20.

Le samedi 13 décembre, une première compagnie de trois cents hommes d’armes sortit de Jarnac. Derrière elle chevauchait une centaine de gentilshommes qui entouraient le roi de Navarre. Derrière encore suivait une autre compagnie comprenant la fine fleur de la noblesse protestante de Saintonge. Cette petite armée emprunta le chemin longeant la Charente qui conduisait à Saint-Brice et à Cognac.

Au château de Saint-Brice, une grande partie de la Cour était arrivée la veille. La reine, bien sûr, mais aussi les ducs de Montpensier, de Nevers et de Retz, ainsi que plusieurs chevaliers du Saint-Esprit, tous conseillers de Catherine de Médicis ou observateurs pour le roi Henri III.

Le soir même de leur arrivée, la reine avait découvert la catastrophe. En cherchant le flacon contenant le philtre de Ruggieri pour le remettre à Mme de Sauves, elle ne l’avait pas trouvé dans son coffret.

Pour la première fois depuis la mort de son mari Henri, elle sentit le poids des ans. Depuis le début, ce voyage ne lui avait apporté que des déboires : l’incompréhensible tentative d’assassinat contre Mme Sardini, la fuite de son prévôt, les Gelosi qui s’étaient volatilisés avec Ludovic Gouffier, et maintenant, ce vol.

Personne n’entrait jamais dans les pièces où était rangé le coffret à flacons, sinon ses dames d’honneur. Bezon avait enquêté. Selon lui, ce ne pouvait être qu’une de ses favorites qui l’avait pris. Probablement Marie de Surgères ou Hélène de Bacqueville, ces deux petites dindes ayant dû vouloir l’essayer pour s’amuser. Sûre d’elle, Catherine leur avait fait donner les étrivières, mais même sous le fouet, elles n’avaient rien avoué.

La reine ne pouvait plus utiliser ni Isabeau, qui, amaigrie et éteinte, n’était que l’ombre de la séduisante courtisane qu’elle avait été, ni Isabella, partie avec les Gelosi, et ne disposait même plus de philtre d’amour.

Son projet de mariage entre sa petite-fille Christine et le roi de Navarre était donc définitivement brisé. Pourtant, jusqu’au dernier moment, elle y croyait encore. Quelques jours auparavant, elle avait convaincu Mme de Sauves de recevoir dignement le roi de Navarre à sa place et de lui offrir à dîner, lors des conférences. Comme la maîtresse de Guise minaudait, en se jugeant trop vieille, la reine mère lui avait promis de lui faire passer un philtre d’amour qui, absorbé par le Bourbon, le ferait tomber dans ses rets.

Si Navarre refusait ses propositions de paix, ce serait donc le poison, et ce serait Mme de Sauves qui, à son insu, l’administrerait.

Catherine de Médicis avait décidé que la maîtresse du duc de Guise offrirait à dîner au roi le dernier jour de la conférence. Si le Béarnais avait accepté ses propositions de paix, il resterait en vie. Sinon, et si Mme de Sauves était parvenue à lui faire boire le contenu du flacon, la Cour serait en sécurité dans la forteresse de François Ier, à Cognac, quand le poison agirait.

Une fois Navarre mort, tout accuserait Mme de Sauves qui aurait un rapide procès et serait exécutée sur place. Il suffirait ensuite de répandre la rumeur que cette perverse femme avait agi sur ordre du duc de Guise pour que celui-ci soit définitivement écarté du trône de France.

Accueilli par le duc de Montpensier et le maréchal de Biron, le roi de Navarre et sa suite entrèrent dans la grande salle du château, tandis que les jardins et le village étaient occupés par quatre régiments du Béarnais.

En entendant la bruyante suite de Navarre, Catherine de Médicis qui se tenait dans un cabinet mitoyen, songeait qu’elle était allée trop loin dans les concessions. Elle n’aurait jamais dû venir jusqu’ici. Le Béarnais, maître du château et des environs, pouvait à tout moment se saisir d’elle et la prendre en otage. Elle essaya de dissiper cette angoisse en se persuadant qu’il était homme d’honneur, et qu’il n’agirait jamais comme un brigand de grand chemin. Mais pouvait-elle avoir la même certitude envers ses capitaines ?

Elle soupira. Si au moins Navarre l’écoutait, s’il acceptait de se convertir, alors tous les risques qu’elle avait pris, toutes les fatigues qu’elle avait subies seraient justifiés. Sinon… Elle passa à nouveau son plan en revue et, malgré les souffrances infligées par la goutte, un frisson de satisfaction la parcourut. Elle avait tout prévu. Son arrière-grand-père Laurent serait fière d’elle, se félicita-t-elle.

