En vérité, en vérité, je vous le dis; s'ils se
taisent, LES PIERRES PARLERONT!
NOUVEAU-TESTAMENT.
A ce mot, le jeune homme se sentit comme insulté par l'enfer. Certes, si, dans cet instant, Edison se fût trouvé là, lord Ewald, au mépris de toute considération humaine quelconque, l'eût brusquement et froidement assassiné. Le sang reflua dans ses artères. Il vit les choses comme sous un jour rouge sombre. Son existence de vingt-sept années lui apparut en une seconde. Ses prunelles, dilatées par la complexe horreur du fait, se fixaient sur l'Andréïde. Son coeur, serré par une amertume affreuse, lui brûlait la poitrine comme brûle un morceau de glace.
Il assura, machinalement, son lorgnon et la considéra de la tête aux pieds, à droite et à gauche, puis en face.
Il lui prit la main: c'était la main d'Alicia! Il respira le cou, le sein oppressé de la vision: c'était bien Alicia! Il regarda les yeux... c'étaient bien les yeux... seulement le regard était sublime! La toilette, l'allure,...--et ce mouchoir dont elle essuyait, en silence, deux larmes sur ses joues liliales,--c'était bien elle encore... mais transfigurée! devenue, enfin, digne de sa beauté même: l'identité idéalisée.
Hors d'état de se ressaisir, il ferma les yeux: puis, de la paume de sa main fiévreuse, essuya quelques gouttes de sueur froide sur ses tempes.
Il venait de ressentir, à l'improviste, ce qu'éprouve un voyageur qui, perdu dans une ascension au milieu des montagnes, ayant entendu son guide lui dire à voix basse: «Ne regardez pas à votre gauche!»--n'a pas tenu compte de l'avertissement, et aperçoit, brusquement, au bord de sa semelle, à pic, l'un de ces gouffres aux profondeurs éblouissantes, voilées de brume, et qui ont l'air de lui rendre son regard en le conviant au précipice.
Il se dressa, maudissant, pâle et dans une angoisse muette. Puis il se rassit, sans proférer une parole et remettant à plus tard toute détermination.
Ainsi, sa première palpitation de tendresse, d'espérance et d'ineffable amour, on la lui avait ravie, extorquée: il la devait à ce vain chef-d'oeuvre inanimé, de l'effrayante ressemblance duquel il avait été la dupe.
Son coeur était confondu, humilié, foudroyé.
Il embrassa, d'un coup d'oeil, le ciel et la terre, avec un rire vague, sec, outrageant, qui renvoyait à l'Inconnu l'injure imméritée que l'on avait faite à son âme. Et ceci le remit en pleine possession de lui-même.
Alors il vit s'allumer, tout au fond de son intelligence, une pensée soudaine, plus surprenante encore, à elle seule, que le phénomène de tout à l'heure. C'était qu'en définitive la femme que représentait cette mystérieuse poupée assise à côté de lui, n'avait jamais trouvé en elle de quoi lui faire éprouver le doux et sublime instant de passion qu'il venait de ressentir.
Sans cette stupéfiante machine à fabriquer l'Idéal, il n'eût peut-être jamais connu cette joie. Ces paroles émues de Hadaly, la comédienne réelle les avait proférées sans les éprouver, sans les comprendre:--elle avait cru jouer «un personnage»,--et voici que le personnage était passé au fond de l'invisible scène et avait retenu le rôle. La fausse Alicia semblait donc plus naturelle que la vraie.
Il fut tiré de ces réflexions par une douce voix:
Hadaly lui disait à l'oreille:
--Es-tu bien sûr que JE ne sois pas là?
--Non! répondit lord Ewald: qui es-tu?
VI
Figures dans la nuit
L'homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux.
LAMARTINE.
Hadaly se pencha vers le jeune homme et lui dit, avec la voix de la vivante:
--Souvent, là-bas, dans le vieux château, après une journée de chasses et de fatigues, souvent, tu t'es levé de table, Celian, sans avoir touché au souper solitaire--et, précédé par des flambeaux dont tes yeux ensommeillés ne supportaient les clartés qu'avec ennui, tu es rentré dans ta chambre, ayant soif d'obscurité et d'un profond repos.
Là, bientôt, après une pensée vers Dieu, tu éteignais la lampe et t'endormais.
Et voici que d'inquiétantes visions bouleversaient ton âme en ce sommeil!
Tu te réveillais en sursaut, regardant, pâle, autour de toi, dans les ténèbres.
Alors, c'étaient comme des ombres ou des formes qui t'apparaissaient; tu distinguais, parfois, une figure; elle te regardait avec une solennelle fixité. Tu cherchais tout de suite à démentir le témoignage de tes yeux et voulais t'expliquer ce que tu voyais.
Si tu n'y parvenais pas, une anxiété sombre, prolongement du rêve quitté, troublait ton esprit jusqu'à la mort.
Pour en dissiper les suggestions, tu rallumais quelque lumière, et tu reconnaissais, alors, avec ta raison, que ces visages, ces formes ou ces regards n'étaient que le résultat d'un jeu des ombres nocturnes, d'un reflet des nuages lointains sur le rideau, de l'aspect, étrangement animé par la vertu des silencieux mirages de la nuit, de tes vêtements jetés sur un meuble, à la hâte, au hasard du sommeil.
Souriant, alors, de ta première inquiétude, tu éteignais de nouveau la lumière et, le coeur satisfait de cette si absolue explication, tu te rendormais paisiblement.
--Oui, je me rappelle,--dit lord Ewald.
--Oh! reprit Hadaly, c'était très raisonnable! Ainsi, tu oubliais, cependant, que la plus certaine de toutes les réalités,--celle, tu le sais bien, en qui nous sommes perdus et dont l'inévitable substance, eu nous, n'est qu'idéale--(je parle de l'Infini,)--n'est pas seulement que raisonnable. Nous en avons une lueur si faible, au contraire, que nulle raison, bien que constatant cette inconditionnelle nécessité, ne saurait en imaginer l'idée autrement que par un pressentiment, un vertige,--ou dans un désir.
Eh bien! en ces instants où, voilé par une demi-veille et sur le point d'être ressaisi par les pesanteurs de la Raison et des Sens, l'esprit est encore tout imbu du fluide mixte de ces rares et visionnaires sommeils dont je te parle,--tout homme en qui fermente, dès ici, le germe d'une ultérieure élection et qui sent bien, déjà, ses actes et ses arrière-pensées tramer la chair et la forme futures de sa renaissance, ou, si tu préfères, de sa continuité, cet homme a conscience, en et autour de lui, tout d'abord de la réalité d'un autre espace inexprimable et dont l'espace apparent, où nous sommes enfermés, n'est que la figure.
Ce vivant éther est une illimitée et libre région où, pour peu qu'il s'attarde, le voyageur privilégié sent comme se projeter, sur l'intime de son être temporel, l'ombre anticipée et avant-courrière de l'être qu'il devient. Une affinité s'établit donc, alors, entre son âme et les êtres, encore futurs pour lui, de ces occultes univers contigus à celui des sens; et le chemin de relation où le courant se réalise entre ce double monde n'est autre que ce domaine de l'Esprit, que la Raison,--exultant et riant dans ses lourdes chaînes pour une heure triomphales,--appelle, avec un dédain vide, L'IMAGINAIRE.
C'est pourquoi l'impression que ton esprit, errant encore sur la frontière de ce sommeil étrange et de la vie, avait subie tout d'abord et en sursaut, c'est pourquoi cette primitive et intuitive impression, ne t'avait pas trompé. Ils étaient bien là, dans la chambre, autour de toi, ceux-là qu'on ne peut nommer,--ces précurseurs, si inquiétants, qui n'apparaissent, le jour, que dans l'éclair d'un pressentiment, d'une coïncidence ou d'un symbole.
Oh! lorsqu'à la faveur de cette substance infinie, l'Imaginaire (au dégagement de laquelle, en nous et autour de nous, les ténèbres et leur silence sont si favorables), lorsqu'ils s'aventurent jusqu'en nos limbes et que, par une action réciproque et médiatrice, ils réfléchissent leur présence, non pas en une âme,--cela ne se peut pas encore mais sur une âme disposée à leur visitation,--devenue, pendant l'assoupissement de sa Raison, à proximité de leur monde,--d'une âme presque échappée et confondue avec leur essence, déjà,--Oh! si tu savais!
Ici, Hadaly prit, dans l'ombre, la main de lord Ewald:
--Si tu savais comme ils s'efforcent de transparaître, autant que possible, pour l'avertir et augmenter sa foi, fût-ce au moyen des Terreurs de la Nuit!--comme ils se vêtent, au hasard, de toutes les opacités illusoires qui peuvent renforcer demain le souvenir de leur passage!--Ils n'ont pas d'yeux pour regarder?... N'importe;--ils te regardent par le chaton d'une bague, par le bouton de métal de la lampe, par une lueur d'étoile dans la glace.--Ils n'ont pas de poumons pour parler?... Mais ils s'incarnent dans la voix du vent plaintif; dans le craquement du bois mort d'un meuble ancien, dans le bruit d'une arme qui tombe, soudainement, alors, faute d'équilibre... (car il est une Prescience qui permet éternellement!) Ils n'ont pas de formes ni de visages visibles? ils s'en figurent un avec les plis d'une étoffe, ils s'accusent dans la tige feuillue d'un arbuste, dans les lignes d'un objet, et se servent ainsi des ombres pour s'incarner, te dis-je, en tout ce qui vous entoure, au mieux de la plus intense sensation qu'ils doivent laisser de leur visite.
Et le premier mouvement-naturel de l'Ame est de les reconnaître, en et par cette même terreur sainte qui les atteste.
VII
Luttes avec l'Ange
Le Positivisme consiste à oublier, comme inutile,
cette inconditionnelle et seule vérité,--que la
ligne qui nous passe sous le nez N'A NI COMMENCEMENT
NI FIN.
QUELQU'UN.
