14.

Le coche attelé à quatre chevaux quitta Chenonceaux aux premières lueurs de l’aube du dimanche 12 octobre. Personne ne remarqua qu’il ne prenait pas la route de Blois mais qu’il suivait le cours du Cher. La voiture roulait à bonne allure sur le chemin sec, car il n’y avait à l’intérieur que la duchesse de Montpensier, sa femme de chambre et un valet.

Loin devant, Foulques Cabasset et un de ses hommes galopaient pour ouvrir la route et réserver des chevaux frais, s’ils en trouvaient. Jusqu’au vieux pont de Tours-Saint-Sauveur, tout se passerait bien, avait expliqué le capitaine, mais les choses changeraient dans le Poitou.

Cinq soldats de Mayenne l’avaient accompagné en revenant de Guyenne. Le duc voulait que sa sœur soit protégée par une solide escorte et il avait choisi des vétérans de son armée. Comme Cabasset, ils connaissaient toutes les routes, toutes les étapes, et surtout ils savaient quels villages, châteaux ou fermes étaient tenus par les protestants.

Car la situation militaire n’était pas si bonne qu’on le disait. Même si quatre armées catholiques occupaient les provinces qu’ils allaient traverser, elles ne les protégeraient guère, avait prévenu le capitaine Cabasset, la veille du départ, quand ils s’étaient réunis à la Baiserie pour préparer le voyage…

Ce soir-là, pour recevoir Mme de Montpensier, ses gentilshommes et le capitaine Cabasset, Maurevert avait demandé au fermier de leur laisser sa cuisine, la seule pièce chauffée. Lui-même était avec son écuyer et ses spadassins italiens.

Maurevert avait déjà rencontré Aymar de Puyferrat, le premier gentilhomme de la duchesse. La cinquantaine, maigre avec une fine barbe grise qui lui donnait un air cruel, Puyferrat venait du Périgord. Il avait été au duc de Montpensier – le mari de la duchesse – et en avait gardé une grande férocité envers les hérétiques. Le second gentilhomme se nommait Arnaud de Saveuse. Il avait vingt ans et son frère, ligueur forcené, appartenait au duc de Guise. Saveuse compensait son étonnante bêtise par une obéissance servile. Maurevert avait remarqué que la duchesse s’en arrangeait.

Sur une carte, Cabasset avait tracé la route à suivre pour en expliquer les dangers. Entre Tours et Poitiers stationnaient les troupes d’Armand de Gontaut, maréchal de Biron. Biron était loyal au roi mais désormais en bons termes avec Henri de Navarre. Cependant, il respecterait le laissez-passer du duc de Mayenne et leur fournirait une escorte, s’ils la demandaient.

Plus loin en Saintonge, leur chemin pourrait croiser des détachements de l’armée que Joyeuse avait conduite quelques mois plus tôt. Ceux-là, Cabasset préférait les éviter, car ces franches compagnies qui ne respectaient rien étaient réputées pour les colliers d’oreilles arrachées à ceux qui n’étaient pas de leur parti !

En Gascogne se trouvait l’armée du maréchal de Matignon, mais comme elle était cantonnée dans les villes, ils ne devraient pas croiser de soldats. Matignon ne faisait rien pour aider M. de Mayenne, avait affirmé Cabasset, mais il leur donnerait une escorte pour rejoindre le duc. Ce serait nécessaire, car autour de Bordeaux beaucoup de déserteurs battaient la campagne.

C’étaient ces troupes qui inquiétaient Cabasset.

— Quand j’ai quitté Chenonceaux, je croyais monseigneur le Duc vainqueur, avait-il dit. Je me trompais : le siège de Castillon avait ruiné son armée et ses meilleures troupes avaient été décimées par M. de Turenne. De surcroît, il y avait eu la famine, la peste, et surtout le non-paiement des soldes par le roi. La plupart des soldats, affamés, avaient déserté. Des huit mille hommes du début de la campagne, il ne restait que quatre compagnies quand je suis arrivé à Castillon, ce qui signifie que des centaines de mercenaires allemands ou albanais travaillent à leur compte. Ils s’attaquent aux villages, aux fermes et aux voyageurs sans les interroger sur leur parti ou leur religion.

— Ce ne sera donc pas une promenade ! avait plaisanté Maurevert, qui n’était pas poltron.

— Nullement, monsieur ! D’autant que je n’ai pas terminé, car il y a aussi les huguenots ! Saintonge, Aunis et Angoumois sont les berceaux du protestantisme et des détachements de Navarre ou de Condé se cachent au détour de chaque chemin. La population nous sera hostile et nous croiserons quelques bandes de pillards qui, sous couvert de la religion, s’attaquent aux villages catholiques et aux gens de passage. Pour toutes ces raisons, aucun de nous ne doit arborer les croix de Lorraine du duc de Guise sur son manteau.

