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III
LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX
Les huit sphères d'existence. Les Vasu-s
LES huit sphères d'existence sont :
(1) La Terre (P ri thivi) où réside (2) le Feu (Agni), principe de la nutrition. (3) L'Espace (Antarik sh a) où réside (4) le Vent (Vâyu), principe de la vie. (5) Le Ciel (Dyaus) où réside (6) le Soleil (Sûrya), principe de l'intellect. (7) Les Constellations (Nak sh atra) où réside (8) la Lune (Soma), principe d'immortalité.
Les sphères d'existence et les puissances qui résident en elles sont les principes desquels le monde physique des éléments (âdhibhautika) se développe. Ils sont donc pour l'homme l'aspect le plus immédiat du divin, les dieux les plus directement perceptibles. En tant que premiers degrés de la parution des choses, ils représentent la jeunesse du monde. La Chândogya Upani sh ad (3, 16, 1) les compare avec les premières vingt-quatre années de la vie et les libations du matin.
Le mot Vasu selon les U n âdi-sûtra-s (1-11) veut dire
« ce qui enveloppe ». D'après le commentaire de Shankarâcarya sur la Chândogya Upani sh ad (3, 16, 1), « Les Vasu-s sont ainsi appelés parce qu'ils résident ou sont 138 LE POLYTHÉISME HINDOU
une résidence. » Ce en quoi quelque chose réside ou qui réside en quelque chose est donc appelé Vasu. C'est pourquoi les sphères d'extension, c'est-à-dire les sphères de l'espace et les puissances qui les gouvernent sont les Vasu-s, les « résidences », les dieux des sphères.
Aucune chose ne peut être créée sans un lien, un espace où elle peut se placer, se développer. Les sphères d'existence, les Vasu-s sont les premières manifestations de Brahmâ, l'Être-immense, Seigneur-de-1'étendue, personnification de la tendance orbitante qui crée l'espace particularisé. En tant qu'aspects de la tendance orbitante, les Vasu-s sont représentés comme de couleur rouge.
Le mot Vasu peut aussi être dérivé de la racine vas qui veut dire : briller. Il réfère en ce cas à la splendeur d'Agni et des sphères sur lesquelles il règne. Les Vasu-s sont parfois représentés comme les compagnons d'Indra, dieu de la foudre qui est la forme céleste d'Agni.
Les relations qui existent entre les sphères d'existence et les forces qui les dirigent sont l'origine même des corps physiques et des sens qui les perçoivent. Les Vasu-s forment donc le contenant et le contenu de la totalité du monde sensible.
Dans les Purâ n a-s, en particulier le Vi shn u-purâ n a (1, 15, 111), et dans le Mahâbhârata (1, 66, 19), des noms divers sont donnés aux Vasu-s mais ces noms représentent toujours les mêmes principes.
« Les noms des Vasu-s sont : Apa, Dhruva, Soma, Dharma, Anala, Pratyûsha, Prabhâsa. » ( Vi shn u-purâ n a, 1, 15, 111.)
« Les huit Vasu-s sont : Dhara, Dhruva, Soma, Aha, Anila, Anala, Pratyûsha, Prabhâsa. » ( Mahâbhârata, 1, 66, 19.)
1° Dhava (le courant) et Dhara (le support) représentent la Terre.
LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 3 9
2° Aha ou Aha (omniprésent) et Apa h (Eaux-supérieures) ou Sâvitra (solaire) représentent la sphère de l'espace (Antarik sh a).
3° Prabhâsa (lumineux ou crépusculaire) est le Ciel (Dyaus).
4° Anala (vivant) et Pâvaka (purificateur) représentent le Feu (Agni).
5° Anila (le souffle) représente le Vent (Vâyu).
6° Pratyûsha (cuisant ou lumineux) est le Soleil.
7° Soma (l'Oblation) est la Lune.
8° Dhruva (immobile) représente les Constellations.
En tant que sphères d'existence, les Vasu-s sont la forme visible des lois de l'Univers. Ils sont donc appelés les fils du Législateur (Manu) ou de la Loi-de-perfection (Dharma) elle-même. ( Mahâbhârata, X I I , 7587 et 7540.) Ils s'incarnèrent sur la Terre comme les fils du Gange et retournèrent ensuite au Ciel. ( Mahâbhârata, 1, 3887.) La sphère de la Terre et Agni, dieu-du-feu La première des sphères est la Terre, support (Dhara) de toutes les créatures, nourricière de toute vie.
La Terre est représentée comme une déesse ou comme une vache nourrissant de son lait tous les êtres. Elle est la mère de tout être vivant, la substance de toute chose.
Prithu, le premier roi et l'inventeur de l'agriculture, obligea la Terre à ouvrir, contre son gré, ses trésors et à nourrir les hommes. C'est pourquoi la Terre est P ri thivi, le domaine de Prithu.
La Terre s'unit au Ciel pour former le couple Ciel-Terre (Dyâvâ-P ri thivi) que l'on appelle les deux Lamentations (Rodas) car c'est en eux que réside le Seigneur-des-larmes (Rudra).
Dans les invocations la Terre est souvent identifiée à 1 4 0 LE POLYTHÉISME HINDOU
Aditi, l'Étendue primordiale qui est « l'inépuisable source d'abondance », la première des déesses et la mère des dieux.
Tous les aspects de la nature et de la vie sont les formes, les enfants de la déesse Terre. Les montagnes, les arbres, les rivières, les animaux portent en eux une vie multiple et pourtant une et sont guidés par des êtres conscients qui sont les serviteurs de la déesse Terre.
« Les rivières et les montagnes ont une double nature.
Une rivière paraît n'être qu'un courant d'eau, pourtant elle a une personnalité distincte. Les montagnes semblent des masses Inertes et pourtant leur réalité est autre.
Nous ne pouvons savoir en regardant un coquillage immobile qu'il contient un être vivant. De même les rivières et les montagnes qui semblent inanimées cachent une vie subtile et peuvent parfois prendre la forme qu'elles désirent. » (Kâlikâ-Purâ n a, 20, 10, 13.) Agni (le feu)
La Terre est la résidence du feu. Le feu, capturé et apprivoisé par l'homme, a été le principal instrument de son progrès et de sa puissance. Toute forme de feu est vénérée comme un être divin, mais c'est principalement dans le feu sacré, né de deux morceaux de bois frottés ensemble au cours d'une cérémonie où sont prononcées des formules rituelles, que le Dieu du feu est présent.
Agni est le dieu principal des Veda-s qui lui dédient plus d'hymnes qu'à aucune autre divinité. Il est le média-teur entre l'homme et les dieux, le protecteur des humains et de leurs foyers, le témoin des actions, invoqué dans toutes les occasions solennelles. Il préside à tous les sacre-ments, à tous les grands événements de la vie.
Le fait de briller est, en toutes choses, une qualité d'Agni, c'est pourquoi en le vénérant l'homme acquiert l'éclat de LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 141
l'intelligence et celui de la force, de la santé, de la beauté.
En tant que principe cosmique, Agni joue le rôle de chef parmi les sphères d'existence, mais quand il est envisagé seulement comme le feu terrestre, le rôle principal peut être attribué à ses deux autres aspects : Indra, la foudre, la forme de feu de la sphère intermédiaire de l'espace et Vi shn u, le Soleil, l'Immanent, à la fois souverain de la sphère céleste et du feu intérieur, caché dans tous les êtres où il constitue leur pouvoir de dévorer et de digérer.
Agni est Celui-qui-pénètre-toutes-choses (Vaishvânara).
La compréhension de la nature du feu équivaut à la compréhension de la nature de l'Univers. La science du feu est la clef de tout savoir. Agni est la puissance d'illn-mination intérieure aussi bien qu'extérieure. Il représente la capacité de savoir aussi bien que de percevoir. Il est le Dieu-de-la-science. Les anciennes chroniques d'Agni (Agni Purâ n a) forment l'encyclopédie des sciences traditionnelles.
Dans le Vi shn u Purâ n a, Agni est appelé la Fierté (abhiman). Il est représenté comme le fils aîné de l'Être-immense, le Créateur Brahmâ-Agni jailli de la bouche de la Personne cosmique (Virât-puru sh a) qui est le corps de l'Univers. Dans le monde de l'homme, Agni fut engendré, sous la forme du feu rituel par Fille-de-lumière (Vasubhâryâ), épouse de la Loi-de-perfection (Dharma).
L'Intelligence (Medhâ) est sa sœur. Sa propre épouse est le mot-qui-accompagne-1'oblation (svâha). De son épouse il eut trois fils appelés Pur (Pâvaka), Purifiant (Pâvamâna) et Pureté (Shuci). Ces fils eurent à leur tour quarante-cinq enfants qui sont les aspects divers du feu, formant un total de quarante-neuf formes de feu.
Dans le Harivamsha, Agni est l'un des huit régents de l'espace. Il règne sur la direction sud-est appelée la lumière 1 4 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
avancée (puro-jyotis). C'est dans l'angle sud-est que nous trouvons son image dans les temples.
Agni est rouge avec des yeux jaunes et deux têtes.
Il porte aux dieux les oblations des sacrifices. Son image est d'or avec des ornements rouges. Il a quatre bras, porte une hache et une torche, un éventail (qui sert de soufflet) et une louche. Il tient parfois aussi un rosaire et une lance (Shakti) de feu.
Orné de flammes, il est vêtu de noir. Son étendard est de fumée. Il est accompagné d'un bélier qu'il chevauche parfois. Il apparaît assis sur un chariot que tirent des chevaux rouges. Les sept vents sont les roues de son char.
Agni a sept langues, chacune ayant un nom distinct.
Il s'en sert pour lécher le beurre versé en oblation.
« De solide stature, avec un large ventre, Agni est rouge avec des moustaches, des cheveux et des yeux brun-doré.
Assis sur un bélier, il tient un rosaire et une sphère. Il a sept langues couleur de feu. » (Un Agama cité par le Shabda-Kalpa-druma au mot Agni.)
Comme le dieu des sacrifices, Agni est appelé Mangeur-d'oblations (Hutâsha ou Hutabhuj), Porteur-d'oblations (Havya-vâhana), Messager (Vahni). Parmi ses noms, les plus communs sont : Possesseur (Jâtavedas), Pur (Pâvaka), Brûlant (Jvalana), Riche-de-lumière (Vibhâvasu), Multicolore (Citrabhanu), Resplendissant (Bhûritejas), Flambant (Shikhin), Jaune (Pingesha), Faiseur-d'or (Hira n ryak ri t), Flamboyant (Plavanga), Grandissant-au-dedans-de-sa-mère (Mâtârisvan, c'est-à-dire au-dedans du bois dont il jaillit).
Il est fils du Soleil (Vishvânara), Porteur-de-lotus (Abjahasta), son étendard est la fumée (Dhûma-Ketu), Porteur-de-javelot (Tomara-dhara), il est le Brillant (Shukra), le Pur (Shuci). Aux-chevaux-rouges (Rohitâshva), il chevauche un bélier (Châgaratha). Aux-sept-langues (Saptajihva) il donne la richesse (Dravi n odas).
Dans un hymne célèbre du Ri g-Veda, Indra et les autres LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 4 3
dieux sont appelés pour venir détruire les Mangeurs-de-chair (Kravyâda) ou Noctambules (Rak sh as), ennemis des dieux. Agni est lui-même un mangeur-de-chair. Sous cet aspect il prend une forme terrible. Il aiguise ses crocs d'acier et dévore ses ennemis.
Les dix formes du feu
Il existe dix formes principales de feu, cinq formes naturelles et cinq formes rituelles. Les cinq formes naturelles sont :
1° Agni, le feu terrestre ou feu ordinaire qui peut être visible ou potentiel, c'est-à-dire contenu dans le combustible.
2° Indra (ou Vâyu), la puissance de la foudre qui réside dans les nuages et qui est le feu de l'espace, du monde intermédiaire. Il est la source des conflagrations et des incendies de forêts (dâva-agni), terreur des êtres vivants.
3° Sûrya, le Soleil ou feu des sphères célestes, illumine les mondes et est appelé le feu-du-ciel (divya-agni).
4° Vaishvanara, Celui-qui-pénètre-toutes-choses, est le pouvoir de digestion, d'absorption, qui se trouve en toutes choses, en tout être. Il est le soutien de la vie.
5° Le feu destructeur. Agni naquit des eaux-primordiales où réside l'énergie de l'éclair et sa forme la plus terrible, cachée dans l'élément aqueux, reste toujours prête à détruire le monde. On l'appelle le feu-plongeant (Vâdava-agni), de la racine vad ri « plonger » ou le feu-du-cheval.
Ce feu qui détruira le monde reste dormant dans un volcan appelé la bouche-de-cheval (vâdava-mukha) au fond de la mer australe, aux antipodes de la montagne polaire, le Meru.
Les cinq formes du feu rituel sont : le feu-de-1'immensité (Brahma-agni), le feu-du-Progéniteur (Prâjâpatya-agni), le feu-du-foyer-domestique (Gârhapatya-agni), le feu-des-1 4 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
ancêtres (Dak sh ina-agni) et le feu-du-bûcher-funèbre (Kravyada-agni)1.
« Le feu-de-1'immensité se manifeste durant les rites du Sacrifice. Il sort du morceau de bois que l'on fait tourner rapidement tout en prononçant une formule magique.
Il représente le feu sacré qui jaillit de la substance du monde.
Le feu-du-progéniteur est transmis à l'étudiant céliba-taire lorsqu'on l'investit du cordon sacré. C'est dans ce feu qu'il accomplit les rites d'oblation appelés Agni-hotra.
Il fait le serment de préserver ce feu, de le vénérer, de le nourrir jusqu'au jour où, au bord de la vieillesse, il abandonnera sa maison pour se retirer dans la forêt.
Le feu-du-foyer-domestique est apporté dans la maison durant la cérémonie du mariage. Il demeure le centre de tout le rituel familial. Il doit être maintenu toujours vivant et toutes les oblations offertes par le chef de famille doivent être versées dans sa flamme.
Le feu-des-ancêtres ou feu-du-Sud est celui dans lequel des sacrifices sont offerts aux ancêtres. Les rites d'exor-cisme (abhicâra-yajña) sont aussi accomplis avec ce feu.
Durant les grands sacrifices, un foyer allumé avec les tisons d'un feu-du-Sud est entretenu au-dehors de la porte sud du hall sacrificiel (yajña-ma nd apa). Ce feu détruit les obstacles qui autrement interviendraient pour empêcher le sacrifice d'être conduit avec succès jusqu'à sa fin.
Le feu-funèbre est le feu du bûcher dans lequel le corps de l'homme est jeté comme une dernière offrande. Ce feu 1. Certains textes d o n n e n t six formes de Feu-rituel q u i sont : Le Feu-du-foyer-domestique (Gârhapatya-agni), le Feu-du-rituel-védique (Ahavanîya-agni), le Feu-des-ancêtres (Dak sh ina-agni), le Feu-des-assemblées (Sabhya-agni), le F e u du sacrifice Agnihotra (Avasatthya-agni), équivalent au Feu-du-progéniteur et le Feu-du-culte (Aupâsana-agni).
LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 4 5
ne doit pas être approché par les vivants. » (Vijayânauda Tripâ th i, Devatâ-tattva.)
La sphère de l'espace et Vâyu, dieu du vent Entre la Terre, demeure du feu et le Ciel où le Soleil réside se trouve la sphère-intermédiaire (antarik sh a) de l'espace. C'est le lieu où se meuvent les êtres subtils dont le souverain est Vâyu, dieu du vent.
Le feu, qui dévore tout, est la bouche des dieux, et le vent est leur souffle. Dans les Upani sh ad-s, Vâyu est partout représenté comme la respiration, le souffle vital du Cosmos. Le Mahâbhârata l'appelle la respiration du monde, le souffle universel, l'instigateur de la vie et des êtres vivants ( Mahâbhârata, 12, 328, 35). Vâyu est également la substance et l'essence du Verbe (Vâc). Plusieurs hymnes védiques lui sont adressés. Le mot Vâyu vient de la racine Vâ « souffler ».
Vâyu est un purificateur. Il fut le premier à boire le Soma, l'ambroisie. Il est un voyageur, le messager des dieux, le guide des sacrifices. Il est aussi appelé Vagabond (Vâta) ( Mahâbhârata, 1, 5908 et 3, 11914). Il est celui sans qui on meurt (Marut), celui par qui on vit (Anila), le purificateur (Pâvana). Les trois premiers noms se rapportent à son aspect destructeur, les deux derniers à ses aspects bénéfiques.
Vâyu est l'ami d'Agni, qu'il renforce et qu'il aide.
« Le vent, ami du feu, parfumé, caressant, erre dans la demeure des dieux, stimulant tous les sens. » ( Mahâbhâ-
rata, 12, 8418.)
Le mot Vâyu peut aussi vouloir dire « pénétrer, se répandre ». « Subtil il réside dans l'espace, pénétrant (vyâpya) les trois mondes qu'il emplit. Les Voyants le vénèrent en l'appelant Vâyu. » ( Brihad-devatâ, 2, 32.) Il est le fils des directions de l'espace et il est le régent 146 LE POLYTHÉISME HINDOU
du quartier Nord-Ouest où il réside. D'après le Puru sh a-sukta, Vâyu jaillit du souffle de la Personne-cosmique (Puru sh a). Ailleurs on en fait le fils de Tvasht ri, l'artisan céleste. Dans les Véda-s, Vâyu est ami d'Indra, la foudre.
Il monte près de lui sur un char d'or tiré par mille chevaux et capable d'atteindre le ciel. Le Vi shn u Purâ n a, par contre, fait de Vâyu un serviteur d'Indra.
Vâyu est représenté comme un homme blanc, vigoureux, chevauchant une gazelle. Il porte un arc et des flèches.
Tous ses attributs sont blancs.
« Lorsque parut le puissant Vâyu, je dus employer pour l'arrêter toute ma force car il brise aisément les arbres, les montagnes et toutes autres choses. Il n'existe aucun être dont la force puisse se comparer à celle de Vâyu.
Le Lanceur-d'éclairs (Indra), le Roi-de-la-mort (Yama), le Maître-des-trésors (Kubera) et le Souverain-des-eaux (Varu n a) ne peuvent lui résister. Comment le pourrais-tu, ô arbre! » (Mahâbhârata, 12, 528.)