Debout devant un miroir, vêtue de cette longue robe noire et de la coiffe qu’elle ne quittait jamais depuis la mort de son mari, la reine mère tenta d’évacuer la douleur de la maladie et se composa un visage serein avant de pénétrer, majestueusement, dans la grande salle où Navarre et ses capitaines attendaient. Mme de Sauves, suffisamment maquillée pour masquer son âge, la suivait, ainsi qu’un groupe de dames d’honneur. Les ducs de Retz et de Nevers étaient déjà là, entourés de leurs gentilshommes.

Alors que les hommes de sa Cour avaient revêtu leurs plus beaux habits, Catherine de Médicis découvrit avec stupéfaction que son gendre, le prince de Condé, le vicomte de Turenne, M. de La Rochefoucauld et les autres seigneurs calvinistes étaient ostensiblement caparaçonnés en guerre, avec corselet, casque et épée de bataille. Ils affichaient ainsi, de façon ostentatoire, leur défiance envers elle.

— Aviez-vous besoin de ces armures ? s’enquit-elle avec rudesse, en s’adressant à la cantonade.

— C’est encore trop peu, madame, d’un plastron et d’une cuirasse pour se couvrir contre ceux qui ont faussé les édits du roi. Nos biens ayant été mis à l’encan, il ne nous reste plus que des armes et nous les avons prises pour défendre nos têtes proscrites[77] ! s’exclama le prince de Condé.

Henri de Navarre, dont pourtant tout le monde connaissait l’habituelle bonhomie, approuva ce discours en hochant simplement la tête.

— On nous a aussi rapporté qu’une grosse troupe de gens de guerre de M. de Mayenne a débandé son engagement et court la campagne autour de Saint-Brice. Nous avons craint d’être attaqués ! fit-il pour nuancer le propos de son cousin.

Catherine de Médicis avait tant de facilité à dissimuler qu’elle sourit chaleureusement à son gendre. Bras ouverts, elle s’avança et l’embrassa avec une tendresse exagérée, tant elle était libérale en caresses qui ne lui coûtaient rien. Lui prenant ensuite le bras, elle lui dit affectueusement :

— Allons dans la salle que M. de Fors a préparée, et faisons une bonne paix !

— Nous irons à tour de rôle discuter de vos propositions, madame, intervint Navarre plus fraîchement. Pendant que je serai avec vous, mes cousins Condé ou Turenne garderont la porte, et quand le prince s’y rendra, je ferai la surveillance avec monsieur le vicomte de Turenne.

La reine blêmit à cette nouvelle injure, mais ravala sa rage. Feignant de n’avoir rien entendu, elle conduisit son gendre vers l’autre extrémité de la grande salle où une chambre d’apparat avait été préparée. Les ducs la suivirent, ainsi que les gentilshommes de la suite du Béarnais.

Navarre et sa belle-mère s’installèrent sur des fauteuils et les autres sur des chaises, mais la porte resta ouverte et Condé, farouche, la main sur son épée, s’installa devant.

— Eh bien, mon fils, ferons-nous quelque chose de bon ? demanda en souriant la reine.

— C’est ce que je désire, madame, repartit le roi de Navarre avec la même bonhomie.

Jarnac était en état de siège, mais le laissez-passer signé par Henri de Bourbon ouvrait toutes les portes. S’étant renseignés au corps de garde, ils apprirent que Philippe de Mornay était au château et avait prévenu les officiers qu’il attendait la visite du prévôt Nicolas Poulain. On les conduisit rapidement auprès de lui.

Mornay et Caudebec attendaient dans l’angoisse. C’est dire si les embrassades furent chaleureuses quand Olivier – il voulait être le premier à parler – annonça qu’ils avaient retrouvé la duchesse de Montpensier, et donc certainement Cassandre.

Ils présentèrent rapidement Ludovic Gouffier à Mornay avant de raconter leur découverte de Garde-Épée et l’existence du souterrain.

— Voici ce que je propose, dit Poulain. Partons après dîner avec les lansquenets, nous prendrons une route qui nous conduira à l’abbaye… sans passer devant Garde-Épée.

— La route de Nercillac ferait l’affaire, proposa Caudebec.

— Nous la suivrons donc. Arrivés à l’abbaye, nous attendrons la nuit pour emprunter le souterrain. Il sera aisé de briser la porte qui doit déboucher dans des caves. Ensuite, à la grâce de Dieu ! Nous prendrons la maison d’assaut…

— Ce plan me plaît, approuva Mornay gravement, mais à La Chapelle-Foucher on m’a dit que la troupe de la Montpensier comprenait une cinquantaine d’hommes d’armes. Nous ne serons que vingt et un, si je compte bien.

— Mais nous aurons l’avantage de la surprise, remarqua Caudebec.