— Vous y veillerez, monsieur de Puyferrat, avait ordonné la duchesse.

— Pour passer à travers tout ce joli monde, avait conclu Cabasset, nous ne ferons que de courtes étapes, d’autant plus que nous ne trouverons que rarement des chevaux, et qu’il faudra ménager les nôtres. Je commanderai la troupe et conduirai l’avant-garde. Monsieur Le Vert vous tiendrez l’arrière-garde, et monsieur de Puyferrat, avec le gros de nos hommes, vous défendrez le coche en cas d’attaque.

— Combien serons-nous ? avait demandé Maurevert.

— Les cinq hommes que m’a donnés M. de Mayenne et cinq ou six gardes du corps que j’ai choisis parmi les meilleurs. Le reste de la maison de Mme la Duchesse rentrera à Paris.

— C’est peu…

— Oui, mais si nous étions plus, il serait encore plus difficile de trouver de la nourriture et du fourrage, et nous irons plus vite peu nombreux. De surcroît, Mme la Duchesse pourra obtenir des escortes des gouverneurs des villes fidèles au roi que nous traverserons.

Le jour du départ, ils étaient donc une quinzaine d’hommes d’armes, sans compter le valet de chambre capable lui aussi de manier le pistolet. Tous étaient armés en guerre et arboraient barbute italienne, casque à bourguignotte ou bassinet arrondi. Leur manteau dissimulait leur cuirasse de fer ou leur brigantine. Seul Cabasset ne portait qu’une jaque de mailles sous son pourpoint matelassé. Quant aux gentilshommes, ils étaient protégés par des corselets ciselés, des cuissards de lames d’acier et des gantelets. Arquebuses à main et pistolets étaient accrochés au flanc de leur selle, ainsi que de lourdes épées de cavalier.

Derrière le coche, en longe, suivaient cinq chevaux de remplacement qui portaient bagages, nourriture et fourrage, car en Saintonge, ils ne trouveraient pas d’approvisionnement.

Foulques Cabasset était certainement un très vaillant soldat, comme l’avait écrit Mayenne à sa sœur, mais il était aussi méfiant et peu loquace. C’était sans doute ce qui lui avait permis d’atteindre un âge bien avancé pour un capitaine. Il n’adressait que rarement la parole à Maurevert – qu’il appelait Le Vert – et encore moins aux Italiens ou aux autres soldats.

Pourtant, le soir de la première étape, comme ils étaient reçus dans le château fortifié d’un féal des Guise, Maurevert le questionna :

— Capitaine Cabasset, Mme la Duchesse m’a dit que, en vous rendant chez monseigneur le Duc, le mois dernier, vous avez été capturé par un parti de protestants. Comment vous en êtes-vous sorti ?

Ils étaient autour d’une grande table, dans la grande salle du château. Le souper était terminé. Il avait été copieux malgré la pénurie dans les campagnes. Leur hôte était avec eux, ainsi que ses deux fils, tous très honorés de recevoir la sœur du duc de Guise.

Cabasset grimaça, n’ayant guère envie d’en parler.

— Racontez, monsieur Cabasset ! lui demanda la duchesse. Vous n’avez pas à avoir honte de ce qui s’est passé, et cela permettra à chacun de prendre la mesure des dangers de la route.

Il hocha du chef, obéissant visiblement à contrecœur.

— Je devais être à une vingtaine de lieues de Bordeaux, fit-il. J’avais réussi à passer entre toutes les compagnies qui rôdaient dans les campagnes, qu’elles soient catholiques ou hérétiques. Il est vrai que c’est plus facile pour un homme seul. Je dormais souvent dehors, dans des fourrés, évitant chaque fois que je le pouvais les villages qui changent si facilement de maître. Mais j’étais épuisé et il pleuvait. La fatigue est mauvaise conseillère ! Ce soir-là, j’aperçus un village fortifié avec de solides murailles. Les gens étaient de bons catholiques, m’avait assuré un paysan en chemin. Je me présentais au pont-levis et on m’y accueillit d’autant plus facilement que j’étais seul et que j’avais un laissez-passer de monseigneur de Mayenne. Il y avait même une sorte d’auberge. Cela faisait plusieurs jours que je n’avais pas dormi dans un lit. Après un repas plus que frugal, car il n’y avait plus rien à manger dans le pays, on me donna une paillasse pouilleuse et je m’endormis comme une souche.

» Le matin, j’allais repartir quand on me prévint que la porte du village était fermée. Une compagnie de huguenots venait de s’installer devant l’enceinte et préparait un siège. Je montais sur les murailles. Les huguenots n’étaient que quatre douzaines, alors que le village avait plus de trois cents feux, aussi les habitants n’étaient nullement inquiets. Ils avaient connu d’autres sièges que les parpaillots avaient toujours abandonnés. Mais moi, j’étais bloqué là, sans doute pour plusieurs jours.

