6.

En ce dimanche de Pentecôte[41], l’église de Saint-Merri était toute pavoisée, autant pour la grande fête religieuse que pour la présence de la duchesse de Montpensier, Catherine de Lorraine, sœur du duc de Guise et du duc de Mayenne, invitée à assister à la messe et à écouter le sermon prononcé par le père Boucher, le recteur de la Sorbonne qui remplacerait, pour l’occasion, le curé habituel.

Le curé Boucher, un des plus enflammés prédicateurs de la Ligue, avait sonné le tocsin à la Saint-Barthélemy pour appeler à l’occision des protestants et on disait qu’il était membre du conseil des seize de la Ligue parisienne. À chacun de ses sermons, il louait le duc de Guise et pourfendait l’hérétique Navarre, assurant à ses paroissiens que la venue de l’Antéchrist sur le trône de France – si elle se produisait – les enverrait tous en enfer. Quant au roi, bougre et hérétique lui aussi, il devrait finir sa vie dans un couvent pour expier ses péchés.

Olivier Hauteville avait hésité à venir à l’église quand il avait su que Boucher ferait le sermon, mais son ami Nicolas Poulain lui avait conseillé de ne pas s’en abstenir. La Ligue était désormais puissante dans Paris, les dizainiers et quarteniers, qui surveillaient chacun, s’apercevraient immanquablement de son absence. Lui-même n’avait aucune envie d’écouter les imprécations du père Boucher, mais ils avaient tous deux suffisamment connu les cachots du Châtelet pour se faire inutilement remarquer.

Installés sur les bancs qu’ils louaient, en compagnie de leurs domestiques, les deux amis n’échangèrent pas une parole, car ils savaient qu’il y avait autour d’eux bien des oreilles indiscrètes. Ils observèrent ainsi le silence en attendant l’arrivée de la duchesse.

La duchesse de Montpensier avait embrassé avec ardeur le parti de la Ligue. Comme tous les membres de sa famille, Catherine de Lorraine était ambitieuse, mais au surplus de ses frères, on disait qu’elle possédait une résolution qu’ils n’avaient pas. Olivier ne la connaissait pas et se souvenait seulement que feu son époux, Louis de Bourbon, duc de Montpensier, avait participé au massacre des protestants dans la rue Saint-Martin, et qu’il l’avait vu de ses yeux tuer femmes et enfants. Le duc avait eu la réputation d’un homme féroce et impitoyable. On disait qu’il faisait toujours pendre ou égorger ses prisonniers après les batailles.

La duchesse était la seconde épouse du duc qui avait eu un fils d’un premier lit. Celui-ci était le nouveau duc depuis la mort de son père. Le jeune homme détestait sa belle-mère pour plusieurs raisons. D’abord, elle était Guise et il était Bourbon. Deux familles qui aspiraient au trône. Ensuite, la duchesse lui avait fait un procès – qu’elle avait perdu – pour se faire attribuer la fortune des Montpensier. Enfin, il était un des rares Grands du royaume encore fidèle à Henri III, alors que Catherine de Lorraine éprouvait une mortelle haine envers le roi qui l’avait rejetée.

La duchesse, comme son frère Guise, avait hérité de la beauté de sa mère Anne d’Este, fille du duc de Ferrare. Veuve, elle avait tenté de séduire le roi afin de le rapprocher de son frère. Elle n’y était pas parvenue et Henri l’avait publiquement raillée, car elle avait une légère claudication. Depuis, humiliée, elle répétait partout que le dernier des Valois était un bougre et qu’elle l’enfermerait dans un couvent. À la ceinture de sa robe, elle portait une paire de ciseaux d’or qui, disait-elle, servirait à le tonsurer pour en faire un moine.

Ardente dans sa foi, autant pieuse que belle, assidue aux sermons et à la confession, elle était vénérée des curés de Paris et encore plus du petit peuple qui la comparait à Jeanne d’Arc. Mais ceux qui la connaissaient vraiment savaient qu’elle était intolérante jusqu’à la violence, incapable de maîtriser ses accès de courroux, brouillonne, et surtout encore plus orgueilleuse que son frère Guise.

