Ce qui caractérise l’art dolménique, c’est la tendance à l’abstraction et à la schématisation, comme si les bâtisseurs de mégalithes en étaient arrivés à un point où ils ne voulaient plus exprimer que la quintessence des choses et des êtres. La plupart du temps, il s’agit de gravures en creux, ce qui, certes, favorise la simplification et l’étalement sur deux dimensions, le volume étant rendu par une mise en valeur de certaines données fondamentales. Il en est ainsi dans les grottes de la vallée du Petit-Morin, notamment à Coizard (Marne). À vrai dire, ces grottes ne sont pas des monuments mégalithiques : ce sont des cavités creusées dans un sol crayeux. Ainsi trouve-t-on au lieu-dit Joches, à Coizard, une vaste nécropole rassemblant trente-sept hypogées : ce sont des chambres sépulcrales quadrangulaires d’environ deux mètres carrés, communiquant par un étroit orifice à une « antégrotte », elle-même reliée au jour par une tranchée d’accès tout à fait analogue aux couloirs d’entrée des allées couvertes qui sont, elles, bâties au-dessus de la surface du sol. L’une de ces grottes renferme l’image célèbre de l’idole néolithique, sculptée sur la paroi de la chambre : c’est une figuration féminine consistant en une masse épaisse dans le bas, s’affinant et s’arrondissant vers le haut ; la tête n’est que suggérée, selon la même méthode paléolithique, mais avec un relief proéminent qui ne peut être que le nez, un collier très simple supportant un objet qui doit être une pendeloque, et une paire de seins particulièrement visibles. La représentation du sexe étant totalement absente, on peut penser que le rôle essentiel prêté à cette divinité (car, vu sa localisation, ce ne peut être qu’une divinité) est celui de nourrice, le lait de ses seins étant évidemment le symbole d’un breuvage d’immortalité destiné à procurer une nouvelle vie aux défunts inhumés dans cette chambre. C’est du moins l’hypothèse que l’on peut formuler sans trop risquer de se tromper.

L’hypogée est lui-même un symbole utérin évident : il est donc normal de trouver là la figuration de la Mère universelle. Mais l’erreur consisterait à ne la considérer que comme Terre mère, car le soin donné par les peuples du néolithique à leurs défunts, la disposition du lieu d’inhumation, la présence de cette figuration dans sa totalité, tout cela dépasse de loin le simple fait de déposer un mort dans la terre d’où il provient et où il retourne. Ce n’est pas dans la terre que le mort est placé, mais dans la matrice de la Mère universelle pour qu’il puisse renaître dans une autre vie, une fois opérée la maturation, et surtout une fois accomplie l’expulsion vers un « ailleurs ».

Les hypogées de Coizard ne sont pas uniques. Il y en a bien d’autres, dispersés à travers toute la France, ne serait-ce qu’aux Mornouards, à Mesnil-sur-Orge (Essonne), ou encore à Fontvieille (Bouches-du-Rhône), où quatre hypogées voisinent avec un dolmen, ce qui démontre la similitude de fonction. Mais l’hypogée est la suite directe et logique de la grotte naturelle paléolithique : il est seulement un endroit davantage sacralisé parce que creusé intentionnellement et obéissant à des règles précises. Or le tertre mégalithique va encore plus loin, car il est construit au-dessus de la surface du sol et non pas au-dessous. Il faut en effet savoir que les dolmens et allées couvertes que l’on voit actuellement en plein air étaient autrefois recouverts de terre (tumulus) ou de pierres (galgal), ou encore de terre et de pierres (le cairn classique) et que ce sont les intempéries, ou les besoins des hommes en matériaux faciles à manipuler, qui les ont dépouillés de leur habillement28. Tous ces monuments, loin d’être frustes et grossiers, comme certains ont pu l’imaginer, étaient en réalité des structures très complexes, obéissant à des lois architecturales et à des impératifs religieux extrêmement précis29.

Le tertre mégalithique est en effet la projection symbolique du ventre maternel et, à lui seul, il constitue une représentation de la Grande Déesse, surtout lorsqu’il s’agit d’une allée couverte ou de ce que les Anglo-Saxons nomment passage grave. L’entrée est toujours basse et étroite, correspondant à l’ouverture vulvaire ; le couloir, d’abord très bas, devient de plus en plus haut et débouche sur une chambre centrale, parfois « dolménique », c’est-à-dire recouverte d’une immense dalle de pierre, parfois surmontée d’une construction complexe en encorbellement. Dans cette chambre centrale étaient exposés les défunts, parfois à même la terre, parfois dans des sortes de vasques de pierre. Et, dans certains monuments, l’orientation était telle qu’elle permettait aux rayons du soleil levant du solstice d’hiver de pénétrer à l’intérieur et d’illuminer véritablement la chambre funéraire centrale. Il va sans dire que cela n’était pas dû au hasard, mais savamment calculé pour permettre à la lumière solaire de régénérer symboliquement les morts, de les projeter dans une autre vie par le biais d’un authentique regressus ad uterum, ce que rapportent de nombreuses légendes ou traditions, notamment en Irlande où ce genre de monuments est très fréquent.

