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Elle prit son temps avant de s’expliquer, comme pour décider jusqu’où pousser ses révélations. Peut-être conservait-elle une certaine loyauté vis-à-vis de son mari, en raison du lien qui les avait unis et leur avait valu la respectabilité et une position élevée dans la société. Tout cela, elle s’apprêtait à le trahir, sinon à le détruire en prenant un inconnu pour confident. Huy la comprenait. Se mentir était la chose la plus facile au monde. L’erreur consistait à croire que l’apaisement obtenu à ce prix-là était réel. Son réconfort était du même ordre que le sommeil induit par de la plume d’ibis pilée. On dormait, certes, mais de quelle valeur était un sommeil artificiel, comparé à celui qui venait aussi naturellement que la nuit ? Ouvrir les yeux à l’aube après un tel repos, c’était s’éveiller frais et dispos, voire optimiste. Autrement, c’était se retrouver face à la morne, à l’épuisante constatation que l’on n’avait échappé à ses tracas que l’espace de quelques heures. On s’éveillait et ils étaient toujours là, au pied du lit, attendant de reprendre possession de nous. Rien ne fatiguait davantage que la détresse, et il n’était pas de détresse plus fatigante que celle que l’on s’infligeait à soi-même et à ceux que l’on aimait – ou que l’on voulait aimer.

« Je pars bientôt pour Kharga, dit Ioutenheb comme si elle se parlait à elle-même. Peu importent les conséquences, car je serai loin. Mais je te demande de ne pas révéler que tu tiens de moi ce que tu vas entendre. »

Huy se garda d’objecter que, s’il devait mentionner des détails aussi intimes, on se douterait bien de quelle source ils provenaient. Il prit son expression la plus docte et compatissante, croisa les doigts sur ses genoux et se pencha légèrement en avant : l’ami du genre humain, le confident universel.

« Ipour était un homme rigide. Il aurait voulu que sa vie suive la voie étroite imposée par la prêtrise, mais c’était sans compter avec le Seth en lui », commença Ioutenheb.

Huy gardait les yeux baissés, ne jetant un coup d’œil vers elle que de temps à autre, mais sentant constamment son regard peser sur lui.

« Nos fils naquirent tout au début de notre union. Je crois que même cela faisait partie de ses plans. Nous devions avoir deux enfants, le second héritant du premier à mourir. Je m’étonnais qu’il ne veuille pas tenter d’avoir deux filles, mais le sexe de nos enfants est entre les mains d’Hathor et d’Héket qui donne forme dans la matrice. Peut-être Ipour ne supportait-il plus de feindre. Dès qu’il apprit par les guérisseurs que Méten grandissait en moi, il délaissa ma couche. Je pensais qu’il me reviendrait après la période de purification, mais même lorsque je sortis du pavillon de naissance, il continua à dormir dans sa propre chambre. Il était toujours poli et s’assurait que les siens avaient tout ce qu’ils désiraient. Nous jouissions d’une haute position sociale, en ville, et nous allions partout ensemble – la famille idéale, aux yeux du monde. Mais à la maison, l’amour faisait défaut. Je crois que j’aurais accepté la colère, l’infidélité, l’égoïsme ordinaire si, de temps en temps, il m’avait serrée dans ses bras, caressée tendrement ou seulement parlé avec douceur. Je souffrais terriblement de sa froideur. Nous étions deux étrangers vivant côte à côte avec nos enfants, sans avoir le courage de rompre. C’est seulement depuis la mort de mon époux qu’un sentiment désespéré de solitude m’a quittée. Je regrette qu’il ait péri si cruellement, mais je suis reconnaissante qu’il ne soit plus. J’aurais voulu ne pas avoir besoin d’un moyen de délivrance si radical. »

Elle s’interrompit. Son regard erra au-delà de Huy pour se poser, sans le voir, sur un vase de verre bleu et jaune en forme de poisson, placé sur un piédestal. Le scribe gardait le silence, pensant qu’Ioutenheb n’avait pas besoin d’encouragement. Bien au contraire, la moindre intervention eût risqué de l’indisposer. Sans doute avait-il vu juste, car elle reprit d’elle-même :

« Il semblait se satisfaire parfaitement de cette abstinence. Il ne prit pas d’autre épouse, pas même de concubine. Il ne fréquentait pas le bordel des hauts fonctionnaires, dans le quartier nord de la ville. Il se consacrait à son travail, et passait plus de temps au temple et à son bureau que dans sa propre maison. Je donnais aux garçons autant d’affection que je le pouvais, mais peut-être l’amour était-il mort en moi, ou peut-être ne pouvais-je en donner à des enfants qui n’en voulaient pas. »

À nouveau, elle se tut. Ils se regardèrent dans les yeux. Huy désirait en savoir plus sur ses relations avec ses fils, mais il savait que la vérité viendrait en temps et heure, selon son ordre propre.