Soudain, les ovations éclatèrent dans l’église. Ceux qui étaient proches de l’autel, comme Olivier et Nicolas, se retournèrent et virent arriver une femme en robe de satin noir à manches ballons rehaussée d’un col de dentelle qui montait jusqu’au menton et dont la traîne était tenue par deux pages. Le regard dédaigneux et le front haut, ses cheveux étaient serrés en arrière dans un filet de perles. Elle avançait avec majesté, suscitant vivats et acclamations tout en restant impassible. Une reine de France n’aurait pas fait mieux, reconnut Nicolas dans un mélange d’admiration et de répulsion.

Arrivée au niveau de la chaire, le père Boucher, un de ses fervents admirateurs, la salua par ces mots :

— Voici notre Judith qui tuera Holopherne !

Elle sourit à peine, tandis que les acclamations redoublaient.

Devant le chœur était dressée une estrade tapissée sur laquelle se trouvaient une cathèdre et des prie-Dieu. Un majordome attendait. Il fit monter celle qu’on nommait la gouvernante de la Ligue à Paris, puis ses gentilshommes et ses dames d’atours.

Tout autour de l’estrade étaient suspendues des enseignes en taffetas couleur or à bande de gueules chargée de trois alérions d’argent : les armes des Guise.

La suite ducale installée, le silence revint peu à peu, malgré l’immense foule serrée, debout au fond de l’église, et la messe commença.

Au sermon, le père Boucher fut, comme d’habitude, d’une violence inouïe envers le roi et Navarre, ce cyclope navarrais, de qui la caverne est pavée de têtes d’hommes, qui ne se repaît que de chair humaine et ne s’abreuve que de sang !

— Imaginez, poursuivit-il en levant une main pour faire taire les brouhahas, les chiens en leurs curées qui plongent le nez au sang des bêtes, qui déchirent leurs entrailles, qui frétillent de la queue, qui s’égaient aux appétits d’un si furieux repas. Tels verrez-vous les hérétiques revenant de la chasse des catholiques, à qui le sang regorge par la bouche et par les oreilles. Après avoir abattu, éventré et écorché ceux de la vraie religion, ils se fourrent en leur sang, s’y plongent jusqu’aux oreilles, en font des soupes, se gorgent de leur chair. Vous les verrez se plaire à verser, à tirer le sang humain, à s’y baigner, à s’y étuver[42]

En l’écoutant, Olivier se reprochait d’être resté si longtemps aveugle. Dans sa première lettre, Cassandre avait joint quelques pages du livre de son père : De la vérité de la religion chrétienne. M. de Mornay y expliquait la création du monde, le rôle de la Providence, et surtout affirmait l’immortalité de l’âme. S’il s’en prenait à des hommes, c’était aux adversaires du christianisme, aux athées et aux païens, jamais aux catholiques. Après cette lecture, Olivier n’était plus certain que la religion réformée soit hérétique, et quand bien même on le lui prouverait, les appels à la tolérance et à la liberté des consciences de Michel de Montaigne, pourtant sincère catholique, l’avaient convaincu du danger des discours de la Ligue.

D’ailleurs, dans son appel à la ruine du roi et de Navarre, le père Boucher voulait-il vraiment sauver les âmes de ses paroissiens, ou installer le duc de Guise sur le trône des lys ?

La messe terminée, la duchesse et sa suite sortirent en dernier afin d’être à nouveau ovationnées. À regret, Nicolas Poulain demeura sur le parvis, car sa femme voulait admirer la robe de Catherine de Lorraine et celles de ses dames de compagnie. Olivier et ses gens restèrent avec eux puisqu’ils devaient rentrer ensemble. Perrine, la servante d’Olivier, en profita pour contempler avec envie les parures des dames.

Pressé par la foule, et pour éviter que Perrine ne soit écrasée, Olivier se trouva au premier rang quand la duchesse s’approcha. Elle marchait lentement, ne cachant pas son plaisir de voir le peuple l’acclamer. Un long moment, son regard radieux balaya la populace à ses pieds, puis elle remarqua, avec un certain étonnement, un beau jeune homme qui, contrairement aux autres, paraissait réserver son adulation.