C’est le cas du célèbre cairn de Newgrange, en Irlande, dans la vallée de la Boyne, qui occupe une place privilégiée dans les récits mythologiques des anciens Celtes. Il est en effet souvent question d’une « chambre de soleil », détenue par le dieu Oengus, maître des lieux, et dont l’action régénératrice est mise en évidence. La même caractéristique peut être observée en France au monument de Dissignac, en Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), avec cette différence que le tertre contient deux passage graves, figurant évidemment deux matrices. Ces antres obscurs, inondés de lumière solaire au moment où se produit le renversement de polarité dans la course du soleil, sont incontestablement des sanctuaires de renaissance et d’immortalité placés sous le patronage, on devrait dire le « matronage », de la Grande Déesse solaire universelle. Celle-ci répand la vie par la chaleur et la lumière qui émanent d’elle : il n’y a pas là une divinité maternelle tellurique et un astre masculin flamboyant, mais une seule et même entité divine, noire et blanche, ténébreuse et lumineuse, à la fois dévoreuse de vie et génératrice d’éternité.

Mais les tertres mégalithiques ne sont pas tous orientés vers le lever solsticiel d’hiver, loin s’en faut, et il n’y a pas de règle générale, comme cela a été le cas jusqu’au XVIe siècle pour les églises chrétiennes (orientées non vers Jérusalem comme on le prétend stupidement, mais selon la tradition solaire indo-européenne). Les tertres ont été bâtis essentiellement en des endroits qu’on jugeait sacrés, et lorsque le soleil n’y fait point d’entrée symbolique à des périodes précises de l’année, la Déesse solaire est néanmoins présente, gravée dans la pierre, généralement à l’entrée du couloir d’accès ou dans la chambre funéraire centrale. Ainsi en est-il au Mané-er-Hroëg en Locmariaquer (Morbihan), qui n’est pas un dolmen mais une butte funéraire de la fin du néolithique (vers – 2 000) : à l’entrée de la chambre, les constructeurs ont placé délibérément un pilier en réemploi, d’au moins mille ans antérieur, dont la face visible comporte une représentation schématique de la Grande Déesse.

Ce pilier constitue l’un des plus énigmatiques, mais aussi l’un des plus beaux témoignages de l’art pariétal mégalithique. La Déesse y est figurée en forme d’écusson, avec un renflement supérieur pour marquer la tête. À l’intérieur de ce « corps », sont représentés des signes peu déchiffrables : on y reconnaît cependant deux serpents, une hache, deux crosses et un motif que l’on classe généralement sous la dénomination de « cornes de bélier ». Au-dessus et au-dessous de cette « idole », des haches de différentes formes sont parfaitement visibles. L’ensemble de la stèle paraît mettre l’accent sur la puissance protectrice de la divinité, ainsi représentée par des éléments symboliques qui se réfèrent à des objets vraisemblablement communs à l’époque. Mais l’on sait que les cornes d’animaux et les haches rituelles ne sont pas rares dans les dépôts mis au jour par les fouilles des mégalithes. Faut-il y voir des emblèmes de la divinité ? Cette hypothèse est loin d’être exclue, surtout si l’on prend acte du mode de vie des populations que, faute de mieux, on appelle mégalithiques.

On objectera cependant que cette représentation ne contient aucun élément vraiment féminin. Mais le modèle de l’idole en forme d’écusson se retrouve en bien d’autres monuments, avec des composantes féminines très nettement précisées. D’autre part, le serpent – qui dans de nombreuses langues est du genre féminin, rappellions-le – est une figuration de l’antique Déesse, comme le démontrent une étude attentive de la Genèse, à propos de la tentation d’Adam et Ève30, ainsi que la légende de Mélusine, la fée à queue de serpent (et non à queue de poisson), c’est-à-dire la « vouivre » (du latin vipera) bien connue dans les traditions populaires31. Enfin le nom local du monument est révélateur car Mané-er-Hroëg signifie « tertre de la sorcière », et la légende prétend que cette butte fut construite par les fées pour permettre à une femme de guetter le retour de son fils parti naviguer sur les mers. L’idée de protection maternelle est liée à ce monument incontestablement funéraire, mais qui pouvait être aussi un lieu de culte, un sanctuaire de la Déesse des Commencements.

