CHAPITRE XV
 
Annie n’aime pas l’aventure

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MICK et François attendirent. Aucune réponse ne leur parvint. Claude dormait-elle ? On lui avait peut-être donné, à elle aussi, un somnifère, comme à Dagobert. François était désespéré ; à la seule idée que Claude pût être maltraitée, il frissonnait d’horreur. Il essaya de nouveau de scruter l’intérieur de la roulotte, mais la vitre était si sale et il faisait si sombre, qu’il ne put rien distinguer.

« Si nous frappions à la porte ? suggéra Mick.

— Non, cela fera revenir Antonio, s’il est aux alentours ! Si Claude est à l’intérieur et réveillée, nos voix attireront son attention. »

Ils contournèrent la voiture jusqu’à la porte ; il n’y avait pas de clef dans la serrure ; Antonio avait dû l’emporter avec lui. François monta les quelques marches et essaya de pousser le battant ; il résistait. François frappa doucement : toc, toc, toc… Aucune réponse ; c’était étrange ! Il essaya de nouveau de tourner la poignée qui lui avait d’abord paru très dure, et fut tout surpris : la porte s’ouvrit.

« Mick, ce n’est pas fermé ! » s’écria-t-il, oubliant de parler à voix basse.

Il entra dans la roulotte obscure, espérant trouver Claude ou Dagobert. Mick le suivit. Une odeur d’humidité régnait à l’intérieur. Il n’y avait personne. François grogna :

« Nous avons fait tout ce chemin pour rien ! Ils ont emmené Claude ailleurs, et nous ne savons pas où ! »

Mick sortit sa lampe électrique de sa poche. Claude avait peut-être laissé un message, une indication quelconque ? Non, on ne voyait rien, aucune trace.

« Jo a dû inventer toute cette histoire ! » soupira Mick.

Sa lampe éclaira la paroi de bois. Quelques mots y avaient été griffonnés au crayon. Mick regarda de plus près.

« On dirait l’écriture de Claude ! s’écria-t-il. François, qu’est-ce que tu en penses ? »

Les deux garçons se penchèrent sur l’inscription ; « Mesnil-le-Rouge », lut François.

Plus loin, d’une écriture plus petite, les mêmes mots étaient répétés.

« Qu’est-ce que cela veut dire ? demanda Mick. Et d’abord, est-ce bien l’écriture de notre cousine ?

— Oui, je crois, répondit François. Mais pourquoi a-t-elle gribouillé cela ? Elle a peut-être entendu prononcer ces mots alors qu’on l’emmenait ailleurs, et elle les a notés à la hâte, pour le cas où nous arriverions jusqu’ici… C’est sûrement cela. Qu’en penses-tu ?

— Je ne connais aucun pays dans les environs qui s’appelle Mesnil-le-Rouge, dit Mick. Je crois que nous ferions mieux de rentrer et d’aviser la police. »

Déçus, les garçons revinrent vers Annie. Elle surgit de son buisson.

« Claude n’est pas là, lui annonça Mick, mais elle a laissé un message sur la paroi de la roulotte.

— Pour dire quoi ?

— Pour dire où on l’avait emmenée, sans doute. Mesnil-le-Rouge, tu connais ?

— Non… Vous êtes sûrs que c’est bien elle qui a écrit cela ?

— Certains. J’ai bien reconnu son M et son g. Et maintenant, allons avertir les gendarmes. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps.

— Si nous mangions un peu ? proposa François. Cela nous remettrait d’aplomb. »

Mais ils avaient tous la gorge serrée ; Annie se sentait trop fatiguée pour manger ; quant à Mick, il marchait très vite et semblait n’avoir aucune envie de défaire le paquet de sandwiches. Ils reprirent leur chemin entre les arbres. Le ciel s’était obscurci et, soudain, de grosses gouttes de pluie s’écrasèrent avec un bruit mat sur la terre sèche. Au loin, le tonnerre grondait.

Annie s’accrocha au bras de François.

« François, c’est dangereux d’être dans un bois lorsqu’il fait de l’orage, nous allons être foudroyés !