Intriguée, elle posa son regard sur lui. Il devait avoir une vingtaine d’années, c’était un bourgeois, d’après ses habits et son absence de chapeau et d’épée. Leurs regards se croisèrent. Olivier fut d’abord surpris de découvrir que la duchesse le dévisageait avant de ressentir un inexplicable malaise. Pourquoi la sœur du duc de Guise s’intéressait-elle à lui ?

Catherine de Lorraine détacha son regard du jeune homme quand M. de Puyferrat, son premier gentilhomme, lui dit que sa litière était prête. Dans le coche, elle pensa à nouveau à lui. Pourquoi était-il si réservé ? Pourquoi ne l’admirait-il pas ? Son désir d’en savoir plus envahit son esprit à un point qui la troubla, mais en arrivant à l’hôtel du Petit-Bourbon où elle habitait[43], un autre sujet retint son attention. Un messager venait de porter un courrier de son frère le duc de Mayenne.

Tous deux correspondaient assez régulièrement depuis le début des opérations militaires contre les huguenots en Gascogne et en Périgord. Après un début de campagne très lent, paralysé par la mollesse de Matignon, Charles de Mayenne avait finalement pris Tulle. Avec sa puissante armée, il aurait dû être rapidement maître de tout le pays s’il n’y avait eu l’hiver, un des plus froids jamais connu, la peste qui décimait ses troupes, et surtout la famine. Vivant sur un pays ruiné, l’armée de Mayenne s’étendait sur des dizaines de lieues, pillant fermes et villages pour se nourrir et ne respectait aucun commandement. Il était donc difficile au duc de conduire la guerre à son gré.

Mayenne avait pourtant bien cru prendre Navarre à Nérac, mais le Béarnais s’était enfui comme un lâche, sans livrer bataille. Le duc avait alors choisi de réduire toute la Gascogne avant de remonter vers le Poitou et d’assiéger La Rochelle. En avril, il avait pris la ville de Saint-Bazile, mais sans y trouver plus de profits que quelques rats affamés.

Par malheur, un peu plus tard, lors du siège de Montségur, il était tombé malade d’une fièvre tierce et avait été transporté à Bordeaux. C’est de là qu’il lui écrivait pour lui annoncer qu’il y resterait quelques semaines tant le mal l’avait affaibli.

Mauvaises nouvelles ! constata la duchesse en jetant avec fureur le pli sur une table. L’été approchait, le meilleur moment pour les armées qui pouvaient se déplacer et livrer bataille. Or, celle de son frère n’était pas en ordre de marche et son général ne pouvait la commander. Cette année risquait fort d’être perdue, comme l’avait été la précédente. Il était loin le mois de novembre 1585 où Charles lui écrivait, après sa victoire sur le prince de Condé qu’il avait contraint à fuir en Angleterre :

… Je vous dirais en vérité que ceci est une œuvre de Dieu… La plus grande part de la noblesse [huguenote]… s’est sauvée… le reste s’est jeté dans les bois quittant leurs armes et leurs chevaux… ceux qui sont attrapés criaient miséricorde… les soldats… disent qu’on les a menés à la boucherie et qu’ils ne seront jamais commandés d’un tel chef [Condé].

Hélas, Charles n’avait pu exploiter cette déroute, rageait-elle. Comme son frère Henri, d’ailleurs, qui avait eu Paris et le royaume à portée de main, en 1585, lorsqu’il avait imposé au roi le traité de Joinville. Mais Henri était trop légitimiste, trop prudent. Il soutenait les seize mais ne voulait pas se mêler à leurs basses intrigues. Il aspirait au trône tout en refusant d’y accéder par des moyens bas et honteux. Il affirmait ses droits à la couronne, mais il était incapable de les exercer par la force. Finalement, il se contentait de sa popularité.

Ce pusillanime lui coûterait le royaume. Décidément ses deux frères la décevaient !