La représentation de cette déesse peut être simplifiée à l’extrême : dans le cairn de Barnenez en Plouézoc’h (Finistère), l’un des plus anciens monuments de ce genre que l’on connaisse, elle apparaît sous la forme d’un triangle. Mais ce triangle se trouve sur une barque schématisée, signifiant vraisemblablement la navigation nocturne du soleil dans l’autre monde. Ce motif de la déesse sur la barque réapparaît à Locmariaquer (Morbihan) dans le cairn de Kerverès et dans celui du Mané-Lud. Mais au Petit-Mont en Arzon (Morbihan), il est encore plus caractéristique, car la Déesse reprend alors la forme de l’idole en écusson. Quant au cairn de l’Île-Longue, dans le golfe du Morbihan, il contient plusieurs figurations en forme conique entourées de chevelures qu’on peut identifier comme les rayons du soleil. On a parfois vu dans cette représentation la « transe chamanique », ce qui ne semble guère correspondre au contexte : le caractère solaire de cette divinité est incontestable, et d’ailleurs, au Petit-Mont, à côté d’une figuration complexe et étrange de l’idole reconnaissable par ses trois colliers, on peut voir une roue solaire parfaitement nette. On mettra en parallèle cette représentation « éclatée » avec la grande dalle en forme d’écusson qui orne le fond de la chambre de la célèbre Table des Marchands, à Locmariaquer, laquelle, parmi des crosses (qui sont peut-être des épis de blé stylisés), comporte en son centre un soleil bien repérable.

Le Mané-Lud, sur ses différents supports gravés, propose une grande variété d’images où la Déesse semble en quelque sorte « démultipliée » selon des caractéristiques que l’on a voulu mettre en évidence. En dehors de l’idole en forme d’écusson, il y a en effet des « signes en U » traités très diversement, qui peuvent représenter soit le corps stylisé, soit le collier, soit une coiffure cornue, soit la marque de la poitrine, soit le ventre maternel, cette coupe qui contient les « eaux mères » et dans laquelle doivent se replonger toutes les créatures avant de renaître dans une autre vie. Au premier abord, ces pétroglyphes paraissent chaotiques, désordonnés, frustes, mais, à l’analyse, on s’aperçoit que le moindre signe a son importance et s’insère dans un cadre beaucoup plus vaste. Il s’agit incontestablement d’un langage artistique destiné à transmettre un message religieux dont, malheureusement, on ne connaît pas le code d’accès.

C’est cependant, toujours à Locmariaquer, le cairn des Pierres-Plates qui apparaît comme le grand sanctuaire dédié à la Déesse néolithique. Il s’agit d’une allée couverte coudée dont le revêtement tumulaire a disparu : au cours des siècles, et dont plusieurs supports comportent d’intéressantes gravures. Sur l’un de ces supports, on peut en effet distinguer la forme classique de l’idole en écusson, très carrée, avec le renflement qui marque la tête. À l’intérieur du corps, une courbe sinueuse surmonte deux seins, rappelant le thème du serpent. En bas, vers la gauche, un cercle, plus petit que les seins, figure peut-être le nombril, tandis qu’à droite, un rectangle allongé verticalement contient un double cercle concentrique : il s’agit visiblement d’une représentation utérine. En dehors du corps, au-dessous à droite, un autre rectangle vertical renferme une hache stylisée, symbole de puissance. Le reste du support est occupé par quatre variantes de l’idole : en haut, un simple « signe en U », qui doit être une coupe, puis plus bas, une forme en écusson où la tête est figurée non plus par un renflement, mais par une échancrure ; en dessous encore, l’échancrure est davantage prononcée ; en bas, enfin, l’idole à la tête en échancrure est doublée intérieurement, évoquant irrésistiblement le thème de la parturition.

Mais les autres dalles de ces mêmes Pierres-Plates nous présentent la Déesse néolithique dans toute sa splendeur : on serait tenté d’y voir une préfiguration de ces étonnantes Vierges en majesté du Moyen Âge. Ici, la Déesse est en effet triomphante, car elle assure le triomphe sur la mort. Elle est présentée dans une tenue d’apparat, ce qui nous vaut parfois la dénomination d’« idole chasuble ». On peut en effet considérer que le corps, dont la tête est marquée par une échancrure, est revêtu d’une sorte de « manteau » de cérémonie, un peu comme les Vierges des églises chrétiennes. Cependant, comme tout est analogie, les cercles qui sont figurés sur ce manteau (à l’origine du surnom disgracieux d’« idole à boutons » !) sont aussi des seins, indiquant très nettement le caractère de « Mère innombrable » de cette divinité des tertres dont nous ne connaissons évidemment ni le nom, ni le culte qui lui était rendu. Il faut aussi remarquer l’une de ces représentations : la Déesse n’est plus revêtue, mais en quelque sorte ouverte, vue de l’intérieur grâce à des arborescences qui peuvent être aussi bien un motif végétal qu’une schématisation des poumons – un symbole du souffle vital grâce auquel s’opèrent les délicates métamorphoses alchimiques de la renaissance. Plus que jamais, la Déesse des Commencements est présente, veillant au sort de chacun de ses innombrables enfants.