— Et d’arriver au milieu de la nuit, ajouta Poulain.

— Comprenez-moi, fit Mornay, le visage contracté. Ce n’est pas pour moi, ou même pour vous, que je crains ce combat, c’est pour ma fille. Nous serons peu nombreux et nous ignorons où elle se trouve. Si on ne la délivre pas tout de suite, ils s’en serviront comme otage, et je ne sais ce que je ferai alors. Or, à Garde-Épée, il faudra occuper la cour, les portes, isoler la duchesse et ses gentilshommes. Il y a aussi ce Le Vert dont vous m’avez parlé.

— Ne pouvez-vous pas demander un détachement de soldats à monseigneur de Navarre ?

— Non, c’est ma guerre, et non la sienne. Henri a besoin de tous ses hommes.

Mornay se tourna vers Ludovic.

— Monsieur Gouffier, savez-vous vous battre ?

— Je sais tenir honnêtement une épée, et manier le pistolet si nécessaire, monsieur.

— Vous joindriez-vous à nous ? Avec notre petit nombre, chaque homme en plus compte…

Gouffier grimaça, faisant comprendre qu’il ne voulait pas prendre parti.

— Vous l’avez dit, monsieur, c’est votre guerre, et je ne suis qu’un comédien. Je ne suis venu aujourd’hui ici que parce qu’on m’y a forcé !

— D’après ce que vient de me dire M. Poulain, vous êtes le fils d’un gentilhomme et vous avez un droit sur un fief. Vous joindre à moi ferait avancer votre affaire…

— Comment cela ? tressaillit Ludovic.

— Une lettre de votre père suffirait à prouver votre naissance, et l’actuel propriétaire du fief vient d’en être privé par Mme de Montpensier et sa troupe. Possession fait loi ! Le fief est aux Guise pour l’instant, aidez-nous à le reprendre et je vous le laisse…

— M. Ancellin, qui l’a acheté, ira en justice…

— Et alors ? Engagez quelques hommes si vous avez un peu d’argent, et installez-vous dans Garde-Épée. L’affaire ira en justice ? Sans doute, mais je vous le dis : possession fait loi. Vous n’aurez pas pris ce fief à Ancellin, mais à Guise qui le lui avait conquis ! Je témoignerai pour vous, Navarre aussi, s’il le faut. C’est une chance inespérée… Saisissez-la !

Ludovic resta un instant hésitant, se frottant gauchement les mains, puis il posa son regard sur ses trois compagnons qui attendaient sa réponse. Finalement, il inclina la tête en signe d’adhésion.

Ils dînèrent avec Heinz et deux de ses lieutenants. Poulain leur donna des détails sur ce qu’il attendait d’eux, et Mornay des instructions précises. Après ce repas, Antoine et Venetianelli partirent se procurer lanternes et flambeaux, tandis que Caudebec s’occupait d’équiper Ludovic en lui trouvant cuirasse, épée et cervelière. M. de Mornay se retrouva avec Nicolas et Olivier comme il le souhaitait.

— Mes vaillants amis, l’heure du jugement est venue, comme il est dit dans les psaumes, déclara-t-il d’un voix grave. J’y laisserai peut-être la vie, aussi dois-je vous confier un secret que seule Cassandre connaît. Mais si je survis à cette bataille, jurez-moi de n’en parler jamais.

M. de Mornay leur était toujours apparu sombre et préoccupé depuis qu’ils l’avaient rencontré. Nicolas Poulain pensait que c’était son tempérament naturel, tandis qu’Olivier jugeait que c’était l’enlèvement de sa fille qui le minait. Pourtant, ils ne l’avaient encore jamais vu ainsi et ils s’en inquiétèrent. Aussi jurèrent-ils sans hésiter.

— M. Le Vert a un autre nom, poursuivit Mornay. Il se nomme Charles de Louviers, seigneur de Maurevert…

— Maurevert ? le coupa Poulain.

— Oui, l’assassin de l’amiral de Coligny qui était mon maître et mon ami.

— Maurevert est mort, il y a deux ou trois ans, objecta Poulain.

— Je le croyais aussi, mais par quelque malice, il a survécu à ses blessures. Et il est toujours au service des Guise. Je l’avais reconnu chez M. Hauteville.

— Est-ce possible… l’assassin de Coligny ! murmura Poulain.

— Lui aussi m’avait reconnu. C’est une affaire entre nous deux, désormais. Il a tué mon maître, l’amiral, aussi je dois le tuer. Dans le combat de cette nuit, n’oubliez pas qu’il est à moi, n’y touchez pas, mais prenez garde. C’est un démon.

Olivier restait silencieux. Lui aussi avait entendu parler de Maurevert, mais ne savait que peu de choses sur lui, sinon qu’il avait provoqué la Saint-Barthélemy. Il en était terrorisé, non pour lui mais pour Cassandre.