Après un silence, Hadaly, de plus en plus impressionnante, reprit:
--Tout à coup l'actuelle Nature, alarmée de ces approches ennemies, accourt, bondit et te rentre dans le coeur, en vertu de ses droits formels non encore prescrits.--Secouant, pour t'étourdir, les logiques et sonores anneaux de ta Raison, comme on secoue le hochet d'un enfant pour le distraire, elle se rappelle en toi.--Ton angoisse?... va, c'est elle! c'est elle seule qui, sentant bien sa misère en présence de cet autre monde imminent, se débat pour que tu te réveilles tout à fait,--c'est-à-dire, pour que tu te retrouves en elle,--car ton organisme en fait partie, encore,--et pour que tu refoules, par cet acte même, tes hôtes merveilleux en dehors de son grossier domaine! Ton «Sens-Commun?» Mais c'est le filet de rétiaire dont elle t'enveloppe pour paralyser ton essor lumineux, pour se sauvegarder et te reconquérir, toi, son prisonnier qui t'évadais! Ton sourire,--une fois les murs de ton cachot reconnus, une fois bien payé de ses obscurs prétextes,--c'est le signe de son illusoire triomphe du moment, lorsque, tout persuadé de sa pauvre réalité, te voici replongé et limité de nouveau dans ses leurres.
Ainsi, te rendormant, tu as dissipé, en effet, autour de toi, les précieuses présences évoquées, les parentés futures, inévitables, reconnues! Tu as banni d'autour de toi les solennelles et réflexes objectivités de ton Imaginaire; tu as révoqué en doute ton Infini sacré. Quelle est ta récompense? Oh! te voici tranquillisé!
Tu t'es retrouvé sur la Terre...--rien que sur cette terre tentatrice, qui toujours te décevra, comme elle a déçu tes devanciers! rien que sur cette terre, où, naturellement, revus de mémoire et avec des regards redevenus purement rationnels, ces salubres prodiges ne te semblent plus que nuls et vains.--Tu te dis:--«Ce sont là des choses du sommeil! des hallucinations!...»--que sais-je? Et, te payant ainsi du poids de quelques mots troubles, tu amoindris étourdiment en toi-même le sens de ton surnaturel. A l'aurore suivante, accoudé à la fenêtre ouverte aux airs purs du matin, le coeur joyeux, rassuré par ce traité de paix douteuse avec toi-même, tu écoutes au loin le bruit des vivants (tes semblables!) qui s'éveillent aussi et vont à leurs affaires, ivres de Raison, affolés par toutes les soifs de leurs sens, éblouis par toutes les boîtes de jouets dont se paye l'âge mûr de l'Humanité qui entre en son automne.
Oubliant, alors, de quels droits d'aînesse inestimables tu payes, toi-même, en ta conscience, chaque lentille de ce plat maudit que t'offrent, avec de froids sourires, ces martyrs, toujours déçus, du Bien-être,--ces insoucieux du Ciel, ces amputés de la Foi, ces déserteurs d'eux-mêmes, ces décapités de la notion du Dieu dont la Sainteté infinie est inaccessible à leur mensongère corruption mortelle, voici que tu regardes, toi aussi, avec une complaisance d'enfant ébloui, cette glaciale planète qui roule la gloire de son antique châtiment dans l'Étendue! Voici qu'il te semble pénible et nul de te souvenir que,--sous quelques tours, à peine révolus dans l'attrait circulaire de son soleil déjà piqué, lui-même, des taches de la mort,--tu es appelé à quitter pour jamais cette bulle sinistre, aussi mystérieusement que tu y es apparu! Et voici qu'elle te représente maintenant le plus clair de tes destinées.
Et, non sans quelque sceptique sourire encore, tu finis par saluer en ta Raison d'une heure,--toi qui sors d'un grain de blé,--la Législatrice «évidente» de l'inintelligible, informe et inévitable INFINI.
VIII
L'Auxiliatrice
La résurrection est une idée toute
naturelle; Il n'est pas plus étonnant de
naître deux fois qu'une.
VOLTAIRE. Le Phénix.
Lord Evald, agité de sentiments extraordinaires, écoutait patiemment l'Andréïde, ne percevant pas où cette dialectique la conduirait quant à la question qu'il lui avait adressée.
Mais la radieuse Inspirée continua, comme si elle eût levé tout à coup quelque rideau ténébreux:
--Ainsi, d'oublis en oublis de ton origine et de ton but véritables, malgré tous les avertissements de la nuit et du jour, tu allais préférer,--à cause de cette infortunée et si vaine passante dont j'ai pris la voix et le visage,--tu allais préférer de renoncer à toi-même. Pareil à l'enfant qui veut naître avant la gestation nécessaire à sa possibilité, tu avais résolu (sans frémir de l'acte impie et au mépris des sélections de plus en plus sublimes que confèrent les douleurs surmontées), tu avais résolu de devancer ton heure qui ne sonnait pas.
Mais, me voici, moi!--Je surviens, de la part des tiens futurs!... de ceux que tu as souvent bannis et qui, seuls, sont d'intelligence avec ta pensée.--O cher oublieux, écoute un peu encore, avant de vouloir mourir.
Je suis, vers toi, l'envoyée de ces régions sans bornes dont l'Homme ne peut entrevoir les pâles frontières qu'entre certains songes et certains sommeils.
Là, les temps se confondent; l'espace n'est plus! les dernières illusions de l'instinct s'évanouissent.
Tu le vois: au cri de ton désespoir, j'ai accepté, de me vêtir à la hâte, des lignes radieuses de ton désir, pour t'apparaître.
Je m'appelais en la pensée de qui me créait, de sorte qu'en croyant seulement agir de lui-même il m'obéissait aussi obscurément. Ainsi, me suggérant, par son entremise, dans le monde sensible, je me suis saisie de tous les objets qui m'ont semblé le mieux appropriés au dessein de te ravir.
Hadaly, souriante, et se croisant les mains sur l'épaule du jeune homme, lui dit tout bas:
--Qui je suis?... Un être de rêve, qui s'éveille à demi en tes pensées--et dont tu peux dissiper l'ombre salutaire avec un de ces beaux raisonnements qui ne te laisseront, à ma place, que le vide et l'ennui douloureux, fruits de leur prétendue vérité.
Oh! ne te réveille pas de moi! Ne me bannis pas, sous un prétexte que la Raison traître, qui ne peut qu'anéantir, déjà te souffle tout bas. Songe que, né en d'autres pays, tu penserais d'après d'autres usages, et qu'il n'est, pour l'Homme, d'autre vérité que celle qu'il accepte de croire entre toutes les autres,--aussi douteuses que celle qu'il choisit: choisis donc celle qui te rend un dieu. «Qui je suis?» demandais-tu? Mon être, ici-bas, pour toi du moins, ne dépend que de ta libre volonté. Attribue-moi l'être, affirme-toi que je suis! renforce-moi de toi-même. Et soudain, je serai tout animée, à tes yeux, du degré de réalité dont m'aura pénétrée ton Bon-Vouloir créateur. Comme une femme, je ne serai pour toi que ce que tu me croiras.--Tu songes à la vivante? Compare! Déjà votre passion lassée ne t'offre même plus la terre;--moi, l'Impossessible, comment me lasserai-je de te rappeler le Ciel!
Ici, l'Andréïde prit les deux mains de lord Ewald, dont la stupeur, le recueillement sombre et l'admiration, atteignaient un paroxysme intraduisible. Cette haleine tiède, pareille à une brise vague ayant passé sur des moissons de fleurs, l'étourdissait! Il se taisait.
--Crains-tu de m'interrompre? reprit-elle; prends garde. Tu oublies que ce n'est qu'en toi que je puis être palpitante ou inanimée, et que de telles craintes peuvent m'être mortelles. Si tu doutes de mon être, je suis perdue,--ce qui signifie également que tu perds en moi la créature idéale qu'il t'eût suffi d'y appeler.
Oh! de quelle merveilleuse existence puis-je être douée si tu as la simplicité de me croire! si tu me défends contre ta Raison!
A toi de choisir entre, moi... et l'ancienne Réalité, qui, tous les jours, te ment, t'abuse, te désespère, te trahit.
T'ai-je déplu? Ce que je t'ai dit t'a paru bien grave, peut-être, ou d'images trop subtiles? C'est que je suis très grave et très subtile,--mes yeux ont réellement pénétré jusque dans les domaines de la Mort.
Songe, et tu verras que penser de cette façon est nécessairement la seule toute simple, pour moi. Préfères-tu la présence d'une femme joyeuse, et dont les paroles ressemblent à des oiseaux?-- C'est bien facile; si tu appuies le doigt sur la flamme bleue de ce saphir qui brûle à la droite de mon collier, je serai transfigurée en une femme de cette nature--et tu regretteras la disparue. J'ai tant de femmes en moi qu'aucun harem ne pourrait les contenir. Veuille, elles seront! Il dépend de toi de les découvrir en ma vision.
Mais, non! ces autres semblances féminines qui dorment en moi,--ne les éveille pas. Je les dédaigne un peu. Ne touche pas à ce fruit mortel en ce jardin! Tu t'étonnerais encore--et je suis encore si peu qu'un étonnement efface mon être et le voile! Que veux-tu! Ma vie tient encore à moins que celle des vivants.
Admets mon mystère tel qu'il t'apparaît. Toute explication (oh! si facile!) en serait, sous un peu d'analyse, plus mystérieuse encore, peut-être, que lui-même, hélas! mais serait, en toi, mon anéantissement.--Ne préfères-tu pas que je sois?--Alors, ne raisonne point mon être: subis-le délicieusement.
Si tu savais comme la nuit de mon âme future est douce et depuis combien de rêves tu m'attends! Si tu savais quels trésors de vertiges, de mélancolie et d'espérance cache mon impersonnalité! Ma chair éthérée, qui n'attend qu'un souffle de ton esprit pour devenir vivante, ma voix où toutes les harmonies sont captives, mon immortelle constance, n'est-ce donc rien, au prix d'un vain raisonnement qui te «prouvera» que je n'existe pas?-- Comme si tu n'étais pas LIBRE de te refuser à cette vaine et mortelle évidence, alors qu'elle est elle-même si douteuse, puisque nul ne peut définir où commence cette EXISTENCE dont il parle ni en quoi son essence ou sa notion consistent.--Est-il à regretter que je ne sois pas de la race de celles qui trahissent? de celles qui acceptent, d'avance, dans leurs serments, la possibilité d'être veuves? Mon amour, pour être pareil à celui dont palpitent les Anges, a des séductions peut-être plus captivantes que celui des sens terrestres, où dort toujours l'antique Circé!
