayant manifesté le monde, il le pénètre à nouveau. Il est son guide et son souverain.

« L'ayant façonné, il y entra. » ( Taittirîya Upani sh ad, 2,6.) A tous les moments cruciaux de l'histoire du monde, Vi shn u se manifeste sous la forme d'une individualité personnifiée qui guide l'évolution et la destinée des divers ordres de la Création, des diverses espèces, des diverses formes de la vie. C'est pourquoi « l'histoire de ses descentes, de ses incarnations, de ses manifestations est sans fin ». Il serait impossible d'énumérer toutes les descentes de l'Immanent sans limites dans le monde des formes.

« Le Feu, le Soleil, le Vent, le Créateur, l'Immanent, le Destructeur, l'Intellect-cosmique, le Principe-de-1'existence, le Principe-de-1'individualité, les cinq Principes des élé-

ments, l'Être vivant, tous sont des personnifications de la Divinité, manifestée à travers son Pouvoir d'illusion. »

(Yogatrayânanda, Shrî-Râmâvatôra kathâ, p. 116.) 252 LE POLYTHÉISME HINDOU

« De même que d'un lac inépuisable s'écoulent, de tous côtés, des rivières, de même jaillissent des incarnations innombrables de celui qui efface la douleur, qui est la somme de toutes réalités. Les voyants, les prophètes qui révèlent la loi, les dieux, les races humaines, les progéniteurs, font tous partie de lui. » ( Bhâgavata Purâ n a, 1, 3, 26-27.)

Lorsque, pour un groupe d'hommes, ou même pour un seul individu, les formes de la connaissance essentielles pour l'accomplissement de sa destinée viennent à faire défaut, sont hors d'atteinte, et que la vie humaine est ainsi privée de sa raison d'être, Vi shn u est contraint de rendre cette connaissance accessible à nouveau et une nouvelle révélation a lieu. Il y a par conséquent une nouvelle descente divine dans chaque cycle des temps qui adapte la révélation aux conditions d'un nouveau monde.

« Dans le but de protéger la terre, les prêtres, les dieux, les saints et les Écritures et permettre à chacun la réalisation de la perfection intérieure et extérieure de son être, le Seigneur descend dans un corps vivant. » ( Bhâgavata Purâ n a, 8, 24, 5.)

L'histoire de la présente création est rythmée par dix incarnations cycliques, les yuga-avatâra-s. « Les dix sont le Poisson, la Tortue, le Sanglier, l'Homme-lion, le Nain, Râma-à-la-hache, et l'autre Râma, K rishn a, Buddha et Kalki. » ( Matsya Purâ n a, 285, 67.) Kalki est encore à venir.

Parmi ces incarnations, K rishn a, seul est considéré comme une incarnation totale de Vis/mu (pûr nâvatâra) par les sectes vi shn uites. Les autres sont l'incarnation d'un aspect seulement de l'Être divin. Il existe d'autres incarnations partielles, chargées de maintenir, de compléter et d'interpréter la révélation, qui prennent la forme de voyants, de sages, de prophètes, qui incarnent certaines vertus et les pratiquent à un degré héroïque.

INCARNATIONS DE VISHNU 253

Le Varaha Purâ n a (15, 9-18) mentionne dix avatâra-s, le Bhâgavata Purâ n a vingt-deux; l' Ahirbudhnya Samhitâ (5, 50-57) trente-neuf. Les vingt-deux incarnations du Bhâgavata Purâ n a sont : 1° L'Éternel-adolescent (Kumâra ou Sanat-kumâra). 2° Le Sanglier (Varâha). 3° Le Sage-musicien (Nârada). 4° Les saints Savoir (Nara) et Demeure-du-savoir (Nârâyana). 5° Le Philosophe, le Roux (Kapila).

6° Le Magicien (Dattatreya). 7° Le Sacrifice (Yajña).

8° Le Taureau ou Roi-sage ( Rish abha). 9° Le Premier-roi ou l'Agriculteur (P ri thu). 10° Le Poisson (Matsya). 11° La Tortue (Kûrma). 12° Le Médecin (Dhanvantari). 13° L'Enchanteresse (Mohini). 14° L'Homme-lion (Nara-simha).

15° Le Nain (Vâmana). 16° Râma-à-la-hache, destructeur des guerriers (Parashu-râma). 17° L'Écrivain-des-Veda-s (Veda-vyâsa). 18° Le Charmant, incarnation des vertus morales (Râma). 19° Râma-le-fort (Bala-Râma), incarnation des vertus royales. 20° L'Attirant ou le Sombre (K rishn a), incarnation de l'amour. 21° L'Illuminé (Buddha), incarnation de l'erreur. 22° L'Accomplissement (Kalki), l'incarnation de la fin des temps.

L'incarnation du Sanglier, de la Tortue et du Poisson sont parfois, dans les plus anciens textes, représentées comme des manifestations du Progéniteur (Prajâpati) ou de l'Être-immense (Brahmâ). Les trois pas de Vi shn u sont liés au mythe de l'incarnation du nain mais ils ont aussi un aspect cosmologique et astronomique. Dans le Mahâbhâ-

rata, Vi shn u est le dieu le plus en vue et quelques-unes de ses incarnations sont mentionnées, mais c'est seulement dans les Purâ n a-s qu'elles sont décrites en détail.

Les planètes

Dans l'ordre de la création, l'existence des planètes doit précéder celle des êtres vivant sur elles. Elles déterminent la structure de base des trois mondes, dans lesquels l'exis-254 LE POLYTHÉISME HINDOU

tence individuelle se développe. Elles sont les premiers stages du monde perceptible, proches encore du Cosmos dont elles sont issues, et apparaissent, du point de vue de l'homme, comme les formes mêmes du divin. Les planètes sont donc considérées comme des manifestations de Vi shn u.

