La Grèce et la mer Égée
Le monde grec ne se limite pas à l’Hellade, cette péninsule montagneuse déchiquetée qui semble prolonger l’Europe vers le sud-est : il concerne toute la Méditerranée orientale, aussi bien les côtes asiatiques que les îles de la mer Égée. Et c’est précisément dans ces îles que se dessinent les premières ébauches de ce qu’on a appelé l’hellénisme et qui est en fait une succession de civilisations fort diverses qui se sont fondues les unes dans les autres avant d’atteindre une unité grâce à une synthèse harmonieuse de tendances très hétérogènes. Ici, comme au Proche-Orient, c’est le domaine de la Déesse des Commencements.
Il est très difficile d’en discerner le visage, tant celui-ci a été multiplié au cours des siècles. La mythologie grecque ne nous est connue que par des adaptations littéraires assez récentes et qui ne rendent compte qu’imparfaitement d’une réalité théologique antérieure. Les grandes divinités du panthéon olympien sont des figures figées, sans rapport avec leur contenu originel, et il est plus intéressant, parfois, de se pencher sur des personnages mineurs de l’épopée grecque que sur des « vedettes » trop connues que les Romains ont assimilées parce qu’ils n’avaient pas grand-chose à mettre à la place. C’est le cas de Pénélope qui, avant d’être considérée comme le modèle de l’épouse fidèle, a surtout été la personnification de la déesse mère d’Ithaque, déesse mère en même temps que détentrice de la souveraineté absolue : l’obstination des prétendants le prouve sans qu’il soit besoin d’une analyse plus poussée, et la vengeance d’Ulysse à leur encontre s’explique alors très aisément. Il en est de même pour Circé, réduite au rôle de magicienne maléfique dans le récit de l’Odyssée, et qui représente pourtant la grande transformatrice, la mère des métamorphoses, celle-là même qu’honoraient les constructeurs de mégalithes, confiants dans ses pouvoirs régénérateurs. Mais Circé, comme sa « collègue » Calypso, est reléguée dans une île, comme le sera plus tard la fée Morgane. C’est significatif de son antériorité sur toutes les autres représentations féminines de la divinité.