CHAPITRE ONZE

Bonjour, Bernard, fit Courvosier en croisant Yanakov à la porte de la salle de conférence. Vous avez une minute ?

— Bien sûr, Raoul. »

Sir Anthony Langtry, l'ambassadeur manticorien, détourna discrètement l'attention des compagnons de Yanakov, et le Graysonien eut un sourire. En trois jours, Courvosier et lui avaient réussi à se comprendre bien mieux qu'on n'aurait pu s'y attendre, et il se doutait que cette rencontre inopinée et habilement amenée ne devait rien au hasard.

« Merci. » Courvosier attendit que Langtry ait fait passer la porte aux autres Graysoniens, puis il sourit en guise d'excuse. Je voulais simplement vous prévenir que vous alliez peut-être avoir un peu d'hypertension aujourd'hui.

— De l'hypertension ? » Yanakov s'était habitué à l'idée que cet homme qui semblait bien plus jeune que lui avait en fait quarante ans de plus. Si Courvosier souhaitait le mettre en garde, il était prêt à l'écouter.

«  Oui. » Courvosier grimaça. Puisque la question de l'aide économique est au programme du jour, vous allez devoir supporter l'honorable Réginald Houseman.

— Ah. Dois-je comprendre que le sieur Houseman va nous poser problème ?

— Oui et non. Je lui ai expliqué les règles du jeu et je suis presque sûr qu'il les respectera dans les grandes lignes, mais il me considère comme un officier de la Flotte, alors que lui est un grand homme d'État. » Il fit de nouveau la grimace. C'est aussi un gugusse condescendant qui croit que nous autres militaires ne savons résoudre les problèmes qu'avec une arme dans chaque main et un couteau entre les dents.

— Je vois. Nous avons aussi ce genre de numéro sur Grayson, répondit Yanakov, mais Courvosier secoua la tête.

— Pas à ce point-là, croyez-moi. Il fait partie du groupe qui, dans le Royaume, veut limiter les dépenses de notre propre flotte pour ne pas "provoquer" les Havriens, et il croit sincèrement que nous pourrions éviter la guerre si les militaires cessaient de terrifier le Parlement avec des rapports alarmistes sur les préparatifs de la République populaire. Pire, il se prend pour un spécialiste d'histoire militaire. » Courvosier prit un air amusé, sans doute au souvenir de quelque anecdote, puis il haussa les épaules.

— Bref, ce n'est pas un de mes grands admirateurs et les accords de coopération militaire que vous et moi avons signés hier soir ne lui plaisent pas du tout. Il a plein de bonnes raisons, mais en gros son analyse du problème l'a convaincu que nous sommes "excessivement pessimistes" de croire en l'hostilité fondamentale de Masada envers votre planète. » Yanakov ouvrit de grands yeux et Courvosier hocha la tête. e Vous comprenez bien. Il croit en la coexistence pacifique, et il ne se rend pas bien compte qu'un mouton ne peut coexister avec un hexapuma que dans son estomac. Comme je vous le disais, il croit même que nous, Manticoriens, devrions chercher à coexister avec Havre.

— Vous plaisantez, n'est-ce pas ?

— J'aimerais tant. Bref, je pense qu'il va voir dans la présence de votre chancelier sa dernière chance de sauver la situation des mains des va-t-en.-guerre. Je l'ai mis en garde, mais je n'appartiens pas au ministère des Affaires étrangères. Je doute qu'il soit très inquiet des plaintes que je pourrais déposer auprès de ses supérieurs, et d'après l'air qu'il arborait hier soir, je dirais qu'il a coiffé sa casquette d'homme d'État. Il est fort probable qu'il se mette à vous prêcher les vertus de la coopération avec Masada comme moyen de résoudre votre "léger" différend religieux. »

Yanakov le regarda fixement puis secoua la tête en souriant.

« Eh bien, c'est presque un soulagement de savoir que votre équipe compte elle aussi des gens qui ont un petit pois à la place du cerveau. D'accord, Raoul. Merci d'avoir prévenu. J’en toucherai un mot au chancelier et j'essaierai de faire taire mes gens si Houseman prend des initiatives.

-- Parfait. » Courvosier lui tapota le bras avec un sourire, et les deux amiraux pénétrèrent côte à côte dans la salle de conférence.

« ... donc, amiral, nous avons grand besoin d'une aide industrielle globale et en particulier de toute l'assistance que vous pouvez nous fournir pour nos projets de construction orbitale, expliquait le chancelier Prestwick. Notamment, dans les circonstances actuelles, en ce qui concerne le développement de notre flotte.

