2.
Le jeune homme franchit la porte de fer.
Il s’avance lentement et se tient debout sur le bord du sommet de la tour Montparnasse. Sous lui 210 mètres de vide. Il fait nuit, les étoiles palpitent, les bourrasques sont froides et très bruyantes à cette altitude. Il se penche. En bas, au-delà des ténèbres, les voitures circulent comme des colonnes d’insectes lumineux et impatients.
Vertige glacé.
Sur le cadran de sa montre à gousset, s’inscrit « Probabilité de mourir dans les 5 secondes : 63 %. »
La sueur coule sur son front et dégouline dans son dos. Il déglutit, respire à fond, souffle par à-coups. Il s’incline davantage, puis, après une courte hésitation, s’élance dans l’air.
Ses cheveux mi-longs lui fouettent le visage.
À chaque étage franchi de l’immense tour parisienne le pourcentage sur le cadran de sa montre à gousset augmente, « Probabilité de mourir dans les 5 secondes : 69 %. »
Les lignes des baies vitrées défilent.
72 %.
Durant sa chute, il distingue, de manière fugace, les regards hébétés de gens derrière leurs vitres qui l’observent foncer droit vers le sol.
83 %.
Il croise un pigeon qui remonte en sens inverse pour rejoindre son nid.
Alors qu’il n’est qu’à quelques dizaines de mètres du sol, le chiffre inscrit sur le cadran de sa montre passe d’un coup de 89 % à 31 %.
À cet instant, sa chute est brusquement amortie par un gros camion bâché contenant de la mousse de polystyrène pour bâtiment. L’imposant véhicule ayant grillé un feu rouge se trouve là exactement au moment où l’homme va toucher le sol.
Indemne et un peu sonné, il n’a pas le temps de se relever que déjà le chiffre sur le cadran remonte subitement « Probabilité de mourir dans les 5 secondes : 98 %. »
Alors il entend le long hululement des freins du camion-citerne qui, surgi sur le côté droit du carrefour ne parvient pas à s’arrêter. Comme au ralenti il percute l’autre camion, dans un grondement de tôles martyrisées.
Ce deuxième camion contient un liquide inflammable. Tout explose dans un feu d’artifice dévastateur.