Le Bhâgavâta Purâ n a raconte qu'un jour le sage Nârada incita le vent à briser le sommet de la montagne polaire.
Vâyu souffla un terrible ouragan qui dura une année, mais la monture de Vi sh nu, l'oiseau Verbe-ailé (Garu d a), protégea la montagne de ses ailes ouvertes et les efforts du dieu des vents furents vains. Nârada lui suggéra d'attaquer la montagne lorsque l'oiseau serait absent. C'est ce qu'il fit. Il brisa alors le sommet qui tomba dans la mer où il devint l'île de Ceylan.
Vâyu est le père du héros Bhîma et du singe Hanuman dont la force est restée légendaire. Vâyu est aussi, d'après le Vi shn u Purâ n a, le roi des musiciens célestes.
La sphère céleste (Dyaus) et le Soleil (Sûrya) Dyaus qui personnifie la voûte céleste, le firmament suprême, est l'un des plus connus des dieux Indo-Euro-LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 4 7
péens. Le Ciel est le père, la Terre, la mère de toutes choses.
Tous les dieux, le Soleil, la Lune, le Vent, la Pluie, l'Éclair, l'Aurore, etc..., sont les enfants du Ciel. Dyaus couvre la terre et la fertilise de sa semence qui est la pluie.
Le mot Dyaus qui représente « le lieu où brillent les dieux » est souvent pris comme un équivalent d'éther (akâsha) « là où brillent le soleil et les autres [astres] ».
L'éther est la manifestation physique de Dyaus.
Le Mahâbhârata (1, 99) raconte que par suite d'une malédiction, Dyaus dut s'incarner dans un homme.
C'est ainsi que naquit Bhi sh ma, le père des héros.
Parmi les noms de Dyaus les principaux sont : Demeure-des-nuages (Abhram ou Maghaveshma), Voile (Ambara), Impartible (Ananga), Ce-qui-recouvre (Vyoma), le Grand-voile (Mahâ-vela), le Réservoir-des-eaux (Pu sh kara), Demeure-des-trois-mondes (Trivi sht apa), Espace (Antarik sh a), Chemin-des-vents (Marudvatma), Séparateur (Viyat), Chemin-des-oiseaux (Vihaya h), Mobile (Gagana).
Le Soleil est l'un des trois dieux principaux des Véda-s.
Il est envisagé sous deux aspects. Comme l'une des sphères-d'existence, l'un de Vasu, le Soleil est la forme céleste du feu, d'Agni. Comme la source de la lumière, de la chaleur, de la vie, de l'intelligence, l'énergie solaire est l'origine de toutes les formes de vie représentées dans les douze fils de l'Immensité-primordiale (Aditya-s), les douze Principes-souverains.
Le Soleil est au centre de la création, au centre des sphères. Au-dessus de lui sont les sphères non-manifestées, celle de l'Auto-engendré (Svayambhu) et celle de la Volonté-suprême (Parame shth in). Au-dessous de lui sont les sphères du monde manifesté, celles de la Lune et de la Terre. Le Soleil représente la limite, le point où les mondes manifestés et non manifestés se rejoignent. « Le Soleil représente donc le principe-suprême d'abord non manifesté, 1 4 8 LE POLYTHÉISME HINDOU
puis manifeste. » ( Chândogya-Upani sh ad, 3, 19, 1.) Il est pour nous la porte qui conduit vers les aspects non manifestés du divin, l'ostensoir à travers lequel la réalité divine peut être perçue. « Le Soleil est la porte du chemin des dieux. » ( Mahâbhârata, 13, 1681.) En tant que source de lumière physique, mentale et spirituelle, le Soleil est l'image la plus proche du divin que nous puissions concevoir. « Le Soleil est la divinité visible, l'œil du monde, la cause du jour. Il existe éternellement. Nul autre dieu ne peut lui être comparé. Il est la source du temps. Les planètes, les étoiles, les sphères d'existence (Vasu-s), les Principes-de-vie (Rudra-s), le Dieu du vent, le Dieu du feu et tous les autres dieux ne sont que des parties de lui. » ( Bhavishya Purâ n a.) Le Soleil est l'origine visible du monde où nous vivons.
« Tout ce qui existe est né du Soleil. » « De tout ce qui est, fut et sera, de tout ce qui se meut ou demeure immobile, le Soleil seul est l'origine et la fin. » ( B ri had-devatâ, 1, 61.)
« L'Esprit-solaire, la divinité qui réside dans la sphère du Soleil (Sûrya-Ma nd ala) est le principe de tout développement et est donc l'origine de l'évolution (Bharga). »
« Ce principe d'évolution est l'âme de tout ce qui existe, des choses animées ou inanimées qui se trouvent dans les trois mondes. Il n'est rien en dehors de lui. » ( Brâhma n a-sarvasva, cité dans The Garland of letters, p. 262.) Au moment de la création, « l'œuf du monde se divisa en deux parties, l'une d'argent, l'autre d'or. La partie d'argent devint la terre, la partie d'or, le ciel. La coque extérieure de l'œuf forma les montagnes, la membrane intérieure, les nuages et la neige. Les veines intérieures devinrent les rivières, le liquide dans l'œuf forma l'océan.
Lorsque le Soleil apparut on entendit un grand cri et de ce cri naquirent tous les êtres et leurs plaisirs. C'est pourquoi quand il se lève et se couche on entend des cris et des LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX
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chants. Tous les êtres et leurs désirs s'élèvent vers lui.
Ceux qui vénèrent le Soleil comme l'absolu entendent constamment des sons merveilleux et sont remplis de joie ». ( Chândogya-Upani sh ad, 3, 19, 1-4.) Fait d'un feu qui consume sa propre substance, le Soleil est identifié au sacrifice cosmique. Il est dit que le Progé-
niteur, principe du sacrifice (Yajña-prajâpati) devenant le Soleil, procrée les vivants. En tant que dieu de la procréation il est représenté sous la forme d'un taureau.
Dans le feu solaire qui s'engendre lui-même, la semence du Souverain-suprême est incessamment versée comme offrande et comme combustible. (Voir : Motilal Sharma Gau d, Ishopani sh at Vijñâna-bhâ sh ya, p. 61.)
« Par l'entremise de ses rayons [le Soleil] instille la vie dans les blés et les êtres-vivants. Il est le père de tous. »
( Mahâbhârata, 3, 135.) Le Soleil est appelé le Nourrisseur (Savit ri).
« Quand le Soleil se lève, il entre dans le quartier Est et soutient de ses rayons les habitants de l'Est. Il illumine le Sud et l'Ouest, le Nord, le haut, le bas et tout ce qui se trouve entre eux et il fait subsister tous les êtres par ses rayons. Il se lève et, avec lui, l'Univers, l'Être cosmique, la vie, le feu, apparaissent. L'Écriture dit que le Soleil resplendissant qui personnifie l'Univers, sait tout, soutient tout, éclaire et réchauffe toutes choses de ses mille rayons, de ses tourbillons multiples. Toujours présent, il se lève, apportant la vie à toutes les créatures. » ( Prashna Upani sh ad, 1, 6-8.)
Formé d'un principe dévorant, le Soleil est le destructeur. « A la fin des temps, il dessèche le monde entier. »
( Mahâbhârata, 12, 11057.)
Créant, soutenant, détruisant perpétuellement la vie, ravissant tous les êtres par sa lumière multicolore, le Soleil est la forme visible de Mâyâ, le pouvoir d'enchantement de l'Être suprême. Il est digne d'être adoré 1 5 0 LE POLYTHÉISME HINDOU
(Vare n ya). « Quand le Soleil se lève, tous se tournent vers lui. » ( Mahâbhârata, 7, 8459; 3, 11847.)
« Je salue la substance de toutes choses, celui qui est tout, qui personnifie l'Univers, la lumière sur laquelle le Yogi se concentre. » ( Mârka nd eya Purâ n a, 105, 5).
« Digne d'être glorifié, il est l'origine de tout, la lumière suprême, distincte du feu, qui existe au commencement.
« Je te salue, matière dont les dieux sont l'esprit, être resplendissant, permier né, transcendant. » ( Mârkandeya Purâ n a, 105, 7.)
« Il est le Soi des yogis qui cherchent à dissoudre leur intellect. Il est le conscient de ceux qui cherchent la connaissance. Il est le dieu du sacrifice pour le sacrifiant. »
( Mârka nd ega Purâ n a, 111, 6-2.)
« Le Soleil est l'âme du monde. » (Ri k-Samhitâ, I, 115, 1.) Le dieu-soleil est cet esprit même qui habite notre âme, car « l'être qui réside dans l'homme et l'être qui réside dans le Soleil sont un ». ( Taittirîya Upani sh ad, 8.) Étant notre être même, la divinité solaire guide nos facultés intérieures et régit tous nos cycles vitaux. Le Soleil inté-
rieur est perçu par le yogi dans le fond de son cœur comme une source éblouissante de lumière qu'il compare à un feu sans fumée.
L'image du soleil
« L'être doré qui réside dans le soleil a une barbe et des cheveux d'or. Tout en lui est resplendissant jusqu'aux bouts de ses ongles. Ses yeux sont brun doré comme la fleur de kapyâsa. Sa gloire est immense. Il est au-delà du mal. En vérité celui qui le comprend s'élève au-delà de tout mal.
« Ses deux voix sont le Ri k et le Sâma. C'est pourquoi il est appelé le Haut-chant (udgîtha). Celui qui le chante est le Haut-chantre (udgât rî). Il est le souverain des LES SPHERES ET LEURS DIEUX
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mondes supérieurs, de l'Au-delà où se réalisent les désirs des dieux. » ( Chândogya Upani sh ad, 1, 6-8.) Il existe des temples du soleil dont il est la divinité principale. Son image est « couleur de cuivre, rouge et bronzée. De bon augure, ne créant pas la crainte, il est entouré des innombrables Principes-de-vie (Rudra-s) qui résident dans toutes les directions ». ( Nîlarudra Upani sh ad, 1, 9.)
Selon le Vi shn u- Purâ n a, le Soleil a l'apparence d'un nain, avec un corps couleur de cuivre bronzé et des yeux légèrement rouges. Sa résidence est la Cité-resplendissante (Vivasvatî ou Bhâsvatî).
Son cou est comme l'écaillé de la tortue. Il porte des bracelets et un diadème dont l'éclat illumine tous les quartiers du ciel. ( Mahâbhârata, 3, 17077.) Ses boucles d'oreilles lui furent offertes par la déesse-mère Aditi. ( Mahâbhârata, 3, 17118.)
Le Soleil a deux bras, très longs, ou quatre bras. Il est vêtu des pieds à la poitrine « à la mode du Nord » ( B ri had Samhitâ), ou bien il porte des bottes et une ceinture.
« Surveillant les mondes, il voyage sur un char d'or, tour-nant en rond avec la nuit, il établit [à leur propre place]
les immortels et les mortels. » ( Taittirîya Samhitâ, 3, 4, 11-12.)
Les chevaux du Soleil sont mentionnés dans le Ri g Veda : « que le Soleil arrive avec ses sept chevaux ! »
( Rig Veda, 5, 45, 9.) Son chariot n'a qu'une roue. « Le Resplendissant se meut sur son orbite sur un char à une roue. » ( Mahâbhârata, 12, 362, 1.) Dans son char le Soleil est assis sur un siège de lotus. Les chevaux ou juments traînant le char peuvent être quatre ou sept. Parfois c'est un cheval unique, mais à sept têtes qu'entoure un halo de rayons. Quelquefois ce char est traîné par un dragon (Nâga).
Le cocher du Soleil, connu pour sa sagesse, est le Rouge 1 5 2
LE POLYTHÉISME HINDOU
(Aru n a), le frère aîné de l'oiseau Verbe-ailé (Garu d a) Aru n a, comme le Resplendissant (Vivasvat), également fils du voyant Kashyapa, est le dieu de l'aurore. Il se tient debout sur le char devant le Soleil et son robuste corps protège le monde de la fureur solaire. Aruna est plus beau que le dieu de la Lune lui-même.
Dans les Purâ n a-s, le Soleil est le fils du sage Vision (Kashyapa)1 et de la déesse-mère qui s'appelle Étendue-primordiale (Aditi). C'est de ce couple que sont nés tous les dieux. Le Râmâya n a mentionne l'Être-immense (Brahmâ) comme le père du Soleil. Toutefois Brahmâ est habituellement considéré comme le père de Vision (Kashyapa), donc le grand-père du Soleil.
Selon le Kurma Purâ n a (20e âdhyâya), le Soleil a quatre épouses : Connaissance (Samjñâ), Souveraineté (Râjñî), Lumière (Prabhâ) et Ombre (Châyâ). Le Mârka nd eya Purâ n a mentionne seulement Connaissance et Ombre.
Ailleurs les femmes du Soleil sont appelées Multicolore (Savar n a), Existence-personnelle (Svati) et Grand-courage (Mahâ-Vîryâ). Quelquefois on fait du Soleil l'époux de l'Aurore (Ushas), quelquefois son fds. Dans le Mahâbhâ-
rata, Connaissance (Samjñâ) est la fille du Grand-architecte (Vishvakarman) (1, 2599). Elle est appelée Resplendissante (Suvarcalâ) (12, 6751).
Le Dieu-Soleil a plusieurs enfants. Le législateur Manu, le Souverain des morts, Yama, et la rivière Yamuna sont nés de Connaissance d'après les Kûrma et Mâr-ka nd eya Purâ n a-s. Le Mahâbhârata remplace Yamuna par Yami, sœur jumelle de Yama.
Selon le Kûrma Purâ n a, Souveraineté (Rajñî) eut un fils, Revanta (le Mobile); Lumière (Prabhâ) enfanta Aurore 1. D ' a p r è s le Mahâ-bhâshya, le m o t K a s h y a p a est la forme invertie de Pashyaka (vision). Ce genre d'interversion des syllabes est d ' u n usage fréquent pour les m o t s symboliques ou magiques a y a n t un usage ésotérique. D a n s le Mârka nd eya Purâ n a, le m o t K a s h y a p a v e u t dire « buveur de vin ».
LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 5 3
(Prabhâta) et Ombre (Châyâ) eut pour fils le législateur Sâvarni (de même couleur). Pour le Mârka nd eya Purâ n a, Sâvarni, Revanta et Saturne (Shani) sont les fils d'Ombre.
Le Mahâbhârata nous dit que le héros Kar n a était le fils illégitime du Soleil par Kunti. Le Soleil est aussi le père du roi des singes Sugriva. Vaivasvata Manu, le législateur, fils de Connaissance (Samjñâ) et du Soleil, fut le père d'Ik sh vâku, le fondateur de la dynastie solaire. Toutefois l'éclat du Soleil était si violent que Connaissance (Samjñâ) ne put le supporter longtemps. Elle laissa donc Ombre (Châyâ) aux côtés du Soleil et se retira dans la forêt pour se consacrer à la religion. Pour se cacher elle avait pris la forme d'une jument. Le Soleil, l'ayant découverte, se changea lui-même en cheval et s'approcha d'elle sous cette forme. Elle lui donna deux fils aux têtes de chevaux, les Ashvin-s, qui sont les dieux jumeaux de l'agriculture.
Après la naissance des Ashvin-s, le Soleil ramena son épouse à la maison. Pour adoucir ses souffrances, le père de Samjñâ, le Grand-architecte Vishvakarman plaça le Soleil sur sa meule et enleva un huitième de ses rayons, le rognant de partout sauf les pieds. Ces morceaux de rayons tombèrent sur la terre et c'est avec eux que Vishvakarman façonna le disque de Vi shn u, le trident de Shiva, la massue de Kubera, la lance de Kârtikeya et les armes des autres dieux.
Les deux noms les plus courants du Soleil sont Sûrya (lumineux) et Aditya (fils de l'Étendue-primordiale). Le mot Sûrya vient de la racine sur ou svar qui veut dire briller. De la même racine vient aussi svarga (le ciel) qu'il éclaire. « Lorsque l'Éternel, le Soi-unique, le Pouvoir-de-connaître, désira un second, une lumière apparut qui fut appelée Sûrya. » ( Varâha Purâ n a, 26, 1-2.) Le mot Aditya veut dire « fils de l'Étendue-primordiale »
mais peut aussi signifier « origine ». « C'est en tant qu'origine du monde que le Soleil est appelé Aditya. » ( Varaha Purâ n a, 1 5 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
26, 7.) Le Soleil est le Bouc-à-une-patte (Aja-ekapâda), le bouc étant le symbole des trois tendances fondamentales.
On appelle encore le Soleil par d'autres noms. Il est le Purificateur (Pâvaka), la Source-de-vie (Jîvana), le Victorieux (Jayanta), le Diviseur (Ravi). ( Varaha Purâ n a, 26, 5.) Né d'un œuf sans vie ( M ri tâ nd a) il est appelé Mârta nd a.
Il est Procréateur et Nourricier (Savit ri ou Savitâ), le Maître-du-jour (Arhapati), l'Œil-du-monde (Jagat-cak sh u ou Loka-cak sh u), le Témoin-des-actes (Karma-sak sh in), le Roi-des-planètes (Graha-râja), Celui-aux-cent-rayons (Sahasra-Kira n a ou Sahasrâmshu), Celui-aux-rayons-rognés (Vikarttana), l'Ame-des-douze (Dvâdashâtman), Celui-aux-sept-chevaux (Saptâshva h), le Joyau-du-ciel (Dyuma n i), le Maître-des-planètes (Graha-pati), le Pénétrant (Heli h), le Voyageur-de-1'espace (Khaga h), l'Ami-du-lotus (Padma-bandu h), le Porteur-de-lotus (Padma-pani), l'Ennemi-des-neiges (Hîmârâti h), l'Effaceur-de-l'obscurité (Tamopaha h).
Les autres noms du Soleil rappellent surtout son éclat (voir Mahâbhârata, Hymne au Soleil, 2, 166 et Varâha Purâ n a, 26). Arka vient de arc, « briller »; Tamisra-han veut dire Tueur-de-l'obscurité ; Tamonuda, Disperseur-de-l'obscurité; Divâkara, Faiseur-du-jour; Diptamshu, Aux-rayons-flamboyants; Prabhâ-kara, Producteur-de-lumière; Citra-bhânu, Clarté-multicolore; Bhânu, Rayonnant; Bhâskara, Faiseur-de-lumière; Vibhâ-vasu, Demeure-de-lumière; Vivasvat, Resplendissant; Rohita, le Rouge; Gopati, Maître-du-bétail; Bradhna, Lié-par-ses-rayons.