Car ces représentations, qui tendent vers un géométrisme pur, paraissent chargées d’un message à la fois magique et métaphysique. C’est encore plus net dans le magnifique cairn de Gavrinis, en Larmor-Baden, sur une île du golfe du Morbihan, probablement le plus beau monument de ce type en France, et même dans le monde entier, tant la richesse et l’abondance des motifs sont remarquables.

Métaphysiquement parlant, il s’agit d’exprimer un perpétuel processus de métamorphose dont la Déesse est la personnification : elle n’est pas statique, puisqu’elle crée sans cesse des formes nouvelles, des ondulations, des vibrations qui se répandent à partir d’un point central sur un univers illimité. On reconnaît en effet à Gavrinis la fameuse idole en écusson, mais doublée, triplée, multipliée. On a voulu y voir les vagues de la mer, des spirales ou encore des arborescences : c’est loin d’être contradictoire puisque la Déesse ne peut être perçue que manifestée. Elle est donc, en elle-même, la puissance divine, ou cosmique, cause première et absolue de toute existence. Tous les supports de Gavrinis sont gravés, et ils expriment tous cette présence « ontologique » de la Déesse : ils expliquent la création.

Il est cependant impensable qu’une telle réflexion métaphysique n’ait point été accompagnée d’une forme de magie rituelle. Bien que l’on ne puisse que conjecturer en ce domaine, il est permis d’imaginer des séjours initiatiques à l’intérieur de ce genre de monuments, ne serait-ce que pour s’imprégner du mouvement qui envahit l’espace, de façon à déclencher une sorte de « décrochage » de la conscience vers des états supérieurs, une véritable prise directe sur un autre monde. C’est là qu’apparaît la double fonction du tertre mégalithique, longtemps considéré comme un simple monument funéraire : s’il l’est, ce qui est évident, il est aussi sanctuaire. Et la comparaison avec les autres cairns en différents pays d’Europe, surtout en Irlande, ne peut que plaider en faveur de cette fonction de sanctuaire, prototype incontestable des innombrables églises placées sous le patronage de Notre-Dame.

Sur l’un des supports de Gavrinis, la figuration divine est réduite à sa plus simple expression : il n’y a plus qu’un ventre féminin, avec l’ouverture vulvaire. Mais tout autour, se trouvent les représentations de onze haches non emmanchées qui sont des symboles phalliques, et des lignes en chevrons qui évoquent des épis de blé, ou tout au moins d’épeautre. Fécondité de la Déesse aux multiples amants ? Sans aucun doute. Un autre support démultiplie la Déesse labyrinthique (encore un symbole utérin) sur les trois niveaux supérieurs, tandis que le niveau inférieur, bien délimité, présente des cercles semi-concentriques, deux haches et plusieurs serpents : on reconnaît bien là l’antique Déesse aux serpents qui a hanté l’humanité depuis l’aube des temps. Et sur la paroi du fond de la chambre dite funéraire (mais qui est une sorte de saint des saints), la Déesse néolithique apparaît dans toute sa splendeur et toute sa complexité, multipliée, labyrinthique, donc secrète, mais inévitablement liée aux signes serpentiformes et à la hache. À la fois axe du monde, protectrice et destructrice (la hache), elle est aussi celle qui s’insinue partout (le serpent, ou plutôt une serpente, une vouivre aux métamorphoses infinies).

Cela nous permet de mieux comprendre, en dépit d’une absence totale de documents historiques ou philosophiques, quels contours donnaient les gens de l’époque mégalithique à leur divinité principale (et peut-être unique). Ces contours expriment tous la multiplicité dans l’unité. On en a la preuve à l’intérieur d’un monument, le cairn de l’Île-Longue, dans le golfe du Morbihan, aujourd’hui presque entièrement ruiné : à côté de l’idole triangulaire comportant des traits rayonnants extérieurs (chevelure ou rayons de soleil ?), on remarque une autre idole beaucoup plus arrondie, avec davantage de traits rayonnants, une troisième tout à fait en forme de bouclier, avec deux anses (bras ou oreilles ?) au sommet duquel apparaît un petit appendice pointu (tête ou « troisième œil » ?), et une quatrième idole, très simplifiée, en forme d’écusson carré muni d’une petite pointe supérieure.

On retrouve une figuration semblable sur le plafond d’un des dolmens du cairn de Barnenez en Plouézoc’h (Finistère) : mais là, il n’y a plus que l’écusson, cette fois rectangulaire, avec deux incisions internes et des excroissances divergentes au sommet. Cette vision de la Déesse n’est pas propre à la péninsule armoricaine : on peut en effet remarquer des motifs semblables dans l’étrange monument de Changé-Saint-Piat, sur les bords de l’Eure, près de Maintenon (Eure-et-Loir).