« Des années passèrent avant que je comprenne qu’il avait un penchant sexuel pour les enfants. Pas les garçons – il ne montra jamais la moindre inclination homosexuelle. Mais pour les toutes jeunes filles, avant l’âge où elles deviennent nubiles. »

Elle se tut une fois de plus. Ces pauses de plus en plus fréquentes firent craindre à Huy qu’elle ne cesse de se confier, écrasée par le poids de sa culpabilité. Mais elle était prête à se juger sans concession.

« Il était discret, continua-t-elle. Il s’en prenait aux filles de paysans, aux filles d’esclaves. À des gens qui ne pouvaient se plaindre et que l’on n’aurait pas crus s’ils s’étaient rebellés. Je découvris qu’il payait bien et que, au début du moins, il n’avait pas l’intention de faire de mal à ces malheureuses. Si je l’ai appris, c’est parce qu’un jour il a attiré la fille des gardiens dans son bureau, au milieu du voyage de la barque-seqtet, quand tout le monde dormait. Mais la petite raconta ce qui s’était passé à son père, et celui-ci sollicita ma protection. C’était un fidèle serviteur, qui était venu avec moi de la maison de mon père. »

Elle parcourut la pièce des yeux comme pour y puiser du réconfort.

« Je lui répondis que je pouvais seulement le renvoyer chez mon père avec sa famille. J’expliquai à Ipour que mon serviteur m’en avait priée car il n’aimait pas la mer. Ipour n’y vit pas d’objection. Mais à compter de ce moment, il comprit que j’avais percé son secret et je devins sa complice.

« Je sais, j’aurais dû divorcer. J’en aurais eu tous les droits. Cela l’aurait brisé, mais ma fortune personnelle et l’héritage de mes enfants n’auraient pas été compromis. Malheureusement, j’étais incapable de renoncer à mon rêve d’une famille unie, bien que notre existence ne fût qu’un simulacre. Quatre personnes se mentant mutuellement, des enfants grandissant dans une atmosphère d’hypocrisie et de faux espoirs… Je me consolais à l’idée que beaucoup de gens étaient comme nous. »

Huy songea qu’elle avait raison. Bien souvent, les mensonges semblaient rendre la vie supportable. Si les hommes avaient été prêts à affronter la vérité, la civilisation aurait progressé.

Ioutenheb humecta ses lèvres sèches.

« Toutefois, cet argument ne diminue en rien ma responsabilité. Pendant dix ans, j’ai su à quelles ignominies il se livrait. Cela n’arrivait pas souvent, peut-être trois fois par an – plus, vers la fin. Ces derniers temps, il était devenu violent.

— Tes fils étaient-ils au courant ? demanda enfin Huy.

— Ils ne l’ont jamais montré, mais ils savaient sûrement. Ipour les gâtait. Il ne leur refusait rien. Quelquefois, j’avais l’impression qu’il achetait leur loyauté et tentait de les éloigner de moi. Il aurait pu s’épargner cette peine ! Sénofer et Méten n’ont jamais été loyaux qu’envers eux-mêmes.

— L’un envers l’autre ?

— Oui. Ensemble, ils étaient unis contre le monde entier. Ils formaient une équipe pour l’exploiter. »

Elle se leva et fit nerveusement les cent pas, comme si elle était enfermée dans une cage. En l’observant, Huy songea aux fauves de la ménagerie, dans la capitale du Sud, privés de liberté pour le plaisir d’une malheureuse créature qui représentait les dieux à son image – en les dotant de têtes d’animaux. Il pensa à Aton, qui n’avait pas de forme. Mais Aton n’avait brillé que pour d’heureux élus. Sur eux, il versait une vive lumière dont ils pouvaient toujours s’abriter si elle devenait trop intense. Sur le dos des pauvres, sa chaleur ardente avait été impitoyable.

Ioutenheb s’était arrêtée près de la fenêtre et regardait pensivement au-dehors. Dans un coin d’ombre, la servante attendait, aussi immobile qu’une statue. Que pensait-elle de ce qu’elle avait entendu ? Le répéterait-elle, ou garderait-elle le secret ?