« Le Rémunérateur prenant la forme des planètes donne aux êtres vivants le fruit de leurs actions. Les planètes favorables se lèvent l'une après l'autre pour que puissent être établis les rites par lesquels la puissance des dieux est consolidée, et les puissances du mal affaiblies. Râma, le juste, est l'incarnation du Soleil; K rishn a, l'amant, est l'incarnation de la Lune; l'Homme-lion est [Mars] fils de la Terre; Buddha, l'Illuminé, est [Mercure] fils de la Lune; le Nain est le savant Précepteur [des dieux, Jupiter]; Râma-à-la-hache est Vénus, né du craquement du feu-sacrificiel [Bh ri gu]. La Tortue est [Saturne] le fils du Soleil. Le Sanglier est Râhu [qui cause les éclipses], le Poisson est Kétu [la comète]. Toutes les autres incarnations sont aussi nées des errants-de-l'espace. Les êtres dans lesquels l'élément spirituel est prédominant sont les errants célestes, les planètes, tandis que les êtres en qui la vie prédomine sont les êtres vivants. » ( B ri hat Pârâshara Horâ, 1, 26, 31.)

« Les planètes possèdent une conscience, ont un pouvoir d'agir. Elles ont des esprits qui les guident et auxquels elles obéissent. Elles dorment aux êtres vivants le fruit de leurs actions bonnes ou mauvaises. » (Karapâtrî, Shrî Vi shn u tattva.)

Les descentes du Premier Age

Les incarnations du Premier Age du monde, l'âge de vérité (Satya yuga) sont le Poisson, la Tortue, le Sanglier et l'Homme-lion.

INCARNATIONS DE VISHNU 255

La descente du poisson (Matsya-avatâra)

L'histoire du poisson est celle du déluge duquel le poisson sauva le septième législateur (Manu), Vœu-de-vérité (Satyavrata), fondateur de l'humanité présente.

Manu trouva, dans l'eau qui lui était apportée pour ses ablutions, un tout petit poisson qui se glissa dans sa main et lui demanda sa protection. Le poisson dit : « Je te sau-verai d'un déluge qui balayera toutes les créatures de la terre. » Ce poisson grandit et dut être mis dans des récipients de plus en plus grands jusqu'à ce que rien d'autre que l'Océan ne soit assez vaste pour le contenir. C'est alors que Manu le reconnut pour une incarnation de Vi shn u. Le dieu informa Manu du déluge imminent et lui ordonna de s'y préparer. Il lui fit bâtir un navire et quand les pluies arrivèrent, lui ordonna de s'embarquer avec les sages, les plantes et les animaux. Le poisson, qui était de dimensions prodigieuses, nagea vers Manu qui attacha le navire à sa corne, utilisant comme corde le serpent Vestige. Lorsque les eaux baissèrent, le serpent le mena en lieu sûr. Le Bhâgavata Purâ n a (8, 24) nous conte que le poisson combattit sous les eaux le démon Hayagrîva qui avait volé les Veda-s à Brahmâ endormi. Il remit les Veda-s à Vœu-de-vérité, et lui enseigna les principes qui doivent guider l'humanité pendant le cycle présent, ainsi que « la vraie doctrine du Soi et de l'Immensité ».

L'histoire du poisson est racontée dans les Purâna-s, particulièrement le Matsya Purâ n a (chap. 7), le Bhâgavata Purâ n a (8, 24), l' Agni Purâ n a (chap. 2,) le Varâha Purâ n a (chap. 9), etc. Certains traits de cette histoire semblent être une appropriation par Vi shn u d'une ancienne légende peut-

être d'origine babylonienne. (Louis Renou.)

L'histoire varie légèrement d'un Purâ n a à l'autre. La première mention de l'incarnation du poisson se trouve dans le Shatapatha Brâhma n a (1, 8, 1-6). La version du 256 LE POLYTHÉISME HINDOU

Shatapatha est répétée dans le Mahâbhârata, (3, 190, 2-56) avec quelques variantes.

La descente de la tortue (Kûrma-avatâra)

« Vi shn u apparut à nouveau sous la forme d'une tortue pour récupérer les choses les plus précieuses perdues lors du déluge. Les dieux et les anti-dieux employant le grand serpent Vestige comme une corde, barattèrent l'océan de lait. La montagne-lente (Mandara) leur servit de manche.

Ils ne purent arriver à leurs fins que lorsque Vi shn u, prenant la forme d'une tortue, descendit au fond de la mer pour servir de support à la montagne. » ( Bhâgavata Purâ n a, 7, 8.)

Le barattement de la mer en fit sortir la liqueur d'immortalité (Amrita) et le médecin des dieux (Dhanvantari) qui en portait la coupe. Puis apparurent la déesse de la fortune et la déesse du vin, l'élixir d'oblation (soma), les nymphes, le cheval divin, le joyau céleste, l'arbre du paradis, la vache d'abondance, l'éléphant royal, la conque, l'arc et le poisson. ( Mahâbhârata, 1, 18, 48-53; Bhâgavata Purâ n a, 8, 8; Râmâya n a, 1, 45.)

« C'est le Progéniteur qui ayant pris la forme d'une tortue engendra les êtres. Il œuvra (akarot) toute la création. C'est pourquoi le nom de Kûrma (œuvre) [lui est donné]. » ( Shatapatha Brâhma n a, 7, 5, 1-5.) L'histoire de la tortue dont la première mention se trouve dans le Shatapatha Brâhma n a est racontée dans le Mahâbhârata (1, 18), le Râmâyana (1, 45), les Purâna-s ( Agni Purâ n a, chap. 3; Kûrma Purâ n a, chap. 259; Vi shn u Purâ n a, 1-9; Padma-Purâ n a, 6, 259). Le Mârka nd eya Purâ n a (58, 47) décrit le continent indien comme reposant en permanence sur le dos de cette tortue géante qui est Vi shn u.