L'Aurore (Ushas)
Dans le Ri g Veda, l'Aurore, Ushas, apparaît comme une fille qui découvre ses seins pour être admirée. Toujours jeune, elle repousse l'obscurité et éveille tous les êtres vivants. Elle se meut sur un char splendide. Sœur de la Nuit LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 5 5
elle est l'épouse ou la maîtresse du Soleil, la fille du Ciel.
Selon les Brâhma n a-s, elle a des rapports incestueux avec son père, le Progéniteur (Prajâpati).
La sphère des Constellations (Nak shatra-s) et la Lune ( S o m a )
Au-delà du monde solaire existent des sphères immenses qui n'appartiennent plus au monde des humains et où tous les aspects relatifs de l'espace et du temps qui conditionnent l'existence terrestre n'ont plus cours. Ces sphères représentent pour nous les aspects transcendants de l'Être cosmique, le pouvoir sans limites duquel l'Univers est né.
Elles sont la demeure de l'Inconnaissable, que l'on appelle l'Auto-engendré (svayambhu). Au-delà se trouve la sphère de la Volonté-suprême (Parame shth in). Ces sphères lointaines situées au-delà des limites du monde solaire sont appelées les sphères des Constellations.
Le Soleil apparaît donc bien ici pour nous comme le centre des mondes, étant la limite entre le monde terrestre et l'espace de notre univers, d'un côté et les sphères transcendantes de l'Auto-engendré et de la Volonté-suprême, de l'autre. Les expressions symboliques que nous pouvons employer pour représenter ces sphères inconnues sont certaines d'être inadéquates mais les symboles sont les seuls instruments par lesquels nous pouvons indiquer leur existence.
Les principes supérieurs, les dieux, résident dans ces mondes supra-solaires que sont les sphères des Constellations. C'est là aussi que se trouvent les esprits des ancêtres.
Le contact avec ces mondes n'est possible qu'à travers les rites du sacrifice. C'est pourquoi les Constellations, les Nakihatra-s sont filles de l'Art-rituel (Dak sh a). Elles sont les épouses de la Lune qui est la coupe d'ambroisie et le régent du mental.
156 LE POLYTHÉISME HINDOU
La Lune, coupe de la liqueur oblative (Soma) Dans les hymnes tardifs du Ri g Veda, ainsi que dans l' Atharva Veda et les Brâhma n a-s, la liqueur oblative, le Soma, est identifiée à la Lune qui en est la coupe et au Dieu-lunaire qui en est la personnification. Soma est le nom le plus fréquemment employé pour la Lune dans le Mahâbhârata. La Lune est le calice d'ambroisie divine que boivent les ancêtres et les dieux et qui s'emplit à nouveau de lui-même. La substance lunaire est faite de tout ce qui est doux, gracieux, soumis : l'offrande, la victime, le combustible du sacrifice ainsi que le sperme, la semence de vie.
En tant qu'élixir de vie, donneur d'immortalité, Soma n'appartient pas au monde de la mort. Sa nature est donc celle des sphères supra-solaires. La Lune est le souverain du monde des Constellations et le symbole des sphères immortelles où résident les ancêtres, au-delà de la mort.
En Yoga, le Soma, l'ambroisie, est le nom donné à l'énergie sexuelle. Le sperme est fait de la même substance que le mental. En sublimant son énergie procréatrice, le yogi acquiert des pouvoirs mentaux prodigieux. La Lune est la coupe de sperme, la substance du mental. Elle est l'organe de la pensée de l'Homme-cosmique (Virât puru sh a), le lieu de la pensée universelle.
En tant que l'essence du désir sublimé, la Lune est faite des os de Kama, le dieu de la luxure, dont le corps fut détruit par un seul regard de Shiva, le grand yogi.
La Lune est divisée en sept doigts. Chaque jour les dieux en boivent un doigt. Durant les éclipses solaires le dernier doigt est absorbé par le Soleil. C'est à ce moment que, dans un effort pour boire au moins ces dernières gouttes de l'élixir d'immortalité, le démon Râhu tente de dévorer le Soleil.
« Lorsque les dieux se partagèrent la liqueur d'immortaLES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 5 7
lité, la Lune reconnut l'anti-dieu Râhu, déguisé en dieu, qui s'apprêtait à boire. C'est à cause de la Lune que Râhu fut condamné à mort, mais bien que sa tête ait été séparée de son corps, elle ne pourra jamais cesser de vivre car ses lèvres avaient touché la liqueur d'immortalité.
Cette tête reste donc en vie, et par vengeance, chaque fois que la lune est pleine, Râhu cherche à la dévorer. C'est la légende des éclipses. » ( Devatâ tattva.) Le monde est une pensée divine, une vibration dans le substrat causal. C'est pourquoi la Lune, le mental-cosmique, est assimilée aux eaux-primordiales (Ap), dont les vagues donnent naissance à toutes les apparences du monde tangible.
« Car le Soleil est le principe de la vie et les eaux-primordiales sont la Lune. Ces eaux sont la source de tout, de ce qui est visible et invisible. Les eaux sont l'image du tout. » ( Prashna Upani sh ad, 1, 5.) La Lune, en tant que dieu de l'élément liquide, régit les marées de la mer. La sphère de la Lune est une citerne d'eau de pluie. Les êtres subtils, descendant des mondes célestes, traversent la sphère lunaire et descendent sur terre dissous dans l'eau de pluie. C'est ainsi que les âmes errantes, cherchant à s'incarner, pénètrent d'abord dans les plantes, puis dans les animaux et les hommes.
En tant que le lieu d'où les âmes errantes descendent sur la terre, la Lune est représentée comme la demeure des esprits transmigrants et des ancêtres. En tant que réserve de pluies, la Lune est le roi des plantes, le dieu lecteur de la vie végétale. Les propriétés des plantes médicinales deviennent plus actives durant les éclipses.
La Lune apporte la pluie, elle fait fleurir le lotus. Ses doux rayons calment la terre brûlée par les ardeurs du Soleil.
« Bien que du point de vue de la Création, la Lune soit née la dernière, qu'elle soit le monde le plus bas, il se trouve qu'elle encercle la terre, et que du point de vue de la réinté-
158 LE POLYTHÉISME HINDOU
gration, du point de vue de l'esprit libéré qui veut échapper au monde terrestre, la sphère lunaire, qui est la sphère du mental, sépare le monde physique, la Terre, de la sphère solaire faite de lumière et d'intelligence. Il nous faut traverser la sphère du mental avant de pouvoir atteindre le Soleil, le monde de la vérité, la porte des mondes transcendants. » ( Devatâ tattva. ) Le Dieu-Lune est représenté sous la forme d'un homme portant un croissant sur le front. Il est accompagné par le Soleil ou par deux épouses. Tous ses attributs sont blancs. Il monte une antilope.
« Le Dieu-Lune est blanc, vêtu de blanc, il porte des ornements d'or. Il est assis sur un chariot que tirent dix chevaux. Il a deux bras et porte dans une main une massue tandis que son autre main fait le geste d'éloigner la crainte. »
( Kalikâ Purâ n a, 81.)
« Large de deux envergures, il est assis sur un lotus.
Il est de la race des marchands et a pour père Détachement (Atri), le fils de l'Océan. » ( Graha-yâga-tattvam.) Selon les Purâ n a-s, le char de la Lune a trois roues et est tiré par dix chevaux plus blancs que le jasmin, cinq à droite du timon, et cinq à gauche. Ce char a deux cochers.
On utilise de nombreux noms et épithètes pour parler de la Lune tels que : le Lumineux (Candra), la Goutte
[de soma] (Indu); Celui qui porte la marque du lièvre (Shashi); le Faiseur de la nuit (Nishâkara); le Seigneur des Constellations (Nak sh atra-nâtha) ; Celui dont les rayons sont frais (Shitamarîci); Aux blancs rayons (Sîtâmshu); marqué comme un chevreuil (M ri gânka), Couronne de Shiva (Shiva-shekhara); Seigneur du lotus (Kumuda-pati); Aux chevaux blancs (Shveta-vâjin). Selon la B ri had-devatâ, commentant le Ri g Veda, 10, 85, le nom principal de la Lune, Candramâ, a la signification suivante : « Le Dieu-Lune court (dramati), joliment (câru) ou en regardant (câyam), ou bien « il court » digne d'être regardé LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 5 9
(câyana). Ou bien, partant du verbe cam (boire [le soma]), il façonne l'agrégat des êtres. » (B ri had-devatâ, 7, 129.)
« La Lune n'est pas souvent vénérée de nos jours, mais les phases de la Lune règlent l'ordre des fêtes et des jeûnes.
En adorant la Lune, l'homme se libère de ses faiblesses physiques et mentales. Il acquiert l'aptitude à concentrer son esprit. On vénère aussi la Lune pour obtenir la beauté physique. En concentrant leur pensée sur le disque lunaire, les yogi-s sont capables de voir les événements présents, passés et futurs. » ( Devatâ tattva.) L'influence de la Lune détruit les amants malheureux.
L'histoire de la Lune
Le Vi shn u- dharmottara (1, 106) et le Skanda Purâ n a (4, 1, 14) font de Soma, la Lune, le fils du sage Détachement (Atri) et de son épouse Bienveillance (Anasûyâ). Ailleurs il est décrit comme le fils de la Loi-éternelle (Dharma) ou du Resplendissant (Prabhâkara, le Soleil), lui-même un descendant d'Atri. Il est conté aussi que la Lune apparut lors du barattement de la mer. ( Bhâgavata Purâ n a, 11, 13; Mahâbhârata, 12, 203.) Le Vi shn u Purâ n a fait de la Lune un brâhmane et l'appelle prêtre, mais la B ri had âra n yaka Upani sh ad le considère comme un K sh atriya, ou chevalier.
« Lorsque l'Océan fut baratté, la Lune en jaillit joyeusement juste après la déesse de la Fortune, et répandit de ses mille rayons une douce clarté. » ( Mahâbhârata, 1, 18, 34.)
« Détachement (Atri), né de la pensée de l'Être-immense, était un grand ascète. Désirant engendrer une descendance, il pratiqua pendant trois mille années célestes les plus sévères austérités. Ceci nous est conté. Son sperme, remontant en lui, se changea en ambroisie et jaillissant de ses yeux se divisa en dix parties qui illuminèrent les directions de l'espace. Sur l'ordre de l'Être-immense, les déesses 1 6 0 LE POLYTHÉISME HINDOU
des dix directions le reçurent dans leur sein. Mais, ô Roi, elles furent incapables d'en supporter l'éclat. La semence qu'elles ne purent retenir s'écoula sur la terre. Voyant tomber le Soma, le sperme divin, l'Être-immense qui est le Progéniteur, considérant le bien du monde, prit ce Soma qui est la Lune dans son char et par trois fois fit avec lui sept fois le tour de la Terre qu'entoure l'Océan. Quelques gouttes de l'ambroisie lunaire tombèrent sur la Terre et devinrent toutes les plantes utiles dont vit le monde. Le Dieu-Lune fut élevé par l'Être-immense qui lui fit épouser les vingt-sept filles de l'Art-rituel [qui sont les maisons lunaires] appelées Ashvini, etc. Mais le Dieu-Lune n'était amoureux que de la seule Rohi n i... Art-rituel alors le maudit, en disant : « Puisque tu as failli à ton serment,
« tu seras pris de consomption et ta semence ne portera
« pas de fruit. Tu guériras pendant la deuxième quinzaine
« de chaque mois et la consomption te dévorera à nouveau
« pendant les quinze jours qui suivront. Ayant ainsi reçu
« un bon et un mauvais présage, Soma scintille dans le
« ciel, croissant et décroissant. » ( Padma Purâ n a, Sarga-Kha n da, et Mahâbhârata, Shalya-parva, chap. 36.) (Voir également Bhâgavata Purâ n a, 6, 7, 23-24.) Le Dieu-Lune d'abord était pieux et offrit un grand sacrifice appelé Râjasûya. Plus tard il devint arrogant et lubrique. Il enleva pour en faire sa maîtresse l'Étoile (Târâ ou Târakâ), épouse du Précepteur-des-dieux B ri haspati et il refusa de la rendre. Une querelle s'ensuivit dans laquelle le sage Ushanus, les anti-dieux et les génies (Dânava-s, Daitya-s, etc.) s'allièrent à Soma. Le Roi-céleste (Indra) et la plupart des dieux se rangèrent aux côtés de B ri haspati. Dans la terrible bataille qui s'ensuivit la Terre fut secouée jusqu'à son centre. Le corps de Soma fut coupé en deux par le trident de Shiva. Brahmâ finalement arrêta le combat et força Soma à renvoyer l'Étoile à son mari. L'Étoile donna bientôt naissance à un fils de la LES SPHÈRES ET LEURS DIEUX 1 6 1
Lune qui est [la planète] Mercure (Budha). C'est par lui que commence la lignée des rois-lunaires. » ( Vi shn u Purâ n a, 4, 6; Bhâgavata-Purâ n a, 9, 14; Harivamsha, 1, 25; Padma-Parâna, 12; Brahma Purâ n a, 23; Devî-Bhâ-
gavata, 1-11; Vâyu Purâ n a, 90-91.) IV
LES DIEUX DES SPHÈRES DE L'ESPACE
Les dieux de l'espace et de la vie, les Marut-s on Rudra-s
LES Marut-s et les Rudra-s sont les divinités du monde subtil, de la sphère intermédiaire ou sphère-de-l'espace, situés entre le Ciel et la Terre (Ri g Veda, 5, 5). Ils sont parfois considérés comme distincts, parfois comme les mêmes dieux. Les Marut-s ou principes d'immortalité sont les dieux des Vents. Ils représentent le souffle vital du cosmos (Vâyu-prâ n a). Ils pénètrent les dix centres vitaux de tous les corps vivants où ils se manifestent comme les énergies-vitales (Rudra-prâ n a-s).
Ils sont alors appelés les Rudra-s, les Hurleurs.
« Ces énergies-vitales (prâ n a-s) de l'homme sont au nombre de dix, l'âme (âtman) étant la onzième. » ( B ri had-
âra n yaka Upani sh ad, 3, 9, 4.) Les Hurleurs sont donc les principes de vie, intermé-
diaires entre les éléments physiques inconscients et l'intellect, entre la sphère terrestre et la sphère solaire.
Apparentés aux divinités qui régnent sur la sphère de l'espace, les Rudra-s appartiennent à la seconde phase de l'évolution cosmique, au second stade de la création, 1 6 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
dans lequel le principe de la vie apparaît dans la matière jusque-là inanimée. Les Rudra-s sont les dieux de la seconde phase de toute évolution et de la seconde phase de tous les rites. Ils président à la deuxième partie des rites du sacrifice, à l'oblation de midi et à la maturité de l'homme (de 24 à 68 ans). Durant cette période « si quelque mal le saisit... qu'il s'écrie : « O Souffle de vie,
« ô Rudra-s, faites que cette libation du midi de ma vie
« se continue jusqu'à la troisième libation. Faites que le
« rituel de ma vie ne soit pas interrompu alors que m'en-
« tourent les énergies-vitales, les Rudra-s. » ( Chândogya-Upani sh ad, 3, 16, 3.)
Le mot Rudra qui peut être traduit par le Hurleur ou le Rouge peut aussi vouloir dire « cause-de-larmes ».
« En vérité les souffles-vitaux sont des causes-de-larmes car tous se lamentent quand [ils nous quittent]. » ( Chândogya-Upani sh ad, 3, 16, 3.)
« En quittant ce corps mortel ils font pleurer. C'est parce qu'ils causent des larmes qu'ils sont appelés Rudra-s. »
( Brihad-âra n yaka-Upani sh ad, 3, 9, 4.) Le Vi shn u Purâ n a nous dit que Rudra, le Seigneur-des-larmes, naquit du front de l'Être-immense (Brahmâ) et, sur l'ordre du Dieu, se divisa en une forme mâle et une forme femelle et que la forme mâle se divisa à nouveau pour former onze créatures dont certaines étaient blanches et douces, les autres noires et furibondes. Ailleurs il est dit que les onze Rudra-s sont les fils du sage Vision (Kashyapa) et de Terre-parfumée (Surabhi) représentée comme la Vache-d'abondance.
Le nombre des Rudra-s est généralement de onze puisqu'ils sont identifiés aux onze énergies-vitales (prâ n a-s).
Le Mahâbhârata toutefois (13, 984) dit que leur nombre est de onze cents.
Les Rudra-s apparaissent partout comme les compagnons fidèles de Rudra-Shiva. Ils sont ses amis, ses mes-LES DIEUX DES SPHÈRES DE L'ESPACE 1 6 5
sagers, craints de tous. Quelques-uns d'entre eux sont identifiés à des aspects de Rudra lui-même. Nous les rencontrerons encore comme les compagnons de Shiva.
Huit des Rudra-s sont les équivalents des huit manifestations propices de Shiva (a sht a-mûrti), les autres représentent les formes terribles du feu. Les premiers peuvent être rendus favorables par des rites; l'homme doit toujours se tenir à l'écart des seconds.
Les Rudra-s ne sont pas des aristocrates célestes. Ils appartiennent à la classe ouvrière du ciel. Le Shatapatha Brâhmana explique que Rudra lui-même est un prince, mais que les innombrables Rudra-s, ses sujets, sont des artisans.
Les symboles alphabétiques des onze Rudra-s sont les lettres D. Dh. N. T. Th. D. Dh, N. P. Ph. B. Leur usage est important dans toutes les formules magiques.
Les Marut-s ou Principes d'immortalité
D'après les Purâ n a-s, le mot marut veut dire : « ne pleure pas ». ( Bhâgavata Purâ n a, 6, 18, 64.) Lorsqu'ils naquirent, chacun pleura sept fois. On leur dit « Ne pleure pas »
(Mârodî h), « Ne crie pas! (Marud)! Puissances qui vous mouvez dans le Ciel! votre nom sera Marut (ne crie pas). »
( Vâmana Purâ n a, chap. 69.)
En dehors de cette étymologie symbolique, l'origine du mot Marut semble incertaine. Il peut signifier « brillant ou scintillant » ou s'il vient de la racine m ri n, « mourir ».
Avec le privatif ut, il veut dire immortel. « Ce sans quoi les êtres meurent (m ri + ut) est le principe d'immortalité (marut). » (U n adi sûtra-s, 9, 14.) Cette étymologie identifie les Marut-s aux Rudra-s.