» Les assiégeants avaient une petite couleuvrine avec laquelle ils tirèrent un grand nombre de boulets de pierre sur les murailles sans rien faire d’autre que de les égratigner. J’étais finalement rassuré et, après avoir passé une partie de la nuit sur la muraille, j’allai me coucher.

» Je fus réveillé par le tocsin. Il faisait nuit noire et je compris aussitôt que le village était attaqué. Mais en vérité, il n’était pas attaqué, il était pris ! Déjà les hurlements des femmes retentissaient et les incendies éclairaient la nuit. Je regardai dans la rue et l’épouvante me prit. On tuait, on massacrait, on violait. Des groupes de furieux, porteurs de falots et de torches, brisaient les portes des maisons et jetaient les habitants dehors, meurtris et ensanglantés.

» J’appris plus tard que le capitaine qui commandait la troupe protestante avait lancé des cordes sur les murs et fait entrer ses hommes par escalade. Je m’armais, prêt à défendre chèrement ma vie, mais personne ne monta à l’étage où j’étais, alors que j’entendais les cris et les coups de feu dans l’auberge. Puis le silence revint, ponctué par les cris des servantes violentées. Je décidai de fuir par la fenêtre. J’étais au premier étage et, m’agrippant à un lierre, je sautai dans la rue. Hélas, à peine en bas, un parti de huguenots me prit. Ils étaient armés de mousquets et de pistolets, je dus rendre mon épée.

» On m’enferma dans une cave avec d’autres habitants. Quelques heures plus tard, on nous fit sortir, garrottés par les mains, et on nous conduisit sur la place publique où se trouvait l’église et des halles à piliers.

L’église avait été pillée. Les hérétiques avaient même sorti les vases sacrés et le saint ciboire qu’ils avaient remplis de saintes hosties avant d’uriner dedans.

À la table, tous les convives se signèrent.

— Plusieurs habitants étaient pendus par les pieds à la charpente des halles. Quelques-uns remuaient encore et des femmes étaient attachées aux piliers. Mon voisin m’expliqua que les pendus étaient le maire et les échevins. Quant aux femmes, c’étaient leurs épouses, leurs mères ou leurs sœurs. Violentées, la plupart étaient inconscientes. Le capitaine huguenot nous interrogea à tour de rôle. Suivant les réponses faites, on était rangé à droite ou à gauche. J’expliquai que j’étais à Mayenne et que je pouvais payer rançon, aussi on me mit à droite, comme le bourgeois qui m’avait renseigné.

» Ensuite, le capitaine fit signe à un de ses hommes qui portait un bonnet rouge sur la tête et qui avait à la main un poignard bien aiguisé. Il s’approcha des femmes et à chacune coupa une oreille qu’un autre vint clouer à la porte de l’église. Tandis que les femmes hurlaient, les huguenots riaient à gorge déployée, comme des démons, et le capitaine s’exclama : “La prochaine fois, ne vous trompez pas de religion !”

» Ils emmenèrent ensuite les hommes placés à gauche ainsi que le prêtre de l’église pour les conduire sur la muraille. Moi et mes compagnons de droite les suivîmes, mais nous restâmes en bas de l’enceinte. En haut, un soldat faisait déshabiller les prisonniers et les faisait monter nus sur le parapet de la courtine. Là, il les perçait d’un coup d’épée pour les faire tomber dans le fossé. Ils en tuèrent ainsi plus de cinquante. “Je crois qu’ils n’ont plus assez de corde.” m’a murmuré mon compagnon.

» Tous les catholiques prisonniers furent ainsi mis à mort de sang-froid, sans autorité, forme, ni procédure de justice.

» On nous ramena ensuite dans la cave. En chemin, je vis partout des corps arquebusés ou dagués, et des pendus… hommes, femmes et enfants. Plus tard, on nous conduisit à l’auberge où chacun écrivit une lettre précisant la rançon à payer. Pour moi, elle fut fixée à cinquante écus. À mon compagnon qui avait un frère négociant à Bordeaux, ils demandèrent cent écus, mais pour ce prix-là il obtint qu’on lui rende sa femme qui avait subi toutes sortes d’outrages.

» Je restai enfermé dix jours dans le noir, avec un seau d’eau et un morceau de pain noir pour toute nourriture. Enfin, on me sortit de ma cave. Les pendus étaient toujours accrochés aux branches. Les odeurs de mort et de brûlé étaient encore plus prenantes. On me conduisit au pont-levis où m’attendait un gentilhomme de monseigneur de Mayenne avec un cheval. En chemin, je vis que les maisons avaient été pillées et saccagées, certaines abattues jusqu’aux fondements. Je n’ai pas su ce qu’était devenu mon voisin[60].