INCARNATIONS DE VISHNU 257

La descente du sanglier (Varâha-avatâra)

Au commencement de l'âge du monde, connu sous le nom d'âge du sanglier, la Terre entière était submergée par la mer. Vi shn u, prenant la forme d'un sanglier, plongea au fond de la mer. Il tua le démon Œil-d'or (Hira n yaksh a) qui avait jeté la Terre au fond de l'Océan. « Il renfloua alors la Terre et la rétablit flottant sur l'Océan comme un grand navire. Ayant aplani la Terre, il l'orna de montagnes et la divisa en sept continents. C'est alors que Celui-qui-efface-la-douleur prit la forme à quatre visages de l'Être-immense (Brahmâ) et de la tendance orbitante pour créer la vie. » (Vi shn u Purâ n a, 1, 4, 45-50.) Ce mythe est mentionné dans la Taittirîya Samhitâ et le Taittirîya Brâhma n a ainsi que dans le Mahâbhârata (2, 45; 3, 344, 1-29 et 12, 208), le Vi shn u Dharmottara (1, 3, 1-12), le Padma Purâ n a (6, 264), le Vâyu Purâ n a (chap. 6), l'Agni Purâ n a (chap. 4), le Brahmâ Purâ n a (chap. 213), le Linga-Purâ n a ( l r e part., chap. 94), le Karma Purâ n a (1-6).

La Taittirîya Samhitâ (7, 1, 5) explique que le Progéniteur (Prajâpati) prit la forme d'un sanglier pour sortir la Terre de l'océan sans limites. « Cet [Univers] était au commencement liquide. Tout était eau. Sur ces eaux, le Progéniteur se mouvait sous la forme du vent. Il aperçut [la Terre]. Devenant un sanglier il la souleva. Devenant le Grand-architecte il la rabota. Elle s'étendit. C'est pourquoi la terre est appelée l'Étendue (Prithivî). »

Selon le Taittirîya Brâhma n a (1, 1, 3, 6), « Le Progéniteur s'adonna à des mortifications se demandant : « Comment doit être fait l'Univers? » Il vit une feuille de lotus qui se dressait et pensa : « Ce lotus doit partir de quelque chose. »

Prenant la forme d'un sanglier, il plongea et trouva la Terre. Il en prit une poignée et remontant à la surface l'étendit sur la feuille de lotus. Lorsqu'il retendit elle 258 LE POLYTHÉISME HINDOU

devint (abhût) l'Étendue. Ainsi la Terre est appelée la Devenue (Bhûmi). »

Le Taittirîya Ara n yaka (10, 1, 8) dit que la Terre « fut soulevée dans les bras d'un sanglier aux cent bras ».

D'après le Shatapatha Brâhma n a (14, 1, 2, 11), « Elle était large d'une brasse seulement. Un sanglier appelé Emûsha la souleva. »

La descente de l'Homme-lion (Nara-simha-avatâra) Prahlâda, fils du puissant et démoniaque roi des génies Drapé-d'or (Hiranya-Kashipu), était un pieux enfant, dévoué à Vi shn u. Son père essaya de décourager ses inclinations religieuses et lui infligea de cruels tourments.

Trouvant son fils constamment perdu dans ses méditations, il décida de le mettre à mort. On essaya sur lui plusieurs formes de tortures mais sans succès. L'enfant semblait toujours miraculeusement protégé.

Drapé-d'or était lui-même invulnérable. Une promesse que Brahmâ lui avait accordée faisait qu'il ne pouvait être tué ni de jour, ni de nuit, ni par un homme, un dieu ou une bête, ni au-dedans, ni au-dehors de son palais. Vi shn u, pour sauver Prahlâda, apparut au crépuscule qui n'est ni le jour, ni la nuit, comme un homme à tête de lion qui n'est ni homme, ni bête, sortant d'une colonne, ni au-dedans, ni au-dehors du palais. Il déchira de ses griffes les entrailles du génie.

Le culte de l'Homme-lion est ancien. En lui le courage et la force sont vénérés comme des aspects divins. Son culte qui a pour fidèles les rois et les guerriers, a aussi une signification et des rites ésotériques.

« Pourquoi parle-t-on de l'Être divin comme d'un Homme-lion? Simplement parce que, de toutes les créatures, l'homme est le plus fort et le meilleur et que [parmi les animaux]

le lion est le plus fort et le meilleur. C'est pour le bien du INCARNATIONS DE VISHNU 259

monde que l'Impérissable, le Souverain-suprême, prit la forme d'un Homme-lion. On chante sa gloire sous le nom de l'Immanent (Vi shn u) à cause de sa valeur [qui détruit l'ignorance]. Cet homme-bête effrayant est le plus noble des êtres qui se meuvent sur la terre. » ( N ri -simha Purva Tâpinî Upani sh ad, 2-13.)

« On l'appelle fier car il a pris la forme de la plus fière des bêtes. On l'appelle vaillant car il est la personnification du courage. » ( Avyakta Upani sh ad, 2, 3.) La force et le courage sont les vertus inspirées par les vers du Yajur veda. L'Homme-lion est donc considéré comme personnifiant cet enseignement.

« Cet Homme-lion est le Yaju h même. » ( Avyakta Upani sh ad, 2, 3.)

L'histoire de l'homme-lion est contée dans beaucoup d'anciens textes : le Bhâgavata Purâ n a (7e part., chap. 8-10), l'Agni Purâ n a, (chap. 4), le Matsya Purâ n a (chap. 161-163), le Brahma Purâ n a (chap. 189), le Vi shn u Purâ n a ( l r e part., chap. 17-22), le Padma Purâ n a (6e part., chap. 265), le Linga Purâ n a (1re part., chap. 95-96), le Mahâbhârata (3, 273, 57-61), le Harivamsha (3, 42), le Devî Bhâgavata (6, 16). On retrouve cette histoire dans le Taittirîya Ara n yaka (10, 1, 7) et les Upani sh ad-s.

Les descentes du Second Age

Les descentes ou incarnations du Second Age du monde, le Tetra Yuga, sont le Nain et les deux Râma-s.

La descente du Nain (Vâmana-avatâra)

Bali, le roi des anti-dieux, avait par son courage et sa vie ascétique, obtenu la souveraineté des trois mondes. Les dieux, privés de leurs résidences et du fumet des sacrifices, vinrent demander l'aide de Vi shn u. Pour aider les dieux, 260 LE POLYTHÉISME HINDOU

Vi shn u prit naissance comme un nain de la caste sacerdotale, fils du sage Vision (Kashyapa) et de son épouse l'Étendue-primordiale (Aditi). Un jour, le nain apparut devant le vertueux Bali. Il lui demanda de lui donner le morceau de terre qu'il pourrait arpenter en trois enjambées.