— Le vrai dessein de Maurevert ne peut être que de tuer le roi de Navarre. C’est Guise qui l’en a chargé… Guise ou Mayenne, et l’enlèvement de ma fille n’est qu’un moyen pour y parvenir. Après tout, n’était-il pas surnommé le tueur des rois ? Maurevert est un ennemi formidable qui connaît rarement l’échec, et j’avoue me sentir impuissant contre lui, conclut Mornay avec une évidente détresse. Voilà pourquoi vous deviez savoir, pour me venger, si je devais succomber à mon tour. Maintenant, ceignons nos épées qui seront celles du jugement.

— Monsieur de Mornay, intervint alors Nicolas, je ne participerai pas à l’attaque de cette nuit.

Le père de Cassandre haussa un sourcil à la fois interrogateur et réprobateur.

— Ce que je vais vous confier à mon tour, seul le roi, le marquis d’O et M. de Richelieu le savent, ainsi que mon ami Olivier. Mais avant d’aller plus loin, puis-je moi aussi avoir votre parole que vous n’en direz mot à quiconque, même au roi de Navarre ?

— Est-ce contraire à l’honneur ?

— Serait-ce possible, puisque je suis au service de Sa Majesté ? Le roi nous indique toujours le chemin de l’honneur, monsieur, répliqua sèchement Poulain.

— Le roi n’a pas toujours été bon avec nous, ni honorable, remarqua Mornay avec une ironie teintée de tristesse.

— C’est vrai en ce qui concerne la religion prétendue réformée, mais je ne veux pas me mêler de cette querelle. Je suis au roi, monsieur. Et je serai toujours au roi légitime… comprenez-vous ? Pour le moment, je ne suis pas à monseigneur de Navarre. Ce soir, nous ne serons que des alliés d’intérêt, rien d’autre. Mais je sais que vous êtes un vrai gentilhomme. J’ai parlé de mes préoccupations avec Olivier, et c’est lui qui a insisté pour que je vous fasse confiance.

— Je peux vous comprendre, dit gravement Mornay, et je vous donne ma parole de ne rien rapporter de ce que vous allez me confier, comme vous l’avez fait avec moi.

— Je suis au roi, donc, mais pour les gens de la Ligue, je suis un des leurs. Monseigneur de Guise m’estime, ainsi que sa sœur, et croient que je suis leur serviteur.

— Que voulez-vous dire ? se raidit Mornay.

— Je suis un espion, monsieur. Je suis l’espion du roi…

À Saint-Brice, la conférence se poursuivait.

— Il faut que vous me disiez ce que vous désirez pour la paix, mon fils, proposa la reine.

— Mes désirs, madame, ne sont que ceux de Votre Majesté.

— Laissons ces cérémonies, et dites-moi ce que vous demandez ! fit-elle, pressante.

— Madame, je ne demande rien, et ne suis venu que pour recevoir vos commandements.

— Là, là, faites quelque ouverture… s’impatienta-t-elle.

— Madame, il n’y a point ici d’ouverture pour moi.

— Mais quoi, ajouta la reine, voulez-vous être la cause de la ruine de ce royaume ?

— Madame, vous et votre fils avez levé huit armées pour me ruiner !

— Quelles armées, mon fils ? Vous vous abusez ! Pensez-vous que si le roi eut voulu vous ruiner, il ne l’eût pas fait ! La puissance ne lui a pas manqué, mais il n’en a jamais eu la volonté.

— Excusez-moi, madame, mais ma ruine ne dépend point des hommes, elle n’est ni au pouvoir du roi ni au vôtre.

— Ignorez-vous la puissance du roi et ce qu’il peut ? s’irrita-t-elle.

— Madame, je sais bien ce qu’il peut, et encore mieux ce qu’il ne pourrait faire, fit Navarre en souriant benoîtement.

— Eh quoi donc ! Ne voulez-vous pas obéir à votre roi ? gronda-t-elle.

— J’en ai toujours eu la volonté, j’ai désiré lui en témoigner les effets, et je l’ai souvent supplié de m’honorer de ses commandements pour m’opposer, sous son autorité, à ceux de la Ligue, qui s’étaient élevés en son royaume, au préjudice de ses édits, pour troubler son repos et la tranquillité publique.

Là-dessus la reine éclata de colère.

— Ne vous abusez point, mon fils ! Ceux-là ne sont point ligués contre le royaume ; ils sont français et les meilleurs catholiques de France ! Simplement, ils appréhendent la domination des huguenots et, pour vous le dire en un mot, le roi connaît leur intention et trouve bon tout ce qu’ils ont fait !

Elle se radoucit.