Huy finit par briser ce silence qui s’éternisait :

« Veux-tu m’en apprendre davantage ?

— Je me bornerai à te dire que traquer l’assassin de mon époux est une tâche ingrate, sur laquelle les dieux ne souriront pas. Ipour méritait la mort. Certes, j’aurais voulu qu’il bénéficie d’un procès équitable. Mais la justice des hommes l’aurait-elle condamné ? Il incarnait la loi ! Lui et ses amis possédaient la ville. Ils pouvaient en façonner la destinée à leur gré. Je prie pour que tu ne retrouves jamais le meurtrier, lança-t-elle à Huy en le regardant droit dans les yeux. Le démasquer te vaudrait une tristesse plus lourde que celle que je lis sur tes traits. »

Ces paroles mirent Huy mal à l’aise, bien qu’elle les eût prononcées d’un ton simple et naturel. En vérité, malgré la curiosité que ces révélations venaient d’éveiller, il aurait volontiers abandonné cette enquête pour se concentrer sur le sort d’Héby.

« Quand iras-tu à Kharga ? demanda-t-il.

— Peut-être dès demain. Nous ne nous reverrons pas. »

Ioutenheb l’avait à peine aidé. Mais malgré la loyauté perverse envers son époux qui avait scellé ses lèvres avant l’ultime confidence, Huy se félicitait d’avoir provoqué cet entretien. Une fois de plus, les dieux arrangeaient tout suivant un dessein connu d’eux seuls. Le scribe devrait continuer patiemment sur le sentier qu’ils lui avaient tracé.

 

Atirma haletait, étonné d’être essoufflé après un si court trajet. Il se consolait à la pensée qu’il n’avait pas à se presser. La hâte était la marque de la servitude. Or, Atirma avait le pouvoir de faire courir les autres pour exécuter ses ordres. Il considéra avec fierté son ventre rebondi, luisant de sueur après cet exercice sous le soleil du matin. Des affaires l’avaient retenu en ville et il mangeait toujours beaucoup lorsqu’il travaillait. Il avait pris la précaution d’envoyer Hémet à la campagne.

Un peu d’exercice ne faisait pas de mal. En l’occurrence, cela l’avait aidé à clarifier ses idées. À son arrivée, son serviteur lui donnerait une douche suivie d’une bonne friction. Atirma revêtirait ensuite sa tunique du matin, choisie parmi celles qu’il mettait pour régler ses affaires, puis il convoquerait sa femme. Sa rancœur s’envenimait depuis trop longtemps. Hémet était son épouse principale et il ne permettrait pas qu’elle le ridiculise. Grâce aux dieux, son défunt père avait imposé une stricte limite à la part qu’elle pourrait réclamer en cas de divorce. Et si Atirma prouvait qu’elle était adultère, elle devrait partir sans un seul chénâti[29] d’argent. Sur la pente poudreuse qui montait vers sa résidence secondaire, et d’où l’on distinguait la cité au bord de la mer scintillant comme un joyau, le pas décidé d’Atirma se fit hésitant. Tenait-il vraiment à perdre Hémet ? Le seul fait de penser à elle réveillait son désir et, bien qu’il osât à peine se l’avouer, l’idée de son épouse dans les bras d’un autre l’excitait plus encore ; pourtant, s’il la surprenait à le tromper, il ferait couper le nez et les oreilles de l’amant, et il trancherait les seins d’Hémet de ses propres mains. Il imagina la scène et sentit la tête lui tourner. La maison miroitait devant ses yeux.

Hébété, il se retint au mur de brique crue qui flanquait le sentier et se força à respirer profondément. Il eut peur de s’évanouir et sentit un goût de bile au fond de sa bouche. Cela l’inquiéta. Le manque d’endurance physique était sans importance ; en revanche, la maladie était une chose à redouter. Il pensa à son frère, Mersekhmet, mort à vingt ans d’une excroissance au cerveau. Dire qu’un organe aussi humble pouvait porter en lui les germes de la vie et de la mort ! Il songea également à sa mère, aux membres tordus par le grand âge. L’un de ces deux destins l’attendait-il ? Atirma approchait de son vingt-cinquième cycle de saisons. Le temps était venu d’être prudent.

Il trouva Hémet accoudée à la balustrade de la terrasse, offrant son visage à la caresse du vent, les yeux fermés. Il en fut contrarié. Si elle abusait du soleil, sa peau claire se tannerait et se flétrirait. Elle aurait l’air d’une fille de batelier ! Il se sentait mieux, à présent, plus calme et détendu. Les effluves de l’huile dont son serviteur l’avait oint montaient de sa peau. Le vent gonflait son pagne et son manteau de batiste, le rafraîchissant enfin.