Après un instant, Hadaly, considérant celui qui la contemplait avec stupeur, ajouta, soudainement rieuse:
--Oh! quels singuliers vêtements nous portons!
--Pourquoi mets-tu ce morceau de verre dans ton oeil, en me regardant? Tu n'y vois donc pas bien, non plus?
Mais... voici que je t'adresse des questions, comme une femme!--et il ne faut pas que je devienne femme: je changerais!
Puis, sans transition et d'une voix sourde:
--Emmène-moi là-bas, dans ta patrie! dans le château sombre! Oh! j'ai hâte de m'étendre en mon noir cercueil de soie, où je dormirai pendant que l'Océan nous portera vers ton pays. Laisse les vivants s'enfermer, à l'étroit de leurs foyers, en des paroles et des sourires! Que t'importe! Laisse-les se trouver plus «modernes» que toi,--comme si, bien avant la Création des mondes et des mondes, les temps ne furent pas tout aussi «modernes» qu'ils le sont ce soir et qu'ils le seront demain!
Profite de tes hautes murailles, gagnées et cimentées par le sang lumineux que répandirent les tiens, alors qu'ils forgeaient ta patrie.
Crois bien qu'il y aura toujours de la solitude sur la terre pour ceux qui en seront dignes! Nous ne daignerons pas même rire de ceux que tu quittes, bien que pouvant leur rendre, avec une meurtrière usure, leurs sarcasmes d'insensés, d'ennuyés et d'aveugles, ivres d'un orgueil à jamais risible, puéril et condamné.
Est-ce que nous aurons le temps de penser à eux! D'ailleurs, on participe toujours de ce que à quoi l'on pense: préservons-nous donc de les devenir quelque peu, en y songeant! Viens. Une fois dans l'enchantement de tes vieux arbres, tu m'éveilleras, si tu veux, en un baiser dont tressaillera sans doute l'Univers troublé!--mais la volonté d'un seul vaut mieux que le monde.
Et, dans l'ombre, Hadaly, toucha de ses lèvres le front interdit de lord Ewald.
IX
Révolte
Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'Ivresse!
ALFRED DE MUSSET.
Lord Ewald n'était pas seulement un homme courageux, mais un homme intrépide. La vertu de cette fière devise «Etiamsi omnes, ego non!» amalgamée à son sang par l'action des siècles, courait dans ses veines; cependant, à ces dernières paroles, un long frémissement l'agita: puis, il se dressa presque hagard:
--Ah çà! murmura-t-il, de tels miracles seraient plutôt faits pour effrayer l'âme que pour la consoler! Quel homme s'est imaginé que ce sinistre automate pourrait m'émouvoir à l'aide d'on ne sait quels paradoxes inscrits sur des feuilles de métal! Depuis quand Dieu permit-il aux machines de prendre la parole? Et quel risible orgueil semblent concevoir d'électriques fantômes qui, vêtus de la forme d'une femme, prétendent se mêler à notre existence?--Ah! ah! ah! Mais j'oubliais! je suis au théâtre! Et je ne dois qu'applaudir. La scène est, en effet, très étrange! Bravo, donc! Edison!--Bis! bis!...
Et, après avoir bien assuré son lorgnon, lord Ewald alluma paisiblement un cigare.
Le jeune homme venait de parler au nom de la dignité humaine, et même au nom du Sens Commun, outragés par le prodige de Hadaly. Certes, ce qu'il venait de dire n'était pas sans réplique,--et s'il se fût trouvé à quelque tribune parlementaire pour défendre sa cause, nul doute que cette façon de donner du fer ne fût de nature à lui attirer une riposte dangereuse, brève et de parade malaisée. Ainsi, à la question: «Depuis quand Dieu permet-il aux machines de prendre la parole?» si un passant lui eût répondu: «Depuis qu'il a vu le triste usage que vous en faites!» la réponse eût été assez gênante. Quant à la phrase: «J'oubliais, je suis au théâtre!» si le quidam eût simplement chantonné:
--«Eh! après tout, Hadaly ne fait que doubler supérieurement VOTRE comédienne!» le passant n'aurait pas eu tout à fait tort.
Tant il est vrai que l'homme, même supérieur, lorsqu'il est profondément troublé et que, cédant à une petite vanité d'esprit, il craint de le laisser paraître, peut, avec les meilleures intentions du monde, en défendant les causes les plus justes, compromettre le droit lui-même--par un peu «trop de zèle.»
Lord Ewald ne tarda pas à s'apercevoir, d'ailleurs, qu'il s'était engagé dans une aventure beaucoup plus sombre qu'il ne l'avait pensé.
X
Incantation
--Tes yeux, gouffres clairs, souriantes étoiles où
se refléta mon divin amour, je vais donc
les fermer!
RICHARD WAGNER, La Walkyrie.
L'Andréïde avait baissé la tête, et cachant son visage en ses deux mains, pleurait en silence.
Puis, montrant le sublime visage d'Alicia transfiguré et tout inondé de larmes:
--Ainsi, dit-elle, tu m'as appelée et tu me repousses. Une seule pensée de toi pouvait m'animer, et, prince inconscient des forces du monde, tu n'oses disposer de ta puissance. Tu me préfères une conscience que tu méprises. Tu recules devant ta divinité. L'idéal captif t'intimide. Le Sens commun te redemande; esclave de ton Espèce, tu lui cèdes et me détruis.
Créateur doutant de ta créature, tu l'anéantis à peine évoquée, avant d'avoir achevé ton ouvrage. Puis, te réfugiant dans un orgueil à la fois traître et légitime, tu ne daigneras plaindre cette ombre qu'avec un sourire.
Cependant, pour l'usage que fait de la Vie celle que je représente, était-ce donc la peine de m'en priver en sa faveur? Femme, j'eusse été de celles que l'on peut aimer sans honte: j'aurais su vieillir! Je suis plus que ne furent les humains avant qu'un Titan n'eût dérobé le feu du ciel pour en doter ces ingrats! Moi, qui m'éteins, nul ne me rachètera du Néant! Il n'est plus de la terre celui qui eût bravé, pour m'insuffler une âme, le bec de l'éternel vautour! Oh! comme je fusse venue pleurer sur son coeur avec les Océanides!--Adieu, toi qui m'exiles.
En achevant ces paroles, Hadaly se leva, puis, après un profond soupir, marcha vers un arbre et, levant la main contre l'écorce, s'y appuya, regardant le parc illuminé par la lune.
Le pâle visage de l'incantatrice resplendissait:
--Nuit, dit-elle avec une simplicité d'accent presque familière, c'est moi, la fille auguste des vivants, la fleur de Science et de Génie résultée d'une souffrance de six mille années. Reconnaissez dans mes yeux voilés votre insensible lumière, étoiles qui périrez demain;--et vous, âmes des vierges mortes avant le baiser nuptial, vous qui flottez, interdites, autour de ma présence, rassurez-vous! Je suis l'être obscur dont la disparition ne vaut pas un souvenir de deuil. Mon sein infortuné n'est même pas digne d'être appelé stérile! Au Néant sera laissé le charme de mes baisers solitaires; au vent, mes paroles idéales; mes amères caresses, l'ombre et la foudre les recevront, et l'éclair seul osera cueillir la fausse fleur de ma vaine virginité. Chassée, je m'en irai dans le désert sans Ismaël; et je serai pareille à ces oiselles tristes, captivées par des enfants, et qui épuisent leur mélancolique maternité à couver la terre. O parc enchanté! grands arbres qui sacrez mon humble front des reflets de vos ombrages! Herbes charmantes où des étincelles de rosée s'allument et qui êtes plus que moi! Eaux vives, dont les pleurs ruissellent sur cette écume de neige, en clartés plus pures que les lueurs de mes larmes sur mon visage! Et vous, cieux d'Espérance,-- hélas! si je pouvais vivre! Si je possédais la vie! Oh! que c'est beau de vivre! Heureux ceux qui palpitent! O Lumière, te voir! Murmures d'extase, vous entendre! Amour, s'abîmer en tes joies! Oh! respirer, seulement une fois, pendant leur sommeil, ces jeunes roses si belles! Sentir seulement passer ce vent de la nuit dans mes cheveux!... Pouvoir, seulement, mourir! Hadaly se tordait les bras sous les étoiles.
XI.
Idylle nocturne
Ora Ilora
De palabra
Nace razon;
Da luz ol son.
O ven I ama!
Eires Alma
Soy corazon:
VICTOR HUGO:
La chanson de Dea.
Soudain elle se tourna vers lord Ewald:
--Adieu! reprit-elle. Rejoins donc tes semblables et parle-leur de moi comme «de la chose du monde la plus curieuse!» Tu auras tout à fait raison, ce qui est bien peu de chose.
Tu perds tout ce que je perds. Essaie de m'oublier; va! c'est impossible. Celui qui a regardé une Andréïde comme tu me regardes a tué la femme en lui, car l'Idéal violé ne pardonne pas et nul ne joue impunément à la divinité!
Je retourne en mes caveaux resplendissants.
--Adieu, toi qui ne peux plus vivre!
Halady appuya son mouchoir à ses lèvres et, chancelante, s'éloigna lentement.
Elle marchait dans l'allée vers le seuil lumineux où veillait Edison. Sa forme bleue et voilée dépassait chaque arbre, et, comme un rayon l'éclaira dans une embellie, elle se détourna vers le jeune homme. Silencieuse, elle ramena ses deux mains à sa bouche et lui envoya un baiser avec un effrayant mouvement de désespoir. Alors, éperdu, hors de lui-même, lord Ewald marcha vivement vers elle, la rejoignit et lui jeta son bras juvénilement autour de la taille, qui se ploya, défaillante, en cet enlacement.