Une fois que ceci lui eut été accordé, le nain d'une enjambée couvrit le monde terrestre, d'une seconde enjambée les cieux, et comme il n'avait pas d'autre endroit où mettre le pied, il le posa sur la tête de Bali et l'enfonça dans le monde infernal. Bali, lié par sa promesse royale, dut reconnaître sa défaite; toutefois, en reconnaissance de ses vertus, Vi shn u lui laissa le monde souterrain pour en faire son royaume.

D'après le Ri g Veda, les deux premières enjambées sont visibles mais la troisième mène à la demeure des dieux

« Au-delà du vol des oiseaux ». « Vi shn u enjamba ce [monde]-

ci » et « planta son pied en trois lieux ». (Ri g Veda, 1, 2, 22.)

« C'est lui qui, de trois enjambées victorieuses, traverse l'Univers. » ( N ri -simha Pûrva-tâpinî Upani sh ad, 2, 13.) Les commentateurs des Veda-s considèrent que Vi shn u représente ici Agni sous ses trois formes du feu terrestre, de l'éclair et du soleil1. Aur n avâbha explique que les trois pas sont les positions du soleil, quand il se lève, atteint le zénith et se couche. L'histoire du nain est contée en son entier dans les Purâ n a-s et les poèmes épiques, en particulier le Vâmana Purâ n a (chap. 23-31 et 89-94), le Bhâgavata Purâ n a (8. chap. 17-22), l' Agni Purâ n a (chap. 5), le Matsya Purâ n a (chap. 161-167 et 244-248), le Brahma Purâ n a (chap. 73 et 213), le Padma Purâ n a (chap. 266-267), le Vi shn u -dharmottara (1re part., chap. 121, 6-7), le Devî-Bhâgavata Purâ n a (4e part., chap. 16), le Mahâbhâ-

rata (2, 47, 1-30 et 3, 273, 62-71) et le Râmâya n a (1, 29; 2, 21).

Il existe un parallèle iranien, les trois pas de Amesha Spenta.

1, Sâyana : Commentaire du Ri g Veda, 2, 2, 24.

INCARNATIONS DE VISHNU 261

Râma-à-la-hache (Parashu-râma)

La sixième incarnation est Parashu-râma, Râma-à-la-hache, qui rétablit l'ordre social troublé par ce qui a été appelé la révolte des K sh atriya-s, c'est-à-dire la révolte de la caste princière, nobles, rois et soldats, pour arracher le pouvoir religieux à la caste sacerdotale des lettrés. Cette tendance représente un danger constant pour l'équilibre de la société humaine. Si la révolte des K sh atriya-s réussit, elle amorce les quatre tyrannies qui mènent la société humaine vers son déclin et qui sont la tyrannie sans contrôle des rois, puis la tyrannie sans contrôle des marchands, suivie de la tyrannie de la classe ouvrière, qui conduit elle-même à la tyrannie sans contrôle des prêtres. La révolte des K sh atriya-s ne devait réussir dans l'Inde qu'avec le Bouddha, le prince devenu chef religieux qui représente, d'après les hindous, la source de la décadence de l'Inde.

Parashu-râma combattit et vainquit l'aristocratie chevaleresque qui se croyait maîtresse du monde et il rétablit le principe d'une monarchie contrôlée par une classe sacerdotale de lettrés. Une autre interprétation de cette histoire est qu'elle représente la défaite finale par la théocratie aryenne des anciens royaumes non aryens et de leurs rois investis de fonctions sacerdotales. L'hostilité de Parashu-râma envers les K sh atriya-s indique en tout cas une lutte violente entre eux et les brâhmanes pour le pouvoir politique.

Le lieu des exploits de Parashu-râma serait la côte sud-ouest de l'Inde, bien que certains Purâ n as le placent un peu plus haut, près de la rivière Narmadâ. Les habitants non brahmanes du Malabar actuel se disent encore les descendants des K sh atriya-s vaincus par Parashu-râma et ils donnent encore leurs filles comme concubines aux brâhmanes.

D'après le mythe des Purâ n a-s, Râma-à-la-hache était 2 6 2 LE POLYTHÉISME HINDOU

le cinquième fils du brahmane Jamadagni qui fut trompé et tué par le roi Kârtavîrya et ses fils qui régnaient sur la région de la rivière Narmadâ. Râma, armé de sa hache, massacra à lui seul tous les mâles de sang royal. Vingt et une fois il vida le monde des castes guerrières et distribua la terre aux prêtres. « Ce seigneur vida la terre de K sh atriya-s trois fois sept fois. Il emplit de leur sang les cinq lacs de Samanta. » ( Mahâbhârata, 3, 118, 9.) La classe princière actuelle serait issue des veuves des anciens guerriers fécondées par les brâhmanes. Toutefois, selon le Mahâbhârata, le sage Vision (Kashyapa) aurait remis sur le trône les fils des anciens rois que les sages avaient pu cacher pendant le massacre. « Après ses exploits, Râma-à-la-hache arracha de grands territoires à l'océan et laissant la garde de la terre au sage Vision, il se retira invaincu sur la montagne royale (Mahendra) » ( Mahâ-

bhârata, 3, 118, 13-14) pour y mener une vie d'ascète.

C'est là que les cinq frères Pâ nd ava-s lui rendirent visite durant la guerre du Mahâbhârata.

Râma-à-la-hache descendait par son père du sage Bh ri gu.

Sa mère appartenait à la famille royale des Kushika-s ( Mahâbhârata, 3, 116). Il assista au conseil tenu par les Kaurava-s pour préparer la guerre ( Mahâbhârata, 5, 96).