— Mais laissons cela, ne parlez que pour vous. Demandez ce que vous voulez, le roi vous l’accordera, insista-t-elle.

— Madame, je ne vous demande rien, répéta Henri, brusquement refroidi, ayant compris que ce déplacement et cette conférence étaient inutiles, puisque la reine ne lui proposerait rien. Mais si vous me demandez quelque chose, je le transmettrai à mes amis, car j’ai promis de ne rien traiter sans eux.

— Or bien, mon fils, puisque vous le voulez, je vous dirai que le roi vous aime et désire vous voir auprès de lui, comme son bon frère.

— Madame, je le remercie très humblement et vous assure que jamais je ne manquerai au devoir que je lui dois.

— Mais quoi, ne voulez-vous dire autre chose ?

— N’est-ce pas beaucoup que cela ?

— Vous voulez donc continuer d’être cause de la misère de ce royaume ? Ne voulez-vous pas obéir au roi ? Ne craignez-vous point qu’il ne s’irrite contre vous ?

— Madame, il faut que je vous dise la vérité : il y a tantôt dix-huit mois que je n’obéis plus au roi !

— Ne dites pas cela, mon fils ! fit-elle en haussant le ton.

— Madame, je le puis dire, car le roi, qui m’est comme père, au lieu de me nourrir comme son enfant m’a fait la guerre en loup… Et quant à vous, madame, vous me l’avez faite en lionne.

— Quoi ! N’ai-je pas toujours été bonne mère pour vous ?

— Oui, madame, mais seulement en ma jeunesse, car depuis six ans votre naturel a fort changé.

— Croyez, mon fils, que le roi et moi ne demandons que votre bien.

— Madame, excusez-moi, je ressens tout le contraire…

— Mon fils, laissons cela… Voulez-vous que la peine que j’ai prise depuis six mois demeure infructueuse, après m’avoir tenue si longtemps à baguenauder ?

— Madame, ce n’est pas moi qui en suis cause ! Au contraire, c’est vous ! Je ne vous ai jamais empêchée de reposer dans votre lit, tandis que vous, depuis dix-huit mois, vous m’empêchez de coucher dans le mien !

La reine se mit le visage entre les mains et fit semblant d’étouffer un sanglot.

— Serai-je toujours en cette peine, moi qui ne demande que le repos ?

— Madame, cette peine vous plaît et vous nourrit, sourit Navarre, ce qui dérida l’assistance.

Elle secoua la tête, affichant une fausse détresse.

— Je vous ai vu autrefois si doux et si traitable, et à présent je vois sortir votre courroux par les yeux, et l’entends par vos paroles.

— Madame, il est vrai que les fâcheux traitements dont vous avez usé à mon endroit m’ont fait perdre mon naturel.

— Or bien, regardons alors à faire une trêve pour quelque temps, vous pourrez conférer avec vos ministres afin de faciliter une bonne paix. À cette fin, des passeports vous seront expédiés pour gagner Paris.

— Je vais en parler à mes amis, madame.

Pendant cet échange de sourds, tandis que le prince de Condé et François de La Rochefoucauld restaient devant la porte de la chambre de négociation et que le vicomte de Turenne patrouillait dans les jardins, M. de Rosny, cuirassé et armé comme ses compagnons, circulait dans la grande salle quand un jeune page vint lui dire que Mme de Sauves voulait le rencontrer. Il le suivit à l’étage en s’interrogeant sur les raisons de cette entrevue. Charlotte avait bien sûr été sa maîtresse, comme elle l’avait été pour la plupart des gentilshommes de la Cour, mais, à la différence des autres, elle l’avait aimé, au moins le lui avait-elle assuré.

Mme de Sauves se tenait debout dans une petite chambre et le reçut seule, ce qui n’était guère conforme à la bienséance, mais habituel à la cour de la reine mère.

— Baron, j’ai prié pour que vous acceptiez de venir, lui dit-elle en lui prenant les mains.

— Moi, madame ?

— Oui, monsieur, car vous êtes un homme bon, en qui je me fie, et qui ne me reprochez rien…

Elle eut un regard effrayé qui troubla Rosny.

— … Que le roi de Navarre n’attende rien de cette conférence ! lâcha-t-elle.

— Savez-vous quelque chose, madame ? s’inquiéta-t-il.

— Juste qu’il prenne garde ! Qu’il ne boive ni ne mange et refuse tout dîner, même si c’est moi qui le propose.

— Vous, madame ? s’inquiéta Rosny.

— Je ne puis vous en dire plus, baron. Me ferez-vous confiance ?

— Je le ferai, madame, mais vous vous alarmez pour rien. La reine ne cherche qu’à sacrifier le roi de Navarre à la Ligue en l’engageant à changer de religion.