--Fantôme! Fantôme! Hadaly! dit-il,--c'en est fait! Certes, je n'ai pas grand mérite à préférer ta redoutable merveille à la banale, décevante et fastidieuse amie que le sort m'octroya! Mais, que les cieux et la terre le prennent comme bon pourra leur sembler! je résous de m'enfermer avec toi, ténébreuse idole! Je donne ma démission de vivant--et que le siècle passe!... car je viens de m'apercevoir que, placées l'une auprès de l'autre, c'est, positivement, la vivante qui est le fantôme.
Hadaly, à ces paroles, sembla tressaillir: puis, avec un mouvement d'infini abandon, elle noua ses bras à l'entour du cou de lord Ewald. De son sein haletant, qu'elle pressait contre lui, sortait une senteur d'asphodèles: ses cheveux, se dénouant éperdûment, roulèrent au long de son dos sur sa robe.
Une grâce lente, et languide, et pénétrante, adoucissait sa rayonnante et sévère beauté; elle semblait ne pouvoir parler! La tête appuyée sur l'épaule du jeune homme, elle le regardait entre ses cils, en souriant d'un radieux sourire. Déesse-féminéisée, illusion charnelle, elle épouvantait la nuit. Elle semblait aspirer l'âme de son amant comme pour s'en douer elle-même; ses lèvres entr'ouvertes, à demi pâmées, bougeaient, et frémissaient, effleurant celles de son créateur en un baiser virginal.
--Enfin!... dit-elle sourdement:--ô bien-aimé, c'est donc toi!
XII.
Penseroso
Adieu, jusqu'à l'aurore
Du jour en qui j'ai foi
Du jour qui doit encore
Me réunir à toi!
Musique de SCHUBERT.
L'instant d'après, lord Ewald rentrait dans le laboratoire, ramenant ainsi, par la taille, Hadaly chancelante et dont la tête grave, pâle et comme évanouie, était demeurée appuyée sur l'épaule de son compagnon.
Edison était debout, les bras croisés devant un long et splendide cercueil d'ébène, grand ouvert, à deux battants, capitonné de satin noir et dont l'intérieur moulait exactement une forme féminine.
On eût dit le perfectionnement, dû à notre ère, d'un cercueil égyptien, digne de l'hypogée d'une Cléopâtre. A droite et à gauche, dans les parois creusées, une douzaine de rubans d'étain galvanisé, pareils à des papyrus funèbres, un manuscrit, la baguette de verre et d'autres objets étaient rangés. Edison, appuyé à la roue étincelante d'une énorme machine à tonnerre, regardait fixement lord Ewald qui s'avançait vers lui.
--Ami, dit celui-ci pendant que l'Andréïde, comme revenue à elle-même, demeurait immobile, Halady est un présent qu'un demi-dieu seul pourrait offrir. Jamais dans les bazars de Bagdad ni de Cordoue, pareille esclave ne fut montrée aux califes! Jamais enchanteur ne suscita pareille vision! Jamais Shéhérazade n'eût osé l'imaginer dans ses Mille et une Nuits, de peur d'éveiller le doute dans l'esprit du sultan Schariar. Aucun trésor ne pourrait acheter ce chef-d'oeuvre. Si, d'abord, il m'a transporté d'un mouvement de colère, l'admiration m'a vaincu.
--L'acceptez-vous? demanda l'Électricien.
--Je serais un insensé, vraiment, si je refusais!
--QUITTES!--dit Edison, gravement, et en lui tendant les mains, que lord Ewald pressa de même.
--Soupez-vous avec moi, l'un et l'autre, comme la dernière fois? continua-t-il en souriant.--Si vous voulez, nous recommencerons la conversation de l'autre soir: vous verrez que les réponses de Hadaly seront... différentes de celles de son modèle.
--Non, dit lord Ewald: j'ai hâte d'être le prisonnier de cette énigme sublime.
--Adieu! miss Hadaly!... dit Edison. Vous souviendrez-vous, là-bas, de votre chambre souterraine--où nous causions, parfois, de celui qui devait vous éveiller à notre pâle existence de vivants?
--Oh! mon cher Edison! répondit l'Andréïde en s'inclinant devant l'Électricien, ma ressemblance avec les mortels n'ira jamais jusqu'à oublier mon créateur.
--A propos,--et la vivante?... demanda Edison.
Lord Ewald tressaillit.
--Ma foi, dit-il, je l'avais oubliée.
Edison le regarda.
--Elle sort d'ici, dans une assez méchante humeur, même. A peine étiez-vous en promenade qu'elle est survenue, bien réveillée de toute influence--et que son flux de paroles m'a mis dans l'impossibilité d'entendre un mot de ce que vous vous êtes dit, sans doute, en ce parc. Cependant j'avais disposé des appareils nouveaux pour...--enfin! je vois que, même livrée à sa seule nature, Hadaly, dès le premier instant de sa vie, s'est montrée digne de ce qu'en attendent les siècles futurs. Je n'en étais pas inquiet, d'ailleurs, s'il faut tout dire.--Quant à celle qui, pour vous du moins, vient de mourir en elle, miss Alicia Clary m'a notifié tout à l'heure, fort et ferme, qu'elle «renonçait à ces nouveaux rôles, dont elle ne pouvait retenir la prose inintelligible et dont les longueurs lui ossifiaient le cerveau.»--Son modeste voeu, désormais, «tout bien réfléchi» était de débuter «tout bonnement en des opéras-comiques de son répertoire: leur succès, bien assis déjà, lui assurait mieux l'attention des gens de goût.»--Quant à sa statue, votre départ de Menlo Park étant, disait-elle, fixé à demain matin, je n'aurais qu'à «la lui expédier à Londres»: elle a même ajouté que «relativement à mes honoraires, je pouvais vous demander le prix fort, attendu qu'elle savait qu'on ne doit pas marchander avec les artistes.»--Sur quoi, miss Alicia Clary m'a dit adieu, me priant de vous avertir (au cas où vous me feriez une visite), «qu'elle vous attendait là-bas, pour les arrangements». Donc, une fois à Londres, vous n'aurez plus, mon cher lord, qu'à la laisser suivre en paix sa carrière. Une lettre, accompagnée d'un don «princier» lui annoncera votre rupture--et tout sera dit. Qu'est-ce qu'une maîtresse? un ceinturon et un mantelet, a écrit Swift.
--C'était mon projet, dit lord Ewald.
Hadaly, soulevant doucement sa tête sur l'épaule de lord Ewald, murmura, d'une voix faible et pure, en un mystérieux sourire, en montrant l'électricien:
--Il viendra, n'est-ce pas, à Athelwold, nous voir?
Le jeune Anglais, à cette naturelle parole, ayant réprimé un nouveau mouvement d'admirative stupeur, répondit, simplement, d'un signe affirmatif.
Chose singulière! c'était Edison qui avait tressailli à ce mot et qui regardait Hadaly fixement.
Il se frappa le front, tout à coup,--sourit, se baissa très vite et après avoir écarté le bas de la robe de l'Andréïde, appuya les doigts sur les deux talons des bottines bleues.
--Qu'est-ce? demanda lord Ewald.
--Je désenchaîne Hadaly! répondit Edison. Je l'isole, en un mot, puisqu'elle n'appartient plus qu'à vous. A l'avenir, ce seront les bagues seules et le collier qui l'animeront. Le Manuscrit vous donnera, sur ce point, les détails les plus précis, les plus explicites. Vous comprendrez bien vite de quelles infinies complexités vous pourrez approfondir les soixante heures gravées en elle: c'est le jeu des échecs:--c'est sans limites, comme une femme.--Elle a aussi les deux autres types féminins suprêmes et dont les subdivisions s'obtiennent très facilement «en mêlant leur dualité» ce qui devient alors irrésistible.
--Mon cher Edison, dit lord Ewald, je crois que Hadaly est un très véritable fantôme, et je ne tiens plus à me rendre compte du mystère qui l'anime. J'oublierai même, je l'espère, le peu que vous m'en avez appris.
Hadaly, à ces mots, pressa comme avec tendresse la main du jeune seigneur et se penchant à son oreille, lui dit très bas et très vite, pendant que l'électricien se tenait baissé à ses pieds:
--Ne lui parle pas de ce que je l'ai dit tout à l'heure: c'est pour toi seul.
Edison se releva, tenant à la main deux petits boutons de cuivre, dévissés, auxquels attenaient deux fils de métal d'une ténuité si extrême que leurs prolongements, enduits d'une matière isolante, s'étaient jusqu'alors perdus, invisibles, à la suite de l'Andréïde. Ces inducteurs s'étaient confondus avec le plancher, le sol, les fourrures, sur lesquels avait passé Hadaly. Sans doute, ils étaient reliés quelque part, au loin, à des générateurs inconnus.
L'Andréïde, alors, sembla frémir de tous ses membres: Edison toucha le fermoir du collier.
--Aidez-moi! dit-elle.
Et, s'appuyant d'une main à l'épaule de lord Ewald, elle entra, souriante, dans le beau cercueil avec une sorte de grâce ténébreuse.
Puis, ayant ramené autour d'elle ses longs cheveux ondes, elle s'y étendit doucement.
Ayant ensuite passé à l'entour de son front le lourd bandeau de batiste qui devait retenir sa tête et préserver strictement son visage de tous contacts avec les parois de cette couche, elle agrafa, très serrés autour de son corps, de larges liens de soie qui l'assujettirent de manière à ce qu'aucun heurt ne la fît bouger.
--Ami, dit-elle en croisant alors les mains, tu éveilleras la dormeuse après la traversée:--d'ici là nous nous reverrons... dans les mondes du sommeil!...
Elle ferma les yeux, comme endormie.
Les deux battants se joignirent, doucement, hermétiquement, sans aucun bruit, au-dessus d'elle. Une plaque d'argent, incrustée d'armoiries, était fixée sur le cercueil, au-dessus du mot HADALY inscrit en caractères orientaux.