— Je vois. » Courvosier échangea un regard avec Yanakov avant d'adresser un signe à Houseman. « Monsieur Houseman Peut-être souhaiterez-vous intervenir sur ce point ?

— Bien sûr, amiral. » Réginald Houseman se tourna vers le Graysonien, le sourire aux lèvres. « Monsieur le chancelier, j'apprécie la clarté avec laquelle vous nous avez exposé vos besoins, et le Royaume portera toute son attention à les satisfaire. Cependant, si je puis me permettre, j'aimerais examiner vos demandes en ordre inverse. »

Prestwick se recula légèrement et hocha la tête.

« Merci. En ce qui concerne le renforcement de votre flotte, mon gouvernement -- ainsi que l'amiral Courvosier en est déjà tombé d'accord avec l'amiral Yanakov – est prêt à fournir à Yeltsin un détachement de sécurité permanent en échange de bases avancées dans le système. De plus, nous établirons nos propres équipements de réparation et de service, et je ne vois aucun inconvénient à les partager avec vous. »

Houseman lança un coup d'œil en biais à Courvosier puis s'empressa de poursuivre.

« Je pense cependant que d'autres considérations, non militaires celles-ci, n'ont pas encore reçu toute l'attention qu'elles méritent. » Yanakov vit Courvosier se raidir. Le regard des deux amiraux se croisa au-dessus de la table, mais Courvosier s'enfonça dans sa chaise, l'air résigné, tandis que Prestwick prenait la parole.

« Des considérations non militaires, monsieur Houseman?

— En effet. Même si l'on ne peut ignorer la menace militaire qui pèse sur votre planète, il existe peut-être des moyens non militaires de la réduire.

— Ah oui ? » Prestwick jeta un coup d'œil à Yanakov, qui lui fit signe sous la table de rester calme. « Quels pourraient être ces moyens, monsieur Houseman ? demanda lentement le chancelier.

— Eh bien, je me rends compte que je ne suis qu'un économiste... (la voix d'Houseman dégoulinait d'autodénigrement et l'ambassadeur Langtry porta une main à ses yeux) mais il me semble que le développement naval ne peut que détourner des matières premières et des ouvriers de vos autres projets. Étant donné la nécessité, face à la croissance de votre population, de construire des fermes orbitales, je me demande en tant qu'économiste s'il ne serait pas plus efficace de trouver des moyens autres que les vaisseaux de guerre pour s'assurer d'une paix durable avec Masada.

— Je vois. » Les yeux de Prestwick s'étrécirent, mais les gestes d'apaisement répétés de Yanakov retinrent sa réponse incrédule. « Et ces moyens, quels sont-ils ?

— L'intérêt commun, monsieur. » Houseman fit sonner la formule comme un concept qu'il aurait tout juste inventé. « Malgré le déséquilibre démographique entre votre planète et celle des Masadiens, vous disposez d'une capacité industrielle bien supérieure. Ils doivent en être conscients. Et bien qu'aucun des deux systèmes n'ait les installations nécessaires pour attirer de larges volumes commerciaux interstellaires, leur proximité en fait un marché naturel. Les temps de transport – ainsi que les frais –entre vos deux systèmes seraient très faibles, ce qui signifie qu'il existe une possibilité pour vous d'instaurer une relation commerciale extrêmement profitable.

— Avec Masada? » lâcha quelqu'un, sur quoi Langtry porta une deuxième main à ses yeux. Houseman fit mine de se retourner dans la direction d'où la question avait fusé mais il se retint (presque), cependant que son sourire se figeait légèrement. Prestwick, quant à lui, prenait son temps pour formuler sa réponse.

— Voilà une suggestion fort intéressante, monsieur, mais je crains que l'hostilité viscérale qui oppose Grayson et Masada ne la rende... difficilement applicable.

— Monsieur le chancelier, fit Houseman, sincère, en évitant de regarder Courvosier, je suis un économiste, pas un politicien, et ce qui compte pour un économiste, c'est le résultat financier, les chiffres froids et durs de la feuille de comptes. Et le résultat financier est toujours plus avantageux lorsque des groupes potentiellement opposés reconnaissent leur intérêt commun profond et agissent intelligemment en conséquence.