Il vivait à la même époque que l'autre Râma, Râma le charmant, que glorifie le Râmâya n a, mais il était de beaucoup son aîné et il se montrait jaloux de l'incarnation plus jeune de Vi shn u. Parashu-râma était protégé par Shiva qui lui avait dans sa jeunesse enseigné le maniement des armes et lui avait donné la hache de laquelle il prend son surnom ( Mahâbhârata, 8, 28). Il se mit en rage lorsque l'autre Râma brisa l'arc donné par Shiva (Râmâya n a, 1, 75-76) et le provoqua en un combat dans lequel le vieux Râma-à-la-hache fut vaincu et « privé de sa place dans le monde céleste ».

C'est Râma-à-la-hache qui enseigna à Kar n a l'usage des INCARNATIONS DE VISHNU 263

armes ( Mahâbhârata, 8, 36, 4-6) et qui combattit Bhi sh ma dans une bataille dont les deux adversaires sortirent également meurtris ( Mahâbhârata, 5, 178-185).

Selon le Brahmâ nd a Purâ n a (3, 42), Râma-à-la-hache combattit le Maître-des-cohortes, Ganapati, fils de Shiva.

Sa hache fut brisée dans le combat et dans sa colère il brisa l'une des dents de Ganapati.

Une œuvre tantrique : le Parashurâma Kalpa Sûtra est attribuée à Parashu-râma. Dans le pays de Malabar on compte encore les années d'après l'ère de Parashu-râma.

Cette ère est appelée Kollam â nd u . C'est une ère solaire dans laquelle le commencement de l'année est en août.

Les principales sources de l'histoire de Râma-à-la-hache sont le Vâyu-Purâ n a (chap. 91-93), le Bhâgavata Purâ n a (9e part,, chap. 15-16), l' Agni Purâ n a (chap. 6), le Brahma Purâ n a (chap. 10), le Padma Purâ n a (6e part., chap. 268), le Matsya Purâ n a (chap. 47), le Dêvi Bhâgavata Purâ n a (6e part., chap. 16). Râma-à-la-hache apparaît aussi dans le Râmâya n a mais surtout comme un adversaire de l'autre Râma ( Râmâya n a, 1, 74-76).

L'histoire de Re nuka

La mère de Râma-à-la-hache s'appelait Re n uka. Elle était l'épouse du sage Jamadagni. Un jour, sur la berge d'un lac, elle aperçut le roi des musiciens célestes, Citraratha, essayant des variantes érotiques avec les nymphes.

Elle ressentit le désir de se livrer un jour à de tels jeux.

Ce désir suffit à détruire l'éclat de sa vertu. Jamadagni remarqua que son épouse avait perdu son éclat. Entrant en méditation il vit ce qui était advenu. Il donna l'ordre à ses fils aînés de mettre leur mère à mort, mais ils n'osèrent point. Râma-à-la-hache qui était le cinquième fils accepta, mais il émit le vœu que sa mère renaisse aussitôt, purifiée.

Elle revint à la vie, pure et rayonnante, ayant oublié 264 LE POLYTHÉISME HINDOU

tout ce qui s'était passé. ( Mahâbhârata, 3, 117, 5-19.) On donne en yoga, à cette histoire, un sens particulier.

Re n u ou Re n uka veut dire semence. Les cinq fils sont les centres subtils du corps. Le plus petit est le centre d'Extrême-pureté (Vishuddha cakra) derrière le front.

Râma-à-la-hache représente ce centre. Le mental, représenté par la forêt où jouent Citraratha et ses nymphes, est la Demeure-de-la-luxure. Une fois que le mental a déclenché la force du désir, le yogi ne peut plus rester maître de lui-même.

Sa lumière intérieure est ternie jusqu'à ce qu'il ait réussi à conduire la force de sa semence jusqu'au cinquième centre1.

Râma, le charmant, l'incarnation de la Perfection (Dharma)

Les deux incarnations suivantes qui occupent une place considérable dans l'histoire religieuse de l'Inde sont Râma, le charmant, incarnation du devoir, et K rishn a, l'attirant, incarnation de l'amour.

Râma représente l'aspect solaire de Vi shn u, donc la loi cosmique est pour l'homme le devoir qui consiste pour chacun à se conformer à la loi qui le régit, à réaliser la perfection de sa nature. C'est cette réalisation de soi-même qui est représentée par le terme dharma. L'histoire du Charmant (Râma) est contée dans les Purâ n a-s2, le Mahâbhârata 3 et plusieurs autres ouvrages. La plus ancienne et la plus frappante des histoires du Charmant est le Râmâya n a, écrit par le sage Valmîki et considéré par les Hindous comme la première œuvre épique jamais 1. V. S. Agravala, Shiva Svarûpa, K a l y â n a , Shiva anka, p. 499.

2. Particulièrement Padma Purâ n a, 4e part., chap. 1 à 68 et 6e p a r t . , chap. 269-271 ; Agni Purâ n a, chap. 5 à 11; Brahma Purâ n a, chap. 2 1 3 ; Devi Bhâgavata, 3e part., chap. 2 8 ; Kûrma Purâ n a, 1re part., chap. 2 1 ; Linga Purâ n a, 2e p a r t . , chap. 5.

3. Mahâbhârata, 2 3 , 5 0 ; 3-98; 3, 149-150:, 274-293; 7 , 5 9 ; 12, 28.

INCARNATIONS DE VISHNU 265

écrite. Il existe d'autres Râmâya n a-s, en sanskrit ou dans d'autres langues indiennes. Ils diffèrent parfois assez considérablement les uns des autres. Le plus important est un ancien Râmâya n a en tamoul, le Khamba Râmâya n a.

L' Adbhuta Râmâya n a en sanskrit est le plus philosophique et le célèbre Râma carita Mânas de Tulasi Dâsa en hindi est surtout une œuvre mystique.

Râma fut roi d'Ayodyhâ. Durant le Second Age du monde, il rétablit l'âge d'or de la justice et du bonheur.

L'expression Râma râja (règne de Râma) reste encore aujourd'hui synonyme de prospérité et de paix. Encore prince, Râma fut exilé dans la forêt. Il mena une expédition contre Ceylan pour sauver sa femme Sîtâ enlevée par le démon-roi R â v a n a 1 . Les Râmâya n a-s ultérieurs expliquent que le meurtre de Râva n a, un ange déchu, par la main divine qui lui rendait ainsi le ciel était le but principal de cette incarnation.