Ces Principes d'immortalité (Marut-s) forment une troupe batailleuse de jeunes gens tapageurs, transposition dans l'espace des hordes de jeunes guerriers appelés les 166 LE POLYTHÉISME HINDOU
marya (mortels). On les a comparés à une société de soldats, pratiquant des rites secrets et employant des formules magiques. Ils incarnent les actions héroïques et les vertus morales aussi bien que l'exubérance de la jeunesse. Ils sont très unis entre eux. « Ils ont des dents de fer. Rugissant comme des lions, ils errent sur des chars dorés tirés par des étalons fauves. Leur résidence est dans le Nord. » (Ri g Veda, 1, 133, 6.) « Ils portent des arcs, des flèches et lancent des projectiles ronds. » (Ri g Veda, 5, 52, 13.) Chevauchant les cyclones, ils dirigent les tempêtes et s'avancent à grand bruit, en chantant. Brutaux bien que d'humeur joyeuse, ils sont craints de tous. Vêtus de pluie, leur fonction est de répandre la pluie (Ri g Veda, 1, 38, 9); de créer et de chasser les tempêtes. Les montagnes tremblent et les arbres sont renversés quand ils se meuvent. (Ri g Veda, 1, 39, 5; et 5, 53-54.) Les Marut-s sont les compagnons d'Indra, le porteur de foudre (Ri g Veda, 8, 7, 31) et aussi de son épouse Indrani (Ri g-Veda, 10, 86, 9). D'après le Mahâbhârata, Indra est leur chef. C'est lui qui leur donna les brillants ornements et les armes étincelantes dont ils se parent.
Ils aident Indra dans ses guerres. Indra lui-même est appelé chef-des-Maruts (Marut-vat).
Pour les Veda-s, les Marut-s sont les fils du taureau Rudra et de la vache Pris/ini qui représente l'Océan ou la Terre (Ri g Veda, 5, 452, 16-17). On les appelle donc fils-de-Rudra (Rudriya-s). D'après le Vâmana Purâ n a, ils sont les fils de Vision (Kashyapa) et de l'Étendue-primordiale (Aditi)1. C'est Indra qui leur accorda le stat u t de dieux ( Vâmana Purâ n a, 68-69). Dans le Mahâ-
bhârata (12, 7540) et le Bhâgavata Purâ n a (6, 6, 17-18) ils sont les fils de la Loi-de-perfection (Dharma) identi-1. La m ê m e origine leur est attribuée d a n s le Râmâyana ( 1 , 47); le Mahâbhârata ( 1 , 132, 53 et 12, 207-2) ; le Bhâgavata Purâ n a (6, 18) ; le Matsya Purâ n a (146.)
LES DIEUX DES SPHÈRES DE L'ESPACE 167
fiée au Roi-des-morts (Yama), lui-même un aspect du Destructeur (Shiva). Ishâna, le Souverain, le bénéficiaire de toutes choses, qui est l'une des formes de Shiva, est leur protecteur (Goptar) ( Mahâbhârata, 12, 4498). Les Marut-s sont appelés frères d'Indra, fils de l'Océan, fils du Ciel, fils de la Terre.
Comme les Rudra-s, les Marut-s sont selon les Brâh-ma n a-s, des prolétaires. Ils sont les chefs de la classe ouvrière des agriculteurs-éleveurs.
Le nombre des Marut-s varie. Le Ri g Veda (1, 133, 6) en mentionne vingt et un, mais ailleurs parle de vingt-sept et de quarante-neuf (sept groupes de sept) (Ri g Veda, 5, 52, 16-17). Ils sont également sept fois sept dans le Râmâya n a (1, 47), le Mahâbhârata (1, 132, 53 et 12, 207, 2), le Bhâgavata Purâ n a (6, 18) et le Matsya Purâ n a (146).
Le Harivamsha donne vingt-quatre noms distincts de Marut-s, le Brahmâ nd a Purâ n a (3, 5, 91-95) donne la plupart des quarante-neuf noms. Dans le Mahâbhârata, les Marut-s sont onze comme les Rudra-s et sont appelés Tueur-de-bêtes (M ri gavyâdha), Serpent (Sarpa), Infortune (Nirriti), Bouc-à-une-patte (Ajaikapada), Serpent-demer (Ahirbudhnya), Archer (Pinâkin), Brûleur (Dahana), Seigneur (Ishvara), Porteur-de-crânes (Kapâli), Tronc-sec (Sthanu h) et Fortuné (Bhaga.) ( Mahâbhârata, 1, 67, 2-4 et 1, 132, 51 éd. de Kumbakonam.) Le Mahâbhârata donne ailleurs (12, 207, 19-201; et 13, 255. 122) des listes légèrement différentes.
Dans le Devi-Purâ n a, les Marut-s portent les noms des sept vents : Prâvâha, Nivaha, Udvaha, Sanvaha, Vivaha, Pravaha, Parivaha. L' Agni-Purâ n a qui, dans le Ganabheda adhyaya parle de quarante-neuf Marut-s, les 1. Ajaikapâda, Ahirbudhnya, Virupâk sh a, R a i v a t a , H a r a , B a h u -
rûpa, T r a y a m b a k a , Sureshvara, Savitra, J a y a n t a , P i n â k i n , Aparâ-
jita.
2. Ajaikapâda, Ahirbudhnya, Pinâkin, Aparâjita, Ri ta, Pit ri rûpa, T r a y a m b a k a , Maheshvara, V ri shâka, S h a m b h u , H a v a n a , Ishvara.
1 6 8 LE POLYTHÉISME HINDOU
appelle Ekajyoti (une lumière), Dvijyoti (deux lumières), Trijyoti (trois lumières), etc.
Le Bhâgavata Purû n a (6, 6, 17-18) appelle les Marut-s :
« Raivata, Aja, Bhava, Bhîma, Vama, Ugra, V ri shâka, Ajaikapâda, Ahirbudhnya, Bahurûpa, Mahân. »
Le Brahmâ n da Purâ n a (3, 5, 79-88) explique que les sept groupes de sept Marut-s résident respectivement dans les sept sphères qui sont la Terre, le Soleil, la Lune, les Constellations, les Planètes, la Grande-Ourse (sept sages) et l'Étoile polaire. Leurs noms sont : Groupe I (Terre) : Lumière-variée (Citra-jyotis), Bûcher-funèbre (Caitya), Resplendissant (Jyotishman), Lueur-de-l'éclair (Shakra-jyotis), Vérité (Satya), Lumière-de-vérité (Satya-jyotis), Brûlantes-austérités (Su-tapas).
Groupe II (Soleil) : Sans-ami (Amitra), Vainqueur-de-la-vérité-absolue (Rita-jit), Vainqueur-de-la-vérité (Satya-jit), Ami-du-charretier (Suta-mitra), Ami-des-dieux (Sura-mitra), Bon-discophile (Sushena), Vainqueur-d'armées (Sena-jit).
Groupe III (Lune) : Effrayant (Ugra), Dispensateur-de-richesses (Dhanada), Racine (Dhâtu), Terrible (Bhîma), Souverain-des-eaux (Varu n a), Œil-vif (Abhiyuktak sh ika), Appelé (? Sâhûya).
Groupe IV (Constellations) : ces noms ne sont pas donnés dans les éditions du Brahmâ n da Purâ n a.
Groupe V (Planètes) : Autrement (Anyadrish), Ainsi (Idrish), Mouvant (Drum), Bref (Mita), Arbre (V ri k sh a), Pareil (Samit), Courant (Sarit).
Groupe VI (les sept Sages) : Ainsi (Idrish), Pas-autrement (Nânyâdrish), Personne (Purusha), Contraire (Pratihart ri), Égal (Sama-cetana), De-même (Sama-v ri tti), Semblable (Sanmita).
Groupe VII (Étoile polaire) : ces noms ne sont pas donnés dans les éditions du Brahmânda Purâ n a.
LES DIEUX DES SPHÈRES DE L'ESPACE 1 6 9
La légende des Marut-s
D'après le Râmâya n a (1-46), les Marut-s sont issus d'un fils non encore né de Diti, la mère des anti-dieux.
La mère des anti-dieux était en deuil, Vi shn u avait tué ses deux fils, Œil-d'or (Hira n yâk sh a) et Toison-d'or (Hira n ya-kashipu). Dans son désir de se venger, Diti, avec une patience et une adresse toutes féminines, entreprit de plaire à son époux Vision (Kashyapa) et d'obtenir de lui qu'il mette à mort Indra, lui-même fils de Vision.
Vision ne voulut pas coopérer directement mais il conseilla à Diti d'accomplir le jeûne donneur-de-fils (pumsavana). Comme ce jeûne approchait de sa fin, Indra commença de trembler. Il descendit sur terre et se mit à servir Diti. Si elle succombait à la vanité, ne fût-ce que pour un instant, cela lui donnerait l'occasion de mener à bien son projet. Longtemps Diti fut prudente dans ses mortifications mais un jour, au coucher du Soleil, elle s'endormit. Indra en tira aussitôt avantage. Entrant dans la matrice de Diti, il déchira avec sa foudre le fœtus en quarante-neuf morceaux. Ces fragments devinrent les Marut-s. Indra en fit les gardes du calice de Soma.
Le monde des Marut-s est la sphère de l'espace ou sphère-intermédiaire. L'espace est donc appelé Lieu-des-Marut-s (Mâruta). C'est le paradis de la caste intermédiaire, celle des marchands (Vaishya-s).
On vénère les Marut-s pour obtenir des pouvoirs surhumains et pour l'accomplissement de projets ambitieux.
Indra, souverain du Ciel
« Indra représente le pouvoir de la foudre (stanayintu), l'énergie électrique (ta d it-shakti ou vidyut-shakti), omniprésente, base de la vie cosmique aussi bien que terrestre.
Cette énergie est apportée sur la terre par la pluie. Elle 170 LE POLYTHÉISME HINDOU
est emmagasinée dans le sperme (vîrya) des êtres vivants. »
( Devatâ-tattva, 3, 3.)
Dans les Veda-s, Indra est le dieu de la sphère de l'espace.
Il est le dispensateur des pluies et réside dans les nuages.
Craint, en tant que Seigneur des tempêtes et lanceur d'éclairs, il est aussi la source de toute fertilité. En tant que souverain du Ciel, il est le compagnon du Dieu-des-vents, Vâyu, qui est le souffle-vital du Cosmos. Dans plusieurs hymnes du Ri g Veda, les attributs et les fonctions divines les plus hautes lui sont donnés. Dans la triade des dieux qui dominent tous les autres et qui sont Agni, Vâyu et Sûrya, Indra prend fréquemment la place de Vâyu comme souverain de l'espace. Agni, Indra et Sûrya représentent alors les trois formes du feu : le feu terrestre, le feu de l'espace ou foudre, et le feu du ciel ou Soleil.
En tant que roi des dieux, Indra est une divinité importante. Plus d'hymnes lui sont adressés dans les Veda-s qu'à aucun autre dieu, si l'on excepte Agni1. « La voûte céleste (Dyaus) est enceinte d'Indra comme la Terre l'est du Feu. » ( B ri had-âra n yaka Upani sh ad, 6, 4, 21.) Indra incarne les qualités de tous les dieux. « Il est fait de tous les autres dieux réunis. C'est pourquoi il est le plus grand. » ( Avyakta Upani sh ad, 5, 1.) Ses formes sont multiples et il prend tous les aspects qu'il veut.
Indra représente la puissance. Il est le chef des Marut-s, les dieux de la tempête. Son compagnon, Vi shn u, est la personnification de la Loi-cosmique et de la Sagesse, Toujours jeune, Indra incarne les vertus de la jeunesse, l'héroïsme, la générosité, l'exubérance. Son attitude est celle de l'action, du service, mais il est aussi partisan de l'usage de la force qui mène au pouvoir, à la victoire, 1. Dans le Ri g-Veda les principales références au m y t h e d ' I n d r a sont dans 1, 1 1 ; 1, 3 3 ; 2, 12; 2, 14; 2, 1 5 ; 4, 18; 7, 16; 8, 100; 10, 86.
LES DIEUX DES SPHÈRES DE L'ESPACE 171
au butin. Il conduit les guerriers et les protège de sa foudre, et de son arc, l'arc-en-ciel.
Dans la mythologie tardive Indra devient un aspect de Shiva et, du point de vue du culte, il n'est qu'un dieu mineur. Il reste toutefois le roi des dieux. Il est le souverain des sacrifices. Son nom est toujours mentionné dans les rites du Soma. Il est aussi danseur et magicien.
Les ennemis d ' I n d r a 1 sont les anti-dieux, fils de Diti, et aussi Namuci, le génie qui obstrue le courant des eaux célestes et Puloman dont il enleva la fille Grâce-divine (Saci). Il détruit les cités fortifiées de ses ennemis et réduit les armées des anti-dieux et des sauvages (Dasyu-s).
Armé de la foudre il tue V ri tra ou Ahi, le démon-magicien qui cause la sécheresse. D'après les Purâ n a-s, V ri tra appartenait à la caste des prêtres. Pour expier ce meurtre, Indra dut abandonner son trône céleste. Il se cacha dans une tige de lotus qu'il quitta seulement à la requête d'Agni et du précepteur des dieux B ri haspati. Le Bhâgavata Purâ n a (6, 10, 13) le montre hanté par son crime qui le poursuit sous la forme d'une femme de basse naissance.
Indra aime l'ivresse et le plaisir. Il boit le soma qu'il a volé à son père et qui l'emplit de force. Il se lance ensuite contre ses ennemis et accomplit des hauts faits fabuleux. Le Mahâbhârata raconte que le sage Activité (Cyavana) l'obligea à partager le soma avec les dieux de l'agriculture, les Ashvin's, malgré leur basse naissance.
Indra a de nombreuses amours. Sa lubricité est célèbre et ses aventures sont souvent citées pour excuser l'adultère. De plus il envoie les nymphes de son paradis pour troubler les sages dans leurs méditations et essayer de mettre fin à des austérités qui leur donnent une puissance dont il a peur. ( Bhâgavata Purâ n a, 11, 4, 7.) 1. Les n o m s de quelques-uns des ennemis d ' I n d r a s o n t donnés d a n s le Ri g Veda ( 1 , 84, 13).
1 7 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
Indra prit l'apparence du roi Rukmangala pour séduire Mukundâ, femme du sage Vâcakavi, qui était amoureuse du roi. ( Ga n esha-Purâ n a, 1, 36-40.) Il séduisit l'épouse du sage Utathya et en fut notoirement puni. ( Skanda Purâ n a, 2, 7, 23.) Il séduisit aussi la femme du sage Gautama.
Son mari la répudia et la rendit invisible et la malédiction du sage fit apparaître sur le corps d'Indra des marques ressemblant à un organe féminin pour punir sa lubricité. Plus tard ces marques furent annoblies et devinrent des yeux. Aussi l'appelle-t-on le Vulveux (Sayoni), aux yeux de vulves (netra-yoni) ou aux mille yeux (sahasrâk sh a).
Incarnant la virilité, Indra est représenté comme un taureau, le mâle parfait. Il prit d'ailleurs la forme d'un taureau pour devenir la monture du roi Puranjaya qui vint aider les dieux dans leur combat contre les anti-dieux. ( Bhâgavata Purâ n a, 9, 6.) Indra est le régent de l'Est et le chef des régents de l'espace. Il est parfois considéré comme le chef des Vasu-s, des sphères d'existence. Son nom est aussi donné au Soleil durant le mois de Shrâva n a. ( Bhâgavata-Purâ n a, 1, 10, 30.)
L'étymologie du mot Indra semble incertaine. Le gram-mairien Vopadeva le fait dériver de la racine id qui veut dire « puissant ». Le mot Indra pourrait aussi venir de indu, goutte, puisque Indra est le dispensateur des pluies.
L'Aitareya Upani sh ad donne une étymologie symbolique du mot Indra. « Lorsqu'il fut né, il regarda toutes choses-existantes (bhûta-s) pensant : « Que pourrait-on décrire
« comme différent de soi-même? » Il vit alors que l'Immensité, le Brahman, était la seule entité qui se suffisait à ellemême et il dit mystérieusement, car les dieux aiment le mystère : « je l'ai vu ! » (Idam adarsha.) Aussi son nom est Idam-dra (vu cela). » (Aitareya Upani sh ad, 4, 3.) Shakra (le puissant) est un nom usuel d'Indra, bien LES DIEUX DES SPHÈRES DE L'ESPACE 1 7 3
que Shâkra soit quelquefois considéré comme un dieu distinct. (Voir plus loin, les Aditya-s.) Quelques-uns de ses autres noms sont : le Grand-Indra (Mahendra), le Magnifique (Maghavan), Seigneur-des-artisans-célestes ( Ri bhuk sh a), le Seigneur-des-sphères (Vâsava), Digned'éloges (Arha), Porteur-de-foudre (Vajrapâ n i), Chevaucheur-des-nuages (Megha-vâhana), Glorifié-dans-cent-sacrifices (Shata-Kratu), Seigneur-des-dieux (Deva pati), Roi-des-dieux (Surâdhipa), Régent-de-1'espace (Divaspati), Seigneur-des-vents (Marutvân), Roi-du-paradis (svarga-pati), Chef-des-cohortes-célestes (ji shn u), Destructeur-de-cités (Puram-dara), la Chouette (Ulûkâ), l'Archer-terrible (Ugra-dhanvan), etc.
L'aspect d'Indra et sa conduite sont décrits dans les Veda-s. Il a un corps, de longs bras, un ventre. Il boit le soma. Il a des lèvres, des dents, une barbe. Sa taille est énorme. Il est doré ou fauve comme les chevaux qui tirent son char. Les Purâ n a-s font de lui un jeune homme monté sur un cheval blanc ou sur un éléphant et portant la foudre dans sa main droite.
Indra n'est pas incréé. « Un dieu vigoureux l'engendra, une femelle héroïque l'éleva. Son père est le sage Vision (Kashyapa), sa mère l'Étendue - primordiale (Aditi).
L'épouse d'Indra, Indrâ n i ou Aindrî, parfois identifiée à Sacî, est invoquée parmi les déesses. » (Ri g Veda, 10, 159.) Le Shatapatha Brâhma n a l'appelle la bien-aimée d'Indra.