Son épouse se tourna en l’entendant approcher et le soleil joua sur l’anneau d’or qu’elle portait au nez. Ses yeux n’exprimèrent ni plaisir ni déception à sa vue. Il eut envie de la prendre dans ses bras, mais n’osa pas. À qui se donnait-elle ? Il se rappela comment elle était avec lui, autrefois, et l’idée qui avait enflammé ses sens quelques instants plus tôt – celle de ce corps superbe plaqué contre un autre homme – l’emplit de désespoir. Pourquoi s’était-elle détournée de lui ?

Elle continuait de le regarder et il restait muet, comme s’ils étaient deux étrangers. Il ne savait par quels mots s’adresser à elle. Il ne pouvait l’accuser d’infidélité – d’autant qu’il espérait encore s’être trompé. Toutefois, une autre affaire occupait son cœur et exigeait des éclaircissements.

« Kamosé m’a dit qu’on t’a vue en compagnie du scribe.

— Oui. Je l’ai rencontré chez mon père.

— De quoi lui as-tu parlé ?

— C’était il y a des jours ! Je ne m’en souviens plus.

— Essaie.

— Tu aurais dû me le demander plus tôt, ou mieux interroger le serviteur qui nous espionnait.

— Essaie quand même de te rappeler. »

Elle détourna la tête et contempla la mer, dont la liberté semblait la railler.

« Je ne te savais pas si affecté par la disparition d’Héby, éluda-t-elle.

— Je ne le suis pas. Et toi ? »

Elle ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, ils étaient assombris par la colère.

« J’ai dit à Huy que son fils était un homme juste. Ce n’est pas si fréquent, par ici.

— Lui as-tu parlé d’Ipour ? poursuivit Atirma, ignorant ce sarcasme.

— Non.

— Et de moi ?

— Je lui ai appris qui tu étais, en lui faisant comprendre qu’il fallait compter avec toi.

— Pourquoi as-tu fait cela ? s’irrita son époux. Nous n’avons aucune raison d’être sur la défensive ! Qu’avons-nous à voir avec son enquête ?

— Je crois que tu as des secrets, or Huy sonde profondément le cœur humain.

— Qu’en sais-tu ?

— Je l’ai vu à ses yeux. Ils sont inquisiteurs et rien ne leur échappe. »

Atirma s’approcha d’elle. Elle ne s’écarta pas, mais se figea presque imperceptiblement. À cette crispation infinitésimale des épaules, il sentit ses derniers espoirs se briser. Serait-il capable d’accepter la volonté des dieux ? Il avait compris depuis longtemps sans vouloir se résigner. Attendrait-il une confirmation supplémentaire ? Une douleur lancinante lui perçait le ventre.

« Il avait envie de toi ?

— Quoi ?

— Il te désirait ? Ça aussi, tu l’as vu dans ses yeux ? »

Hémet considéra son époux d’un air de pitié, qu’elle ne prit pas la peine de dissimuler et qui le blessa beaucoup plus que son indifférence. Une fois de plus, il s’était conduit comme un pantin entre ses mains.

 

Il faisait chaud dans la cité et plus encore dans la pièce où les trois hommes s’étaient réunis. Le vent était tombé. Avec lassitude, des serviteurs brassaient l’air lourd à l’aide d’énormes éventails en plumes blanches et noires. La bière était tiède. Le pain pâteux attirait une nuée de moucherons noirs, à la tête blanc crème et aux yeux rouges.

Un des hommes se leva, s’étira puis s’approcha lentement de la terrasse. Telle était l’ardeur du soleil que, du seuil, il sentit une chaleur insupportable à travers la semelle de ses sandales. Les yeux plissés, il scruta l’horizon en direction du nord-est comme s’il s’attendait à voir apparaître à tout instant, sur la mer éblouissante, la flotte victorieuse d’Horemheb. Alors il se retourna vers ses deux compagnons.

« Les vois-tu, Kamosé ? interrogea l’un d’eux. Sont-ils déjà de retour ?

— Non.

— Nous aurons d’autres bateaux d’esclaves avant qu’Horemheb ne revienne. Aux dernières nouvelles, un avant-poste khéta n’est toujours pas prêt à s’avouer vaincu.