— Plût à Dieu que ce ne fût que cela ! soupira-t-elle. Maintenant, laissez-moi, j’en ai trop dit.

Rosny se retira dans un mélange d’inquiétude et de satisfaction. Mme de Sauves devait être chargée de quelques sombres manœuvres contre le roi, mais elle ne voulait pas s’y prêter. Ainsi, peu à peu, les soutiens de la reine l’abandonnaient.

Il revint dans la grande salle quand Navarre en sortait. Le roi échangea quelques mots avec le prince de Condé qui rentra à son tour discuter avec la reine des modalités d’une trêve.

Rosny raconta en quelques mots son entrevue avec Mme de Sauves, ce qui fit rire le Béarnais qui n’avait jamais songé à boire ou à manger dans le château, ayant même fait porter son dîner et son vin dans des bouteilles cachetées.

À son tour, il raconta au baron les premières propositions de Catherine de Médicis.

— Elle me demande de retourner au Louvre, mais me refuse toute sûreté sur cette téméraire démarche ! Ce n’est qu’un piège pour me priver du secours de mes amis et me laisser seul, abandonné de tous mes partisans ! Comment peut-elle croire une seconde que j’accepterai ?

Il s’interrompit en voyant arriver M. de Bezon et une femme amaigrie au teint cendré qu’il eut du mal à reconnaître.

— Madame Sardini ! s’exclama-t-il. J’ignorais que vous étiez avec Sa Majesté ! Votre mari est-il là aussi ?

— Non, monsieur. La reine m’avait demandé de l’accompagner.

— Mme Sardini a été gravement blessée à Blois, monseigneur, expliqua M. de Bezon, raide comme un Grand d’Espagne. Je lui ai conseillé de rentrer à Paris, mais elle souhaitait vous rencontrer.

— Me rencontrer ! Ventre-saint-Gris ! si j’avais su, je serais venu bien plus vite ! s’esclaffa le roi. Mais comment avez-vous été blessée, madame ?

— Un homme lui a tiré dessus avec un mousquet, sire.

— Qui ? s’inquiéta Rosny.

— Nous l’ignorons, monsieur. J’ai pensé à une vengeance des Guise envers M. Sardini, déclara Bezon en dévisageant le roi.

— Ce serait bien possible, murmura sérieusement Henri de Navarre. Quoi qu’il en soit, madame, je suis votre serviteur. Quel que soit votre souhait, dans la limite de mes moyens, il sera accepté.

— Je souhaite parler à M. de Mornay, dit Isabeau d’une voix qui n’était qu’un murmure.

— Il n’est pas ici, répondit le roi, mais il vient d’arriver à Jarnac.

— Auriez-vous la bonté de lui transmettre ma requête, monseigneur ?

— Je le ferai, madame, mais je dois vous prévenir qu’en ce moment, M. de Mornay a… des contrariétés.

Rosny remarqua que la pâleur d’Isabeau s’accentuait. Soudain, elle vacilla et il n’eut que le temps de la soutenir.

— Lesquelles ? demanda-t-elle dans un souffle.

— Il vous les dira quand vous le verrez, proposa le roi de Navarre dans un rire forcé, comme pour ne pas remarquer le malaise de la pauvre femme. La prochaine conférence aura lieu ici lundi. Voulez-vous que je lui propose de m’accompagner ?

— Je vous en serai éternellement reconnaissante, monseigneur, murmura-t-elle.

Puis elle s’inclina et, telle une ombre, elle repartit avec M. de Bezon.

— Rosny ? Mme Sardini est au plus mal, alors pourquoi veut-elle rencontrer M. de Mornay qu’elle ne connaît pas ? À votre avis, cela a-t-il un rapport avec la fille de Mornay ?

— Je ne sais pas, monseigneur, mais tout cela me déplaît. J’ai hâte que cette conférence soit terminée ! Nous sommes dans un nid de guêpes.

Ils arrivèrent à l’abbaye à la nuit tombante et s’installèrent dans l’église avec les chevaux, la salle sous le four étant trop petite pour recevoir tout le monde.

Pendant que les lansquenets soignaient les bêtes et préparaient leur dîner – qui serait froid, car ils ne devaient pas faire de feu –, Poulain conduisit M. de Mornay jusqu’au puits. Le père adoptif de Cassandre proposa à Olivier de l’accompagner.

En chemin, M. de Mornay prit affectueusement Olivier par le bras.

— Monsieur Hauteville, j’ai beaucoup d’estime pour vous, commença-t-il.

— Merci, monsieur.

— J’ai bon espoir que nous débarrassions définitivement le royaume de Maurevert et que nous délivrions ma fille, ce soir. Je connais les sentiments qui vous rapprochent, même s’ils ne sont pas raisonnables. Qu’allez-vous faire après ?