Dans la fratrie des Guise, la duchesse était certainement celle qui avait le plus de caractère. Elle possédait l’habileté de son aîné le cardinal de Guise, la capacité de se faire aimer de son frère Henri, et l’audace furieuse de Charles de Mayenne. De surcroît, contrairement à eux, elle n’était arrêtée par aucune barrière morale, car elle était persuadée que Dieu guidait ses pas.

Elle était aussi nantie d’une étonnante perspicacité, qu’elle tenait sans doute de son oncle, le cardinal de Lorraine – celui qui avait longtemps dirigé les actes de son père François de Guise –, aussi avait-elle deviné le danger que représentait le roi de Navarre pour sa famille.

Pour son frère Mayenne, le Béarnais n’était qu’un hérétique qu’il réduirait par la force. Pour Guise, le Bourbon n’était qu’un prétendant à la couronne sans aucun droit puisque le pape l’avait excommunié. Elle seule avait perçu la redoutable habileté militaire du Béarnais, ce don qu’il avait d’anticiper les avantages et les dangers d’une position lors d’une escarmouche. Tout aussi menaçantes étaient son audace et sa ruse dans la conduite des coups de main. Plus inquiétante encore était cette capacité qu’il avait à inspirer confiance à tous ceux qui l’approchaient.

Ces qualités en faisaient le plus formidable adversaire que les Guise aient jamais trouvé devant eux.

Son frère Mayenne ne vaincrait pas Henri de Navarre par la force, se disait-elle, et si le Bourbon s’alliait avec le roi, ou s’il se convertissait, les Guise seraient facilement écartés. Il fallait donc qu’il disparaisse rapidement. Mais comment ? Si Catherine de Lorraine avait l’étoffe d’un capitaine, elle n’était pas Jeanne d’Arc. Elle n’avait pas d’armée, pas de Dunois ou de Gilles de Rais sur qui se reposer. Faire assassiner le Béarnais ? Elle y songeait souvent, mais comment ? Personne ne savait où il se trouvait ! On le croyait à Nérac, il était dans le Poitou. On assurait qu’il était en Saintonge, il conduisait un coup de main dans le Périgord ! Il ne dormait jamais deux nuits au même endroit, toujours à chevaucher avec sa troupe de fidèles. Au demeurant, il était d’une grande méfiance et aucun inconnu, ou inconnue, ne pouvait l’approcher.

C’est dans cet état d’esprit qu’elle se rendit l’après-midi au palais de la reine. Catherine de Médicis avait invité toute la Cour à assister à un spectacle de farces et soties à l’occasion de la Pentecôte.

Au dîner qui suivit, Catherine de Lorraine fut placée à côté de la reine mère. Le repas fut gai et plaisant, plusieurs dames d’honneur chantèrent accompagnées de violes et de luths. À la fin du dîner, Catherine de Médicis lui proposa de rester un moment avec elle et de l’accompagner dans sa chambre d’apparat pour déguster des confitures. Là, la reine abandonna ses dames de compagnie et fit passer la duchesse dans le petit cabinet lambrissé qui jouxtait la pièce.

Connaissant parfaitement la rouerie de la Médicis, Mme de Montpensier ne s’étonna pas. Quant à la reine mère, elle n’ignorait rien des ambitions de la sœur de Guise et savait qu’elle accepterait un entretien secret. Mais avant de parler politique, elles devaient jouer la comédie de l’amitié. Sans même un sourire ambigu, la duchesse complimenta la reine sur la douce politique que son fils conduisait pour le royaume, et l’arrière-petite-fille de Laurent de Médicis la remercia pour les bontés que ses frères apportaient au roi.

Après ces hypocrites douceurs, Catherine de Médicis en vint au sujet qu’elle avait à cœur.

— Tout irait tellement mieux en France si mon gendre n’était pas hérétique, soupira-t-elle, avec une infinie tristesse.

— C’est vrai, madame, mais avec son armée mon frère parviendra bien à le convertir…

— Croyez-vous ? demanda la Médicis, dans une feinte amabilité.

Elle ajouta sans laisser paraître la moindre perversité :

— On m’a rapporté que M. de Mayenne était très malade, avez-vous de ses nouvelles ?