— Tu es bien optimiste, Ouserhet. »

Le chef militaire tendit la main vers son gobelet, dérangeant les mouches qui s’étaient agglomérées autour. Dégoûté, il renonça à boire et s’affala contre le dossier de sa chaise.

« Optimiste ? Non. Simplement réaliste.

— Je crois que nous devrions plutôt réfléchir au moyen de liquider notre association, dit Kamosé. C’est à toi, Ouserhet, qu’il incombe de tout remettre en ordre, maintenant que le retour du général est imminent.

— Il enverra des navires en avant pour l’annoncer.

— La confiance t’aveugle. À moins que ce ne soit l’appât du gain ? Nous avons bien travaillé. À présent, le temps de la moisson est passé.

— Il faut du temps pour vendre des esclaves, intervint Douaf, le troisième membre du groupe, tout en pianotant sur la table. Combien t’en reste-t-il au camp, à l’heure actuelle ?

— Une centaine, répondit Ouserhet. Quelques-uns sont morts, mais la plupart ont bien résisté.

— Quand doit arriver le prochain navire marchand en provenance d’Alasia ?

— D’un jour à l’autre.

— Alors, proposa Douaf en se frottant les mains, vendons-leur ces cent-là et, en même temps, signifions-leur que nous mettons un point final à nos transactions. Je doute que nous en ayons d’autres, mais, le cas échéant, nous pourrons les garder au camp et les vendre selon les désirs d’Horemheb, au grand jour.

— Excellent ! » approuva immédiatement Kamosé.

Ouserhet sourit et ouvrit les paumes, résigné.

« Je m’incline devant la majorité.

— Quel dommage de liquider un si bon petit commerce ! soupira Douaf. Enfin, nous savions que cela ne durerait pas éternellement. Réjouissons-nous donc que la guerre soit terminée…

— Et que la part d’Ipour tombe dans notre escarcelle, acheva Ouserhet, non sans ironie.

— Crois-tu qu’Horemheb vérifiera les comptes ? demanda Kamosé.

— Non, le risque est infime, jugea Douaf. Il sera pressé de regagner la capitale du Sud. Pourquoi se méfierait-il de nous ? Nous lui remettrons la comptabilité de Méten, et s’il veut voir des soldats khéta et khabiri transformés en valets d’écurie, nous lui montrerons ceux qu’Atirma nous a achetés. Il n’a pas à savoir que les fermes et les domaines éloignés mentionnés dans les comptes n’existent que sur le papier !

— Ils existent à Alasia, objecta Ouserhet en croisant le regard de Kamosé.

— Oui, à Alasia, où le prix des esclaves est, fort heureusement, le double de ceux pratiqués ici, répliqua Douaf avec un léger sourire. Nous aurions été stupides de laisser passer pareille aubaine. À ce propos, un détail me préoccupe. Un navire d’Alasia se trouvait sur la jetée militaire quand Huy t’a rendu visite. L’a-t-il remarqué ? »

Le chef de la garnison haussa les épaules.

« Si le scribe l’a vu, il n’y a pas attaché d’importance. Mais il n’a pas eu le temps d’inspecter le campement et, de plus, la nuit était tombée.

— Il faudra donc nous contenter de cela, dit Douaf.

— Nous pourrions nous assurer de son silence en nous débarrassant de lui.

— Il est placé sous la protection du roi ! protesta Douaf, effrayé. Kamosé a eu un trait de génie en lui demandant de faire la lumière sur la mort d’Ipour. Nous donnerons l’impression d’être des fonctionnaires zélés. Pourquoi gâcher cet avantage en attirant l’attention de la capitale du Sud et en provoquant une enquête officielle ?

— N’ayez crainte, les rassura Kamosé. Ici, Huy ne trouvera rien à se mettre sous la dent.

— Et pour son fils ? s’inquiéta Douaf.

— Nofretka a-t-elle appris quoi que ce soit de nouveau au sujet d’Héby ?

— Elle ne m’en a rien dit.

— S’il n’a pas communiqué avec elle, c’est qu’il est mort. Partages-tu cet avis, Ouserhet ?

— Il le faut bien, acquiesça le commandant, les sourcils froncés. Toutefois, ces circonstances m’intriguent. Héby n’aurait jamais déserté sans une raison impérieuse.

— Il a dû tomber par-dessus bord et se noyer.

— Peut-être. Enfin, c’est sans importance. S’il a péri, il ne peut nous nuire. S’il est vivant, il devra demeurer en exil ou réapparaître un jour. Et ce jour-là, il mourra. »

La cité de la mer
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