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Le camp s’éveilla avant l’aube. Les chariots remplis de butin s’ébranlèrent vers l’ouest, masses noires se détachant sur le ciel sombre.

À Dadiche, les Hommes-Chasch, qui, sans leurs crânes postiches, ressemblaient à des gnomes chauves, ramassèrent les cadavres et les déposèrent dans une fosse profonde, où ils les brûlèrent.

On avait retrouvé une vingtaine de Chasch Bleus cachés. Comme la soif de sang des gens de Pera était étanchée, on les avait enfermés dans un enclos d’où ils observaient d’un air abasourdi les allées et venues des hommes.

Reith craignait une contre-attaque des Chasch Bleus en provenance des villes du sud, mais Anacho ne prenait pas cette éventualité au sérieux :

— Ils n’ont pas assez de cran pour se battre. Ils tiennent les cités dirdir sous la menace de leurs torpilles mais seulement pour éviter la guerre. Ils ne les provoquent jamais. Vivre dans leur jardin leur suffit amplement. Peut-être enverront-ils des Hommes-Chasch nous harceler, mais je ne pense pas qu’ils agissent si nous ne les menaçons pas directement.

— Peut-être.

Reith alla délivrer les Chasch Bleus.

— Allez dans les cités du sud et faites savoir à vos congénères de Saaba et de Dkekme que s’ils nous importunent, nous les anéantirons.

— C’est une longue route, protestèrent les Bleus d’une voix grinçante. Faut-il la faire à pied ? Donnez-nous un glisseur !

— Vous marcherez ! Nous ne vous devons rien.

Les Chasch Bleus partirent.

N’étant pas totalement persuadé que les Bleus ne chercheraient pas à se venger, Reith fit armer les neuf glisseurs saisis dans le dépôt de Dadiche et les appareils furent dissimulés dans les collines. Le lendemain, il visita la ville, l’esprit plus en repos, en compagnie de Traz, d’Anacho et de Derl. Au Centre Technique, il examina une fois encore la vedette avec le vague espoir qu’il serait possible de la remettre en état.

— Si je pouvais me servir de cet atelier et si je disposais d’une vingtaine de spécialistes, je pourrais fabriquer un nouveau propulseur. Il serait peut-être plus pratique d’essayer d’adapter un moteur Chasch mais il y aurait alors des problèmes de contrôle. Mieux vaudrait construire de toutes pièces une nouvelle nef.

Derl contempla le vaisseau silencieux en fronçant les sourcils.

— Es-tu donc tellement pressé de quitter Tschaï ? Tu n’as pas encore visité Cath. Peut-être souhaiteras-tu ne jamais repartir quand tu l’auras vue.

— C’est possible, mais tu n’as jamais visité la Terre, toi non plus. Peut-être ne voudrais-tu plus jamais retourner sur Tschaï !

— Ce doit être un monde très curieux, fit la Fleur de Cath d’une voix rêveuse. Les femmes de la Terre sont-elles belles ?

— Quelques-unes. (Reith prit la main de Derl.) Il y a aussi des filles ravissantes sur Tschaï. L’une d’elles s’appelle…

Et il lui murmura un nom à l’oreille.

La jeune fille rougit et posa sa main sur la bouche de Reith.

— Les autres pourraient entendre !

 

 

 

FIN DU TOME I



[1] Mot intraduisible s’appliquant grosso modo à un homme qui a bravé et profané son emblème et a, par là, renié sa destinée.