— J’en ai eu ce matin, madame, mon frère est solide comme un sanglier, il sera vite sur pied. La haine qu’il a envers Navarre vaudra toutes les médecines !

— Je prie le Seigneur chaque jour pour lui, jura la reine mère en joignant les mains, avant d’ajouter : Mais tout serait tellement plus simple pour ce pauvre royaume si mon gendre reconnaissait qu’il fait fausse route et qu’il suit une damnable hérésie.

— Hérésie que vous avez parfois tolérée, madame, remarqua la duchesse d’une voix douce, mais où perçait le reproche.

— Je l’ai surtout combattue avec fermeté ! répliqua la reine sèchement. Mais pour l’heure, alors que je vais bientôt rejoindre le Père éternel, je sens que je dois assurer une dernière mission.

— Laquelle, madame ?

— Convertir mon gendre pour qu’il revienne dans la vraie foi. Je ne veux pas qu’il brûle dans les flammes de l’enfer.

La Montpensier tressaillit. Qu’avait la reine en tête ? Croyait-elle que Navarre allait l’écouter ? Elle, l’instigatrice de la Saint-Barthélemy ?

— Ce serait un miracle, madame, fit-elle, en réprimant son ironie.

— Le Seigneur est avec moi, je le sais. Voyez-vous, Catherine, j’ai écrit à mon gendre pour le supplier de m’écouter.

— Et que vous a-t-il répondu ?

— Qu’il acceptait de m’entendre.

— Viendra-t-il ici ?

— Non, je lui ai proposé une conférence à Chenonceaux…

La duchesse dissimula sa surprise, et son intérêt. Elle perçut immédiatement tous les avantages de cette entrevue. Navarre était inaccessible dans son Béarn ou à La Rochelle. S’il venait à Chenonceaux, il serait vulnérable.

— … Mais il n’acceptera pas de venir en territoire hostile, poursuivit Catherine.

— C’est bien possible, en effet, approuva prudemment la duchesse de Montpensier.

— Il veut une trêve, pour assurer sa sécurité.

— Autour de Chenonceaux ?

— Non, une trêve générale, pendant tout le temps de la conférence.

— Votre fils peut la lui accorder, sourit la duchesse. Il lui suffira de cantonner ses troupes.

— Mon fils ? Sans doute. Mais qu’en sera-t-il de vos frères Mayenne et Guise ?

Catherine de Lorraine resta silencieuse. Elle avait compris ce que voulait la reine. Elle lui suggérait qu’elle demande la trêve à ses frères. Certes, elle en voyait tout l’intérêt, mais elle ne pouvait pas accepter si facilement.

Au demeurant, il lui faudrait convaincre Henri et Charles.

— Souhaitez-vous que je leur demande cette trêve, Majesté ? Je le ferai volontiers pour vous être agréable.

— Je vous en serai éternellement reconnaissante, répondit la reine avec soulagement.

En rentrant à l’hôtel du Petit-Bourbon dans son coche (ces voitures confortables qu’on commençait à appeler carroche) escortée d’une troupe armée et de domestiques porteurs de flambeaux, Catherine médita sur la façon dont elle allait présenter la demande de la reine à ses deux frères. Mayenne serait facile à convaincre, car elle le manipulait facilement. Il accepterait la trêve si celle-ci permettait de faire disparaître celui qui le ridiculisait dans cette guerre. Restait son frère Henri, qui serait plus malaisé à persuader.

Ayant réfléchi à ce qu’elle allait faire, bercée par les cahots de sa voiture, sa pensée vagabonda vers ce jeune homme dont elle avait croisé le regard à l’église.

La duchesse de Montpensier vivait seule depuis la mort de son mari, quatre ans plus tôt. Le seul homme dont elle avait voulu se faire aimer était le roi et il l’avait repoussée. Profondément humiliée, elle n’avait connu depuis aucune personne du sexe opposé. Pourtant, à trente-quatre ans, elle se savait encore belle et désirable. Ce soir-là, elle ressentit à nouveau le besoin d’être aimée. Sans en comprendre les raisons, elle s’interrogea. Depuis des années, elle ne s’intéressait plus à l’amour, alors pourquoi maintenant ? Et pourquoi songeait-elle si souvent à ce jeune homme qui l’avait ignorée ? Elle en vint alors à éprouver une sorte de jalousie, à se demander s’il avait une femme ou une maîtresse.