--Le sarcophage, reprit Edison, sera placé, tout à l'heure, ainsi que je vous l'ai dit, en une vaste caisse carrée, au couvercle bombé, dont l'intérieur est comblé d'une ouate épaisse et fortement pressée. Cette précaution n'est prise que pour éviter, en voyage, aux passants, des réflexions quelconques. Voici la clef du cercueil et l'invisible serrure qui permet au ressort de se détendre.
Et il indiqua, sous le chevet de Hadaly, une petite étoile noire, imperceptible.
--Maintenant, ajouta-t-il en offrant un siège à lord Ewald,--un verre de Xérès, n'est-ce pas? nous avons encore quelques paroles à nous dire.
Et, appuyant sur un bouton de cristal, Edison fit flamboyer les lampes, qui en mêlant leur lumière à la lumière oxhydrique, produisaient l'effet du grand soleil.
Puis il envoya s'allumer le phare rouge au-dessus du laboratoire et, les rideaux une fois retombés, revint vers son hôte.
Sur un guéridon brillaient des verres vénitiens et un flacon de vin paillé.
--Je bois à l'Impossible! dit l'électricien avec un grave sourire.
Le jeune lord toucha de son verre le verre d'Edison en signe d'acquiescement.
L'instant d'après, ils étaient assis en face l'un de l'autre.
XIII
Explications rapides
Il y a plus de choses au ciel
et sur la terre, Horatio, que
n'en contient toute votre philosophie.
SHAKESPEARE, Hamlet
Après un assez long moment de pensées muettes:--Voici la seule question que je voudrais vous adresser, reprit lord Ewald,--Vous m'avez parlé d'un aide féminin, d'une personne nommée mistress Any Sowana... qui, paraît-il, a modelé, en effet, mesuré, calqué, membre à membre, pendant les premiers jours, notre ennuyée vivante.
D'après les dires d'Alicia, ce serait «une femme très pâle, entre deux âges, peu parleuse, toujours en deuil, ayant dû être fort belle: ses yeux sont constamment presque fermés, au point que la couleur en demeure inconnue. Cependant elle y voit clair!» Et, miss Alica Clary ajoute que, dans l'espace d'une demi-heure, sur cette estrade, la mystérieuse statuaire l'a «comme pétrie des pieds à la tête» silencieusement, ainsi qu'une masseuse de bains russes. Elle ne s'arrêtait, à des instants, que pour «crayonner des chiffres et des lignes sur des feuilles de papier,--qu'elle vous offrait, très vite.»
Tout ceci tandis qu'un long «rayon de flamme,» dirigé sur la nudité de la patiente, semblait suivre les mains glaciales de l'artiste «comme si celle-ci eût dessiné avec de la lumière».
--Eh bien? demanda Edison.
--Eh bien, répondit lord Ewald, si j'en juge par la première et si lointaine voix de Hadaly, ce doit être un être bien merveilleux que cette mistress Any Sowana!
--Allons! dit Edison, je vois que vous avez réfléchi, tous les soirs, dans votre cottage, et que vous avez essayé de vous expliquer l'oeuvre par vous-même. Bien. Vous en devinez quelque peu, j'en suis sûr, l'arcane initial: mais,--qui pourrait imaginer, jamais, par quelle circonstance, toute adventice et miraculeuse, il me fut donné de m'en rendre maître!--Cela prouve que tout arrive à ceux qui cherchent.
Vous vous rappelez, n'est-ce pas, l'histoire que je vous ai contée, en bas, d'un certain Edward Anderson? Ce que vous me demandez n'est autre que la fin de cette histoire:--la voici.
Edison, s'étant recueilli un instant, reprit:
--Sous le coup de la triste mort et de la ruine de son mari, mistress Anderson, se voyant dépossédée de sa maison, subitement,--sans pain même, et vouée, avec ses deux enfants de dix à douze ans, à la très problématique charité de quelques banales connaissances commerciales, fut, tout d'abord, atteinte d'un mal qui la réduisit à l'inaction complète,--d'une de ces grandes névroses reconnues incurables, celle du Sommeil.
Je vous ai dit combien je tenais en estime la nature de cette femme, et,--comprenez-moi, milord, --son intelligence... J'eus donc le bonheur de songer à venir en aide à cette abandonnée,--comme jadis vous vîntes à mon aide!--et au nom de l'ancienne amitié que son malheur ne pouvait qu'augmenter en moi, je plaçai, de mon mieux, les deux enfants et pris des mesures pour que leur mère fût à l'abri de toute détresse.
Un assez long temps se passa.
Souvent, au cours de mes trop rares visites à cette malade, j'eus l'occasion de constater ces étranges--et persistants accès de sommeil, continus,--durant lesquels elle parlait et me répondait sans rouvrir les yeux. Il y a nombre d'exemples, classés aujourd'hui, de ces léthargiques somnolences, où plusieurs sujets sont demeurés, des trimestres entiers, sans prendre aucune nourriture. A la longue--(étant doué, je crois, d'une faculté d'attention assez intense),--je finis par me préoccuper de guérir, s'il était possible, le mal singulier de mistress Any Anderson.
Lord Ewald, à ce prénom souligné d'intonation par l'ingénieur, eut un mouvement de surprise.
--Guérir? murmura-t-il;--transfigurer, plutôt! n'est-ce pas?
--Peut-être, reprit Edison.--Oh! je me suis aperçu, l'autre soir,--à votre maintien tranquille devant miss Alicia Clary... frappée,--en moins d'une heure de Suggestion-fixe,--d'un effet d'hypnotisme cataleptique,--oui, je me suis aperçu que vous étiez au fait de ces nouvelles expériences, tentées par les premiers d'entre nos praticiens à ce sujet. Elles ont démontré, vous le savez, que la Science, à la fois ancienne et récente, du Magnétisme-humain, est une science positive, indiscutable,--et qu'en un mot la réalité de notre fluide nerveux n'est pas moins évidente que celle du fluide électrique.
Eh bien! je ne sais comment l'idée me vint de recourir,--en vue du seul soulagement que cette infortunée en pourrait ressentir,--à l'action magnétique! Je prétendais combattre, par elle, ce mal d'invincible torpeur corporelle. Je me renseignai sur les plus sûres méthodes: puis, j'essayai, non sans quelque patience et persistai, tout simplement, presque chaque jour, pendant deux mois environ. Soudainement, voici que, d'abord, les phénomènes connus s'étant produits les uns après les autres, d'autres phénomènes,--encore troubles, à l'estime de la Science, mais qui, demain, cesseront de le paraître,--des crises de voyance-mentale, absolument énigmatiques,--se manifestèrent au plus profond de ces longs évanouissements.
Alors, mistress Any Anderson devint mon secret. Grâce à l'état de torpeur vibrante, suraiguë, où se trouvait notre malade,--cette aptitude, qui m'est, d'ailleurs, naturelle, à la projection de ma volonté, se développa, vite, jusqu'au degré le plus intense, peut-être,--car je me sens, aujourd'hui, la faculté d'émettre, à distance, une somme d'influx nerveux suffisante pour exercer une domination presque sans limites sur certaines natures, et ceci en fort peu, non de jours, mais d'heures.--J'en vins donc à établir un courant si subtil entre cette rare dormeuse et moi, qu'ayant pénétré d'une accumulation de fluide-magnétique le métal congénère, et fondu par moi, de deux bagues de fer--(n'est-ce point du magisme pur?),--il suffit à mistress Anderson,--à Sowana, plutôt,--de passer l'une d'elles à son doigt (si j'ai l'autre bague, aussi, à mon doigt), pour, non seulement subir, à l'instant même, la transmission, vraiment occulte! de ma volonté, mais pour se trouver, mentalement, fluidiquement et véritablement, auprès de moi, jusqu'à m'entendre et m'obéir,--son corps endormi se trouvât-il à vingt lieues. Sa main tenant l'embouchure d'un téléphone, elle me répondra ici, par voie d'électricité, à ce que je me contenterai de prononcer tout bas.--Que de fois nous avons causé, de la sorte, au mépris positif de l'espace, cette créature, ainsi spiritualisée, et moi!
J'ai dit Sowana, tout à l'heure. Vous n'oubliez pas, sans doute, que la plupart des grandes magnétisées finissent par se désigner à la troisième personne, comme les petits enfants. Elles se voient distantes de leurs organismes, de tout leur système sensoriel, enfin. Pour se dégager davantage en augmentant l'oubli de leur personnalité physique,--sociale, si vous le voulez,--plusieurs d'entre elles, parvenues à l'état de voyance, ont la singulière coutume de se baptiser, je puis dire, d'un nom de songe qui leur vient on ne sait d'où, et dont elles VEULENT être appelées, dans leur lumineux sommeil, au point de ne plus répondre qu'à ce pseudonyme d'outre-monde. C'est ainsi qu'un jour,--tout à coup--s'interrompant d'une phrase commencée, mistress Anderson, m'a dit, avec une simplicité d'intonation capable de déconcerter les moins superstitieux, ces seuls mots inoubliables:
«--Ami, je me rappelle Annie Anderson, qui dort là-bas, où vous êtes: mais, ici, je me souviens d'un moi qui se nomme, depuis bien longtemps,--Sowana.»
--Quelles assombrissantes paroles je devais entendre ce soir! murmura, comme à lui-même, le jeune lord, après une sorte de stupeur silencieuse.
--Oui: ce serait à croire que nous sommes sur la limite d'une champ d'expériences... confinant vraiment au «Fantastique!» reprit Edison.--Enfin, légitime ou frivole, ce voeu bizarre m'a paru mériter d'être satisfait,--en sorte que, dans nos causeries lointaines, je n'interpelle plus mistress Anderson que sous l'insolite dénomination qu'elle m'a notifiée.