Olivier avait la gorge sèche. Il savait qu’il allait contrarier M. de Mornay, mais il se sentait fort.

— Monsieur, quand vous êtes venu chez moi… reprendre les quittances de M. Salvancy, Cassandre… votre fille… m’a dit que vous accepteriez de me prendre à votre service, peut-être comme secrétaire… J’ai alors refusé.

— C’est exact, nous en avions parlé…

— J’ai eu tort. Aussi, quand mon ami Nicolas m’a proposé de l’accompagner à Chenonceaux, j’ai accepté, car secrètement j’espérais vous rencontrer lors de la venue du roi de Navarre.

Nicolas écoutait, troublé par ce que disait son ami.

— Durant l’année qui vient de s’écouler, Cassandre m’a écrit trois fois, elle m’a aussi envoyé le Nouveau Testament traduit par M. de Bèze ainsi que quelques-uns des textes que vous avez écrits…

— Elle a fait ça ? s’enquit Mornay, en fronçant les sourcils, ce que seul Nicolas remarqua, car c’est lui qui tenait la lanterne.

Ils entrèrent dans la salle du puits. Poulain posa la lanterne sur une grosse pierre. Avant d’examiner le passage avec M. de Mornay, il préférait que les deux hommes aient fini de s’entretenir.

— Je ne sais si votre fille vous l’a dit, j’ai penché pour la Ligue quand j’étais plus jeune, mais la mort de mon père m’a dessillé les yeux. J’ai eu une année pour réfléchir, pour repenser à la Saint-Barthélemy, pour écouter les prêches fanatiques du père Boucher. Avec Nicolas, nous avons traversé la France et vu les atrocités que l’intolérance provoquait. Tout cela m’a changé, monsieur de Mornay.

» Nous avons rencontré monseigneur de Navarre. N’importe qui nous aurait pendus, il nous a écoutés. Il nous a même offert un cheval. Je crois monseigneur porteur de paix…

En l’écoutant, Mornay était touché par ce que disait le jeune homme.

— Aussi, maintenant, très simplement, je voudrais vous demander : Accepteriez-vous de me prendre à votre service ? Certes, je puis être un bon secrétaire. Je suis presque docteur en droit et je sais bien compter. Mais je peux être aussi un soldat. J’ai sans doute beaucoup à apprendre, mais je saurai vous montrer ma valeur.

Mornay ne dit rien pendant un moment. C’était une situation très embarrassante. Le pasteur de Montauban refusait que les femmes se coiffent coquettement, ils n’accepteraient jamais qu’un jeune homme habite sous son toit et courtise sa fille.

— Êtes-vous certain de vos sentiments ? demanda-t-il.

— Oui, monsieur.

— Nous en reparlerons, je ne veux pas de rumeurs… Mais n’espérez jamais l’épouser… Ma fille est noble.

— J’accepterai toutes vos conditions, monsieur, sauf celle-là. J’aurai la force et le courage de me battre pour elle, et je saurai la conquérir. Vous n’aurez jamais honte de moi, elle non plus.

— Il faut d’abord la sauver… murmura Mornay, la voix éteinte.

Le pape des huguenots se tourna vers Nicolas Poulain :

— Monsieur le Prévôt, montrez-moi ce passage dans le puits.

Lorsqu’ils revinrent vers l’église, ils observèrent le silence jusqu’à la porte. C’est à quelques pas de l’édifice, à la lueur de sa lanterne, que Poulain découvrit un lansquenet, sa zweilhander tenue à deux mains.

— Je ne vous avais pas vu ! s’étonna Nicolas.

— Moi, je ne vous perdais pas de vue, monsieur, ainsi que Gisbert, qui vous a suivis, fit l’Allemand en bon français.

— Vous montez la garde ?

— Toujours ! Il y a deux autres compagnons derrière l’église. Notre prévôt ne laisse rien au hasard, monsieur, dit-il, en s’écartant pour leur laisser le passage.

Mais M. de Mornay ne fit pas mine d’entrer et se tourna vers Olivier.

— Monsieur Hauteville, M. Poulain ne participera pas à la bataille de Garde-Épée, vous savez pourquoi. Je veux que vous restiez avec lui.

— Comment ? s’insurgea Olivier. Quelqu’un d’autre que moi délivrerait Cassandre ?

— Ce quelqu’un sera moi, son père, dit fermement Mornay en lui prenant à nouveau l’épaule. J’en ai le droit ! Laissez-moi vous expliquer : cette bataille sera sanglante, sans merci. De part et d’autre, les combattants seront des hommes d’armes expérimentés. De surcroît, les gens de la duchesse de Montpensier sont au moins deux fois plus nombreux que nous… Il y a Maurevert… Si vous étiez blessé, ou tué… ma fille ne me le pardonnerait pas.