« Râma et son frère Lak sh ma n a parcoururent la surface de la terre, apparemment pour retrouver Sîtâ. » ( Râma-Pûrva-Tâpinî Upani sh ad, 4, 18-19.) « Leur but était réellement de délivrer l'un des compagnons célestes de Vi shn u du destin terrible qui l'avait transformé en démon, à la suite d'une malédiction de Brahmâ, et de lui rendre sa nature originelle2. »

La dévotion à Râma est l'une des plus répandues dans toutes les classes de la société hindoue. Le demi-dieu à tête de singe Hanumân, serviteur et ami de Râma, a son temple dans tous les villages du Nord ainsi que dans les anciennes forteresses du Sud.

La signification symbolique du mythe de Râma n'exclut pas sa réalité historique. La divinité incarnée apparaît 1. Le personnage de R â m a est t r è s p r o b a b l e m e n t l'origine du Prince C h a r m a n t des légendes occidentales qui passe p a r des épreuves difficiles pour r e t r o u v e r sa bien-aimée.

2. Commentaire de U p a n i sh a d B r a h m a y o g i n .

266 LE POLYTHÉISME HINDOU

nécessairement entourée de la hiérarchie cosmique. Ceci est mentionné dans plusieurs des textes qui expliquent le sens de la descente du Charmant.

Sîtâ (le Sillon), la compagne de Râma, est la Nature, la force première de création, l'incarnation du rayonnement divin. Elle est le paradis auquel mène la vie ascétique; elle est l'ensemble du monde animé et inanimé, « du savoir et du non-savoir ». ( Devi Upani sh ad, 2.)

« Sîtâ est la mère, Râma le père du monde. Je salue celle qui est le monde visible et celui qui est le non-manifesté.

Je salue celle qui est la contemplation et celui qui est l'objet contemplé. En leur apportant des offrandes, je m'incline devant ce qui évolue et ce qui n'évolue point, devant Sîtâ la semence, et Râma l'immuable. Sîtâ est la Fortune, la Millionnaire (Lak sh mi), tu es l'Immanent.

Sîtâ est la belle Fille-de-la-montagne (Pârvatî), tu es le Seigneur-du-sommeil (Shiva). » ( Padma Purâ n a, 6, 270, 29-31.)

Râma, mot-magique

Râma veut dire charmant. « Râma est ce qui sur terre charme ou brille. » ( Râma-Pûrva-Tâpinî Upani sh ad, 1, 1.)

« Le mot-magique Râma, comme son sens l'indique, représente [l'Univers conscient et inconscient] depuis l'immensité causale jusqu'à [la matière inerte]. Il repré-

sente à la fois l'acte rituel, le rite et celui qui accomplit le rite. Il est un objet de méditation (man) et il protège (tra). C'est pourquoi on l'appelle un mantra, un mot magique qui peut exprimer à lui seul tout ce que les phrases ne peuvent exprimer. » ( Râma-Pûrva-Tâpinî Upani sh ad, 1, 11-13.)

« De même que tout ce qui constitue la nature du grand banyan est contenu dans une graine minuscule, de même tout l'univers, mobile et inerte est contenu dans la semence-verbale Râma. » ( Râma-Pûrva-Tâpinî Upani sh ad, 2, 2-3).

INCARNATIONS DE VISHNU 267

Le nom de Râma est ainsi considéré comme l'une des semences-verbales ou mots-sacrés à puissance magique dont la répétition constitue un important exercice d'union-spirituelle ou yoga. Le monosyllabe Râm est parfois représenté comme le son fondamental, le mot originel duquel tout langage est issu. « Tous les mots du langage sacré ou profane sont issus du nom sacré de Râma et se dissolvent en lui, âge après âge1. »

La Târa-sâra Upani sh ad explique le mythe de Râma comme la manifestation de la syllabe universelle AUM.

« De A sortit l'Être-immense, le Créateur qui devient Jâmbavat, roi des ours. De U sortit l'Immanent (Upendra) qui devint Sugrîva, roi des singes. De M jaillit Shiva qui devint le singe-héroïque Hanumân. La résonance nasale (bindu) devint le lanceur de disque, le Tueur-d'ennemis (Shatrughna), troisième frère de Râma, le son (nâda) de la syllabe sacrée devint le roi Bharata, aîné de ses frères.

C'est ce même son qui est représenté par la conque. La durée métrique (kalâ) de la syllabe devint Lak sh ma n a, le puîné, gardien de la terre. La résonance (kalâtita) qui représente la déesse de la fortune (Lak sh mî), devint Sîtâ.

L'au-delà [la répercussion magique de la syllabe] est le Soi-suprême, la personne cosmique qui est le Charmant Râma, lui-même. » ( Târa-sâra Upani sh ad, 2, 2-5.)

« Cette Immensité-suprême dans les délices de laquelle se perd l'esprit des yogin-s qui n'ont d'autre désir que d'atteindre la joie perpétuelle, est le Charmant, Râma lui-même. » (Yogatrayânanda. Shrî Râmâvatâra kathâ, p. 54.)

L'image de Râma

« Râma est représenté avec la Nature, son épouse, à ses côtés. Il est de couleur sombre, vêtu d'un voile jaune.

1. Lomasha Samhitâ : C o m m e n t a i r e du Padma Purâ n a.

268 LE POLYTHÉISME HINDOU

Ses cheveux sont fixés en un chignon. Il a deux bras, porte deux grands anneaux d'oreilles et un collier précieux.

Il semble fier, tenant son arc et souriant. Il est toujours vainqueur. Les huit pouvoirs acquis par la pratique du yoga augmentent encore sa gloire.

« Sur son genou gauche est assise la cause de l'Univers, l'énergie primordiale appelée la Froide (Sîtâ). Elle a l'éclat pâle de l'or. Ses deux bras sont couverts de bijoux célestes. Elle tient dans sa main un lotus. Proche de Sîtâ, qui est la joie de la conscience, Râma paraît fort et beau.