Et ceci d'autant plus volontiers que l'être moral qui m'apparaît en mistress Anderson, à l'état de veille, et celui qui m'apparaît, dans la profondeur magnétique, semblent absolument différents. Au lieu de la femme très simple, si digne, si intelligente, même,--mais, de vues, après tout, fort limitées,--que je connais en elle,--voici qu'au souffle de ce sommeil il s'en révèle une tout autre, multiple et inconnue! Voici que le vaste savoir, l'éloquence étrange, l'idéalité pénétrante de cette endormie nommée Sowana--qui, au physique, est la même femme--sont choses logiquement inexplicables! Cette dualité n'est-elle pas un phénomène stupéfiant? Cependant,--bien qu'à des degrés d'intensité moindre--ce phénomène est avéré, constaté, reconnu, chez tous les sujets soumis à de sérieux magnétiseurs, et Sowana ne fait exception, grâce à son genre tout particulier de névrose, que comme exemple d'anormale perfection de ce cas physiologique.
Le moment est venu, maintenant, de vous apprendre, milord, qu'après le trépas de la belle Evelyn Habal, l'artificielle fille, je crus devoir faire montre à Sowana des reliques burlesques apportées par moi de Philadelphie, en manière de dépouilles opimes.--En même temps, je lui communiquai l'esquisse, déjà très nette, de ma conception de Hadaly. Vous ne sauriez croire avec quelle joie sombre, nouvelle et comme vengeresse, elle accueillit et encouragea mon projet!--Elle n'eût point de trêve que je ne me fusse mis à l'oeuvre!--Et je dus commencer, puis m'absorber en cette oeuvre, à tel point que mes travaux sur les pouvoirs éclairants et les lampes sans nombre que je devais achever, pour l'Humanité en subirent un retard de deux années:--ce qui m'a fait perdre des millions, soit dit en souriant!--Enfin, lorsque toutes les complexités de l'organisme de l'Andréïde furent exécutées, je les assemblai dans leur unité transfigurante et lui présentai l'être d'apparition, la jeune armure inanimée.
A cette vue, Sowana--comme en proie à je ne sais quelle exaltation concentrée--me demanda de lui en expliquer les plus secrets arcanes--afin, l'ayant étudiée en totalité, de pouvoir, à l'occasion, S'Y INCORPORER ELLE-MÊME ET L'ANIMER DE SON ÉTAT «SURNATUREL».
Frappé de cette confuse idée, je disposai, en peu de temps et avec toute l'ingéniosité dont je puis être capable, un système assez compliqué d'appareils, d'inducteurs absolument invisibles, de condensateurs tout nouveaux: j'y adjoignis un cylindre-moteur exactement correspondant à celui des mouvements de Hadaly. Quand Sowana s'en fut tout à fait rendue maîtresse, elle m'envoya, un jour, sans me prévenir, l'Andréïde, ici même, pendant que j'achevais un travail. Je vous déclare que l'ensemble de cette vision me causa le saisissement le plus terrible que j'aie ressenti dans ma vie. L'oeuvre effrayait l'ouvrier.
--Que serait donc ce fantôme une fois devenu le double d'une femme! pensai-je.
Dès lors toutes mes mesures furent calculées et minutieusement prises pour me trouver à même, un jour, de tenter, pour quelque coeur intrépide, ce que nous avons réalisé. Car,--il faut bien remarquer ceci!--tout n'est point chimérique en celle créature! Et c'est bien un être inconnu, c'est bien l'Idéal, c'est bien Hadaly qui,--sous les voiles de l'électricité,--en cette armure d'argent simulant l'Humanité féminine,--vous est apparu:. puisque, si je connais mistress Anderson, je vous atteste QUE JE NE CONNAIS PAS SOWANA!
Lord Ewald tressaillit à cette parole grave de l'électricien; celui-ci continua pensif:
--Étendue à l'abri des feuillées ombreuses et des mille lueurs fleuries du souterrain, Sowana, les yeux fermés, perdue hors de la pesanteur du tout organisme, s'incorporait, vision fluide, en Hadaly! En ses mains solitaires, comme en celles d'une morte, elle tenait les correspondances métalliques de l'andréïde; elle marchait, en vérité, dans la marche de Hadaly, parlait en elle,--de cette vois si étrangement lointaine qui, durant son espèce de sommeil sacré, vibre sur ses lèvres! Et il me suffisait de redire, de lèvres aussi, mais en silence, tout ce que vous disiez, pour que cette Inconnue de nous deux, vous entendant par moi, répondît en ce fantôme.
D'où parlait-elle? Où entendait-elle? Qui se trouvait-elle devenue? Qu'est-ce que ce fluide incontestable, qui confère, pareil au légendaire anneau de Gigès, l'ubiquité, l'invisibilité, la transfiguration intellectuelle? A qui avions-nous affaire, enfin?
Questions.
Rappelez-vous le mouvement--si naturel!--de Hadaly vers la réfraction photographique de la belle Alicia, dans ce cadre? Et, en bas, celui vers l'appareil thermométrique propre à peser le calorique des rayons planétaires? l'explication, tout improvisée, de cet appareil? la scène, si singulière, de la bourse? Rappelez-vous la netteté avec laquelle Hadaly décrivait la toilette exacte de miss Alicia Clary, lisant, sous la lampe, la dépêche du premier soir, dans le wagon? Savez-vous par quel subtil, par quel incroyable moyen, ce fait de voyance extra-secrète a pu se produire? Voici:--Vous étiez imbu, pénétré, vous, du fluide nerveux de votre détestée et chère vivante! Or, à certain moment, si vous vous en rappelez, Hadaly vous a pris par la main pour vous conduire vers le hideux tiroir où reposent les restes de l'étoile théâtrale. Eh bien, le fluide nerveux de Sowana se trouvait, par l'intime transmission de l'autre fluide, en communion avec le vôtre, grâce à cette pression de la main de Hadaly. A l'instant même il s'envola sur ces invisibles réseaux demeurés, malgré sa distance apparente, entre vous et votre belle maîtresse: il s'en alla donc aboutir à leur centre effusif, c'est-à-dire à miss Alicia Clary, dans le wagon qui l'amenait à Menlo Park.
--Est-ce possible! songea lord Ewald à voix basse.
--Non: mais cela est, répondit l'électricien. Tant d'autres choses, d'apparence impossible, se réalisent autour de nous, que celle-ci, de plus ou de moins, n'a pas le pouvoir de me surprendre outre mesure, attendu que je suis de ceux qui ne peuvent jamais oublier la quantité de néant qu'il a fallu pour créer l'Univers.
Oui: l'inquiétante songeuse, étendue sur des coussins jetés sur une large planche de verre aux supports isolants, tenait le clavier d'induction dont les touches l'électrisaient doucement et entretenaient un courant entre elle et l'Andréide. Et j'ajouterai qu'il est de telles affinités entre les deux fluides auxquels elle était soumise, qu'il ne me semble pas très surprenant, surtout dans la situation ambiante où nous nous trouvions, que le phénomène d'extra-voyance se soit accompli.
--Un instant, répondit lord Ewald; certes, il est déjà fort admirable que l'électricité seule puisse, aujourd'hui, transmettre à des distances et des hauteurs sans limites bien précises--par exemple toutes forces-motrices connues: à tel point que,--si je dois en croire les rapports qui se publient de toutes parts,--demain, sans doute, elle fera rayonner sur cent mille réseaux, dans les usines terrestres, l'aveugle, la formidable énergie, jusqu'à nos jours perdue, des cataractes, des torrents,--que sais-je! du reflux même, peut-être.--Mais ce prestige est, à la rigueur, intelligible, étant donnés les conducteurs palpables,--magiques véhicules,--en lesquels vibre la puissance du fluide! Tandis que le fait de translation SEMI-SUBSTANTIELLE de ma pensée vive... comment l'admettre, à distance, sans inducteurs, si ténus qu'ils puissent être?
--D'abord, répondit l'électricien, la distance, en vérité, n'est plus ici, qu'une sorte d'illusion. Et puis! vous oubliez bon nombre de faits officiellement acquis, depuis peu de temps, à la Science expérimentale: savoir, par exemple, que--non plus seulement le fluide nerveux d'un être vivant, mais la simple vertu de certaines substances se transmettent à «distance» dans l'organisme humain, sans ingestion, suggestion ni induction. Les faits suivants ne sont-ils pas avérés aux yeux des plus positifs médecins actuels:--voici tel nombre de flacons de cristal, hermétiquement scellés et enveloppés, contenant, chacun, telle drogue dont j'ignore le nom. Je me saisis, au hasard, de l'un d'entre eux; je l'approche, à dix ou douze centimètres, de la base crânienne d'un--hystérique, par exemple:--en quelques minutes, voici que le sujet se convulse, vomit, éternue, clame ou s'endort selon les vertus propres au spécifique présenté derrière sa tête à cette distance.--Quoi! si c'est un acide mortel, ce malade offrira les symptômes--pouvant entraîner son décès--de l'intoxication par cet acide? Si c'est tel électuaire, il tombera dans une ponctuelle extase, revêtue, constamment, d'un précis caractère de religiosité,-- en des hallucinations toujours sacrées? fût-il le fidèle d'un culte différent de celui dont il éprouvera les mystiques visions? Si je tiens, par hasard, un chlorure,--du chlorure d'or,--voici que ce voisinage le brûle jusqu'à lui arracher des cris de souffrance?--Où sont les conducteurs de ces phénomènes? Et, devant ces incontestables faits, qui pénètrent la Science expérimentale d'une si légitime stupéfaction, pourquoi ne supposerais-je pas la possibilité d'un fluide-nouveau, mixte, synthèse de l'électrique et du nerveux, tenant, à la fois, de celui qui fait mouvoir, vers le pôle nord, la pointe de toute aiguille aimantée et de celui qui fascine l'oiseau placé sous le battement d'ailes de l'épervier?
Si, dans l'état de sursensibilité hystérique, une affinité-inductrice peut, ainsi, relier l'organisme du malade aux propriétés-intimes de ces substances et attirer leur vibrante influence à travers les pores du verre et du parchemin,--comme l'aimant impressionne, à travers le verre et les étoffes, les molécules de fer,--s'il est indiscutable enfin, qu'une sorte d'obscur magnétisme se dégage même des choses végétales et minérales et peut franchir,--sans inducteurs,--obstacles et distances jusqu'à impressionner de leur vertu spéciale un être vivant, comment pourrais-je être surpris, outre mesure, qu'entre trois individus d'espèce congénère, mis en relation par un centre commun électro-magnétisé, les fluides, en un certain instant, soient devenus corrélatifs au point que le phénomène en question se soit produit?