« Dans le cas présent, nous avons deux systèmes stellaires voisins, dotés chacun, pardonnez ma franchise, d'une économie marginale. Dans ces circonstances, une course à l'armement n'a aucun sens sur le plan économique. Toute mesure susceptible`de réduire la compétition militaire me semble donc hautement souhaitable. Je suis conscient qu'il ne sera pas simple de surmonter l'héritage de siècles de méfiance, mais toute personne raisonnable peut sans doute voir l'intérêt qu'ont les deux parties à ce qu'un tel effort réussisse? »

Il s'arrêta pour sourire à Prestwick, et Courvosier maîtrisa ses nerfs. Comme la plupart des idéologues, Houseman était convaincu que la pureté de ses fins justifiait les moyens qu'il employait – sa promesse de ne pas aborder ce sujet n'avait donc ai laine valeur à ses yeux, comparée à la perspective de mettre fin a six siècles de chamailleries stupides. Il allait dire ce qu'il avait à dire, et la seule façon de l'en empêcher aurait été de lui interdire de participer aux discussions. Ce n'était guère faisable tant qu'il ne s'écartait pas manifestement de la ligne officielle, dans la mesure où il demeurait le deuxième responsable civil de la délégation et qu'il avait des relations dans le Royaume. La seule solution, c'était de le laisser exposer ses idées avant de le mettre hors circuit.

« Masada est gravement surpeuplée par rapport à sa capacité de production, poursuivit Houseman, et Grayson a besoin de nouvelles injections de capitaux pour son expansion industrielle. Si vous ouvriez des marchés dans le système d'Endicott, vous pourriez vous assurer une source planétaire proche de denrées alimentaires et un afflux de capitaux suffisant pour satisfaire vos propres besoins en fournissant à Masada les biens et services dont sa population a besoin. C'est évidemment une aubaine pour votre économie, même à court terme. À long terme, une relation commerciale bénéfique aux deux ennemis ne pourrait qu'atténuer – voire éliminer – l'hostilité qui vous a si longtemps opposés. Elle pourrait même créer une situation dans laquelle le développement naval deviendrait aussi inutile qu'il est économiquement peu rentable. »

Les Graysoniens le regardaient depuis un moment avec une expression incrédule teintée d'horreur, mais à ces mots ils se retournèrent vers Courvosier, et l'amiral serra les dents. Il avait prévenu Yanakov de surveiller sa tension, mais il n'avait pas imaginé qu'il lui serait si difficile de maîtriser la sienne.

« Amiral Courvosier, commença Prestwick, circonspect, cela signifie-t-il que vous rejetez notre demande d'assistance pour le renforcement de notre flotte ?

— Non, monsieur, absolument pas », répondit Courvosier, ignorant Houseman qui s'empourprait. Il lui avait déconseillé d'improviser, mais l'économiste était bien trop convaincu de sa supériorité morale pour l'écouter. Dans ces circonstances, son embarras pesait bien peu aux yeux de Raoul Courvosier. « Le gouvernement de Sa Majesté est parfaitement conscient de la menace que Masada représente pour Grayson, continua-t-il d'un ton ferme. Dans le cas où Grayson s'allierait avec Manticore, notre gouvernement a l'intention de prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour protéger l'intégrité territoriale de Grayson. Si pour votre gouvernement et votre armée ces mesures incluent l'expansion et la modernisation de votre flotte, nous vous assisterons par tous les moyens envisageables.

— Monsieur le chancelier, interrompit Houseman, bien que l'amiral Courvosier soit le représentant direct de Sa Majesté, il reste avant tout un militaire, or les militaires ne raisonnent qu'en terme de solutions militaires. J'essaye simplement de souligner que des hommes raisonnables, négociant sur des positions raisonnables, peuvent parfois...

— Monsieur Houseman. » La voix grave de Courvosier, d'ordinaire agréable, était glaciale. L'économiste se retourna pour lui jeter un regard noir. « Comme vous venez de le faire remarquer, poursuivit-il de la même voix glacée, c'est moi qui suis le représentant direct de Sa Majesté. Je suis aussi responsable de cette mission diplomatique. » Il soutint le regard de l'autre jusqu'à lui faire baisser les yeux, puis il hocha la tête et tourna son attention vers Prestwick.

— Maintenant, reprit-il comme si de rien n'était, ainsi que je vous le disais, monsieur le chancelier, nous vous assisterons par tous les moyens possibles dans votre développement naval. Bien sûr, comme vous l'avez vous-même indiqué, vous avez également d'autres besoins. L'équipement et les matériaux que nous transférons d'ores et déjà de nos transporteurs à vos installations constituent un premier pas vers leur satisfaction, mais la résolution à long terme de vos problèmes sera une tâche difficile et de grande ampleur. Il va falloir trouver des compromis prudents pour atteindre un équilibre entre la satisfaction de vos besoins civils et militaires, et je suis persuadé que monsieur Houseman s'accordera avec moi pour dire que le meilleur moyen, dans cette optique, consiste à améliorer votre base industrielle et technologique. Et je pense que nous pouvons considérer Manticore, et non Masada, comme votre principal partenaire commercial, du moins... (il eut un sourire glacial) en ce qui concerne l'avenir proche. »

Un rire indéniablement teinté de soulagement secoua les Graysoniens, et le visage de Houseman se déforma un instant avant de se radoucir pour prendre une expression neutre et professionnelle.