Portée par un messager, une lettre chiffrée partit le lendemain à Bordeaux pour Charles de Mayenne. Catherine expliquait à son frère qu’elle aurait peut-être une opportunité pour écarter définitivement Henri de Navarre, mais pour cela il lui fallait un homme qui ait l’expérience de ce genre de choses. Elle savait que le duc comprendrait. Si quelqu’un pouvait lui envoyer un assassin patenté, c’était lui.

À son autre frère, Henri de Guise, qui se trouvait en Champagne, elle choisit d’envoyer M. de Mayneville qui s’occupait des intérêts de la famille de Lorraine à Paris.

François de Roncherolles, marquis de Mayneville, avait toute sa confiance. La duchesse lui détailla les projets de Catherine de Médicis dont, par des rumeurs et des espions, il avait déjà entendu parler, et elle lui fit part de son dessein : à la cour de la reine, à Chenonceaux, Navarre serait sans défense. Même si son frère affichait des règles d’honneur remontant à la chevalerie et rejetait l’assassinat, c’était une occasion unique d’écarter le seul homme qui lui disputait le trône. Sans Navarre, les huguenots n’auraient plus de chef, il ne resterait que Condé, un capitaine insignifiant que Mayenne avait déjà vaincu.

Mais pour venir à Chenonceaux, Navarre exigeait une trêve. Mayneville, approuvant son plan, s’engagea à convaincre le duc de Guise et partit le rejoindre.

Le dimanche suivant, après beaucoup d’hésitations, la duchesse de Montpensier décida de retourner à la messe à Saint-Merri afin d’en savoir plus sur ce jeune homme qui occupait toujours ses pensées. Elle s’était masquée, comme le faisaient beaucoup de dames de qualité, et n’était accompagnée que d’une dame de compagnie et de deux gentilshommes. Personne ne la remarqua. En revanche, en entrant dans l’église, elle vit Olivier, toujours avec les gens de sa maison. Le loueur de chaises lui proposa un siège non loin de lui.

À la fin de la messe, elle sortit la première et demanda à sa dame de compagnie de se renseigner sur celui qu’elle lui avait désigné dans l’église. Elle attendit ensuite sur le parvis.

Quand Olivier sortit et ne fut plus qu’à quelques pas d’elle, elle baissa son masque comme s’il la gênait et elle planta ses yeux dans les siens avec impudence. Mais le jeune homme ne lui prêta aucune attention et poursuivit son chemin. Tant d’indifférence la bouleversa à un point qu’elle n’aurait jamais cru ressentir. Elle resta immobile, douloureusement muette, le regardant s’éloigner alors que son cœur plein d’amertume battait le tambour.

Le roi de France l’avait rejetée. Ce petit bourgeois roturier faisait de même. Était-elle désormais incapable de séduire un homme ? Ceux-ci n’éprouveraient-ils plus jamais d’appétence pour elle ? Était-elle devenue si peu désirable ?

Elle en vint à songer qu’on lui avait peut-être jeté un sort. Après tout, les sorciers étaient capables de nouer l’aiguillette chez les hommes[44], pourquoi n’y parviendraient-ils pas chez les femmes ? Quelque magicien aurait-il pu la rendre déplaisante, disgracieuse ? Comment savoir ?

— Je me suis renseignée, madame.

C’était sa dame de compagnie qui la fit sortir de ses pensées.

— Qui est-il ?

— Il est avocat à la Chambre des comptes, madame, et bourgeois de Paris.

— Rentrons !

