5

Le transplanteur ressemblait à un suppositoire. Celsius s’apprêtait à refermer le hublot quand il me demanda :

— N’avez-vous rien à me dire ?

— Adieu.

— D’accord, nous ne nous aimons pas, mais nous avons vécu un moment fort ensemble. Jamais je ne me suis autant confié à quelqu’un. Vous êtes la seule à me connaître.

— C’est bouleversant.

— Au lieu de railler, vous n’auriez pas quelque chose de profond à me dire ?

— Quelque chose de profond ? Pourquoi dirais-je quelque chose de profond ?

— Quand même, ce n’est pas banal, ce qui nous est arrivé. Cela doit vous inspirer un sentiment, une phrase.

— Ma foi, non, cela ne m’inspire rien.

— Vous ne me ferez pas croire cela. Les écrivains aiment les phrases ultimes.

— Je vois. Vous voulez un mot historique, un message de l’antériorité à la postérité ?

— Par exemple, oui.

— Je cherche… J’ai trouvé.

— Je vous écoute.

— Fi.

— Pardon ?

— Fi, monsieur.

— Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Le mot a disparu ?

— Je ne l’ai jamais entendu.

— Eh bien, quand vous irez au Grand Dépôt pour y chercher mes traces, vous en profiterez pour consulter un vieux dictionnaire. Cela vous fera une dernière surprise.

— Comment épelez-vous ce mot bizarre ?

— F-I. Fi.

— Deux lettres, pas une de plus ? C’est tout ce que je vous inspire ?

— Rassurez-vous : quand vous en connaîtrez le sens et l’étymologie, vous verrez que je ne vous ai pas lésé.

— Mais qu’est-ce donc ? Un adverbe, un impératif ?

— Une simple interjection.

— Toujours vos archaïsmes !

— Je suis moi-même un archaïsme. Renvoyez-moi à mon époque archaïque, s’il vous plaît. Il me tarde que vous alliez consulter le dictionnaire.

— Adieu, donc. Amitiés à votre hibiscus.

— Adieu, Celsius.