Pour conclure, du moment où la sensibilité occulte de Sowana n'est point réfractaire à l'action secrète du fluide magnétique,--à telle légère secousse, par exemple, donnée, ici-bas, à mistress Anderson,--alors que, dans l'état cataleptique, aucune autre influence du dehors ne parvient jusqu'à elle et qu'on pourrait brûler vive la seconde sans réveiller la première,--je trouve démontré que le fluide nerveux n'est pas dans un état d'indifférence totale à l'égard du fluide électrique et que, par conséquent, à tel ou tel degré, quelques-unes de leurs propriétés peuvent se fusionner en une synthèse d'une nature et d'un pouvoir inconnus. Celui qui, ayant découvert ce fluide nouveau, pourrait en disposer comme des deux autres, serait capable d'opérer des prodiges à confondre ceux des yoghis de l'Inde, des bonzes thibétains, des fakirs-charmeurs du Coromandel et des derviches de l'Egypte centrale.
Lord Ewald répondit, après un moment de songerie singulière:
--Bien qu'il soit de toute intellectuelle convenance que je ne voie jamais mistress Anderson, Sowana me semble mériter d'être une amie,--et, si, en toute cette magie environnante, elle peut m'entendre,--que ce voeu lui parvienne, où qu'elle soit!... Mais, une dernière question: est-ce que les paroles que Hadaly, tout à l'heure, a prononcées dans votre parc, furent dites et «déclamées» par miss Alicia Clary?
--Certes, répondit Edison,--puisque vous avez du reconnaître la voix et les mouvements de cette vivante: celle-ci ne les a si merveilleusement récités (d'ailleurs, sans y rien comprendre), que sous la patiente et puissante suggestion de Sowana.
Lord Ewald, à cette réponse, demeura dans une suprême stupeur. Cette fois, en effet, l'explication ne portait plus. Le fait d'avoir prévu les différentes phases de cette scène (et la voix attestait qu'elles avaient été prévues), n'était plus concevable.
Il allait donc simplement déclarer et prouver, à son tour, à l'ingénieur, la radicale et absolue impossibilité de ce fait, nonobstant toute solution; mais au moment de lui notifier cette évidence, il se rappela, tout à coup, l'étrange prière, que Hadaly lui avait adressée, tout bas, avant de s'enfermer en l'obscurité de son artificiel cercueil.
C'est pourquoi, gardant au secret de ses pensées la sensation de vertige qu'il éprouvait, il ne répliqua rien. Seulement, il jeta vers le cercueil un coup d'oeil étrange: il venait d'entrevoir très distinctement la présence d'un être d'outre-monde dans l'Andréïde.
Edison donc poursuivit sans prendre attention à ce regard.
--L'état de spiritualité constante et de souveraine clairvoyance où se réalise la vie réelle de Sowana lui confère un pouvoir de suggestion des plus intenses, et surtout sur des sujets hypnotisés à demi déjà par moi. Les effets de sa volonté, même sur leur intelligence, sont immédiats.
Ce n'est que soumise à la suprématie de cette influence que la comédienne, durant des jours entiers, récita patiemment, sur cette estrade, et environnée de mes objectifs invisibles, chaque phrase des scènes que possède Hadaly et qui la personnalisent. Et ceci jusqu'aux intonations, mouvements et regards désirés, lesquels étaient appelés, inspirés, en cette belle innocente, par Sowana. Les fidèles poumons d'or de Hadaly n'enregistraient, sous le doigt de l'inspiratrice que la parfaite nuance vocale enfin proférée entre vingt autres, quelquefois.--Moi, le micromètre en main et ma plus forte loupe sous la paupière, je ne ciselais, qu'au degré correspondant à leur instantanée photographie, sur les aspérités du cylindre-moteur de l'Andréide, les seuls ensembles parfaits des mouvements, unis aux regards ainsi qu'aux expressions radieuses ou graves d'Alicia. Durant les onze journées que ce travail a demandé, le reste physique du fantôme s'accomplissait--moins la poitrine, enfin,--sur mes scrupuleuses indications.--Voulez-vous voir les quelques douzaines de spéciales épreuves photochromiques sur lesquelles sont piqués les points (précis à des millièmes de millimètre près), où les grains de poudre métalliques ont été disséminés, en la carnation, pour l'exacte aimantalisation des cinq ou six sourires fondamentaux de miss Alicia Clary? Je les ai là, dans ces cartons. L'expression de ces jeux de physionomie se nuance toute seule de la valeur des paroles,--de même que juste cinq jeux de sourcils modifient les regards ordinaires de cette si intéressante jeune femme.
Au fond, ce labeur, dont l'ensemble doit vous paraître si complexe et les détails d'un rendu si difficile, se réduit, sous l'analyse, l'attention, la persévérance, à si peu de chose, que, sûr de mes formules générales, dues à quelque peu d'intégral, et qui, seules, m'ont coûté de longues fatigues, tout ce curieux et minutieux travail de réfraction n'est ni ardu ni malaisé; cela va tout seul! Au moment de forclore l'armure, il y a quelques jours, et d'appliquer, peu à peu, d'abord par poudre, puis couche par couche, l'illusionnelle carnation, sur les mille si capillaires inducteurs dont l'étincelant duvet métallique traversait les jours imperceptibles de cette armure, à ce moment, dis-je, Hadaly,--perdue encore en ces limbes,--avait répété, devant moi, d'une manière irréprochable, toutes les scènes qui constituent le mirage de son être mental.
Mais aujourd'hui, toute la journée, tantôt ici même, tantôt dans le parc, la répétition définitive--que j'ai contemplée entre elle, vêtue comme son modèle et Sowana, m'a confondu!
C'était l'Humanité idéale,--moins ce qui est innomable en nous, moins ce dont il est impossible, en ces instants-là, de contrôler l'absence en Hadaly. J'étais, je l'avoue, enthousiasmé comme un poète. Quelles paroles de mélancolie, réalisant la volupté du rêve! Quelle voix, quelle profondeur pénétrante en ces yeux! quels chants! quelle beauté de déesse oubliée! quels enivrants lointains d'âme féminine! quels appels inconnus vers un impossible amour! Sowana, d'un frôlis de bagues, transfigurait cette évocatrice de songes enchantés.--Oui, ce sont bien, je vous l'ai dit, les premiers, parmi les plus lumineux esprits entre les grands poètes et les penseurs de ce siècle, qui ont écrit ces étonnantes et admirables scènes.
Là-bas, lorsque vous l'éveillerez en votre vieux château, vous verrez,--dès la première coupe d'eau pure et le premier festin de pastilles,--vous verrez quel fantôme accompli vous apparaîtra! Dès que les usages et la présence de Hadaly vous seront devenus familiers, je vous dis que vous en deviendrez le sincère interlocuteur, car si j'ai fourni physiquement ce qu'elle a de terrestre et d'illusoire, une Ame qui m'est inconnue s'est superposée à mon oeuvre et, s'y incorporant à jamais, a réglé, croyez-moi, les moindres détails de ces scènes effrayantes et douces avec un art si subtil qu'il passe, en vérité, l'imagination de l'homme.
Un être d'outre-Humanité s'est suggéré en cette nouvelle oeuvre d'art où se centralise, irrévocable, un mystère inimaginé jusqu'à nous.
XIV
L'adieu
L'heure triste, où chacun de son côté s'en va.
VICTOR HUGO. Ruy Blas.
--Ainsi, reprit Edison, l'oeuvre est accomplie et je puis conclure qu'elle n'est pas un vain simulacre. Une âme s'est donc surajoutée, disons-nous, à la voix, au geste, aux intonations, au sourire, à la pâleur même de la vivante qui fut votre amour. Chez celle-ci, toutes ces choses n'étaient que mortes, raisonneuses, décevantes, avilies: sous leurs voiles se cache aujourd'hui la féminine entité à laquelle cet ensemble de beauté insolite appartenait peut-être, puisqu'elle s'est montrée digne de l'animer. Ainsi celle que victima l'Artificiel a donc racheté l'Artificiel! celle qui fut abandonnée, trahie pour l'amour dégradant et obscène, s'est grandie en une vision capable d'inspirer l'amour sublime! celle que frappa, dans ses espérances, dans sa santé, dans sa fortune, le contre-coup d'un suicide, a détourné d'un autre le suicide. Prononcez, maintenant, entre l'ombre et la réalité. Pensez-vous qu'une telle illusion puisse vous retenir en ce monde--et vaille la peine de vivre?
Pour toute réponse, lord Ewald se leva: puis, tirant d'un étui d'ivoire un admirable petit pistolet de poche et l'offrant à Edison:
--Mon cher enchanteur, dit-il, permettez-moi de vous laisser un souvenir de toute cette radieuse aventure inouïe! Vous l'avez bien gagné! Je vous rends les armes.
Edison, se levant aussi, prit l'arme, en fit jouer la batterie pensivement, puis étendit le bras vers la nuit de la croisée ouverte.
--Voici une balle--que j'envoie donc au Diable, s'il existe,--et, dans cette hypothèse, j'incline à penser qu'il est dans les environs.
--Ah! ah! comme dans le Freyschütz! murmura lord Ewald qui ne put s'empêcher de sourire à cette boutade du grand électricien.
Celui-ci fit feu sur l'obscurité.
--Touché! cria, dans le parc, une voix extraordinaire.
--Qu'est-ce donc? demanda le jeune lord, un peu surpris.
--Rien. C'est un de mes anciens phonographes qui s'amuse! répondit Edison continuant son énorme plaisanterie.
--Je vous prive d'un chef-d'oeuvre surhumain! dit lord Ewald, après un moment.
--Non, puisque j'ai la formule: dit l'électricien. Mais... je ne fabriquerai plus d'andréides. Mes souterrains me serviront à me cacher pour y mûrir d'autres découvertes.