Il y a cependant des variantes régionales. À cet égard, les monuments du Bassin parisien offrent une surprenante simplification des formes. Dans le dolmen de Bellée (dont le nom évoque la divinité solaire gauloise), à Boury (Oise), l’idole écusson disparaît complètement : il ne reste plus qu’une figuration du collier, d’ailleurs très labyrinthique, surmontant des seins en relief. Il en est de même sur l’un des supports de la célèbre Pierre-Turquaise, à Saint-Martin-du-Tertre, en forêt de Carnelle (Val-d’Oise), et également à l’entrée du cairn d’Aveny, en Dampsmesnil (Eure), sur des coteaux dominant la vallée de l’Epte. Le collier, qui a toujours été un signe de distinction et de puissance, devient alors l’emblème d’une déesse maîtresse absolue de l’univers et des êtres qui le peuplent.

En fait, l’alliance du collier et des seins n’est pas nouvelle : elle se remarquait déjà dans la grotte de Coizard (Marne) sur les murs de craie de cet hypogée authentique. Mais à Coizard, le visage n’était pas absent, pas plus que dans le dolmen de Collorgues (Gard). Dans ces deux monuments, le visage prend d’ailleurs de curieuses connotations : il s’agit bel et bien d’une tête de chouette. Cette représentation n’est pas sans rapport avec des images de la mer Égée (notamment sur des cylindres de craie), et l’on ne peut que penser à l’animal emblème de la déesse Athéna. Il faut en conclure que cette divinité, protectrice des défunts, est une déesse-oiseau qui voit dans l’obscurité des tombeaux et guide les âmes « vers les espaces d’une autre vie », comme le dit Chateaubriand dans une belle envolée lyrique. Il s’agit donc d’une double vision, celle du monde invisible pour le commun des mortels : les grandes légendes celtiques sur la présence de palais féeriques et d’un univers parallèle dans les cairns mégalithiques ne font que le confirmer.

Mais une des spécificités de l’art dolménique armoricain réside dans le traitement du visage : celui-ci est soit seulement suggéré, soit franchement aveugle, comme c’était le cas pour les Vénus paléolithiques. À la fin de l’époque néolithique, vers – 2 000, la gravure sur dalle est remplacée peu à peu par la sculpture sur stèle. Un exemple très curieux est fourni par une stèle qui se trouve dans le cimetière du Catel en Guernesey, et qui est connue, dans le pays, sous l’appellation de « Grand-Mère du chimequière » : elle a été retaillée à une époque ultérieure, ce qui constitue la preuve qu’on continpuait à lui attribuer les fonctions d’une divinité féminine protectrice des défunts.

Dans sa structure, cette stèle du Catel est analogue à celles qu’on peut voir au Crec’h Quillé en Saint-Quay-Perros (Côtes-d’Armor), au Trévoux (Finistère) et à Kermené en Guidel (Morbihan). Sur toutes ces stèles, une paire de seins en relief ne laisse aucun doute quant à la féminité de l’idole. Au Catel et à Kermené, un collier est placé au-dessus des seins et remonte vers le cou qu’il ne contourne pas. Au Trévoux, ce collier n’est plus qu’un simple croissant sous la paire de seins. Mais c’est la stèle de Kermené qui est la plus impressionnante. Quoiqu’elle ait été brisée, on a pu en reconstituer facilement la tête : elle apparaît très stylisée, cylindrique, comme si le sculpteur avait voulu garder le visage dans son mystère. Il ne s’agit pas d’une maladresse ou d’une incapacité à représenter le réel, mais d’une volonté délibérée de néantiser le visage d’un être divin infini qu’on ne peut concevoir sous des formes finies.

À la même époque, des représentations du même genre apparaissent sur des dalles simples et non sur des stèles. C’est l’indice d’une tendance qui ne tardera pas à triompher un peu plus tard dans ce qu’on appelle les « statues-menhirs ». C’est le cas dans de nombreux cairns, tels le Mougau-Bihan en Commana (Finistère), au Prajou-Menhir en Trébeurden (Côtes-d’Armor), au Mein Goarec en Plaudren (Morbihan), à Kerallant en Saint Jean-Brévelay (Morbihan) et à Tressé (Ille-et-Vilaine). « À Tressé, sur deux dalles de la cellule annexe, deux groupes de deux paires de seins sont mis en relief dans un évidement ; dans chaque groupe un collier est figuré sous la paire de seins de droite. Cette représentation d’une double idole constitue une autre caractéristique de l’art mégalithique de cette période du néolithique final […]. La petite cellule annexe de Prajou-Menhir est un vrai sanctuaire. Sur la droite, on y retrouve un groupe de deux paires de seins, comme à Tressé. Sur la gauche, il y a d’abord une idole carrée, délimitée par une ligne incisée doublée de cupules ; les épaules sont bien marquées ; le sommet est surmonté d’une curieuse équerre. Au centre de cette idole deux cupules marquent sans doute les seins. Sur la dalle suivante, on trouve deux motifs complémentaires, d’une part une idole sous la forme d’une paire de seins avec son collier de perles, et juste au-dessous et à droite, une sorte de palette allongée avec un manche étroit. Une énigme entoure ce dernier objet : longtemps considéré comme une figuration de pointe de lance, interprétation désormais combattue de toutes parts, il est en quête d’une autre signification32. » De toute évidence, il s’agit d’un objet cultuel en rapport avec une des fonctions prêtées à la Déesse, mais lequel ?