Le Taittirîya Brâhma n a explique qu'Indra choisit Indrâ nî comme épouse, de préférence aux autres déesses, à cause de sa sensualité. Il l'enleva et tua son père le Daitya Puloman pour échapper à sa malédiction. La fille de Bha-radvaja, la belle Connaisseuse-des-écritures (Shruta-vatî) se livra à des mortifications terribles pour devenir l'épouse d'Indra. ( Mahâbhârata, 4, 49.)
Grâce-divine donna trois fils à Indra. Leurs noms sont : Victorieux (Jayanta), le Taureau ( Rish abha) et Libéralité 1 7 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
(Mi dh u sh a). ( Bhâgavata-Purâ n a, 6, 18.) Indra est le père du puissant roi des singes, Valin, qui est aussi son incarnation partielle ( Brahmânda Purâ n a, 3, 7, 114). Valin fut tué par Râma pour aider Sugrîva.
Le héros Arjuna est aussi un fils ou une incarnation partielle d'Indra ( Mârka nd eya Purâ n a, 5, 22). Pour la donner à Arjuna, Indra prit à Kar n a sa cotte de maille magique et lui offrit en échange un javelot infaillible.
La monture d'Indra est l'éléphant blanc Airavata (ou Airava n a) qui se tient à l'entrée du ciel. Il a quatre défenses et ressemble à la montagne Kailâsa. On raconte qu'il était un ancien roi-serpent qui prit naissance à nouveau au moment du barattement de l'Océan. Le cheval blanc d'Indra s'appelle Hennissement-bruyant (Uccai hsh ravas).
Il apparut lui aussi lors du barattement de la mer.
Le char (vimâna) d'or d'Indra est appelé victorieux (jaitra). Il est tiré par deux ou par dix mille chevaux fauves ou par mille chevaux blancs plus rapides que le vent. ( Mahâbhârata, 13, 173.) Traversant le ciel, il disperse les nuages et remplit tous les quartiers de l'espace d'un roulement de tonnerre. Le char est chargé d'éclairs, d'épées, de javelots ainsi que de serpents. Son insigne appelé Victoire (Vaijayanta) est bleu sombre et or. Cet insigne fait l'objet d'un culte séparé. Monté sur ce char, Indra détruit les anti-dieux.
Mâtali, cocher et ami d'Indra, est son égal par le courage.
La femme de Mâtali est appelée Vertueuse (Sudharmâ); sa fille Belle-chevelure (Gu n akeshî) est fameuse pour sa beauté. Mâtali ne put trouver parmi les hommes et parmi les dieux un prétendant digne d'elle. Il visita les mondes souterrains et en ramena le charmant serpent Beau-visage (Sumukha) qui devint l'époux de Belle-chevelure. ( Mahâ-
bhârata, 5, 3672.)
La foudre d'Indra fut façonnée par l'artisan du ciel Tva sht ri avec les os du sage Dadhîci ( Brahmâ nd a Purâ n a, LES DIEUX DES SPHÈRES DE L'ESPACE 175
3, 1, 85). Elle a la forme d'une massue et est supérieure à toutes les autres armes. Avec elle, Indra coupe les montagnes et fit voler la tête de V ri tra. ( Mahâbhârata, 5, 10, 41
et 12, 288.)
Le Mahâbhârata compare la foudre au pénis, les Tantra-s en font le symbole de la force sensuelle envisagée comme l'énergie fondamentale.
Indra porte aussi un crochet, un lasso, un arc, l'arc-en-ciel, appelé Victorieux (Vijaya), une épée nommée Conquête (Parañjaya), une conque Dieu-donnée (Devadatta), mais son arme principale est la magie.
Le royaume d'Indra est d'une magnificence et d'une splendeur sans égales. La cité d'Indra est la ville-immortelle (Amaravati) qui est située près de la montagne polaire, le Meru. Il y réside dans le palais-des-victoires (Vaijayanta). Le parc est le lieu-de-délices (Nandana) appelé aussi jardin-des-bulbes-fleuris (Kandasarâ) ou le broussailleux (Pârushya). La cour d'Indra offre tous les plaisirs. Elle est le modèle des cours royales.
Dans le Râmâya n a (7, 29-30) nous voyons Râva n a, le roi de Lanka, attaquer Indra dans son propre ciel.
Indra fut vaincu et transporté à Lanka par l'un des fds de Râva n a appelé Bruit-des-nuages (Meghanâda), qui après cet exploit reçut le titre de vainqueur d'Indra (Indrajit). Brahmâ et les autres dieux durent acheter la liberté d'Indra au prix d'une promesse d'immortalité conditionnelle. Brahmâ expliqua alors au dieu humilié que sa défaite était la punition de sa conduite avec Ahalya.
Les Purâ n a-s contiennent beaucoup d'histoires à propos d'Indra. Plusieurs fois il est en conflit avec Krishna. Il mit en colère Durvasas en n'appréciant pas une guirlande que le sage lui avait offerte. Comme suite de la malédiction de Durvasas, il fut vaincu par les Daitya-s et réduit à une telle pauvreté qu'il dut mendier un peu de beurre sacrificiel. Ses vainqueurs toutefois négligèrent leurs 176 LE POLYTHÉISME HINDOU
devoirs et furent une proie aisée pour Indra qui leur reprit ses biens. ( Padma Purâ n a, 3, 8 et Brahma-vaivarta Purâ n a, Prak ri ti Khanda, 36.)
Indra était le dieu des pasteurs de Vraja. K rishn a les persuada de renoncer à ce culte. Indra furieux envoya un déluge pour avoir raison des pasteurs. Mais K rishn a souleva la montagne Govardhana et la maintint soulevée pendant sept jours pour servir d'abri aux troupeaux.
Indra lui fit sa soumission ( Bhâgavata, 10, 24-25). Lorsque Krishna se rendit au paradis pour se saisir de l'arbre Pârijata, Indra fut battu et K rishn a put emporter l'arbre ( Bhâgavata, 10, 59). Indra n'est pas étranger à la naissance des Marut-s ( Bhâgavata, 6, 18), il rogna les ailes des montagnes avec sa foudre ( Râmâya n a, Sundar Khanda, 1, 121-123). Il découvrit et sauva les vaches des dieux, volées par un Asura appelé Pa n i ou Vala qu'il tua (Ri g Veda, 10, 108).
« Ayant mené longtemps la vie chaste de l'étudiant, Indra obtint de l'Être-immense des leçons de savoir-suprême (Brahma-jñâna) et c'est par son intermédiaire que la connaissance spirituelle arriva dans le monde des hommes. Il fut le premier à enseigner la Science-des-contenus, le Yajur-Veda. Il enseigna de plus l'art médical au sage Dhanvantari. Il est l'inspirateur de nombreuses sciences. » ( Devatâ-tattva.)
Dans la mythologie tardive, un dieu indépendant, Parjanya, remplace Indra comme dieu des pluies. De notre temps Indra n'est vénéré dans aucun temple, mais il est mentionné fréquemment dans les rites et il existe un festival en son honneur, appelé la Montée-de-1'étendarc d'Indra (Shakra dhvajotthâna). Son culte était plus répandu dans l'Inde ancienne et Strabon raconte que les Indiens adorent Jupiter-pluvius qui est Indra.
V
LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S)
LES Principes-souverains, les Aditya-s, sont les personnifications des principes moraux et intellectuels ainsi que des vertus sociales qui règlent l'harmonie de l'Univers et de la société humaine. Les Principes-souverains résident dans le Ciel, dans les sphères les plus hautes et dominent la vie et les éléments. Ils existent antérieurement à toutes les formes perceptibles, étant les principes mêmes d'après lesquels l'Univers est construit.
Du point de vue de l'homme ces principes universels se réfèrent aux deux aspects principaux de l'existence. Ils règlent les relations de l'homme avec l'homme et celles de l'homme avec les forces naturelles, c'est-à-dire les dieux représentant les lois cosmiques perçues à travers les éléments. Il y a donc deux catégories de Principes-souverains, ceux qui se rapportent à « ce monde-ci », notre monde, et ceux qui se rapportent à « ce monde-là », le monde des dieux.
A cause de la similarité qui existe entre le monde humain et le monde cosmique, il y a nécessairement un principe universel correspondant à chacun des principes qui régissent la société humaine. Les Aditya-s vont donc toujours par deux et sont en nombre pair. Ils sont six dans le Ri g-Veda 178 LE POLYTHÉISME HINDOU
(2, 27, 1), huit dans la plupart des Brâhma n a-s ( Taittirîya Brâhma n a, 1, 1, 9), douze dans le Taittirîya Ara n yaka et le Shatapatha Brâhma n a (11, 6, 3-8) et sont dès lors mis en rapport avec les mois solaires, le cycle de la loi étant identifié au cycle du destin dont l'unité est l'année.
Les Principes-souverains sont représentés comme les rayons de la roue du Temps. Leur caractère solaire s'accen-tue encore dans les Purâna-s où Aditya est pris comme le nom même du Soleil. Le Mahâbhârata (2, 1119) les appelle Souverains-suprêmes.
Aditi, l'Étendne-primordiale
Les Principes-souverains (Aditya-s) sont les fils de l'Étendue-primordiale (Aditi), la puissance originelle iné-
puisable, la totalité-indivise, la Première-déesse qui ne connaît pas d'obstacle et qui est la mort, la dévorante, la pauvresse qui n'a rien à donner. Elle est le ciel sans limites, la nuit sans fin, la nature même du divin, la mère des dieux (deva-mâtri). Les dieux sont nés de l'Étendue (Aditi), de la Terre et de l'Eau. (Ri g Veda, 10, 63, 2.) Cette Étendue-primordiale a la forme du Ciel (Dyaus) et de la Terre.
(Ri g Veda, 1, 72, 9; Atharva-Veda, 13, 1, 38.) Elle est le support des dieux qui la supportent. « Elle est l'infini visible, l'étendue sans fin au-delà de la Terre, au-delà des nuages, au-delà du ciel. » (Max Muller.)
« L'aurore est le visage d'Aditi. » (Ri g Veda, 1, 15, 3 ; 9, 90, 16; 10, 11, 1.) «Aditi est la mère de l'Art-rituel (Dak sh a) et aussi sa fille. » (Ri g Veda, 10, 72, 4-5.) Ces relations de famille sont d'ailleurs purement symboliques. Ainsi que Yaska le remarque dans le Nirukta, « La nature des dieux n'est pas telle qu'ils puissent être considérés comme nés les uns des autres, mais comme la nature les uns des autres. »
( Nirukta, 11, 3, 23.)
« Aditi est le ciel, Aditi est la sphère de l'espace, Aditi est LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 1 7 9
la mère, le père, le fils. Aditi est tous les dieux, les cinq sortes d'hommes, tout ce qui est né, et naîtra. » (Ri g Veda, 1, 89, 10; Vâjasaneya Samhitâ, 25, 23.)
« D'heureux auspices (shivâ), elle contient le monde.
C'est pourquoi nous, qui cherchons ce qui nous est bon, vénérons l'Étendue-primordiale. » ( Taittirîya Samhita, 4, 4, 12, 5; Kâthaka Samhitâ, 22, 14.) Dans le Mahâbhârata et le Râmâyana, Aditi, fille de l'Art-rituel (Dak sh a) est l'épouse de Vision (Kashyapa).
De lui elle enfanta le Savoir (Vi shn u), incarné en un nain (Vâmana) qui enjambe les trois mondes, et la Force (Indra ou Shakra). Krishn a étant une incarnation de Vi shn u, sa mère Devaki est une manifestation d'Aditi.
Selon la Taittirîya Samhitâ, l'Étendue-primordiale (Aditi) a huit fils. Sept naquirent normalement, mais le huitième apparut comme un œuf sans vie (Mârtâ nd a). De cet œuf fut formé le Soleil. Ces huit fils de l'Étendue sont identifiés aux huit sphères d'existence, les Vasu-s. D'après le Taittirîya Ara n yaka (1, 13) et beaucoup d'autres textes, Aditi a douze fils, les Aditya-s. Dans le Ri g- Veda où elle est fréquemment implorée pour ses bénédictions sur les enfants et le bétail, pour sa protection et pour son pardon, elle est la mère des Aditya-s (Ri g Veda, 4, 25, 3 et 10, 36, 3).
Dans les Purâ n a-s on identifie parfois Aditi à la Terre.
D'après le Vi shn u Purâ n a, les Principes-souverains sont douze et leur père est le sage Vision (Kashyapa). Leur mère, l'Étendue, fille de l'Art-rituel, fut incapable de porter dans son sein la semence brûlante de Vision. Le sage divisa alors le fœtus en douze parties. Chacune d'elles donna naissance à l'un des Principes-souverains identifiés aux mois de l'année.
Le Ri g Veda (8, 25, 3; 8, 10, 3, 83; 8, 4, 79) mentionne particulièrement Aditi comme la mère de l'Amitié (Mitra), du Destin (Varu n a) et de l'Honneur (Aryaman).
1 8 0 LE POLYTHÉISME HINDOU
Les douze Principes-souverains
Les douze Principes-souverains sont l'Amitié (Mitra), le Destin (Varu n a), l'Honneur (Aryaman), l'Art-rituel (Dak sh a), le Partage (Bhaga), la Chance (Amsha), l'Industrie (Tva shtri), la Magie ( S a v i t r i ) le Progrès (Pû sh an), le Courage (Shakra), la Morale ou loi humaine (Vivasvat) et le Savoir ou perception de la loi-cosmique (Vi sh nu).
Il existe quelques variantes dans les noms des Principes-souverains. D'après le Mahâbhârata (1, 2523 et 1, 65) et le Vi shn u Purâ n a, le Soutien (Dhat ri) remplace l'Art-rituel.
Le Bhâgavata Purâ n a (6, 7, 40) appelle la Chance (Amsha), le Dispensateur (Vidhat ri). Ailleurs c'est le Partage (Bhaga) qui est appelé le Dispensateur. Dans le Mahâ-
bhârata (19, 11548), la Puissance (Indra) remplace le Courage (Shakra)1, le Soleil (Ravi) remplace le Pouvoir magique (Savitri)2, le Législateur (Manu) remplace la Morale (Vivasvat), le Dieu-des-pluies (Parjanya), un aspect d'Indra, remplace l'Art-rituel (Dak sh a). La pluie est, en effet, considérée comme le résultat de l'Art-rituel.
Les Principes-souverains qui régissent les hommes et les dieux, sont révélés dans les sphères d'extension de la connaissance, la partie de la sagesse cosmique qui trouve son expression dans le Sâma-Veda.
Ce sont les principes que découvrent les hommes mûrs durant la partie de la vie consacrée à la recherche de la sagesse, c'est-à-dire les dernières quarante-huit années, de soixante-huit à cent seize ans. Ils sont aussi en rapport avec la dernière partie des rites du sacrifice. « Les Aditya-s vivent de la troisième essence (le Sâma Veda).
Le destin (Varu n a) est leur chef. » ( Chândogya-Upani sh ad, 3, 8, 1.)
1. Shakra est aussi un n o m d'Indra.
2. R a v i et Savit ri sont deux noms du Soleil.
LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 181
Les Principes-souverains majeurs de ce monde-ci sont : 1° MITRA (l'Amitié) qui représente la solidarité, le respect de la parole donnée, les liens de l'homme avec l'homme.
2° ARYAMAN (l'Honneur), qui représente les principes chevaleresques, la noblesse, les règles de la société.
3° BHAGA (le Partage), qui représente la part des biens du clan constituant la propriété légitime et aussi l'impôt municipal qui est la participation au bien collectif.
Les Principes-souverains majeurs de ce monde-là sont : 1° VARU N A (ce qui couvre ou qui lie), qui représente le destin, les lois mystérieuses qui nous guident vers l'inconnu, l'inattendu. C'est aussi la faveur des dieux, et tous les liens qui unissent les hommes aux dieux.
2° DAK SH A (l'habileté), qui représente l'Art-rituel, les règles du sacrifice et la capacité de les accomplir sans faute.
3° AMSHA (la part ([d'héritage céleste]), qui est la chance, le don des dieux, les trésors trouvés, les coups de fortune, mais aussi la part donnée aux dieux et l'impôt royal.
Les Principes-souverains mineurs de ce monde-ci sont : 1° TVA SHTRI (le Façonneur) qui représente l'industrie, l'artisanat, les armes.
2° PU SH AN (le Nourricier) qui représente le progrès, la prospérité, la sécurité intérieure.
3° VIVASVAT (le Resplendissant), qui représente la morale, la coutume ancestrale, les lois humaines, l'ordre traditionnel.
Les Principes-souverains mineurs de ce monde-là sont : 1° SAVIT RI (le Vivifiant) qui représente la magie, les armes magiques, le pouvoir magique des mots.
2° SHAKRA (le Puissant) qui représente le courage, la sécurité extérieure, l'héroïsme.
1 8 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
3° VI SHN U (l'Immanent) qui représente le savoir, la connaissance qui est la perception de la loi cosmique immanente.
Les Principes-souverains majeurs de ce monde-ci
MITRA, L'AMITIÉ, LA SOLIDARITÉ
Parmi les Principes-souverains de ce monde-ci, le premier est la solidarité humaine, le respect de la parole donnée et des traités, le caractère sacré de tout ce qui lie l'homme à l'homme. L'Ami (Mitra) semble avoir été la personnification la plus importante des vertus des premiers Aryens, bien qu'à l'époque du Ri g Veda son rôle ait déjà pâli à côté de l'attente de la faveur divine représentée par Varuna. Un seul hymne du Ri g Veda est adressé à Mitra.
Ceci peut vouloir dire qu'à l'époque de la composition des hymnes védiques existants, le rituel, c'est-à-dire les valeurs de magie, avaient déjà la priorité sur la morale sociale, sut les règles d'association et de camaraderie qui primaient tout dans la vie originelle de la tribu.
La camaraderie des hommes et la faveur des dieux Mitra et Varu n a sont complémentaires. Les règles claires de l'association humaine et les mystérieuses lois du destin sont celles qui gouvernent ce monde connu et cet autre inconnu, symbolisés par le jour et la nuit entre lesquels se partagent la vie humaine.
Mitra et Varuna règnent sur la terre et le ciel, encoura-gent la vertu et punissent les fautes.
Le principal rôle de Mitra est de forcer les hommes à tenir leurs promesses et à s'associer. Mitra leur montre les mérites de la camaraderie, de la sincérité, de l'honnê-
teté, le respect de la parole donnée, le code de droiture qui rend possible l'association des hommes en tribus et en nations.