Quand il eut terminé, personne ne dit mot. Tous avaient connu la guerre et le pillage. Tous les hommes les avaient pratiqués, mais tous aussi en avaient honte. Sauf Maurevert, peut-être, car il n’avait pas de conscience.

La duchesse de Montpensier était restée impassible durant le récit. Avant de quitter Chenonceaux, Foulques Cabasset avait tenté de la dissuader de faire le voyage. Prise, il lui arriverait ce qui arrivait à toutes les femmes, peut-être perdrait-elle ses oreilles, et en plus elle servirait d’otage. Pourtant, elle n’avait pas changé d’avis, même quand il lui avait raconté la prise du village. Dieu était avec elle, lui avait-elle assuré. Et les Guise n’étaient pas des poltrons.

Cabasset n’avait rien répondu. En vingt ans de troubles, il avait acquis une certitude : Dieu ne s’intéressait pas à cette guerre, le diable s’acquittait de tout !

À Tours, ils rencontrèrent un officier de Biron, bon gentilhomme, qui leur fournit aimablement une escorte pour aller jusqu’à Poitiers. Ce n’était pas vraiment une escorte, mais un détachement d’une trentaine d’hommes qui devaient compléter la garnison de la ville ligueuse.

Ensuite, sur la route d’Angoulême, ils repartirent seuls. Le capitaine Cabasset avait prévu des étapes très courtes, la Saintonge, terre protestante, étant livrée à toutes sortes de bandes de brigandage et pour ne rien arranger il pleuvait et le froid était de plus en plus vif. L’hiver arrive tôt, s’inquiétait Cabasset. Trouveraient-ils à se nourrir ?

Ils ne suivaient pas la grande route de Poitiers à Angoulême, trop dangereuse. Après Civray, par où ils avaient fait un détour pour se ravitailler, ils avaient emprunté un chemin qui longeait la Charente. Pourtant, même à l’écart de la route principale, le pays était plein d’embûches. Parfois, ils apercevaient des cadavres attachés aux bois flottants par leur robe ou leur manteau, pauvres gens tués et noyés dans la prise de leur village ou de leur maison.

Cabasset chevauchait en tête avec un homme de Mayenne, puis suivaient deux autres soldats, enfin le reste de la troupe qui entourait le coche et, juste derrière, les spadassini. Malgré ces précautions, ils tombèrent dans un guet-apens le long de la Charente.

La bande de brigands avait dû les suivre depuis Civray et observer la façon dont ils voyageaient. Ils furent soudain assaillis par une vingtaine de gueux, à pied, armés d’épées et d’épieux, brusquement surgis d’un bosquet. L’endroit était bien choisi. Le bois les dissimulait complètement et, sans chevaux, ils n’avaient fait aucun bruit. Deux d’entre eux portaient des arquebuses à main qu’ils ne pouvaient utiliser sous la pluie, mais ils savaient qu’il en était de même pour leurs adversaires.

Giovanni était le plus près d’eux et n’avait pas le temps d’allumer la mèche de son mousquet. Il sortit un pistolet à rouet de dessous son manteau mais, avec l’humidité, le coup ne partit pas. Déjà le cheval d’un des soldats venait d’avoir les jarrets coupés par une guisarme et s’écroulait. Un autre brigand, grimpé sur le coche, poignardait l’un des deux cochers. Le maestro Jacopo tentait d’éloigner un audacieux en faisant des moulinets.

Quelques secondes s’étaient à peine écoulées et le combat faisait rage. Les cavaliers tentaient d’éviter guisarmes et épieux quand les portières du coche s’ouvrirent. Maurevert et Puyferrat, chacun un pistolet à rouet à la poudre bien sèche en main, tirèrent sur les assaillants les plus proches d’eux. Immédiatement après, ils se saisirent de quatre autres arquebuses posées sur la banquette et refirent feu.

Les brigands furent rapidement réduits à merci. Après les premiers coups de feu, quelques-uns étaient restés pétrifiés par la surprise et Giovanni en avait profité pour en sabrer deux. Les autres soldats en firent autant sur ceux qui étaient les plus proches d’eux. Déjà Maurevert et Puyferrat étaient sortis du coche et perçaient plusieurs bandits de coups d’estoc avec leur brette.

Six survivants détalèrent sans pouvoir aller loin, car les chevaux devaient vite les rattraper. Cabasset et ses hommes arrivaient aussi au galop, ayant tourné bride aux premiers coups de feu.

Jacopo et deux des soldats allaient planter leurs épées dans le dos des fuyards quand Maurevert, qui avait sauté sur un des chevaux en longe, leur cria de ne rien faire. Il pressa sa monture et leur hurla :

— Je les veux vivants !