Un fait certain demeure : la permanence, à travers les millénaires, d’une mystérieuse Déesse dont les représentations concrètes varient selon les époques mais qui est toujours ambivalente, génératrice de vie et de mort, mais aussi transformatrice puisque présidant au « passage » du monde visible au monde invisible. C’est la raison de sa présence, de plus en plus affirmée, au néolithique final, dans les tertres mégalithiques qui sont, semble-t-il en dernière analyse, autant des sanctuaires que des tombeaux, les deux fonctions se confondant comme ce sera plus tard le cas lors de l’édification des églises chrétiennes sur les tombeaux des martyrs et des saints. Mais bientôt, cette Déesse des Commencements va surgir de l’ombre où elle était confinée, dans les grottes et les cairns, pour apparaître dans la pleine lumière de ce soleil dont, en réalité, elle ne fait qu’incarner les forces créatrices et destructrices.

Cela veut dire que ces représentations – bien que certaines aient été retrouvées dans des grottes naturelles (comme à Saint-Martin-d’Ardèche) ou dans des puits de mine (comme à Collorgues, Gard) – ne sont pas nécessairement liées à des monuments funéraires. Ces statues-menhirs, comme on les appelle généralement, sont abondantes dans le midi de la France, notamment dans le Gard et l’Aveyron. Celles qui sont masculines peuvent être datées de la fin du néolithique, mais celles qui sont nettement féminines sont plus récentes, de – 2 300 à – 1 850, c’est-à-dire à une période charnière entre le néolithique final et l’âge du bronze ancien. À vrai dire, ce seraient plutôt des stèles que des statues proprement dites, car elles ne sont pas taillées en forme de silhouette humaine, mais affectent une forme générale ovoïde qui semble une évolution du menhir primitif vers une certaine géométrisation. Seuls les yeux et le nez traduisent le visage tandis que le tronc porte les bras en faible relief, et les seins sont toujours bien nets. Mais, la plupart du temps, seule la face de la stèle est gravée, le dos demeurant brut ou très frustement orné d’une chevelure. Quant à leur taille, elle est plutôt modeste, généralement inférieure à un mètre, avec quelques rares exceptions. On ne peut que penser à ces petites statues de la Vierge Marie dispersées au cours du Moyen Âge à travers les campagnes, sur des monticules ou même dans des arbres creux.

La plus remarquable de toutes ces statues-menhirs est sans aucun doute celle de Saint-Sernin (Aveyron), actuellement conservée au musée Fenaille de Rodez. C’est un bloc de grès rouge de 1,20 mètre de haut sur 0,70 mètre de large et 0,20 mètre d’épaisseur, qui a la particularité d’être gravé sur les deux faces. La tête et les épaules se confondent avec l’ogive formée par le sommet. Les yeux et le nez sont bien marqués, mais la bouche est absente. Sous les yeux, on peut voir des raies horizontales qu’on a crues être des moustaches, mais qui sont en réalité des tatouages. Car la stèle est féminine : sous le visage, on retrouve le collier mégalithique, et les seins sont indiqués par de petites sphères légèrement en relief, entre lesquelles prend naissance une sorte de fourche qui descend jusqu’à la ceinture très apparente et se prolongeant sur l’autre face. Les bras sont figurés horizontalement, avec des doigts désignés par cinq lignes parallèles et d’égale longueur. Enfin, sous la ceinture, des jambes, tracées verticalement, se terminent par des doigts semblables à ceux des mains. Ainsi se précise la nouvelle vision de la Grande Déesse des Commencements.

Sur ce modèle, il y a bien d’autres statues-menhirs. Celle de Granisse en Lacaune (Tarn) porte un collier de trois rangs mais n’a pas le mystérieux motif en forme de fourche. Celle du Mas Capellier, en Calmels-et-le-Viala (Aveyron), actuellement au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, est sans collier, mais le motif en fourche prend cette fois la forme d’un calice, ce qui n’est pas sans provoquer certaines réflexions.

