N°44 LE CHIEN DES BASKERVILLE
d'Arthur Conan Doyle (1902)
Il semblerait bien que le numéro 44 de ce Top 50 soit Le Chien des Baskerville de Sir Arthur Conan Doyle (1859-1930). Déduction élémentaire, en vérité...
Le Chien des Baskerville est le plus célèbre épisode de la série des enquêtes de Sherlock Holmes, narrées avec un sens aigu du complexe d'infériorité par le docteur Watson. Un docteur Watson dont on se demande s'il n'a pas une relation homosexuelle et masochiste avec le détective. Sinon pourquoi supporterait-il d'être rembarré sans arrêt par un cocaïnomane qui porte la même grotesque casquette en tweed depuis plus d'un siècle ? En fait, le docteur Watson ne constitue qu'un double de l'auteur, puisque Arthur Conan Doyle était lui-même médecin. Le duo comique restera dans l'Histoire au même titre que Dom Juan et Sganarelle, Don Quichotte et Sancho Pança, Vladimir et Estragon, Jacques Chirac et Lionel Jospin.
Le plus glaçant dans Le Chien des Baskerville reste son atmosphère : l'Angleterre brumeuse du Devonshire, un manoir aussi gothique que lugubre, la lande marécageuse, un chien-fantôme qui hurle : « ahou ahouuu »... Brr... Rien que d'y repenser, j'en ai des frissons dans le dos. On se situe à mi-chemin entre le polar et le conte fantastique. « Une odeur de décomposition et de pourrissement flottait dans l'air; des miasmes de gaz lourds nous balayaient le visage; plus d'une fois un faux pas nous précipita dans le bourbier jusqu'à la taille. »
Charles Baskerville vient de mourir et son neveu Henry reçoit des menaces de mort. Au bout du compte Sherlock Holmes va démasquer un cousin déshérité et jaloux qui terrorise la famille avec un gros clebs caché dans une grotte. Je veux dire un animal plus effrayant que la Bête du Gévaudan travestie en images de synthèse. Le chien des Baskerville, c'est tout de même autre chose que le « Pacs des loups » : une sorte de Jack l'Éventreur canin, carrément. Il fait penser à ces bestioles de légende : le Monstre du Loch Ness, le Yéti de l'Hima- laya, Jonah Lomu des « All Blacks »...
Après Edgar Allan Poe, Conan Doyle peut être considéré comme l'inventeur du roman policier moderne : Sherlock Holmes est un digne descendant de l'Auguste Dupin du Double Assassinat dans la rue Morgue, auquel il ajoute le traitement scientifique des indices (on peut dire qu'Hercule Poirot et l'inspecteur Columbo lui doivent tout), mais aussi une dimension nouvelle : le Suspense. Contrairement à Agatha Christie, qui commence toujours ses énigmes après le meurtre, Conan Doyle ne se contente pas d'un jeu de déductions logiques à la « Cluedo » : il sait aussi faire monter la peur, nous terrifier autant qu'Alfred Hitchcock. En ce sens, on pourrait estimer que Thomas Harris ou Patricia Cornwell devraient reverser un pourcentage non négligeable de leurs royalties au Musée Sherlock Holmes (221B Baker Street, London).
Enfin, pour finir sur une anecdote amusante : l'année dernière, un inspecteur d'auto-école du Devon a accusé Conan Doyle d'avoir assassiné son ami Fletcher Robinson pour lui voler non seulement l'idée du Chien des Baskerville, mais aussi sa femme. La réalité dépasserait-elle la fiction? Non : la fiction est plus intéressante que ces élucubrations auxquelles Scotland Yard n'a pas donné suite.