Olivier secoua la tête, repoussa la main et s’écarta de Mornay comme s’il était un adversaire.

— Je ne suis qu’un bourgeois de Paris, monsieur, et vous pensez qu’un bourgeois ne peut avoir de cœur ? Que je serais un poltron ? Mais quelle estime aurait votre fille envers moi si je me cachais au moment de sa délivrance, si je quittais la bataille avant qu’elle ne commence ? fit-il avec agressivité.

— Ne te fâche pas, Olivier ! intervint Nicolas. M. de Mornay a raison. Les gens de Mayenne auxquels nous allons nous attaquer seront redoutables.

— Laisse-moi, Nicolas ! cria Olivier. Tu sais que je voulais venir seul jusqu’ici pour prévenir Cassandre ! Vous ne pourrez ni l’un ni l’autre m’empêcher d’être au premier rang. C’est mon combat !

Il planta ses yeux dans les yeux de Mornay.

— Vous savez ce qu’elle m’écrivait :

Mon cœur, si jamais vous m’avez fait cet honneur de m’aimer,

Il faut que vous me le montriez à cette heure.

» Je suis venu pour le montrer, gronda-t-il.

Le pape des huguenots hocha la tête. Ce serait donc au destin de décider.

De l’autre côté de la porte, deux lansquenets, espadons à la main, montaient aussi la garde. Les autres jouaient aux cartes, aiguisaient leur mutileuse, ou vérifiaient les rouets de leurs arquebuses. Venetianelli dormait, enroulé dans une couverture, et Ludovic Gouffier, assis, méditait sur son avenir.

Nicolas Poulain rassembla les lansquenets. Ils savaient déjà tous qu’ils allaient prendre une maison forte en passant par un souterrain, car leur chef et prévôt le leur avait annoncé.

— Ludovic Gouffier est le seul à connaître les lieux. Il va nous tracer sur ces dalles un plan sommaire de Garde-Épée.

Gouffier s’approcha et, avec une pierre blanche, raya les dalles de l’église, délimitant la cour de Garde-Épée, et la position du logis principal. Il ne pouvait faire plus, car il ne connaissait rien de son intérieur. Ensuite, il dit quelques mots du souterrain et de la porte de fer.

Antoine distribua les lanternes et les torches tandis que Nicolas Poulain expliquait son plan :

— Il y a une heure de marche dans le souterrain. Arrivés à la porte, les deux premiers hommes descelleront les gonds et ôteront les clous. Comme la plaque de fer tombe en morceaux, une fois sans soutien, il sera aisé de pousser la porte. Seulement, j’ignore ce qu’il y a de l’autre côté. Peut-être faudra-t-il se battre dès ce moment-là s’il y a des sentinelles. Le plus probable cependant est que l’on arrivera dans une cave. M. de Mornay, qui dirigera ensuite l’entreprise, va maintenant vous donner ses instructions. Je ne pourrai y participer, car ceux que nous allons attaquer ne doivent pas me reconnaître.

— Nous sommes vingt-deux et ils sont plus de cinquante, dont la plupart sont des soldats de Mayenne, dit Mornay, nous ne pourrons donc pas nous offrir le luxe de faire de prisonniers. Nous envahirons la maison, et nous tuerons tous ceux qui s’y trouvent, même ceux qui dorment. Je vais vous répartir en quatre groupes : le premier sortira dans la cour. Monsieur Gouffier, vous en ferez partie, car vous guiderez les autres jusqu’au porche pour empêcher quiconque de sortir. Monsieur Venetianelli, vous resterez avec M. Gouffier.

Mornay ne le dit pas, mais comme il jugeait peu probable qu’il y ait bataille à l’extérieur, les deux comédiens n’auraient pas à risquer leur vie.

— Les trois autres groupes se répartiront la maison, poursuivit-il. Un à droite, un à gauche, et un qui servira d’appoint. Je vous l’ai dit, pas de merci pour les guisards, mais que personne ne touche à la duchesse ou à ses serviteurs, sauf s’ils se défendent. Pas de pillage, je vous l’ai déjà dit. Il y a aussi un homme d’une quarantaine d’années, boiteux, ayant une main en moins et portant une barbe grise ou blanche. Il est très dangereux, mais je le veux vivant. Il y aura dix écus pour sa capture. Par ailleurs, vous savez que ma fille est enfermée ici. Dix écus pour ceux qui la trouveront. Ceux-là resteront ensuite auprès d’elle pour la protéger. Qu’ils se fassent tuer si on l’approche. Il ne faut en aucun cas la sortir de la pièce où elle est enfermée, elle y restera en sécurité pendant la bataille.

La guerre des amoureuses
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