56
Hôpital Socha, Los Angeles
21 heures
Un café dégueulasse entre les mains, Riggins était assis dans la salle d’attente, calepin et stylo sur les genoux.
Il venait de conclure une série d’appels qui avaient réveillé une bonne vingtaine de personnes sur la côte est. Tant pis pour eux. C’était comme ça. Et, à la DAS, les douze prochaines heures promettaient d’être nettement plus chaotiques.
Au moins, Wycoff semblait satisfait pour le moment. La mobilisation, c’était quelque chose que le ministre de la Défense était capable de comprendre. « Il était temps, avait ironisé Wycoff. Vous auriez dû rameuter tout ce petit monde depuis des heures. »
Dark entra et prit place à côté de lui. Riggins le toisa et secoua la tête.
— Tu n’as pas pris de douche, hein ? fit-il. Faut te parler dans quelle langue pour que t’obtempères ?
— Des nouvelles du médecin de Sibby ?
— Aucune. J’ai cuisiné une infirmière tout à l’heure. Elle m’a dit qu’elle m’informerait dès qu’elle saurait quelque chose.
— Merci.
— Pas besoin de me remercier.
Ils restèrent silencieux un moment, faisant mine de fixer la même tache sur le mur opposé.
— Je peux te poser une question ? demanda finalement Dark.
— Vas-y.
— Au bout de deux ans, comment ça se fait que ce petit enfoiré s’intéresse encore à moi ?
— J’y ai pas mal pensé, soupira Riggins. Tu sais ce que je dis parfois : la seule bonne réponse, c’est la plus simple.
— Oui. Et ce serait quoi, alors, la plus simple ?
— Tu l’as dit toi-même : tu étais chargé du dossier il y a deux ans. Tu as pris ta retraite… Tu es parti… Enfin, bref. Je crois que tu lui manques. Il aimait bien jouer avec toi. Et, maintenant, il veut que tu reprennes la partie.
— C’est Sqweegel lui-même qui m’a mis hors-jeu.
— Peut-être qu’il croyait que ça te stimulerait. Qu’en faisant ce qu’il t’a fait tu aurais envie de… passer à la vitesse supérieure.
— Ça ne tient pas debout. Des centaines d’agents ont poursuivi Sqweegel. Pourquoi me consacre-t-il autant de temps ? Pourquoi moi en particulier ? Je n’ai rien de plus que les autres.
— C’est toi qui as frôlé l’arrestation.
— Peut-être. Nous n’avons aucune preuve.
— Tu es le seul à l’avoir vu et je crois que ça l’a énervé. Maintenant il pique sa crise comme un gosse, histoire d’essayer d’attirer ton attention.
— Il sait s’y prendre.
— Comment ça ? demanda Riggins, interloqué.
Dark lui expliqua ce qu’il avait découvert sur les vidéos des caméras de surveillance, tandis que Riggins fixait d’un air absent un café qui lui paraissait de plus en plus imbuvable. Il écouta Dark lui raconter sans émotion ce que Sqweegel avait fait à sa femme enceinte.
Ce salaud, pensa-t-il. Avoir écrit sur le miroir de la salle de bains avec son…
Bon Dieu !
Qu’il fasse une chose pareille à ses filles – et même à l’une de ses ex-femmes, tiens – l’aurait plongé dans une rage aveugle. Il était sidéré que Dark semble garder son sang-froid et continue de raisonner calmement. Comme s’il n’y avait pas la moindre implication personnelle. Merde, ça lui était arrivé, il serait déjà fin bourré en train de radoter qu’il allait tout repeindre en rouge avec le sang de ce psychopathe.
Mais Dark ne fonctionnait pas ainsi.
Peut-être était-ce pour cette raison que Sqweegel voulait qu’il reprenne du service. Les agents qui pétaient un plomb à la moindre pression n’étaient pas très amusants pour un monstre professionnel. Peut-être qu’il voulait jouer avec quelqu’un de plus résistant. Capable de se prendre une volée et de continuer.
Mais Riggins se garda bien de s’en ouvrir à Dark.
Un Blackberry couina. Riggins tâta son pantalon. Pas le sien. C’était celui de Dark. Il le sortit et consulta l’écran. Un nouveau texto.
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