— C'est sans doute une sage hypothèse, en effet, acquiesça Prestwick.

— Alors nous partirons de ce principe », répondit posément Courvosier. Il jeta de nouveau un regard à son conseiller économique, et sa voix avait la fermeté de l'acier lorsqu'il répéta : Monsieur Houseman ?

— Eh bien, oui, évidemment, dit Houseman. Je ne faisais que... » Il s'arrêta et se força à sourire. « Dans ce cas, monsieur le chancelier, je suppose que nous devrions commencer par envisager la question des garanties que votre gouvernement peut fournir en échange de prêts aux consortiums industriels de Grayson. Ensuite... »

Toute la tension résiduelle se dissipa au sein de la délégation graysonienne, et Yanakov se laissa aller contre le dossier de sa chaise avec un soupir de soulagement. Il croisa le regard de Courvosier par-dessus la table et les deux amiraux échangèrent un bref sourire.

 

L'espace était profond, obscur et vide à soixante-cinq minutes-lumière de l'Étoile de Yeltsin lorsque deux vaisseaux firent soudain leur apparition, leurs voiles Warshawski irradiant de gloire bleue en fin d'hypertransit, dans un bref flash qu'aucun œil et aucun capteur ne décela. Ils flottèrent un instant, le temps de reconfigurer les voiles en mode d'impulsion, puis ils se mirent en mouvement avec une accélération d'à peine six gravités, selon un arc qui croisait la limite extérieure de la ceinture d'astéroïdes. Personne ne les vit arriver.

« Amiral Courvosier, je n'apprécie pas la façon dont vous m'avez humilié devant la délégation de Grayson ! »

Raoul Courvosier se cala dans son fauteuil derrière son bureau de l'ambassade manticorienne, et des générations d'aspirants fautifs auraient reconnu le regard dont il gratifia Reginald Houseman.

« Vous n'aviez pas besoin de saper ma position et ma crédibilité de façon aussi évidente ! N'importe quel diplomate digne de ce nom sait que toutes les options doivent être étudiées, or les possibilités de réduire les tensions dans cette région seraient innombrables si Grayson acceptait d'envisager les avantages d'un commerce pacifique avec Masada !

— Je ne suis peut-être pas un diplomate, répondit Courvosier, mais j'en sais long sur les chaînes de commandement. Je vous avais expressément demandé de ne pas soulever cette question, et vous m'aviez juré de ne pas le faire. Bref, vous avez menti. Je me fiche totalement de l'humiliation que vous avez eu à subir en conséquence. »

Houseman blêmit avant de devenir écarlate sous l'effet de la rage. Il n'avait pas l'habitude d'être traité avec pareil mépris, surtout pas par un homme de Cro-Magnon, un ignare en uniforme. Il était expert dans son domaine, ses titres le prouvaient. Comment cet homme de main chauvin osait-il s'adresser à lui de cette façon ?

— Il était de mon devoir de présenter la vérité, que vous soyez ou non à même de la voir !

— Il était de votre devoir de vous conformer à mes directives ou bien de me dire honnêtement que vous ne pouviez le faire en conscience. Le fait que vous soyez venu dans ce système avec vos propres idées préconçues et que vous n'ayez pas fait l'effort d'apprendre quoi que ce soit depuis fait de vous un être aussi stupide que malhonnête. »

Houseman le regarda bouche bée, trop furieux pour répondre, et l'amiral continua d'une voix monocorde et assassine.

— La raison pour laquelle ces gens ont choisi d'augmenter leur population après des siècles de contrôle draconien des naissances, la raison pour laquelle ils ont besoin de ces fermes orbitales, c'est que Masada se prépare à les exterminer et qu'il leur faut des hommes pour combattre. Je m'attendais à découvrir que leurs craintes étaient exagérées, mais après avoir étudié leurs rapports de surveillance et les archives publiques, je suis d'avis, monsieur Houseman, qu'ils ont en fait sous-estimé la menace. Certes ils disposent d'une base industrielle plus solide, mais l'autre camp est trois fois plus nombreux, et les Graysoniens ont d'abord besoin de cette industrie pour survivre à leur environnement planétaire ! Si vous aviez pris la peine d'examiner la base de données de leur bibliothèque, ou simplement le résumé que l'équipe de l'ambassadeur Langtry nous a fourni, vous sauriez tout cela. Mais vous ne l'avez pas fait, et je n'ai nullement l'intention de laisser vos opinions d'homme mal informé influer sur la position officielle de cette mission.