Mitra est le dieu des contrats et des serments. Il est bien-LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 1 8 3
veillant et réconfortant, il protège les rapports directs et ordonnés qui rendent la vie sociale possible. Il est l'ennemi des querelles, de la violence. Il induit les hommes à bien agir les uns envers les autres.
Mitra et Varuna placèrent leur semence dans une urne devant la nymphe Aurore (Urvashi). De cette semence naquirent les deux Voyants, le Déplaceur-de-montagnes (Agasti) et le Fortuné (Vasi shth a) qui définirent les règles de la société.
Prospérité (Revati), son épouse, donna à Mitra trois autres fils. Ils furent nommés : Don (Utsarga), Bonheur (Arishta) et Plaisir (Pingala). ( Bhâgavata Purâ n a, 6, 18, 5-6.)
ARYAMAN, L'HONNEUR
Le second Principe-souverain de ce monde-ci est Aryaman, qui représente l'honneur, la chevalerie, la qualité d'être noble (Arya) et les vertus que cela implique. La principale fonction d'Aryaman est le maintien d'une société aristocratique et de son code élevé de l'honneur. Aryaman gouverne les contrats de mariage, les lois de l'hospitalité, les règles de la chevalerie, le maintien des traditions, les coutumes, la religion.
Il protège la liberté des routes, préside aux alliances matrimoniales, créant des liens entre beau-père, beau-fils, beau-frère, etc. Maître des rites aryens, il règle le rituel social, extérieur, alors que Dak sh a contrôle son aspect technique et magique, son efficacité.
La richesse étant un élément essentiel des prérogatives aristocratiques, Aryaman protège l'héritage familial et les biens de la tribu. Il veille au maintien d'un niveau de vie décent.
Représentant le principe du clan aristocratique, Aryaman finit par être considéré comme le Grand-ancêtre, la source du sang bleu. On fit de lui plus tard le Roi-des-ancêtres (Pit ri-râja). Des oblations lui sont offertes dans les rituels 184 LE POLYTHÉISME HINDOU
de shrâddha par lesquels les ancêtres sont nourris. Aryaman partage avec Mitra et Varu n a les offrandes faites en prononçant le mot svâhâ dans les sacrifices aux dieux et les offrandes faites en prononçant le mot svadhâ dans le rituel des ancêtres. La voie royale d'Aryaman est la Voie lactée.
( Taittirîya Brâhma n a et B ri hat Samhitâ.)
BHAGA, LE PARTAGE DES BIENS
Bhaga, « la part » des biens communs du groupe qui est confiée à chaque citoyen à part entière, représente la base des institutions démocratiques. Bhaga est la personnification de l'ancienne coutume, la redistribution annuelle des biens, des terres de la tribu entre les hommes adultes.
Le fait de recevoir une part représentait l'accès au statut d'homme, le droit de participation au conseil. C'est pourquoi le titre de Ayant-part (Bhagavanta h) est un titre d'honneur. Les jeunes gens n'avaient pas droit à une part, c'est pourquoi le Ri g Veda (1, 91, 7) oppose Bhaga, la participation, prérogative des hommes mûrs, à Dak sh a, l'habileté technique qui est l'apanage de la jeunesse.
La « part » concerne exclusivement les biens matériels (rayi, rai, dhana, vasu, apnas, etc.). Il s'agit d'une part prévisible, donnée à chacun, qu'il soit fort ou faible, selon son statut. C'est une part assurée que l'on possède avec tranquillité, sans que des passions ou des jalousies puissent entrer en jeu. Il semble que dans le clan aryen original, ces parts étaient distribuées sans compétition et sans tenir compte de la force ou de l'influence individuelle. Ceci implique un système de répartition qui donne parfois à l'un une meilleure terre qu'à l'autre. C'est pourquoi le Ri g Veda appelle Bhaga, le Dispensateur (Vidhât ri).
« Le matin nous invoquons Bhaga, le Vigoureux, le Conquérant, le fils de l'Étendue-primordiale, le Dispensateur. Pensant à lui, le pauvre et le puissant, le roi lui-même disent « donne-moi ma part ». Entends nos hymnes, LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 1 8 5
Bhaga, et donne-nous la richesse. Augmente nos réserves de bétail et de chevaux. Puissions-nous être riches en fils et en hommes. » (Ri g Veda, 7, 41, 2-3.) Bhaga a surtout des affinités avec Mitra, avec les lois de ce monde-ci. Il a aussi des connexions avec Pû sh an, dieu des troupeaux et de la fécondité, qui protège la sécurité intérieure et la prospérité1.
Bhaga est aussi le nom de l'un des onze Rudra-s. On dit que Bhaga est aveugle car il ne voit pas de différence entre les puissants et les humbles, les riches et les pauvres. Cet aveuglement a donné naissance à divers mythes. Selon le Shatapatha Brâhma n a, Bhaga se battit avec le Progéniteur (Prajâpati) pour l'empêcher de commettre un inceste avec sa fille. Les dieux recueillirent la semence qui jaillit de Prajâpati et en firent une oblation. Bhaga qui se tenait au Sud de l'autel vit l'oblation et devint aveugle. ( Shatapatha Brâhma n a, 1, 7, 4.)
Selon une autre version, c'est durant le sacrifice offert par Dak sh a que Virabhadra, un terrible génie qui est une émanation de Shiva, arracha les yeux de Bhaga qui était l'un des officiants. ( Bhâgavata, 4, 5, 17-20.) D'après le Mahâbhârata, c'est Rudra lui-même qui l'aveugla.
L'épouse de Bhaga s'appelle Réalisation (Siddhi). Elle lui donna une fille appelée Espérance (Ashî). ( Bhâgavata, 6, 18, 2 et 6, 6, 39.)
Les Principes-souverains majeurs de ce monde-là
VARUN A, LA LOI DIVINE
Varu n a préside aux relations de l'homme avec les dieux.
Il est le souverain de ce monde-là, du monde invisible.
Nul ne peut prévoir ni comprendre les faveurs soudaines qu'accordent les dieux et les éléments, ni leur inexplicable 1. Voir : Les dieux des Indo-Européens, p. 52, p a r Dumézil.
186 LE POLYTHÉISME HINDOU
cruauté. On ne peut prévoir la conduite de Varu n a qui règne sur le monde invisible, c'est pourquoi il semble un maître dangereux, un despote. « Il possède un pouvoir magique (Mâyâ), à l'aide duquel il crée toutes les formes du monde visible. » (Ri g Veda, 6, 48, 14 et 10, 99, 10.) Il représente la réalité intérieure des choses, la vérité-
absolue ( ri ta) et l'ordre transcendant au-dessus de la compréhension humaine. Son pouvoir absolu est apparent durant la nuit et dans tout ce qui est mystérieux alors que les lois humaines représentées par Mitra gouvernent le monde du jour.
On représente Varu n a comme un anti-dieu, un magicien :
« Je suis le roi Varu n a. Ces pouvoirs magiques me furent donnés en premier. » (Ri g Veda, 6, 42, 2.) Ceci peut indiquer qu'alors que les premiers Aryens insistaient sur le côté social et humain de la morale, sur Mitra qui s'occupe de ce monde-ci, ce pourrait être aux Indiens pré-védiques que fut empruntée la conception d'êtres surnaturels qu'i faut se rendre propices par des rites. Ceci expliquerait aussi le caractère royal de Varuna si nous acceptons l'idée que la notion de roi était étrangère au clan aryen originel.
Habituellement associé à Mitra, Varu n a est parfois invoqué seul. Il est le souverain incontesté des Aditya-s.
Il est partout dans l'Univers et autour de lui, pénétrant toutes choses comme la loi intérieure et l'ordre de la création. « Il attacha ensemble les heures du jour et établit le matin par son art magique. On l'aperçoit au-delà de toutes choses. » (Ri g Veda, 8, 41, 3.) Il est le créateur et le soutien du monde, ayant hérité de la fonction préhistorique du Ciel.
(Louis Renou.) Il établit et il maintient les lois naturelles et les lois morales, expressions de l'ordre cosmique. Ses lois sont immuables et reposent sur lui comme sur une montagne.
En tant que roi, il rend la justice. Son devoir est de punir les fautes. Il attrape et lie avec son lacet les coupables. « Le LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 187
dieu qui châtie est Varu n a. Il est le roi dont le devoir est de punir. » ( Manu Sm ri ti, 9.) Il est « le lieur » dont les représentants surveillent les deux mondes, dont les espions sont toujours actifs. Toutefois il délie le criminel qui se repent.
Varu n a est omniscient. (Ri g Veda, 8,41, 6-7.) « Il connaît les chemins des oiseaux dans le ciel. Souverain des mers, il connaît la route des navires. Observant les jeûnes, il connaît les douze mois et leur progéniture (les jours et les nuits). Il connaît le sentier de la lune et le cours des vents rapides. Il connaît les dieux qui résident dans le Ciel.
Varuna, sage et respectueux des lois, règne comme un roi, gouvernant tout et contemplant les choses qui ont été et qui seront. » (Ri g Veda, 1, 25, 7-9.) Il voit loin et repousse le firmament plus haut que les arbres des forêts. Il est le support des sphères. C'est lui qui fit briller le soleil dans le ciel. Le vent est son souffle. Il traça le sentier du soleil et creusa le lit des rivières qui coulent selon ses ordres sans jamais faire déborder la mer.
Il établit le cours brillant de la lune et fait mystérieusement disparaître les étoiles pendant le jour. Varuna initia le sage Vasi shth a dans ses mystères. Ses secrets et ceux de Mitra ne doivent pas être révélés aux hommes sans sagesse.
Varuna connaît cent mille remèdes. On le prie de ne point nous prendre notre vie, mais de la prolonger et d'épargner ses fidèles.
Dans la mythologie tardive Varuna n'est plus qu'un dieu de la mort. Indra, régent de la sphère de l'espace, a pris le pas sur le souverain du ciel. Dans le Mahâbhârata (2, 9) et tous les textes ultérieurs, Varu n a est le souverain des eaux, le roi de l'Océan et des eaux souterraines. Il dispense la pluie, cause l'hydropisie et fut le possesseur du Soma. Il guide les rivières et commande à leurs génies. Les dieux-serpents, les Nâga-s, sont ses sujets. Il est aussi le roi des anti-dieux (Asura-s) et le régent de l'Ouest. Son domaine 188 LE POLYTHÉISME HINDOU
est l'océan occidental. Il règne également sur l'une des maisons lunaires (Nak sh atra-s).
Le nom Varuna vient probablement de la racine var qui veut dire « entourer, envelopper, couvrir » et se réfère au ciel, à tout ce qui voile et couvre, tout ce qui est mysté-
rieux, cryptique, secret. Varuna est aussi le Seigneur des eaux-supérieures qui entourent le monde. « Parce qu'avec l'humidité visible, il couvre (v ri hoti) à lui seul le monde, les bardes dans leurs éloges l'appellent le couvreur (Varu n a). »
( B ri had-Devatâ, 2, 33.)
Le mot Varu n a peut aussi venir d'une autre racine var qui veut dire « lier » et se réfère au caractère du dieu comme punisseur. « Il couvre toutes choses ou il les lie, c'est pourquoi il est Varu n a (va ri+unan). » ( U n âdi-sutra-s, 3, 33.) D'après les Veda-s, Varu n a a quatre visages dont l'un est le visage d'Agni. (Ri g Veda, 7, 88, 2.) Il a une langue, il mange, il boit. Son œil, qu'il partage avec Mitra, est le Soleil. Parfois il a un millier d'yeux féroces. (Ri g Veda, 7
34, 10.) Il bat des paupières; son souffle est le vent. Il a des bras, de belles mains, des pieds brillants. Il est magnifiquement vêtu et porte une cape d'or. (Ri g Veda, 5, 48, !
et 1, 25, 13.)
« Il a deux bras et se tient sur le dos d'un cygne. Sa main droite fait le geste d'éloigner la crainte. Dans sa main gauche il tient un lacet fait d'un serpent. Il porte tout ce dont on peut jouir. Les eaux-vierges dont il est le Seigneur doivent être montrées sur sa gauche. A sa droite est le Nourricier (son fils) d'heureux présage. Il est entouré de serpents de rivières, des fils de Yadu et des Océans. »
( Hayashirsha Pâncarâtra.)
« Souriant, gracieux, couleur de neige, de lotus ou de lune, muni de tous ses ornements et attributs, il est debout, heureux, entouré d'un halo fait d'une lumière fraîche qui porte chance. On le vénère avec des flots d'eau salée. »
( Varu n a dhyâna.) Son parasol fait du chaperon d'un cobra, LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 1 8 9
s'appelle Plaisir (Abhoga). Son emblème est un poisson.
Le char de Mitra et de Varuna brille comme le Soleil. Il a un avant proéminent (Ri g Veda, 1, 122, 15). Les rayons du soleil sont ses rênes. Sa demeure favorite est la Montagne-fleurie (Pu sh pa-giri). Son palais est d'or. Une eau fraîche coule du toit ( Mahâbhârata, 5, 3544). Sa capitale, la plus belle du monde, s'appelle Nuit-étoilée (Vibhâvari) ou Cité-
terrestre (Vasudhâ nagara) ou encore Joyeuse (Sukhâ). Ses palais sont peuplés de beautés célestes et pleins de tous les instruments du plaisir.
La salle d'assemblée de Varu n a fut construite par le Grand-architecte Vishva-Karman. Située au milieu des eaux, elle est agrémentée d'arbres précieux portant des fleurs de toutes couleurs et dont les fruits sont des perles.
Il y a des buissons pleins d'oiseaux chanteurs. Varu n a est assis sur un trône dans cette salle, son épouse à ses côtés, entouré de serpents (Nâga-s), de génies (Daitya-s et Dânava-s) et d'autres êtres.
D'après le Mahâbhârata, le père de Varu n a est la boue (Kardama), son épouse Varu nâni ou Vâru n i est la déesse du vin. Elle est parfois appelée Gau dî ou Gaurî, la pâle ( Mahâbhârata, 2, 9). Leur fils est le Nourricier (Pu sh kara)1
ou le sage Remueur-de-montagnes (Agasti). On raconte que Varu n a enleva Fortunée (Bhadrâ, l'épouse du Brâhma n a Utathya), mais le dieu fut forcé de la rendre2. D'une certaine façon Varu n a est aussi le père du sage Vasi shth a.
La première épouse de Varu n a est la fille du sage Shukra selon le Mahâbhârata (1, 66, 54-55). Elle lui donna deux enfants : un fils, Force, et une fille, Vin (Surâ). Un autre de ses fils, Immoralité (Adharma) épousa Infortune (Nir ri ti).
Leurs enfants sont Malchance (Nair ri ta) et les Esprits-du mal (Rak sh asa-s) ainsi que Peur (Bhaya), Terreur (Mahâ-
bhaya), et Mort (M ri tyu). Varu n a eut d'une autre épouse 1. Mahâbhârata, Udyoga P a r v a n , 98, 12.
2. Mahâbhârata, Anushâsana P a r v a n , 259, 13.
190 LE POLYTHÉISME HINDOU
Eau-fraîche (Shîtatoya), un fils Guerrier-fameux (Shrutayudha). ( Mahâbharata, 1, 67 et 5, 98.) Un autre de ses fils, le Barde (Bandi), sortit victorieux de joutes philosophiques à la cour du roi Janaka ( Mahâbharata, 3, 136).
Varu n a est appelé Savant (Vidvân), Sage (Medhira), Intelligent (Dhira), Discriminateur (Pracetas), Subtil (Gritsa), Habile (Sukratu h), Inspiré (Vipra), Clairvoyant (Kavi), Poète (Kavitara), le Grand-poète (Kavitama), Vivant-longtemps (Vishvâyu), Grand (Mahân), Vaste (B ri hat), Puissant (Bhûri), Formidable (Prabhûti). Dans la période ultérieure il est appelé Seigneur-des-eaux (Apampati, Amburâja, Jaleshvara, Jalâdhîpa, Vâripa, Udakapati), Maitre-des-animaux-aquatiques (Yadâsampati), Aux-cheveux-d'eau (Viloma, Vâriloma), Maître-des-rivières (Nadî-pati), Seigneur-de-tout-ce-qui-coule (Sarvâsâm-saritam-pati), Nourricier (Bhart ri).
La correspondance Varu n a Ouranos a souvent été notée, mais le parallèle ne s'étend pas à tous les aspects du dieu.
En Iran, le Grand anti-dieu (Mahân-Asura) Varu n a devient Ahura Mazda.
DAKSH A, L'ART-RITUEL
L'Art-rituel (Dak sh a) représente l'habileté technique du prêtre et du magicien qui rendent le rituel effectif et les contacts avec les dieux possibles et fructueux. Il exige de l'efficacité, de l'intelligence, de la précision, de l'imagination et est en conséquence le privilège d'hommes jeunes, capables, adroits. « Nous t'invoquons, ô oblation (Soma).
Apporte-nous la fortune, rends nos jeunes gens sincères et donne-leur l'habileté (dak sh a [rituelle]). » (Ri g Veda, 1, 91, 7.) L'existence de toute chose dérive de l'Art-rituel, de la technique des sacrifices. Dak sh a définit la manière de se conduire envers les dieux, art complexe, mystérieux et créatif qui est la contrepartie d'Aryaman, le rituel social, la manière de se conduire envers les hommes.
LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 191
« O Dak sh a ! l'Étendue-primordiale (Aditi) est ta fille.
Elle donna naissance aux dieux bénis, qui se partagent le breuvage d'immortalité. » (Ri g Veda, 10, 72, 5.) Les dieux eux-mêmes naissent du sacrifice et sont nourris par lui.
Dak sh a n'engendre que des filles qui sont les énergies nées du sacrifice. Il les élève avec soin et, un jour, il lança sa malédiction contre l'Oblation que symbolise la Lune, le calice du Soma, qui avait épousé vingt-sept de ses filles (les maisons lunaires) mais avait montré trop de préférence pour l'une d'elles, Rohinî.
Dans la vie du clan, Dak sh a représente le père de la femme qui cherche des alliances au moyen des rites de l'amour desquels naissent de nouveaux guerriers. Aryaman, au contraire, ne s'occupe que du côté mâle de la société.