Les six brigands furent encerclés, frappés de plats d’épée, et s’écroulèrent dans la boue, demandant merci.

— Nous allons les pendre ! se réjouit le maître Jacopo, avec un sourire féroce.

— Peut-être pas, intervint Maurevert, j’ai une meilleure idée. Vous, les marauds, mettez-vous debout et allez jusqu’au coche !

Lui-même revint à la voiture. Mme de Montpensier était à la fenêtre.

— Monsieur Maurevert, vous aviez raison de rester au sec avec vos pistolets, sourit-elle, les cheveux trempés par la pluie.

— L’expérience, madame, répondit le tueur des rois en la saluant.

— Pourquoi les laisser vivants ? demanda-t-elle. Il y a des arbres pour les pendre.

— Avec votre autorisation, madame, je vais leur proposer un marché.

Il se retourna vers les gueux. La plupart n’avaient pas vingt ans.

— Toi ! Comment tu t’appelles ?

— Émeric de Rouffignac, monsieur.

C’était un jeune homme imberbe, terrorisé. Un des rares qui avait une épée, se souvenait Maurevert.

— Noble ?

— Oui, monsieur. Les troupes de M. de Guise ont pris notre château, il y a vingt ans. Mon père a pu fuir et a épousé ma mère, une paysanne. Dieu les a rappelés à lui à présent, et je n’ai plus de famille, sinon eux.

L’adolescent montra le reste de la bande.

— Je me souviens de la prise du château des Rouffignac, intervint Puyferrat en s’esclaffant. Nous y avons passé un bon moment ! Si tu y avais été, mon garçon, je t’aurais pendu avec les autres, mais je vais me rattraper maintenant…

— Assez, Puyferrat ! intervint la duchesse. Que voulez-vous faire, Maurevert ?

— Ces gueux connaissent le pays, madame. Qu’ils nous guident et nous servent de piétaille. J’aimerais bien dormir au chaud et remplir ma panse ce soir !

— Que préférez-vous, marauds, entrer au service de cette noble dame ou être pendus ? cria Puyferrat.

Les six se regardèrent, hésitants, puis ils baissèrent tous la tête.

— Alors à genoux, et prêtez serment sur les Saints Évangiles.

Ils obéirent, et Maurevert leur fit réciter une patenôtre.

— Attention ! Je coupe les oreilles et j’ouvre le ventre à celui qui nous trahit avant de le pendre avec ses boyaux. Maintenant, en route, conduisez-nous à un bon logement et un bon souper pour la nuit.

Il leva les yeux vers le ciel chargé de neige.

— Il y a un village à une demi-lieue, monsieur, fit l’un des bandits, sans doute le plus âgé.

Roux comme un renard, il avait tant de pilosité sur sa face qu’on n’apercevait que ses yeux et son front plissé.

— Catholiques ?

— Oui, monsieur, bons chrétiens comme nous.

— On te suit, passe devant !

Le village, entouré d’un mur crénelé, était perché sur une butte. Un chemin serpentait jusqu’à une porte fortifiée. En s’approchant avec deux de ses hommes et Puyferrat, le capitaine Cabasset remarqua le silence, les corbeaux qui tournaient au-dessus des maisons, puis l’odeur de brûlé.

Le pont-levis était baissé sans sentinelles, c’était incroyable dans ce pays en guerre ! Vigilants, ils passèrent la porte, mousquet en main avec la mèche allumée, ou arquebuse à rouet prête à tirer.

L’unique rue qui traversait le village était couverte de corps détranchés en plusieurs endroits. Les maisons avaient été pillées, saccagées et brûlées. Un parti huguenot était passé avant eux, se dit-il. Arrivés au bout de la voie, les quatre hommes, restant aux aguets, revinrent par les lices sans rencontrer âme qui vive. Cabasset repéra vite la plus grande des maisons. Sa porte avait été enfoncée, mais les fenêtres possédaient de solides grilles et on pouvait s’y retrancher. De surcroît il n’y avait pas de cadavres puant au-devant.

Il demandait à Puyferrat d’aller chercher le reste du cortège quand ils entendirent la quinte de toux venant de la maison. Cabasset fit signe à Puyferrat d’attendre et sauta au sol. Il se dirigea vers la porte ouverte, pistolet dans une main et épée dans l’autre.

Il entra dans une salle sombre et empuantie. Au bout d’un instant, il distingua une table au milieu et, dans un angle, un lit à rideaux. Il s’approcha avec prudence. Dans le lit, une femme âgée agonisait. Malgré l’obscurité, il vit que son visage était marqué d’hémorragies aux yeux et au nez.

La peste !

— À boire, murmura-t-elle, avant de tousser convulsivement.