— C'est ridicule ! bredouilla Houseman. Masada n'a pas l'ombre des capacités nécessaires pour envoyer ce genre d'expédition militaire à Yeltsin !

— Je croyais que les opérations militaires relevaient de mon domaine de compétence, fit Courvosier d'une voix glaciale.

— Pas besoin d'être un génie pour s'en rendre compte, il suffit d'avoir l'esprit un brin ouvert ! Regardez leur revenu par tête, bon Dieu! Ils se ruineraient s'ils essayaient !

— Même si c'était vrai, cela ne signifie pas qu'ils ne vont pas essayer. Vous ne semblez pas vouloir ou pouvoir comprendre que la raison n'est pas leur qualité première. Ils se sont juré de vaincre Grayson et d'imposer par la force leur propre mode de vie aux deux systèmes parce qu'ils le considèrent comme un devoir religieux.

— N'importe quoi ! grogna Houseman. Je me moque de leur prêchi-prêcha mystique ! Le fait est que leur économie ne pourra tout simplement pas supporter cet effort – certainement pas pour "conquérir" une planète dotée d'un environnement aussi hostile !

— Alors vous feriez peut-être mieux d'aller le dire aux Masadiens plutôt qu'à leurs victimes désignées. Leur flotte est de vingt pour cent plus puissante que celle de Grayson, et plus encore en ce qui concerne les unités hypercapables. Ils disposent de cinq croiseurs et huit contre-torpilleurs, face aux trois croiseurs et quatre contre-torpilleurs de Grayson. Ce n'est pas une composition défensive. Le gros de la flotte masadienne est conçu pour opérer dans un autre système stellaire, tandis que la majorité des vaisseaux de Grayson sont des BAL, des appareils non-hypercapables, destinés à la défense du système. Or les BAL, monsieur Houseman, sont encore moins efficaces au combat que leur tonnage ne pourrait le laisser croire parce que leurs barrières latérales sont bien plus faibles que celles des vaisseaux interstellaires. Les fortifications orbitales locales sont risibles et Grayson ne sait pas générer de barrières latérales sphériques, ce qui signifie que les forts n'ont même pas de défenses passives antimissiles. Et pour finir, le gouvernement de Masada – qui a utilisé l'arme nucléaire sur des cibles planétaires au cours de la dernière guerre – a exprimé à plusieurs reprises sa volonté d'annihiler les "apostats païens" de Grayson si cela se révèle être le seul moyen de "libérer" et de "purger" la planète ! »

L'amiral se leva en fixant un regard noir sur le diplomate.

— Toutes ces données sont accessibles dans les archives publiques, monsieur Houseman, et les rapports de notre propre ambassade les confirment. Ils confirment également que ces Masadiens industriellement sous-développés ont consacré plus d'un tiers de leur produit systémique brut aux dépenses militaires ces vingt dernières années ! Grayson ne peut pas se le per-- mettre. Ils n'ont réussi à se maintenir à un niveau raisonnable que parce que leur PSB est plus élevé et que le pourcentage plus faible qu'ils peuvent utiliser à des fins militaires représente la moitié des dépenses masadiennes en valeur absolue. Dans ces circonstances, seul un imbécile irait suggérer qu'ils aident leurs ennemis à muscler leur économie : cela revient à tendre le bâton pour se faire battre !

— C'est votre opinion », grommela Houseman. Il était blême sous l'effet combiné de sa fureur et du choc, car il n'avait regardé que les tonnages absolus lors du bref coup d'œil qu'il avait jeté aux puissances militaires comparées des deux systèmes. La véritable différence de capacité ne lui était même pas apparue.

— Tout à fait, c'est mon opinion. » La voix de Courvosier était plus calme mais restait ferme. Et parce que c'est mon opinion, c'est également celle du gouvernement de Sa Majesté et de sa mission diplomatique dans ce système. Si vous la désapprouvez, vous aurez tout loisir de le faire savoir au Premier ministre et au Parlement une fois de retour à Manticore. Entre-temps, vous évitez d'insulter bêtement et gratuitement l'intelligence de ceux qui ont vécu toute leur vie avec cette menace, ou je vous vire de cette délégation. Suis-je assez clair, monsieur Houseman ? »

L'économiste regarda encore un moment son supérieur d'un assassin avant de le saluer brièvement de la tête et de claquer la porte du bureau.

Pour L'Honneur de la Reine
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