Derrière lui on aperçoit son frère Lak sh na n a qui est couleur d'or pâle. Il tient un arc et quelques flèches.

Les trois forment un triangle. » ( Râma-Pûrva-Tâpinî Upani sh ad, 4, 7-10.)

K rishna, l'attirant, l'incarnation de l'amour La huitième descente marque la fin du Troisième Age du monde, le Dvâpara-yuga. Vi shn u se manifeste alors sous la forme de K rishn a, nom qui veut dire attirant ou sombre. Il est ici l'incarnation de l'amour du bonheur divin qui efface la douleur. « Le mot K rish veut dire attirer ou faire souffrit et représente l'âge des conflits (Kali yuga). Il suffit que le nom de K rishn a traverse l'esprit de ceux qui l'adorent et ce nom aussitôt efface, dévore, disperse [tous les maux inhérents] à l'âge sombre1. »

« Il est celui qui détruit le mal, celui que l'on atteint à travers les Veda-s. Il est le protecteur des formules-magiques [symbolisées par les vaches], l'inspirateur de toutes les formes du savoir [représentées par les filles des bouviers]. » ( Gopâla-Pûrva-Tâpinî Upani sh ad, 1-5.)

« Un jour Râma, ce Charmant, le clair de lune du monde, pénétra dans la forêt profonde pour protéger les sages ermites que venaient tourmenter les démons. Sa beauté 1. Commentaire de la Kali-santara n a Upani sh ad, 2.

INCARNATIONS DE VISHNU 269

était telle que les sages eux-mêmes en furent troublés.

Les oiseaux, les fauves et autres animaux, les insectes, les arbres, les lianes, tremblaient du désir de l'approcher, de le toucher. Même les fiers démons en le voyant étaient charmés. Tulsi Dâsa raconte qu'ils disaient :

« — Bien qu'il ait défiguré notre sœur, nous ne pourrions

« le tuer car il n'a pas d'égal parmi les hommes. Ami!

« Est-il quelqu'un avec un corps de chair qui puisse ne

« pas être attiré par sa forme ».

« Il était naturel pour des femmes, que tous leurs instincts portent vers la beauté du mâle, d'être séduites par lui.

Mais comment expliquer que des hommes et non point des hommes ordinaires, mais des sages austères qui vivent dans la forêt, ayant renoncé à tous les désirs, soient si profondément troublés qu'ils ne pouvaient masquer leur excitation et suppliaient qu'il leur fût permis de toucher le dieu1? »

Râma dit aux sages : « Même si vous pouviez par le pouvoir du yoga, prendre la forme de femmes, je ne pourrais satisfaire votre désir durant cette incarnation dans laquelle, fidèle à mon vœu, je n'aurai qu'une épouse ».

« Lorsque dans un autre âge du monde, je m'incarnerai en K rishn a, vous naîtrez filles de bouviers et pourrez alors connaître avec moi l'amour. Remplis de joie, ils dirent : Lorsque tu seras ainsi incarné, des parties de toi-même apparaîtront aussi sous forme de bouviers. Puissions-nous alors être des femmes pour que nos corps adaptés l'un à l'autre puissent être unis.

Ayant entendu ces prières que lui faisaient Rudra et tous [les dieux et tous les sages] Râma dit : En vérité, je vous enlacerai alors, j'ai accepté votre requête. » (Krishna Upani sh ad, 1-2.)

1. K a r a p â t r i : Bhagavân, K rishn a aur unke parivâra, S i d d h â n t a , vol. V , p . 134.

2. Upani sh ad B r a h m a - Y o g i n ; Commentaire de la K rishn a Upani sh ad, 1, 2.

270 LE POLYTHÉISME HINDOU

Descendu sur la terre pour établir la religion de l'amour au début de l'âge des conflits, K rishn a naquit, le fils de Devakî, sœur du cruel roi Kamsa. Le sage Nârada avait prédit que Kamsa serait tué par son neveu. Le roi gardait donc Devakî en captivité et il fit tuer ses six premiers enfants. Le septième, Bala-râma, put échapper et le huitième, K rishn a, put être échangé en secret contre la fille d'un bouvier. K rishn a fut donc élevé parmi les bouviers.

Il jouait de la flûte et il séduisit les filles du village. D'un grand courage, il combattit et mit à mort de nombreux monstres et démons. Lorsqu'il eut tué Kamsa il devint maître du royaume. K rishn a joua un rôle important dans la guerre du Mahâbhârata. Il était le cousin et l'allié des Panda va-s.

Les écoles tardives du Vishnuisme considèrent K rishn a comme une incarnation plénière de l'Être-suprême et lui donnent tous les attributs de la divinité absolue.

Râma et K rishn a appartiennent tous deux à la caste des princes-guerriers et non pas à la caste sacerdotale. Tous deux ont la peau sombre. Il y a peu de doutes que sous leur aspect historique, ils représentent d'anciens héros de la tradition pré-aryenne, incorporés dans le panthéon hindou à une date relativement tardive.

« Le héros autour duquel une vaste masse de légende a été réunie, vécut probablement dans l'âge épique, alors que les Hindous n'avaient pas encore avancé très au-delà de leurs premiers établissements du Nord-Ouest. Il joue un rôle très important dans le Mahâbhârata où son caractère est déjà enveloppé d'un certain mysticisme. Des additions et des interpolations lui ont donné un caractère divin. Et c'est en tant que dieu qu'il prononce le fameux chant-divin, la Bhagavad-Gîtâ, une composition de date relativement récente qui aujourd'hui fait partie du grand poème épique. Dans ce discours il se proclame l'esprit suprême universel, la demeure ultime, la personne éter-INCARNATIONS DE VISHNU 271

nelle, antérieure aux dieux, jamais née, immanente.

Le caractère divin de K rishn a est encore accentué dans le Harivamsha, une addition ultérieure du Mahâbhârata et dans les Purâ n a-s, en particulier le Bhâgavata Purâ n a où il trouve son plein développement. C'est là que la vie de K rishn a, est racontée dans le détail depuis sa naissance. Les récits de son enfance occupent une place très importante dans la religion populaire. Ses jeux d'enfant, ses folies de jeune garçon et ses amours d'adolescent sont un sujet sans fin d'étonnement et d'admiration.