Dans la mythologie tardive, Dak sh a, l'art du sacrifice, est personnifié par un sage qui accomplit de grands rites sacrificiels.
Dans le quatrième livre du Bhâgavata Purâ n a, nous voyons le sacrifice de Dak sh a dérangé par Shiva, l'époux de l'une de ses filles, Fidélité (Sati), parce que Shiva ayant négligé le protocole familial n'avait pas eu sa part du sacrifice.
AMSHA, LA CHANCE
Amsha, la part des dieux, représente tout ce que l'on gagne ou obtient par chance, par accident, par la guerre, par des moyens inattendus. Il est le butin, les trésors qu'on trouve, et se différencie de l'héritage humain et légal qui est Bhaga.
« Augmente notre part [de butin] (amsha) dans la bataille. » (Ri g Veda, 1, 102, 4.) « Sa part (amsha) est épuisée comme la richesse du vainqueur. » (Ri g Veda, 32, 12.) Un autre aspect très important de la part des dieux est cette part mystérieuse dans sa forme et sa fin qui est donnée aux dieux durant les sacrifices ou leur est offerte avant un repas.
192 LE POLYTHÉISME HINDOU
Amsha est aussi la taxe royale, la part spéciale réservée pour le roi et qui s'oppose à la distribution normale et éga-litaire entre les membres du clan.
Les Principes-souverains mineurs de ce monde-ci
TVASHTRI , L'INDUSTRIE
Tva sthri, le Façonneur, représente l'art artisanal qui produit les armes ( Atharva Veda, 12, 3, 33). Tva shtri est donc un aspect essentiel de la sécurité et du progrès. Comme artisan du ciel, il forge le tonnerre et ciselle la coupe de Soma. Représentant un art qui appartient originellement à l'Inde pré-aryenne, il est un anti-dieu, un Asura, mais il est aussi l'un des ancêtres de la race humaine. Il garde dans sa maison le breuvage sacré, le Soma, que le guerrier Indra vient y boire. Indra, pour lui voler ses vaches, tua le fila du Façonneur, un fils à trois têtes, appelé Forme-du-monde (Trishiras Vishvarûpa)l. Le Forgeron, furieux, interdit si maison au guerrier, mais le dieu parvint à emporter de force le breuvage d'immortalité.
Tva shtri porte une hache de fer. Il est beau, habile et il donne la prospérité et la longévité ainsi que la force sexuelle. Il façonne l'un pour l'autre, l'épouse et l'époux C'est lui qui fait croître la semence dans la matrice façonne l'embryon et modèle la forme des hommes et des animaux. Il a inventé et fait vivre beaucoup d'espèces de créatures ( Shatapatha Brâhma n a). C'est le Façonneur qui forma le Maître-des-grands (Brahma n aspati) et le Seigneur-du-feu (Agni) ainsi que le ciel et la terre, les eaux et les craquements du feu rituel (les Bh ri gu-s). Il s'associe aux artisans du ciel, les Ri bhu-s, et on le voit parfois envieux, parfois admiratif de leur adresse.
1. D a n s d'autres m y t h e s il s'agit de deux fils : Trois-têtes et Forme-du-monde.
LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 1 9 3
Tva shtri a une fille, Nuage (Sara n yu), qu'il maria à la Loi-ancestrale (Vivasvat). Elle devint la mère des dieux jumeaux de l'agriculture, les Ashvin-s. (Ri g Veda, 10, 17, 1-2.)
D'après le Brâhma nd a Purâ n a (3, 1, 86-87) les trois fils du Façonneur sont : Triple-tête (Trishiras), Forme-du-monde (Vishva-rûpa) et le Grand-architecte (Vishva-Karman). Les deux premiers étaient les fils de Gloire (Yashodarâ) et le dernier le fils de Fille-de-lumière (Vairocani). Triple-tête et Forme-du-monde sont parfois considérés comme une seule personne. Dans les Purâ n a-s, Tva shtri est lui-même identifié soit au Grand-architecte (Vishva-Karman), le Constructeur de l'Univers, soit au Progéniteur (Prajâpati).
PUSH AN, LE PROGRÈS
Le Progrès (Pû sh an) est lié à l'héritage humain (Bhaga).
Pûs/ian est le gardien des voies. Il protège les hommes et le bétail des dangers de la route. Il est le guide des vivants et des morts. Il retrouve les choses et les bêtes perdues.
Il est le dieu du bétail, de la fécondité, des troupeaux.
Les magiciens lui sacrifient. Il est le patron des sorciers, surtout de ceux qui retrouvent les objets volés.
Source de la fécondité, Pû sh an est associé à la semence, à l'offrande et à son réservoir, la Lune. Il dirige les céré-
monies du mariage. Il est souvent mentionné dans les Veda-s. De nombreux hymnes lui sont adressés.
Le nom Pû sh an vient de la racine pu sh qui veut dire
« nourrir, développer ». « Quand le Progéniteur eut façonné les créatures, ce fut Pû sh an qui les nourrit. » ( Taittirîya Brâhma n a.)
Pû sh an est l'amant de sa sœur Suryâ (la Solaire). Il aide à perpétuer le cycle du jour et de la nuit, et il se partage avec Soma la protection des êtres vivants. Il est 194 LE POLYTHÉISME HINDOU
invoqué avec d'autres dieux, mais le plus souvent avec Indra et Bhaga.
Pû sh an est appelé le Splendide (âghri n i). Son apparence et son pouvoir sont merveilleux. Dans le Nirukta et les ouvrages plus tardifs, il est, comme les autres Aditya-s, identifié au Soleil. Il est le frère d'Indra.
Pû sh an est sans dents. On le nourrit avec de la bouillie.
Toutes les oblations qu'on lui offre doivent être hachées ou moulues. On l'appelle Mangeur-de-pâtée (Karambhad).
Ce manque de dents est expliqué diversement. D'après le Taittirîya Samhitâ, Rudra qui aurait été exclu d'un sacrifice, perça l'oblation de ses flèches. Cette oblation fut offerte à Pû sh an qui se brisa les dents. Selon le Shatapatha Brâhma n a il perdit ses dents en mangeant l'oblation du sacrifice au cours duquel Rudra attaqua le Progéniteur pour l'empêcher de commettre un inceste avec sa propre fille. Dans le Mahâbhârata, Rudra se lance contre les dieux présents au sacrifice de Dak sh a, et, dans sa rage, aveugle Bhaga et, de ses pieds, brise les dents de Pû sh an qui mangeait les offrandes. Dans les Pûra n a-s, c'est Virabhadra, une émanation de Shiva, qui vient déranger le sacrifice des dieux et brise les dents de Pû sh an.
Dans l'hindouisme tardif, il ne reste que des traces de son culte.
VIVASVAT, LA MORALE OU LOI DES ANCÊTRES
Vivasvat est la persomification de la Morale, la loi du bien et du juste. Il est le sage qui règle la conduite des hommes d'après les lois établies par les ancêtres.
Il est le père de Yama qui est Roi des ancêtres. (Ri g Veda, 10, 10, 1 et 10, 58, 1.) Comme tous les Principes-souverains, il est le fils de Vision (Kashyapa) et d'Étendue-primordiale (Aditi). Il est aussi le père de Vaivasvata Manu, le Législateur et premier ancêtre de l'humanité présente ( Mahâbhârata). Les dieux jumeaux de l'agriculture, les LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 195
Ashvin-s, médecins du ciel, sont aussi ses enfants (Ri g Veda, 10, 17, 2). Parfois on fait de Vivasvat le père de tous les dieux (Ri g Veda, 10, 63, 1).
La fille de Tva shtri, Nuage (Saranyû), est l'épouse de Vivasvat (Ri g Veda, 10, 17, 1). Ses messagers sont le feu (Ri g Veda, 10, 17, 1) et le vent (Ri g Veda, 1, 58, 1).
Dans l'Avesta son nom est Vivahvant. Un livre de sciences morales et politiques (Dharma-shâstra) est attribué à Vivasvat.
Les Principes-souverains mineurs de ce monde-là
SAVITRI, LE VIVIFIANT, L'ART-MAGIQUE
Le septième Principe-souverain, l'Art-magique ou pouvoir magique des mots (Savit ri) est parfois compté comme l'un des Principes-souverains principaux (Ri g Veda, 99, 114, 3).
Savit ri représente le pouvoir magique du Verbe identifié au pouvoir procréateur du Soleil. Il représente le principe même de la création par le Verbe. Il est le pouvoir magique des mots qui permet toute action humaine et qui dirige toutes les activités de l'homme.
« Le pouvoir-des-mots (Savit ri) prit d'abord possession de l'esprit et de la pensée. Il capta la lumière du feu et la fit sortir de la terre. Lorsque le mental est contrôlé, nous recevons l'inspiration du pouvoir divin, du Verbe qui nous donne la force et nous mène au Ciel. L'esprit, ayant pris sous son contrôle les puissances qui sont transmises par la pensée, entre dans des cieux brillants. Puisse le Pouvoir du Verbe inspirer les hommes et une grande lumière en jaillir. » ( Shvetâshvatara Upani sh ad, 2, 1-3.) Savit ri, le Vivifiant, est l'essence de la parole magique, du montra que prononcent les prêtres et qui fait se lever le Soleil. Il est le son même par lequel le Soleil fut créé.
C'est pourquoi, comme Sayana l'explique, Savit ri est 196 LE POLYTHÉISME HINDOU
le nom donné au Soleil avant qu'il se lève et après qu'il ait disparu.
Le mot Savit ri est dérivé de la racine su qui veut dire faire naître. Savit ri est donc un nom du Soleil considéré comme la source de la Création.
Savit ri a des bras et des cheveux d'or. Son épouse es Rayon-de-lumière (P ri shni). Onze des hymnes du Ri g Veda lui sont adressés et le considèrent comme le Progéniteur. Son nom est particulièrement lié à un célèbre vers de douze syllabes du Ri g Veda (3, 62, 10), aussi appelé Gâyat ri, qui doit être récité trois fois par jour, au levant à midi et au couchant par les deux-fois-nés et qui est la parole la plus sacrée du Veda.
Savit ri préside également aux armements magiques que les dieux donnent aux faiseurs de sacrifices et qui mènent à la victoire.
SHAKRA, LE COURAGE ET LA SÉCURITÉ EXTÉRIEURE
Shakra représente le courage, la nécessité de la force brutale de la guerre, qui mène à la victoire, au butin, à la puissance, à la sécurité extérieure. Il incarne l'héroïsme victorieux des guerriers et l'exubérance de la jeunesse. Il porte les insignes du conquérant, les attributs d'un roi.
Il est vainqueur des ennemis naturels et surnaturels de la cité. Il s'enivre du soma qui lui donne la force et la fureur.
Le mot Shakra vient de shak « être fort » et veut dire
« puissant ».
PARJANYA, LE DIEU-DE-LA-PLUIE
Parjanya est le frère cadet d'Indra qui est parfois substitué à Shakra dans la liste des Adityas-s. C'est un dieu bienveillant dont le nom veut dire « donneur de pluie ».
LES PRINCIPES SOUVERAINS (ADITYA-S) 1 9 7
VISHNU, L'OMNIPRÉSENT, LE SAVOIR, LA LUMIÈRE DE
LA CONNAISSANCE, LA LOI-COSMIQUE, PARTOUT PRÉ-
SENTE DANS LES TROIS MONDES
Nous verrons, lorsque nous décrirons la Trinité hindoue, les différentes étymologies du mot Vi shn u. Son sens principal semble toutefois venir de la racine vi sh « pénétrer, être partout ».
Dans la mythologie védique, Vi shn u l'Omniprésent ou l'Immanent représente la perception de la loi-cosmique qui est présente en toutes choses dans l'Univers et qui est révélée à l'homme par une illumination, que nous appelons savoir, qui est comparée à la lumière du soleil, traversant par trois enjambées les sept régions de l'Univers. Quelques commentateurs védiques expliquent les trois pas comme les trois manifestations de la lumière : le feu, l'éclair et le soleil qui rendent visibles les trois sphères enjambées par Vi shn u. Leurs emplacements symboliques sont les points où le soleil se lève, atteint le zénith et se couche. Ces trois pas de Vi shn u trouvent leur illustration mythique dans l'incarnation du nain.
Dans les Veda-s, Vi shn u s'associe occasionnellement avec Indra. Le savoir s'unit au pouvoir. Le prêtre qui incarne le savoir aide le roi qui incarne la justice. Ensemble ils tuent le démon Obstructeur (V ri tra). En compagnie d'Indra, Vi shn u boit l'ambroisie. Il est appelé Second-Indra (Upendras) ou frère d'Indra (Indrânuja).
Nous verrons, dans les chapitres consacrés à Vi shn u, son importance en tant que personnification du Pouvoir de cohésion duquel naît le Soleil.
Dans le Ri g Veda, Vi shn u n'apparaît pas au premier rang des dieux. Il n'a pas tous les caractères qu'il acquerra ultérieurement, mais il est déjà le Principe préservateur et invincible.
198
LE POLYTHÉISME HINDOU
Dans les Brâhma n a-s, Vi shn u possède de nouveaux attributs et est entouré de mythes inconnus des Véda-s, mais encore très différents de ceux des Purâna-s. Dans Manu le nom est mentionné, mais pas comme celui d'une divinité majeure.
VI
AUTRES DIEUX
Les Ashvin-s, les dieux jumeaux à tête de cheval, protecteurs de l'agriculture et médecins des dieux LES anciens commentateurs des textes sacrés ont donné des interprétations très diverses de la signification des Ashvin-s. Selon le Nirukta, ils sont le ciel et la terre, le jour et la nuit. Yâska mentionne de vieux commentaires qui les prennent pour « deux rois qui accomplirent des actes pieux ». Le mot ashva (cheval) veut dire « péné-
trant ». Le cheval est toujours un symbole des divinités lumineuses. Le char du Soleil est tiré par des chevaux.
Dans la hiérarchie céleste, les Principes-souverains et Mitra-Varu n a représentent la fonction sacerdotale, le brahma; les Marut-s forment la noblesse guerrière, le K sh atra; les Ashvin-s représentent la troisième fonction, les agriculteurs-éleveurs, le vis. Ce sont eux qui donnent la santé, la jeunesse, la fécondité. Ils sont la source de l'abondance en nourriture, en hommes et en biens.
Connaissant les secrets des plantes, les Ashvin-s sont les médecins du ciel. Guérisseurs, ils secourent les malades.
Ils apportent le miel aux dieux, et avec l'aide du sage-magicien Dadhîca (ou Angirasa), ils découvrent le Soma 2 0 0 LE POLYTHÉISME HINDOU
caché dans la demeure de l'artisan Tva shtri. Ce sont eux qui enseignent aux hommes et aux dieux l'usage du vin (surâ).
Une atmosphère merveilleuse de légende entoure les Ashvin-s. Ils aident les héros qu'ils sauvent et dont ils guérissent les blessures. Ils sauvèrent le Plaisir (Bhujyu) qui se noyait et l'Appétit (Atri) qu'un démon avait mis dans une chaudière bouillante.
Indra refusa de reconnaître leur divinité et leur droit au Soma puisqu'ils appartenaient à la classe ouvrière et étaient donc impurs rituellement ( Mahâbhârata, 12, 7590).
Mais le sage Activité (Cyavana) qui avait reçu d'eux la jeunesse perpétuelle obligea Indra à leur faire une place parmi les dieux.
Appelés les Inséparables (Nâsatya-s), les Ashvin-s sont de beaux jeunes hommes au teint doré. Ils sont agiles, rapides comme des faucons. Ils prennent toutes les formes qui leur plaisent. Ils ont une seule femme en commun, C'est Sûryâ, la fille du Soleil. On mentionne toujours les Ashvin-s ensemble, parfois même comme une seule personne. Leurs noms individuels sont aussi des noms qui leur sont communs. L'un est appelé Sans-mensonge (Nâsatya) et l'autre Miraculeux (Dasra). Leurs autres appellations sont Fils-de-la-mer (Abdhi-jau), Aux-colliers-de-lotus (Pushkara-srajau), Fils-du-feu-sous-marin (Bâda veyau), Défaiseurs-de-maladies (Gadâgadau), Médecins-du-ciel (Svarga-vaidyau).
Les adjectifs qu'on leur applique sont nombreux et font surtout allusion à leur jeunesse, leur beauté, leur éclat, leur vivacité, leur bienveillance et leur art de guérir.
Fils du ciel, ils apparaissent dans le ciel dès l'aurore.
Ils traversent l'espace dans leur char d'or que tirent des oiseaux ou parfois des chevaux. Avant-garde de l'aurore, ils préparent la voie devant elle. Ils sont parents du AUTRES DIEUX
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Progrès (Pû sh an). Dans le Mahâbhârata, ils sont les pères de deux des Pa nd ava-s, Nakula et Sahadeva.
La Connaissance-intuitive (Samjñâ), fille de l'Industrie (Tva shtri), épousa la Loi-de-perfection (Dharma) qui est la Loi-ancestrale (Vivasvat) dont le symbole visible est le Soleil. Incapable de supporter l'éclat de son époux, la Connaissance laissa à ses côtés son ombre et, prenant la forme d'une jument (Ashvinî) symbole de la lumière solaire, elle s'adonna à la vie ascétique. La Loi-de-perfection, prenant la forme d'un cheval, partit à sa recherche.
Lorsqu'il l'eut retrouvée, deux fils jumeaux naquirent qui sont les Ashvin-s. ( Mahâbhârata, 1, 67-35; Bhâgavata, 6, 6, 40.) Puisque leur mère avait alors la forme d'une jument, les jumeaux furent appelés les Fils-de-la-jument (Ashvinî-Kumâra-s).
Le grand nombre des hymnes védiques qui leur sont adressés attestent de l'importance du culte aujourd'hui oublié des Ashvin-s. On les invoque encore durant les cérémonies du mariage.
Un traité célèbre d'art médical qui leur est attribué s'appelle l' Ashvinî-Kumâra-Samhitâ.
Les Régents des directions de l'espace
L'espace, le substrat du Cosmos, est le lieu, la source des formes. C'est pourquoi les directions, les déterminants de l'espace ont une signification particulière. Des puissances cosmiques ou des dieux sont symboliquement attachés aux directions de l'espace dont ils révèlent et expriment la nature.
L'orientation est un élément essentiel du rituel. L'Est où le soleil se lève, l'Ouest où il se couche, le Nord et le Sud vers lesquels il voyage durant le cycle des saisons représentent des notions complémentaires qui s'expriment dans la personne de certains dieux.