Il recula et fit signe à ceux qui l’avaient suivi de sortir.

— À boire, par le sang du Christ…

Cabasset, bon catholique, n’était pas mauvais homme. Cette femme souffrait. Ramassant un pot ébréché par terre, il se dirigea vers le puits qu’il avait aperçu dehors. Le pot rempli, il le porta à la mourante et le posa sur son lit avant de s’éloigner en se signant.

— Les parpaillots vous ont attaqués ? demanda-t-il.

Sur le visage émacié de la mourante, la surprise apparut. Elle murmura, entre plusieurs quintes de toux :

— Les parpaillots ? Non… Les… démons papistes ! La peste avait déjà tué… la moitié du village. Ils le savaient et n’ont eu aucun mal à entrer… On s’était pourtant rendus… Qu’ils soient damnés. Ils ont tué notre boulanger qui venait de cuire le pain de la Cène… Ils l’ont découpé vivant… et salé… ce sont des démons… Ils ont coupé les oreilles des autres…

Elle se releva avant de s’affaisser brusquement. Elle était morte.

Ainsi le rouquin les avait trahis ! songea Cabasset avec rage. Il les avait envoyés dans un village huguenot où la peste s’était déclarée. Qu’espérait-il ? Que les protestants les massacrent ? Qu’ils attrapent le mal de saint Roch[61] ?

Il sortit en donnant des coups de botte dans les pots sur le sol.

— Nous dormirons dehors si nous ne trouvons rien, décida-t-il, mais pas dans ce maudit charnier !

En chemin, il raconta aux autres ce qu’avait dit la femme. Le coche attendait plus bas, au bord de la Charente qui roulait des flots furieux. Les six anciens brigands étaient assis par terre. Cabasset s’approcha d’eux.

— Il nous a trahis, dit-il à Maurevert, en désignant le rouquin. Vous le saviez ? demanda-t-il ensuite aux autres prisonniers.

Terrifiés, ils secouèrent la tête, tandis que le rouquin souriait avec insolence. Il savait ce qui allait lui arriver, mais au moins il aurait tout tenté contre ces maudits catholiques.

— Attachez-lui les mains et les pieds avec sa chemise, ordonna-t-il.

Le rouquin tenta de fuir mais un des cavaliers le rattrapa et le fit tomber d’un coup de botte.

— Pendons-le ! décida Maurevert.

— Non, ne gaspillons pas de corde ! Vous autres, attachez-le avec sa chemise. Si ça ne suffit pas, utilisez les lanières de ses grègues ! ordonna Cabasset.

Les cinq autres marauds obéirent. Le rouquin, torse nu, tremblait de froid et de peur et se débattait comme un fou, mais les autres le tenaient étroitement. Ils parvinrent à l’attacher. Quand ce fut terminé, Cabasset leur montra la Charente.

— Jetez-le à la rivière !

Ils obéirent. Le rouquin hurlait, tentant de résister en les maudissant. À plusieurs, ils le lancèrent à une toise de la rive et le flot glacé l’emporta. Ils le virent rouler dans la rivière, puis disparaître dans un remous.

— Maintenant, vous autres, dites-moi où on peut passer la nuit…

Rouffignac s’avança, les yeux baissés.

— Un peu plus bas, il y a un moulin ruiné sur la rivière, monseigneur. Il reste une grande salle couverte qui peut nous abriter.

— Si tu nous trompes, menaça Cabasset, tu connais ton châtiment !

Ils repartirent. La neige commença à tomber, de plus en plus épaisse.

Ils arrivèrent au moulin à la nuit. Rouffignac ne leur avait pas menti, le moulin avait encore quelques fortifications et une salle basse voûtée – une sorte de cave – où étaient entreposés des fagots de bois. Sans doute le bâtiment était-il utilisé par des bergers, car il puait la chèvre et le mouton, et le sol était jonché de crottin.

Ils firent entrer les chevaux et dressèrent un lit de fortune et un coin isolé pour la duchesse et sa femme de chambre. Les hommes dormirent à même le sol, après avoir allumé un feu et fait un repas frugal de pommes et de fromage.

Le matin, la neige était toujours là, mais pas trop épaisse et ils purent repartir.

La nuit suivante, ils logèrent dans une auberge fortifiée sans autre dîner qu’une bouillie d’avoine. Partout, les champs étaient abandonnés, les vergers arrachés. On ne voyait pas d’habitants, personne sur les chemins. La nourriture et le fourrage manquaient. L’un des soldats proposa à Cabasset de se rendre à une ferme fortifiée qu’il connaissait pour acheter du fourrage et de la nourriture. Le capitaine accepta.