— Mais non, répondit son grand frère, ce qui est dangereux, c’est d’être sous un arbre isolé ; mais regarde, il y a une petite clairière ; nous allons y aller, si tu veux. »

Lorsqu’ils arrivèrent dans la clairière, l’averse était si forte, qu’ils durent à nouveau s’abriter sous les branches. Ils attendirent que l’orage s’éloignât.

Bientôt, la pluie cessa.

« Je déteste ces bois ! dit Mick, sortant des buissons, partons ! » Et il prit à nouveau la tête de file.

François l’appela.

« Attends, Mick ! Es-tu sûr que ce soit le bon chemin ?»

Mick s’arrêta, un peu inquiet.

« Je pensais… tu ne crois pas ?

— Il me semblait, répondit François, que nous devions tourner sur la droite, après la petite clairière.

— Nous ne sommes pas dans la même clairière, affirma Annie. Dans l’autre, il y avait sur la droite un arbre abattu dans l’herbe.

— Zut ! s’exclama François. Eh bien, essayons un autre chemin. »

Ils se dirigèrent vers la gauche et se retrouvèrent bientôt dans la partie la plus touffue de la forêt.

François était furieux contre lui-même ; quelle folie d’avoir quitté l’unique sentier qu’ils connaissaient, sans prendre le moindre point de repère ! Ils ne pouvaient même pas se diriger avec le soleil. Le garçon regarda son frère et celui-ci lut une angoisse dans ses yeux.

« Que faire ? demanda Mick, nous n’allons pas rester là immobiles pendant des heures !

— Nous nous enfonçons de plus en plus profondément», murmura Annie effrayée.

François la rassura.

« Eh bien ! nous ressortirons donc de l’autre côté, dit-il. Ce n’est pas une forêt sans fin, tu sais ! »

Il lui cachait la vérité ; en effet, il pensait : « Nous sommes probablement en train de tourner en rond comme font les hommes égarés dans le désert » ; il se reprochait à lui-même d’avoir quitté le sentier où l’on pouvait au moins suivre des traces de roues.

Ils marchèrent environ pendant deux ou trois heures, puis Annie s’effondra.

« Je ne peux pas aller plus loin, sanglota-t-elle, je voudrais me reposer ! »

Mick regarda sa montre. Le temps passait terriblement vite, il était presque trois heures. Il s’assit à côté de sa sœur et lui dit gentiment :

« Nous avons besoin d’un bon repas, nous n’avons rien mangé depuis huit heures du matin. »

Annie prétendit qu’elle n’avait pas faim, mais lorsqu’elle vit le saucisson et le pain beurré, elle changea d’avis. Ils déjeunèrent tous les trois et se sentirent aussitôt mieux.

« Il n’y a rien à boire, malheureusement, dit Mick, mais il y a des oranges. »

Ils mangèrent tout ce qu’il y avait dans leur sac. François se demandait s’ils n’auraient pas dû garder quelques provisions. Dieu sait combien de temps ils allaient rester dans ce bois ! Maria serait sans doute inquiète et alerterait la police qui partirait à leur recherche. Mais dans combien de temps les retrouverait-on ?

Après le repas, Annie s’endormit. Les garçons bavardaient doucement.

« Cette histoire est épouvantable », dit Mick. Nous sommes partis pour trouver Claude et nous nous sommes perdus ! D’habitude, nous sommes plus débrouillards !

— Si nous ne trouvons pas d’issue avant la nuit, il faudra arranger un lit à l’abri d’un buisson. »

Lorsqu’Annie se réveilla, ils repartirent d’un bon pas.

Mais lorsque la nuit tomba, ils n’avaient toujours pas retrouvé leur chemin ; ils appelèrent en vain ; personne ne les entendait. Alors, ils décidèrent de s’installer pour dormir. Heureusement, il ne faisait pas froid.

« Dormons tranquillement, dit Mick, nous nous sentirons beaucoup mieux demain matin. Reste bien contre moi, Annie, tu auras plus chaud. Voilà, parfait ! François se mettra de l’autre côté. Nous vivons une nouvelle aventure, tu vois !

— Je déteste les aventures », dit Annie d’une toute petite voix. Elle sombra bientôt dans le sommeil.

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