2 0 2 LE POLYTHÉISME HINDOU
Les Régents des directions sont les Protecteurs-du-monde (Loka-pâla-s) et portent les attributs royaux. Ils sont les souverains des sphères, les rois des diverses régions des trois mondes. Dans les Upani sh ad-s, ils sont généralement quatre, parfois cinq. Dans les Purâ n a-s, les Récits épiques et Manu, ils sont huit, dans les Tantra-s, dix.
L'architecture sacrée, le plan des villes et l'organisation des rites sont basés sur une classification des sphères d'influence des Régents de l'espace. Nous trouvons la marque de leur importance dans tous les pays et dans tous les temps.
La porte du Sud ouvre la voie des morts, la voie des ancêtres1. Selon Manu (3, 206), les offrandes aux ancê-
tres doivent toujours être présentées face au Sud.
D'après la B ri had-âra n yaka Upani sh ad, le Soleil est le régent de l'Est, Yama du Sud, Varu n a de l'Ouest, Soma du Nord, Agni du zénith. Mais dans la Chândogya Upani sh ad nous trouvons la classification commune suivie dans les Purâ n a-s, les Tantra-s, les poèmes épiques, les ouvrages d'architecture et d'astrologie. Dans cette classification :
Indra, roi du Ciel, protecteur des braves, réside dans l'Est,
Yama, roi des Ancêtres, roi des Morts et justicier, dans le Sud,
Varu n a, Seigneur-des-eaux, maître du destin, gardien des rites, dans l'Ouest,
Kubera, Maître des trésors, roi des génies et des hommes, dans le Nord.
Au cours de la cérémonie où l'enfant reçoit un nom, des invocations sont faites aux quatre Régents de l'espace.
D'après la Chândogya Upani sh ad :
« Le quartier de l'Est est la louche sacrificielle [car l'on offre des oblations face à l'Est].
1. La Via Appia à R o m e , bordée de t o m b e a u x .
AUTRES DIEUX 2 0 3
Le quartier Sud est victorieux [car on part pour la guerre face au Sud].
Le quartier de l'Ouest est royal [car là réside le Maître-du-destin Varu n a vêtu de la pourpre royale du couchant].
La richesse se trouve dans le quartier Nord [car c'est la que réside Kubera, le Maître des trésors].
Le vent est l'enfant des quartiers de l'espace. « Celui qui connaît les secrets du Vent ne pleure jamais un fils. »
( Chândogya Upani sh ad, 3, 15, 2.) (Les explications entre crochets sont celles du commentaire de Shankarâcârya.) Les régents des demi-directions sont diversement repré-
nentés. Dans le Nord-Est ils sont le Soma (l'oblation ou la Lune), le Purificateur (Ishâna, un aspect de Shiva) ou la Terre-nourricière (P ri thivi). Le Feu (Agni) réside dans le Sud-Est. Dans le Sud-Ouest nous rencontrons le Soleil (Sûrya) ou le Déclin (Nir ri ta). Le Roi-des-vents (Vâyu ou Marut) réside dans le Nord-Est.
Les deux régents additionnels mentionnés par les Tantra-s sont Brahmâ, l'Être-immense, l'inspirateur du ut voir au zénith et l'Illimité, Vi shn u, le Sauveur du monde au Nadir. Ces deux dernières attributions sont en rapport avec le mythe du Linga de lumière dans lequel Shiva apparaît comme l'axe de l'Univers et Brahmâ monte vers le haut sous la forme de l'Oie du Savoir tandis que Vi shn u, le support de la terre, descend sous la forme d'un sanglier vers le bas.
2 0 4 LE POLYTHÉISME HINDOU
Nous avons déjà rencontré la plupart des Régents de l'espace. Nous allons maintenant brièvement voir la signification de Yama, Kubera et Nir ri ta, Ishâna sera décrit dans le chapitre sur Shiva.
Yama, Celui-qui-entrave, le roi des morts
Yama est le souverain des morts, le dieu des régions infernales. Sinistre et terrible il juge les morts que ses exécuteurs traînent devant son trône. Il est l'incarnation de la Loi-de-perfection (Dharma), le Roi juste (Dharma-râja). Il reste cependant accessible à la pitié.
Dans les Veda-s, Yama est le Premier-ancêtre et le Roi-des-ancêtres (Pit ri-râja). Il règne sur le royaume des morts où résident les ancêtres. Il est Roi-des-fantômes (Preta-râja) et Seigneur-des-ancêtres (Pit ri-pati). Il a le rang d'un dieu car le soma est pressé pour lui. Il ressemble de très près au Yima iranien, premier homme et premier roi.
Yama veut dire « celui qui contraint, qui entrave ».
C'est Yama qui contrôle les humains. « Il contrôle et décide quelles sont les actions des êtres vivants qui portent des fruits et quelles sont celles qui n'en portent point. »
« Celui qui contrôle (yachati) tous les êtres sans distinction est Yama, l'entraveur. » ( Mahâbhdrata, 12, 3446.)
« C'est parce qu'il contrôle les hommes qu'il est appelé Yama. » ( Mahâbhârata, 3, 16813.) Le mot Yama veut aussi dire « jumeau ».
Yama symbolise la punition (da nd a), la Loi-immuable sur laquelle repose le monde, car « l'Univers est construit d'après une loi » ( Mahâbhârata, 12, 4407). Il est le juge qui enchaîne et punit les morts. Il est lui-même appelé la Mort (M ri tyu) et la Fin (Antaka). Il est le Temps (Kâla), le Finisseur (K ri tânta), le Régisseur (Shamana) le Porteur-de-férule (Da nd in ou Da nd adhara) aux décrets AUTRES DIEUX
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terribles (Bhîma-shâsana). Il porte le lacet (Pâshin). Il est la divinité qui préside aux rites funèbres (Shrâddha-deva). En tant que Régent du Sud il est appelé Seigneur-du-Sud (Dakshi n a-pati).
Il existe un code de morale (Dharma-shâstra) qui porte le nom de Yama.
Yama est le fils de la Loi-ancestrale (Vivasvat) (Ri g Veda, 10, 14, 5), représenté comme une émanation solaire.
Il est le Progéniteur de l'espèce humaine. Sa mère est le Nuage (Sara n yu) (Ri g Veda, 10, 17, 2), fille du Grand-architecte (Vishva-karman). Le frère de Yama est le Législateur (Manu) qui partage avec lui le privilège d'avoir engendré l'homme. Yama a de proches relations avec les Âshvin-s qui sont aussi des fils de Vivasvat et dont la mère, la Connaissance-intuitive (Samjñâ), est exactement semblable au Nuage (Sara n yu), la mère de Yama.
La sœur jumelle de Yama est Yami qui l'aime avec passion bien qu'il soit parfois dit qu'il refusa de s'unir à elle (Ri g Veda, 10, 10). Après la mort de Yama, Yami fut plongée dans une douleur si amère que les dieux créèrent la nuit pour qu'elle puisse oublier. Elle descendit plus tard sur la terre sous la forme de la rivière Yamuna ( Mâr-ka nd eya Purâna, 77).
Yama épousa dix des filles d'Art-rituel (Dak sh a) qui sont les énergies produites par le sacrifice ( Mahâbhârata, 1, 2577). Ailleurs sa femme est appelée le Linceul-de-fumée (Dhumor nâ) ( Mahâbhârata, 13, 7637). Parfois on fait d'elle la déesse de la beauté (Shrî). Yama a trois autres épouses appelées Guirlande-d'or (Hema-mâlâ), Bonne-conduite (Sushilâ) et Victoire (Vijayâ).
L'aspect de Yama est terrible et sinistre, son corps difforme et laid, son teint verdâtre, ses yeux rouges et brillants. Il porte des vêtements rouge sang. Ses cheveux noués au sommet de la tête sont couverts par une couronne resplendissante. Ses mains sont comme des griffes 2 0 6 LE POLYTHÉISME HINDOU
de fauve. Il tient un lacet et un bâton, et possède aussi une hache, une épée et un poignard. Il chevauche un buffle noir, appelé Terrible, et quelquefois apparaît lui-même sous la forme d'un buffle. Sous l'aspect du Temps il est un vieillard, avec un bouclier et une épée. Cependant dans certains récits on le représente comme un homme avenant. « Pendant un instant, il aperçut un homme vêtu de jaune, les cheveux noués en un chignon.
Il était splendide comme le soleil, d'une noirceur sans défaut, avec des yeux rouges. Un lacet à la main, il inspi-rait la peur. » ( Mahâbhârata, 3, 16754-55.) Les gens vertueux et les coupables voient Yama sous une forme différente. Pour les vertueux il ressemble à Vi shn u .
« Il a quatre bras, la peau noire, des yeux pareils à des lotus ouverts. Il tient une conque, un disque, une massue et un lotus. Sa monture est l'oiseau Verbe-ailé (Garu d a).
Son cordon sacré est en or. Son visage est aimable et souriant. Il porte une couronne, des anneaux d'oreilles et une guirlande de fleurs des champs.
« Pour le coupable ses bras paraissent longs de trois cents lieues. Ses yeux sont des puits sans fond. Ses lèvres sont minces, cruelles, couleur de fumée. Il rugit comme un océan destructeur. Ses cheveux sont des roseaux gigantesques, sa couronne est de flammes. Le souffle de ses larges narines peut éteindre les incendies des forêts. Ses dents sont longues, ses ongles comme des vans. Férule en main, vêtu de peaux de bêtes, il fronce les sourcils. »
( Padma Purâ n a, Kriyâ-yoga-sârâdhyaya, 22.) Yama réside dans le Sud, au bout de la terre, sous la terre, dans l'obscurité. Sa ville a quatre portes et sept arches. Deux rivières traversent la ville : le Ruisseau-de-fleurs (Pu sh podaka) et la Rivière-de-la-loi (Vaivasvati).
La salle du jugement est la salle-du-destin (Kâlâci). C'est là que Yama est assis sur le trône-du-jugement (Vicârabhû).
AUTRES DIEUX
2 0 7
« La ville de Yama est la cité-des-liens (Samyamini).
Secrets-multiples (Citra-gupta) est son scribe. Ses minis-tres sont Colère (Ca nd a) et Fureur (Mahâca nd a). Linceul-de-fumée et Victoire sont ses bien-aimées. Le lieu du jugement est sous la terre. Les messagers de la mort sont ses assistants. » ( Jatâdhara.)
« Ces messagers sont vêtus de noir avec des yeux rouges et des poils hérissés. Leurs pieds, leurs yeux et leur nez sont comme ceux des corbeaux. » ( Mahâbhârata, 13, 3399.)
« Le cocher de Yama s'appelle Maladie (Roga). Il est entouré de démons qui sont les diverses maladies. » ( Mahâ-
bhârata, 5, 3779.) De nombreux sages et des rois s'assemblent aussi à la cour du Roi-des-ancêtres pour lui rendre hommage. Des musiciens et des danseurs célestes charment les visiteurs. A la porte de la salle du jugement est un gardien appelé Légalité (Vaidhyata).
Yama possède deux chiens qui ont quatre yeux et de larges narines. Ils sont les petits de Rapide (Saramâ), la chienne qui garde les troupeaux d'Indra. Ils surveillent la voie des morts.
Quand l'âme quitte le corps, les messagers de Yama conduisent l'être fatigué à travers un désert sans ombre ni eau jusqu'à la ville de Yama. Là, les morts entrent seuls, sans amis ni famille. Leurs actes seuls les accompagnent. Après que le scribe Secrets-multiples a lu le rapport des actions de l'homme sur le registre appelé Collection-du-passé, l'âme est conduite pour être jugée devant le trône de Yama qui apparaît aimable aux justes, terrible aux coupables.
« Les coupables qui entrent par la porte du Sud doivent passer sous une poterne de fer rougi et traverser la rivière Abandon (Vaitara nî), fétide et brûlante, pleine de sang, de cheveux et d'ossements où nagent des monstres horri-bles ! » ( Devata-tattva.)
2 0 8 LE POLYTHÉISME HINDOU
Multiples-secrets (Citra-gupta), le scribe de la mort Le Créateur ayant accompli son œuvre, médita sur l'Immensité suprême.
« Soudain, tandis qu'il méditait, un homme d'apparence céleste jaillit de son corps. Cet homme tenait entre ses mains un livre de comptes et un roseau pour écrire. C'est lui qui est connu sous le nom de Secrets-multiples. Se tenant auprès du Seigneur-de-justice, il a pour mission d'inscrire les actes bons et mauvais de tous les vivants.
L'Être-immense lui révéla des choses subtiles et lui attribua une part des oblations offertes dans les sacrifices.
Depuis lors, les deux-fois-nés le nourrissent de leurs offrandes. Comme il était né du corps (kâya) de Brahmâ, sa caste est celle des scribes (kâyastha). » ( Padma Purâ n a, Srishti kha nd a.)
« Citra-gupta a neuf fils appelés : Panégyriste (Bha tt a), Citoyen (Nâgara), Dépendant (Senaka), Peau-claire (Gau d a), Serviteur-de-la-beauté (Shrî vâtstavya), Joueur (Mâthura), Chevaucheur-de-serpents (Ahishthana), Esclave tartare (Shakasena) et Porteur d'eau (Ambashtha). Ceux-ci sont les ancêtres des diverses castes de scribes. » ( Devatâ tattva.)
On vénère Citra-gupta le second jour de la quinzaine claire du mois de Kârtika. Son image est en fer avec des ornements noirs.
Kubera, le maître des trésors
Le Régent du Nord est Kubéra. Son nom apparaît pour la première fois dans l' Atharva Veda où il est le chef des esprits de l'obscurité et est appelé Fils-de-la-renommée (Vaishravana). ( Atharva Veda, 8, 10, 28.) Dans le Mahâ-
bhârata, Kubera est le fils du sage Chevelure-lisse (Pulastya) qui était le père de Renommée et est parfois mentionné AUTRES DIEUX
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comme son grand-père. Le nom de Kubera apparaît dans une inscription du deuxième siècle av. J.-C.
Kubera est le Dieu-des-richesses, le chef des génies appelés Mystérieux (Yak sh a-s) ou Secrets (Guhyaka-s) qui gardent les pierres et les métaux précieux accumulés sous la terre. Il possède aussi les neuf trésors. ( Harivamsha, 13, 131.)
La mère de Kubera est Félicitation (Idavi dâ). Elle était la fille d'un sage appelé Rapide (Bharadvâja).
Selon le Bhâgavata Purâ n a (1, 4, 3), Félicitation est la fille du sage royal Goutte-menue (Tri n a-bindu). D'après le Râmâya n a (7, 9) et le Vi shn u Purâ n a, elle est la femme de Chevelure-lisse de qui Renommée est le fils. Rapidité donna sa fille Panégyriste-des-dieux (Deva-Var n inî) comme épouse à Renommée.
Les demi-frères de Kubera sont le Hurleur (Râvana), le puissant roi de Ceylan, Oreille-de-pot (Kumbhakar n a) et Terrifiant (Vibhi sh a n a) qui devint l'allié de Râma.
Leur sœur est Griffe-aiguë (Shurpa n akhâ). ( Râmâyana, 7, 9, 28-35.) Râva n a avait chassé de Ceylan Kubera qui y régnait avant lui.
L'épouse de Kubera, Bon-présage (Bhadrâ) ( Mahâ-
bhârata, 1, 216, 6) ou Kauberî, est la fille du génie (dânava) Mura. Elle est appelée la Fée (Yak shî) ou la Beauté (Cârvi).
Les fils de Kubera sont Essieu-de-roseau (Nalakûbera) aussi appelé Fils-des-animaux-ressemblant-aux-hommes, Colliers-au-cou (Mâ n igrîva) aussi appelé Poète-descriptif (Var n a-kavi). Sa fille est Celle-aux-yeux-de-poisson (Mînâk shî).
Kubera est le compagnon et l'ami de Shiva et comme tel est appelé l'Ami-de-Dieu (Isha-sakhi). On l'appelle aussi « à l'œil jaune » (Ekâk sh ipingala). ( Râmâya n a, 7, 13, 31.)
Kubera est représenté comme un nain blanc au large ventre. Il a trois jambes, huit dents et un œil. Son corps 2 1 0 LE POLYTHÉISME HINDOU
est couvert d'armes. Il tient une massue et siège dans une immense salle d'assemblée, dans le centre de sa ville Bouclée (Alakâpuri) au nord de l'Himalaya près du Mont-des-Plaisirs, le Kailâsa. Cette ville est aussi appelée la Superbe (Prabhâ), Couverte-de-bijoux (Vasudharâ), Demeure-des-trésors (Vasu-sthali). Une description poétique en est donnée dans le Nuage-messager de Kâlidâsa. Le jardin de Kubera est appelé Char-coloré (Caitra-ratha) ou Parfumé (Saugandhika). ( Bhâgavata, 4, 6, 23.) Il se trouve sur la montagne Mandara. Kubera y est servi par des faunes musiciens, les kinnara-s. On dit parfois que son palais y fut bâti par le Grand-architecte.
Le char de Kubera est le Fleuri (Pu sh paka). Ses minis-tres sont appelés Semence (Shukra) et Pied-de-tabouret (Pro shth apada). ( Râmâya n a, 7, 15-17.) Joyau-béni (Mani-bhadra) est le chef de ses troupes.
Le Devi-bhâgavata mentionne les noms de six capitaines des armées de Kubera.
Le nom de Kubera est d'origine inconnue bien qu'on puisse le faire dériver de Ku-bera, le difforme. Kubera est le Maître-des-richesses (Dhana-pati), qui crée des biens-à-volonté (Icchâ-vasu). Il est chef-des-génies ( Yaksha-
râja), Roi-des-animaux-qui-ressemblent-aux-hommes (Mayu-râja), Roi-des-faunes (Kinnara-râja), Roi-des-démons-nocturnes (Rak sh asendra), Matrice-des-joyaux (Ratna-garbha), Roi-des-rois (Râja-râja) et Roi-des-hommes (Nara-râja).
L'image de Kubera doit être faite d'or avec des attributs multicolores. Une oblation lui est offerte à la fin des sacrifices rituels. Il ne semble pas faire l'objet d'un culte séparé. On le vénère seulement aujourd'hui au Népal et dans d'autres régions himalayennes. Il demeure toutefois une des sept divinités de la richesse connues dans toute l'Asie.