Et maintenant, milord comte Celian Ewald, un verre de Jerez,--et adieu. Vous avez choisi le monde des rêves; emportez-en l'incitatrice. Moi, le destin m'enchaîne aux pâles «réalités». La caisse de voyage et le chariot sont prêts; mes mécaniciens, bien armés, vous feront escorte jusqu'à New York, où le capitaine du transatlantique le Wonderful est prévenu. Nous nous verrons peut-être au château d'Athelwold. Écrivez-moi. Vos mains!--Adieu.
Il y eut donc, entre Edison et lord Ewald, encore un dernier serrement de main.
Une minute après, lord Ewald était à cheval à côté du chariot, entouré des torches de son escouade redoutable.
L'on se mit en marche--et bientôt les étranges cavaliers disparurent, au loin, sur la route, vers la petite gare de Menlo Park.
Demeuré seul, au centre du rayonnement de son pandémonium, Edison se dirigea, lentement, vers des tentures noires dont les longs plis retombaient devant quelque chose d'invisible. Arrivé auprès d'elles, il les fit glisser sur leurs anneaux.
Étendue, toute vêtue de deuil,--et, sans doute, endormie sur un vaste canapé de velours rouge posé sur des disques de verre, une svelte femme, encore jeune, bien que sa belle chevelure noire se brillantât d'argent autour des tempes, apparut. Le visage, aux traits sévères et charmants, d'un ovale pur, exprimait une sorte de tranquillité surnaturelle. La main pendante sur le tapis tenait l'embouchure,--entourée d'une espèce de masque rembourré de ouate,--d'un électrophone: si elle y parlait, nul, fût-ce auprès d'elle, ne pouvait l'entendre.
--Ah! Sowana, dit Edison,--voici donc la première fois que la Science aura prouvé qu'elle pouvait guérir l'Homme... même de l'amour!
Comme la voyante ne répondait pas, l'électricien lui prit la main: la main, glacée, le fit tressaillir: il se pencha; le pouls ne battait plus, le coeur était immobile.
Pendant de longues minutes il multiplia, autour du front de l'endormie, les magnétiques passes du réveil:--vainement.
Edison s'aperçut, au bout d'une heure d'anxiété et d'efforts de volition devenus stériles, que celle qui semblait dormir avait définitivement quitté le monde des humains.
XV
Fatum
Sic fata voluere.
PAROLES AUGURALES.
Environ trois semaines après ces événements, M. Edison, n'ayant reçu ni lettres ni dépêches de lord Ewald, commençait à s'inquiéter de ce silence.
L'un des soirs suivants, vers les neuf heures, étant seul dans le laboratoire, l'ingénieur, en parcourant, assis auprès d'une lampe, l'une des principales gazettes américaines, tomba sur les lignes suivantes qui attirèrent son attention et qu'il lut deux fois avec une profonde stupeur:
LLOYD.--Dispatch. Nouvelles maritimes.
«La perte du steamer The Wonderful, que nous «avons annoncée hier, vient de se confirmer et «nous recevons, sur ce sinistre, les tristes détails «suivants:
«Le feu s'est déclaré à l'arrière, sur les deux «heures du matin, dans les compartiments des «marchandises où des barils d'essence minérale «et de spiritueux, enflammés par une cause inconnue, «ont éclaté.
«La mer était grosse et, comme le steamer tanguait «assez durement, la nappe de flamme, en «un instant, pénétra dans le compartiment des bagages. «Un fort vent d'ouest activa l'incendie de «telle sorte que l'embrasement apparut en même «temps que la fumée.
«En une minute, les trois cents passagers, éveillés «en sursaut, encombraient le pont, éperdus «devant l'inévitable péril.
«Là, des scènes horribles se passèrent.
«Devant la fournaise qui crépitait et s'avançait, «les femmes, les enfants poussaient de grands et «désespérés cris d'épouvante.
«Le capitaine ayant déclaré que l'on sombrerait «dans les cinq minutes, on se précipita vers les «chaloupes mises à flot en quelques secondes.
«Les femmes, les enfants furent embarqués d'abord.
«Pendant ces scènes d'horreur, un incident «étrange se produisit dans l'entrepont. Un jeune «Anglais, lord E***, s'étant saisi d'une barre d'écoutille, «voulait pénétrer, de force, au milieu «des flammes, parmi les caisses et colis en combustion.
«Ayant terrassé le lieutenant et l'un des contre-maîtres «qui le voulaient saisir, il ne fallut rien «moins qu'une demi-douzaine de matelots se «ruant sur lui pour l'empêcher, dans l'état forcené «où il paraissait être, de se jeter au milieu de l'incendie.
«Tout en se débattant, il déclarait vouloir sauver, «à tout prix, du feu devenu terrible, une caisse «renfermant un objet si précieux qu'il offrait l'énorme «somme de cent mille guinées à qui l'aiderait «à l'arracher au sinistre,--chose, d'ailleurs, impossible «et qui eût été inutile, les embarcations «étant à peine suffisantes pour les passagers et «l'équipage.
«L'on fut contraint de le lier, non sans peine, à «cause de l'extraordinaire vigueur dont il faisait «preuve, et de l'emporter évanoui dans le dernier «canot, dont les passagers furent recueillis par «l'aviso français Le Redoutable, sur les six heures «du matin.
«La première chaloupe de sauvetage, surchargée «de femmes et d'enfants, a chaviré. L'on évalue «à soixante-douze le nombre des noyés: Voici quelques noms de ces malheureuses victimes.»
(Suivait une liste officielle, dans les premiers noms de laquelle figurait celui de miss Emma-Alicia Clary, artiste lyrique).
Edison jeta le journal violemment. Cinq minutes se passèrent sans qu'une parole traduisît sa sombre songerie. D'un mouvement de la main sur un bouton de cristal, il éteignit les lampes.
Puis, il se mit à faire les cent pas dans l'obscurité.
Soudain le coup de timbre du télégraphe sonna.
L'électricien fit luire la veilleuse auprès de son appareil Morse.
Trois secondes après, se saisissant de la dépêche, il lut les paroles suivantes:
« LIVERPOOL, POUR MENLO PARK, NEW JERSEY. ETATS-UNIS «17. 2. 8. 40. EDISON, INGÉNIEUR:
«Ami, c'est de Hadaly seule que je suis inconsolable--et je ne prends le deuil que de cette ombre.--Adieu.--LORD EWALD.»
A cette lecture le grand inventeur se laissa tomber sur un siège, auprès de l'appareil:--ses regards distraits rencontrèrent, non loin de lui, la table d'ébène: une clarté lunaire pâlissait encore le bras charmant, la main blanche aux bagues enchantées! Et, songeur attristé, se perdant en des impressions inconnues, ses yeux s'étant reportés au dehors, sur la nuit, par la croisée ouverte, il écouta, pendant quelque temps, l'indifférent vent de l'hiver qui entre-choquait les branches noires,--puis son regard s'étant levé, enfin, vers les vieilles sphères lumineuses qui brûlaient, impassibles, entre les lourds nuages et sillonnaient, à l'infini, l'inconcevable mystère des cieux, il frissonna,--de froid, sans doute,--en silence.
FIN.
TABLE
AVIS AU
LECTEUR
DÉDICACE
LIVRE PREMIER.
M. Edison
I.
Menlo Park
II.
Phonograph's papa
III.
Les lamentations d'Edison
IV.
Sowana
V.
Résumé du soliloque
VI.
Des bruits mystérieux
VII.
Une dépêche!
VIII.
Le songeur touche un objet de songe
IX.
Rétrospectivité
X.
Photographies de l'Histoire du monde
XI.
Lord Ewald
XII.
Alicia
XIII.
Ombre
XIV.
Comme quoi le fond change avec la forme
XV.
Analyse
XVI.
Hypothèse
XVII.
Dissection
XVIII.
Confrontation
XIX.
Remontrances
LIVRE DEUXIÈME.
Le pacte
I.
Magie blanche
II.
Mesures de sûreté
III.
Apparition
VI.
Préliminaires d'un prodige
V.
Stupeur
VI.
Excelsior!
VII.
Hurrah!.. Les savants vont vite!
VIII.
Temps d'arrêt
IX.
Plaisanteries ambiguës
X.
Cosi fan tutte
XI.
Propos chevaleresques
XII.
Voyageurs pour l'Idéal: bifurcation!
LIVRE TROISIÈME.
L'Eden sous terre
I.
Facilis descensus Averni
II.
Enchantements
III.
Chant des oiseaux
IV.
Dieu
V.
Electricité
LIVRE QUATRIÈME.
Le secret
I.
Miss Evelyn Habal
II.
Côté sérieux des caprices
III.
L'ombre de l'Upa
IV.
Danse macabre
V.
Exhumation
VI.
Honni soit qui mal y pense!
VII.
Eblouissement
LIVRE CINQUIÈME.
Hadaly
I.
Première apparition de la Machine dans l'Humanité
II.
Rien de nouveau sous le soleil
III.
La Démarche
IV.
L'éternel Féminin
V.
L'Equilibre
VI.
Saisissement
VII.
Nigra sum, sed formosa
VIII.
La Carnation
IX. La
bouche de rose et les dents de perle
X.
Effluves corporels
XI.
Uranie
XII.
Les Yeux de l'esprit
XIII.
Les Yeux physiques
XIV.
La chevelure
XV.
L'épiderme
XVI.
L'heure sonne
LIVRE SIXIÈME.
... Et l'Ombre fut!
I. On
soupe chez le magicien
II.
Suggestion
III.
Importunités de la Gloire
IV.
Par un soir d'éclipse
V.
L'Androsphynge
VI.
Figures dans la nuit
VII.
Luttes avec l'Ange
VIII.
L'Auxiliatrice
IX.
Révolte
X.
Incantation
XI.
Idylle nocturne
XII.
Penseroso
XIII.
Explications rapides
XIV.
L'Adieu
XV.
Fatum
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Auguste, comte de Villiers de L'Isle-Adam
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or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.
Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation
The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations. Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
[email protected]. Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org
For additional contact information:
Dr. Gregory B. Newby
Chief Executive and Director
[email protected]
Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation
Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.
The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit http://pglaf.org
While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.
International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations.
To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.
Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
http://www.gutenberg.org
This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.