Beaucoup des histoires des premières années de K rishn a sont d'invention relativement récente, alors que celles de ses relations avec les Pândava-s sont des plus anciennes 1 . »

La favorite de K rishn a est Râdhâ, la charmante fille de son père adoptif. Râdhâ et K rishn a servent de thème à une grande partie de la littérature et des cultes mystico-

érotiques de l'Inde.

« L'Être-suprême un et absolu qui réside dans le septième ciel, le ciel du Taureau (Go-Loka), se trouvait incapable de jouir des plaisirs de l'amour puisqu'il était seul. Il se manifesta sous une double forme, une lumière noire et une lumière blanche. De Râdhâ, la lumière blanche, fécondée par K rishn a la lumière noire, naquirent l'Intellect-universel (Mahat-tattva), la Nature-fondamentale (Pradhâna) et l'Embryon-d'or (Hira n ya-garbha) qui représentent la totalité de tous les corps subtils. L'amour de K rishn a et de Râdhâ représente allégoriquement l'union de l'Homme cosmique et de la Nature, de laquelle naît l'Univers, » (Karapâtri, K rishn a tattva, Siddhânta, vol. V.)

K rishn a étant l'incarnation de l'Immanent, toutes les circonstances de sa naissance, tout ce qui l'entoure, sont l'expression même de l'harmonie cosmique. Tous les dieux naissent avec lui.

1. Dowson, Dictionary of Hindu Mythotogy, p. 160-161.

2 7 2 LE POLYTHÉISME HINDOU

« La Félicité-suprême devint Nanda, le chef. La connaissance transcendante fut sa mère adoptive Yashodâ...

La syllabe AUM était sa mère Devakî. Le texte des Veda-s devint Vasudeva (son père). Le sens des Veda-s apparut comme son frère Bala-Râma... Les vers sacrés des Écritures se manifestèrent sous la forme de vaches et de vachères.

Brahmâ, l'Être-immense, se fit sa massue. Le dieu Rudra devint sa flûte, Indra sa conque, le Génie-du-mal, l'Anti-dieu qu'il exterminera. Le jardin du paradis apparut comme le parc-des-vaches, les ascètes en étaient les arbres. Le serpent Vestige fut Bala-Râma. Les 16.108 vierges qui furent ses amantes sont les versets des Écritures qui décrivent la nature de l'Immensité. La Haine devint le guerrier Câ nûra, l'Envie, les lutteurs Jaya et Mu sht ika, l'Arrogance était le roi des éléphants, Torture-de-la-terre, l'Orgueil le démon-oiseau Baka. La Bonté prit la forme de Rohi nî, mère de Bala-Râma, la Déesse-de-la-terre celle de Satyabhâmâ, l'épouse de K rishn a. La Lèpre-noire s'incarna dans le démon Agha. L'Age-des-conflits était le roi Kamsa, la Paix-intérieure l'ami Sudâma, la Sincérité Akrura et le Contrôle-de-soi Uddhava. La conque est la déesse de la Fortune Lak sh mi qui n'est elle-même que la nature de Vi shn u. Les jarres de lait brisées lorsque K rishn a volait le lait caillé, sont l'océan de lait. Il joue dans ce lait comme, au début de la création, il jouait dans l'océan causal. Le sage Vision (Kashyapa) [père des dieux] est la baratte [à laquelle il fut un jour attaché] et l'Étendue-primordiale est la corde [qui le lia]. Le pouvoir-de-réalisation et le point-limite d'où commence la manifestation sont la conque et le disque. La massue est la puissance-du-temps (Kâlî) qui détruit tous les ennemis. L'Illusion (Mâyâ) est l'arc (shârnga), la saison fraîche est la bonne nourriture. La tige de lotus, qu'il tient dans sa main comme un jouet, est l'embryon du monde. L'oiseau verbe-ailé (Garu d a) est le figuier sacré. L'ami Sudâma est INCARNATIONS DE VISHNU 2 7 3

le sage Nârada. La dévotion est Râdhâ... L'action est son intelligence qui éclaire tous les êtres, car ce monde visible n'est pas séparé ni non-séparé de lui. Le monde céleste en entier avec ses habitants se manifeste avec lui sur la terre. » ( K rishn a Upani sh ad, 1, 3-26.) L'histoire de K rishn a, est le principal sujet du Bhâ-

gavata Purâ n a, mais est aussi mêlée au thème du Mahâ-

bhârata. Elle est aussi mentionnée dans l' Agni Purâ n a, (chap. 12-15), le Vi shn u Purâ n a, (5e part., chap. 1-33), le Brahma Purâ n a, (chap. 180-212), le Padma-Purâ n a (4e part., chap. 69-83, et 6e part., chap. 272-279), le Devi-Bhâgavata (4e part., chap. 23-24), le Linga-Purâ n a (1re part., chap. 68-69), etc.

La ville sacrée de K rishn a est Mathurâ, décrite comme la résidence de la Sagesse et du Savoir.

« Lorsque l'Univers entier est baratté par la Connaissance, l'essence qui en sort est appelée Mathurâ. » ( Gopâla-Uttara-tâpinî Upani sh ad, 50.) Bala-Râma, frère aîné de K rishn a, est considéré comme la septième descente de Vi shn u lorsque K rishn a lui-même est envisagé comme l'incarnation totale du Divin.

Le Vi shn u Purâ n a (5, 1, 59-63) dit que Vi shn u s'arracha deux poils, un blanc et un noir, qui devinrent Bala-Râma et K rishn a, les deux fils de Devakî. Bala-Râma, quelques jours avant sa naissance, fut transféré du ventre de Devakî dans celui de Rohi nî pour le sauver de la rage du roi Kamsa. Il fut donc élevé avec K rishn a par les bouviers comme un fils de Rohi nî. ( Bhâgavata, 10, 2.) Lui et K rishn a grandirent ensemble. Il prit part aux aventures de K rishn a et accomplit beaucoup d'actions héroïques.