De toute évidence, le personnage féminin représenté ici est de nature sacerdotale : au dos de la stèle, les omoplates sont fortement marquées et l’on discerne une sorte de baudrier qui relie le cou à la ceinture. Est-ce une prêtresse ? Dans ce cas, il est évident que la prêtresse doit s’identifier à la divinité. Or, il n’est pas interdit de comparer cette représentation avec ce qui sera, beaucoup plus tard, au XIIe siècle, la célèbre « Pucelle au Graal », si magnifiquement décrite par Chrétien de Troyes dans son Perceval. L’hypothèse peut paraître hardie, mais elle n’est pas absurde : la stèle du Mas Capellier n’est pas l’illustration du récit du romancier champenois mais la figuration plastique du même thème : une jeune fille qui porte un graal (nom commun qui signifie, étymologiquement parlant, un « récipient ») d’où émane une lumière mystérieuse. Le thème du Graal, intégré on le sait à la légende arthurienne à partir du XIIe siècle, remonte bien loin dans le temps : on le trouve dans diverses mythologies, celtique, germanique, iranienne et indienne, et il a déjà été récupéré, aux premiers siècles de notre ère, par les sectes gnostiques. Pourquoi ne pas admettre son existence à l’époque charnière où finit le néolithique et où commence l’âge du bronze ?

Cette vision de la Déesse-prêtresse détentrice d’un vase de lumière n’est pas à prendre au premier degré. Il s’agit plutôt d’une lumière intérieure et, par conséquent, l’enseignement contenu dans le symbole se réfère à une pénétration dans un univers autre, que, faute de mieux, on qualifiera d’obscur. Or, l’une des statues-menhirs découvertes dans le cairn du Mas-de-l’Aveugle, à Collorgues (Gard), permet d’avancer des hypothèses encore plus hardies : c’est une stèle incontestablement féminine, d’une hauteur de 1,75 mètre, dont seul le sommet est sculpté de façon presque miniaturisé. On y discerne un visage en forme de triangle arrondi qui peut figurer aussi bien une arcade sourcilière qu’un collier, un nez et deux yeux, deux seins protubérants à l’intérieur même du visage-collier, et un mystérieux objet, réplique exacte de celui de Saint-Sernin, mais inversé, présentant une double spirale trop nette pour être due au hasard ou à la fantaisie de l’artiste. À l’extérieur du visage, se trouvent deux bras en équerre et, au-dessous, placée horizontalement, une sorte de crosse qui pourrait être également une hache, donc un symbole de puissance. « Cela ressemblerait davantage à la tête d’une chouette qu’à un visage humain et produirait volontiers une impression d’effroi, impression sans doute voulue par les artistes qui ciselèrent ces étranges statues33. »

Cette impression d’effroi est évidemment liée aux croyances concernant les hiboux et autres oiseaux de nuit crédités du pouvoir d’annoncer des deuils ou de porter malheur. Mais l’image de la chouette se réfère encore une fois à la déesse Athéna, comme on l’a vu dans les grottes du Petit-Morin, à Coizard (Marne). Ce n’est pas le seul exemple : le même motif apparaît sur un vase découvert dans la nécropole de Los Millares, en Espagne, sur de nombreux vases d’Hissarlik, sur le plateau d’Anatolie (Turquie), et surtout sur le célèbre cylindre de craie de Folkton, en Grande-Bretagne. L’identification – symbolique – de la Déesse à la chouette n’est donc pas locale : elle correspond à une spéculation métaphysique sur la « clairvoyance » de la divinité.

En France même, la stèle de Bouisset en Ferrières-les-Verreries (Hérault) en constitue une parfaite illustration : ici, la gravure est limitée à une tête de chouette parfaitement reconnaissable, et pour le moins réaliste. Il ne viendrait pourtant à personne de prétendre qu’on se trouve en présence d’une « divinisation » de l’animal connu sous le nom de chouette. Ce sont les possibilités réelles de la chouette, oiseau capable de voir dans l’obscurité, qui sont ici mises en relief : le monde nocturne, donc invisible aux non-initiés, n’est accessible que si un regard perce l’ombre afin de parvenir à une lumière. La chouette est donc l’animal le plus apte à recevoir ces messages venus d’ailleurs, puisqu’elle voit ce que les autres ne voient pas et qu’elle est capable de se diriger sans hésitation dans un univers qui échappe complètement aux catégories rationnelles du cartésianisme français.

Dans la mythologie grecque, la chouette est l’emblème d’Athéna, la Minerve latine, déesse de l’intelligence et des techniques qui en découlent. Elle naquit, disait-on, tout armée du cerveau de Zeus (logique : la guerre est une technique comme une autre !), qui est le maître de l’action dans le monde des relativités, mais non le dieu primordial. Athéna est donc l’incarnation de l’intelligence divine au service des humains, et c’est à ce titre qu’elle protège les citoyens (et non pas les autres habitants) d’Athènes, nom pluriel en grec et dont l’étymologie demeure obscure. Il est probable qu’on ait tardivement voulu rattacher le nom de la grande cité grecque à celui d’une divinité plus ancienne. Quelle est donc cette Athéna primitive ?