C’était un corps de bâtiments entourés de murs avec des échauguettes en encorbellement aux angles et protégé par un fossé. La porte voûtée était flanquée de deux tourelles. Une barbacane en bois était dressée devant, pas très haute mais empêchant d’arriver jusqu’à la porte. On apercevait les murs pignons des granges dépassant des murailles.

Ayant laissé le coche en arrière, la troupe s’approcha. À cinquante pas, un guetteur leur cria de s’éloigner. Il avait un mousquet, affirma-t-il, et tirerait sur le premier qui approchait.

Cabasset s’avança seul, un linge blanc au bout de son épée. À portée de voix, il expliqua qu’il voulait du fourrage et de quoi manger.

— Nous n’avons rien ! répondit la voix.

— Si vous refusez, nous prendrons la place ! cria Cabasset.

— D’autres ont essayé. Nous sommes nombreux, bien armés et la maison est imprenable.

Cabasset revint vers Maurevert et les autres.

Maestro Jacopo proposa de poser une mine à la porte. Ils avaient de la poudre et pouvaient faire un pétard.

— Ce sera difficile d’approcher à cause de la barbacane, remarqua Cabasset. D’autres ont déjà dû essayer de prendre la place sans succès.

— Assiégeons-la ! décida Puyferrat.

— Et que mangerons-nous ?

— Nous sommes vingt, avec les gueux, dit Maurevert. Attaquons cette nuit. Avec des cordes, on passera l’enceinte et une fois dedans nous passerons tout le monde au fil de l’épée.

— Et nous prendrons les femmes, plaisanta Jacopo.

— Ce sont peut-être des catholiques, objecta Puyferrat.

— Ce sont des catholiques ! affirma un soldat. La ferme dépend de l’abbaye.

— Quelle importance ? intervint un autre soldat qui avait une trogne affreuse, avec le nez et un œil en moins, due à un coup d’épée. Moi, je suis pour le pillage !

— Je vais tenter une conciliation, proposa Cabasset, sinon, nous ferons ce qu’a proposé M. Le Vert. Nous n’avons pas le choix, mais attendez-vous à des pertes.

Il revint en agitant son drapeau.

— On peut parler ?

— Partez ! cria une autre voix.

— Vous avez le choix. Si vous nous vendez du fourrage pour deux jours et trente chevaux, ainsi que de la nourriture pour vingt hommes, nous vous paierons en écus d’or. Si vous refusez, nous prendrons la place. Nous pendrons les hommes après les avoir écorchés vifs. Nous tuerons les enfants. Pensez à ce que nous ferons à vos femmes. Je vous laisse une heure.

Sans attendre la réponse, il rejoignit ses hommes, puis alla prévenir la duchesse.

— Croyez-vous qu’ils céderont ? demanda-t-elle.

— S’ils sont sages, oui.

— Et si ce sont des catholiques… hésita-t-elle.

— Sans fourrage, nos chevaux mourront, déclara Cabasset. Je préfère que ce soit eux.

— Mais les femmes et les enfants, dit-elle encore.

— C’est la guerre, madame, dit-il en secouant la tête et en évitant son regard. Quand le pillage a commencé, personne ne peut l’arrêter.

Il revint vers la barbacane.

— Nous pouvons vous vendre le fourrage. Ce sera vingt écus au soleil. Pour la nourriture, nous n’avons que des choux et des pommes, cria un villageois.

— Il nous faut aussi de l’avoine.

— Un sac, pas plus.

— D’accord.

— Dix écus de plus pour la nourriture ! lança une autre voix.

Cabasset retourna voir la duchesse. Elle lui remit la somme qu’il apporta jusqu’à la barbacane.

— Voici l’or, n’essayez pas de nous tromper, dit-il en jetant les pièces devant la porte.

— Éloignez-vous tous, nous déposerons devant la barbacane ce que nous avons promis.

Cabasset revint à ses hommes et les fit reculer. Plusieurs grondèrent sans bouger. Ils attendaient le pillage et les femmes.

— Je fais pendre celui qui discute encore, dit simplement le capitaine Cabasset en les menaçant de son épée.

La grogne s’arrêta et ils obéirent.

De loin, ils virent les paysans sortir des sacs et empiler des bottes de fourrage, puis rentrer à vive allure.

Ils récupérèrent tout avant de repartir. Le soir, ils dormirent dans un village abandonné. Tous les habitants avaient fui, ou étaient morts. Sur la porte de l’église, il y avait les habituels colliers d’oreilles et encore quelques corps pendus à l’intérieur.

À Angoulême, ils furent magnifiquement logés au château où ils dormirent entre deux draps pour la première fois depuis longtemps. La duchesse resta masquée, ne souhaitant pas qu’on la reconnaisse, mais les passeports du duc de Guise, du duc de Mayenne, ainsi qu’une lettre du roi, firent merveille.