Elle paraît avoir été la même que l’Artémis archaïque, devenue ensuite la Diane d’Éphèse, ce lieu étant consacré depuis la nuit des temps au culte de la Vierge mère, et qui, ce n’est pas un hasard, sera le théâtre du fameux concile chrétien où fut affirmé le dogme de la Theotokos. Artémis, sous quelque nom qu’elle apparaisse, est la déesse mère originelle dont le caractère solaire a été ensuite confisqué au profit de son frère jumeau Apollon, et dont les racines plongent au plus profond de la mythologie indo-européenne.

Or, dans ce qui nous reste de la mythologie des Scythes, peuple indo-européen des steppes de l’Asie centrale, à savoir les épopées traditionnelles des Ossètes, à propos de la tribu privilégiée des Nartes, apparaît un personnage féminin tout à fait extraordinaire qui porte le nom de Sathana, sorte de déesse mère que sa puissance magique et ses transgressions sexuelles placent en dehors du commun34. Et, comme il se doit pour toute entité mythologique irrécupérable par le christianisme, son nom de Sathana, probablement très récent, provient d’une véritable « diabolisation » facilitée par une vague homophonie. Ce n’est pas le seul exemple de ce genre, puisque, dans la tradition hébraïque, la mystérieuse Lilith, probablement la mère d’Adam à l’origine, donc le premier être humain, a été occultée et « diabolisée » elle aussi, réduite à un oiseau de nuit qui vient tourmenter les vivants, dévorer les jeunes enfants et s’accoupler avec les hommes pour donner naissance à des multitudes de démons. En un sens, la Lilith hébraïque, comme la Sathana des Nartes, est une démone, ce que paraît bien avoir été la « Diane scythique » à laquelle font allusion les récits concernant Oreste, Électre et Iphigénie, autrement dit une Artémis solaire, maîtresse des animaux sauvages et des destinées humaines. L’Athéna grecque primitive, nocturne et donc détentrice des secrets de la nuit (l’intelligence intérieure), est un remodelage de cette divinité solaire universelle.

Mais à comparer toutes ces statues-menhirs, on ne peut s’empêcher d’être troublé par une impression dominante d’ambivalence. Incontestablement, elles représentent des divinités solaires, mais ce sont pourtant des Vierges noires. Celle de Serre-Grand (Aveyron), conservée au musée des Antiquités nationales, a un visage qui se confond avec un rayonnement solaire surgissant du mystérieux objet fourchu tenu dans les mains de la divinité. De quelle lumière s’agit-il ? Celle de l’autre monde ou celle d’ici-bas ? Les deux à la fois, probablement, car la Déesse qui donne la vie est aussi celle qui donne la mort, et inversement. Une autre stèle, celle de La Verrière (Aveyron), conservée au musée Fenaille de Rodez, en donne une image légèrement différente : l’objet, plus que jamais analogue au Graal, devient une sorte de rectangle en creux situé au bas du ventre, ce qui évoque la matrice originelle où se réalisent les subtiles métamorphoses alchimiques de la naissance et de la renaissance au sein de l’ombre. Cette « Notre-Dame-de-la-Nuit » aura une longue postérité au Moyen Âge.

Cette ambivalence mort/vie, ombre/lumière, profondeur/élévation atteint même le domaine sexuel proprement dit. L’une des plus étranges statues-menhirs que l’on connaisse, celle du Trévoux en Laniscat (Côtes-d’Armor), est nettement d’allure féminine : les épaules y sont bien dessinées, les bras sont nets, les seins bien marqués, avec un collier au-dessous, mais le visage est absent, dépourvu de nez et d’yeux. En revanche, à la base du cou et de la tête aveugle, on peut remarquer une sorte de renflement qui fait immédiatement penser à un phallus. Est-ce donc une représentation de la « mère phallique » si chère aux psychanalystes, toujours prête à resurgir de l’inconscient, ou bien la réminiscence de l’état primitif où l’être était nécessairement androgyne ?

Une dernière ambiguïté demeure, celle de la joie et de la tristesse. Cette divinité des tertres est-elle une « Notre-Dame-de-la-Joie » ou une « Notre-Dame-des-Douleurs » ? On sait qu’au Moyen Âge, la Vierge Marie, dans toutes ses représentations, gardera cette ambivalence sans laquelle elle ne serait pas la Mère universelle. Quoi qu’il en soit des multiples circonstances dans lesquelles elle apparaît,

 

La Princesse reste debout

Comme un arbre où la sève bout,

La Princesse reste rigide ;

Et, passant sur son front algide,

Tous les ouragans des effrois

Lancent au ciel ses cheveux droits35.

La grande déesse
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