Cabasset avait remarqué que le jeune Rouffignac cherchait à se faire accepter. Il obéissait immédiatement aux ordres qu’on lui donnait et se montrait toujours de bon conseil. Après Angoulême, et avec l’accord de la duchesse, on lui proposa d’entrer dans la compagnie. Il accepta et prêta serment à la duchesse, après quoi on lui confia une épée et un cheval. Les autres anciens brigands restèrent comme piétaille et valet. Maintenant qu’on avait moins besoin d’eux, Maurevert voulait les pendre, mais Cabasset s’y opposa, arguant qu’ils seraient leurs serviteurs.

En approchant de Montlieu, ils rencontrèrent un détachement de cavalerie portant la casaque bleue aux croix blanches de l’armée de Matignon. Une fois de plus Cabasset montra les ordres de Mayenne et les soldats les saluèrent. Ils amenaient à Montlieu onze huguenots prisonniers surpris dans la maison d’un riche paysan où ils célébraient la Cène. Les hommes, de tous âges, étaient en pourpoint et tête nue, liés entre eux et garrottés. Meurtris et ensanglantés, ils avaient été battus par les habitants qui les avaient capturés. Arrivé à la porte de la ville, l’officier s’enquit de la présence d’un bourreau ou d’un exécuteur de haute justice, car les protestants qui pratiquaient leur culte devaient être mis à mort quand ils étaient livrés par les habitants. On lui répondit par la négative, aussi fit-il porter des cordes et étrangler ses prisonniers aux fourches des jardins qui servaient à puiser de l’eau.

La duchesse et ses hommes étaient restés à regarder le spectacle, comme bon nombre d’habitants et de paysans. Quand ce fut terminé, Cabasset expliqua à l’officier qu’il logerait à Montlieu et qu’il voulait qu’on envoie quelqu’un prévenir le maréchal de Matignon. Ils avaient besoin d’une escorte, et qu’on les guide auprès du duc de Mayenne.

L’escorte de cinquante lances arriva le surlendemain avec un guide qui les mena au château de Puynormand que le duc de Mayenne venait de prendre. Ils y arrivèrent aux premiers jours de novembre. Ils avaient mis plus du double de temps prévu, ayant sous-estimé les intempéries et la famine.

Mayenne fut soulagé de voir arriver sa sœur qu’il attendait avec impatience. Il aurait déjà dû être en route pour la maison forte de La Vauguyon où il avait déjà fait partir des troupes et son meilleur capitaine.

Au souper, entouré de quelques-uns de ses officiers et des gens de la duchesse, il raconta cette prochaine expédition avec force éclats de rire.

— Il y a plusieurs semaines, j’ai eu la visite de Mme de Caumont. Elle est de la religion prétendue réformée et pourtant elle venait me demander de l’aide ! Deux ans auparavant, le seigneur de la Vauguyon était venu la visiter avec une troupe de gentilshommes et, invoquant un accord entre leurs familles, il avait enlevé sa fille Anne. C’est la seule héritière de la maison de Lustrac, et elle a quatre-vingt mille livres de rente ! Depuis, il la garde dans sa maison forte près de Périgueux et il lui a fait épouser son fils de huit ans. Bien sûr, le mariage n’est pas valide, car la pauvrette n’a que douze ans.

» Mme de Caumont[62] avait demandé l’aide du maréchal de Biron pour reprendre sa fille, mais La Vauguyon n’a jamais voulu la rendre, aussi m’a-t-elle proposé de soutenir son mariage avec mon fils si je saisissais la maison forte de La Vauguyon. J’ai accepté, et, à l’heure qu’il est, La Vauguyon s’est rendu et Anne de Caumont et ses demoiselles d’honneur sont avec mon épouse[63]. Je vais aller les chercher et nous irons ensemble à la Cour dès notre arrivée à Paris.

Chacun le félicita pour ce nouveau succès, et le duc se rengorgea. Malgré quelques déboires, cette campagne de Gascogne était selon lui un franc succès[64].

Auparavant, après avoir promis à sa sœur trente hommes d’armes pour compléter sa troupe, il avait eu avec elle un long entretien, lui confiant tous les détails qu’il connaissait sur la fraude des tailles conduite par le conseil des seize et lui prodiguant des conseils judicieux pour l’enlèvement de Cassandre de Mornay. Il avait surtout assuré que le moyen le plus simple pour se débarrasser de Navarre était de l’amener à portée du mousquet de Maurevert. Avec un otage tel que la fille de M. de Mornay, ce devrait être trop difficile.

La duchesse de Montpensier repartit le lendemain pour Montauban avec sa petite armée après avoir fait écrire par le secrétaire de son frère une courte lettre pour Cassandre de Mornay avec l’écriture d’Olivier Hauteville, imitée grâce aux documents volés par Cabasset.

La guerre des amoureuses
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