Dans le coche, elle ne pensa qu’à lui. Certaine d’avoir reçu une malédiction, il lui vint à l’idée que ce sortilège disparaîtrait si elle parvenait à se faire aimer de lui. Elle avait le sentiment que si elle y parvenait, elle se ferait aussi fatalement aimer du roi. Finalement, la mort de Navarre et l’amour de ce jeune homme n’étaient que les deux facettes du même problème. Navarre disparu, à nouveau aimée des hommes, elle gouvernerait le roi à sa guise.

Mais comment faire ? Comment se faire désirer de quelqu’un qui affichait son indifférence ? Comment l’ensorceler à son tour ?… C’est en songeant à ce mot qu’elle se souvint de cette effroyable histoire survenue à la Cour, douze ans plus tôt.

Deux gentilshommes du duc d’Alençon avaient participé à un obscur complot permettant la fuite du duc et d’Henri de Navarre, alors prisonniers au Louvre. Ils se nommaient Boniface de La Mole et Annibal de Coconnat. Piémontais venu en France pour défendre la cause catholique, Coconnat s’était tellement fait remarquer pour sa cruauté envers les protestants durant la Saint-Barthélemy que le roi Charles IX l’avait qualifié d’un des plus méchants hommes de son royaume. Pendant le massacre, il avait racheté trente huguenots des mains du peuple. Sous la promesse de les laisser saufs, il leur avait fait renier leur religion avant de les poignarder à petits coups pour qu’ils meurent le plus douloureusement possible. Contrairement à lui, son ami La Mole était fort doux. On l’appelait le baladin de la Cour tant il était aimé des dames. C’était aussi un homme fort religieux, persuadé que la messe expiait tous les péchés. Ainsi, pour éviter d’être damné, il en entendait cinq à six par jour et on se gaussait de lui en disant que, pour tenir registre de ses débauches, on n’avait qu’à compter les messes auxquelles il assistait.

Après la fuite d’Alençon, les deux hommes furent emprisonnés et leur logis fouillé. Chez La Mole, on découvrit une figure de cire et de fer représentant un homme ayant le cœur et la tête percés. Or le roi était au plus mal, cruellement tourmenté par des maux de tête et de ventre. Charles IX fut convaincu que Cosimo Ruggieri, le mage de sa mère, avait fabriqué la statuette et était à l’origine de son envoûtement.

La Mole avait été interrogé à la Bastille en présence du souverain. Bien qu’ayant juré n’avoir jamais rien entrepris, on l’avait mis à la torture. Sous les brodequins, il avait reconnu que la statuette avait été faite par Ruggieri, mais c’était pour se faire aimer d’une maîtresse dont il avait refusé de donner le nom.

Torturé à son tour, Coconnat avait, lui, reconnu l’envoûtement du roi. Catherine de Médicis avait donc été contrainte d’autoriser l’interrogatoire de Ruggieri : Faites-lui tout dire… Que l’on sache la vérité du mal du roi et qu’on lui fasse défaire s’il a fait quelque enchantement pour nuire à sa santé… avait-elle écrit au lieutenant civil.

Bien qu’ayant tout nié, Ruggieri avait été condamné aux galères et les deux gentilshommes avaient eu la tête tranchée en place de Grève. Quelques jours plus tard, Charles IX était mort dans d’horribles souffrances et son frère Henri, alors en Pologne, était devenu roi sous le nom d’Henri III[45].

La duchesse de Montpensier savait que l’histoire ne s’était pas terminée par la mort de Coconnat et de La Mole. Le soir de l’exécution, deux dames masquées s’étaient présentées chez l’exécuteur de la haute justice et avaient enlevé les têtes des deux hommes, leurs amants, pour les faire embaumer et les conserver. L’une aurait été Marguerite de Navarre, la femme du Béarnais, la propre sœur du roi, et l’autre Henriette de Clèves, l’épouse du duc de Nevers.

Ces deux dames étaient-elles celles qui avaient été envoûtées par la magie de Ruggieri ? Catherine de Lorraine l’avait toujours pensé. L’envoûtement avait dû être bien puissant pour qu’elles agissent ainsi. Tandis qu’elle rentrait à l’hôtel du Petit-Bourbon, elle se demandait si grâce à une sorcellerie similaire elle parviendrait à se faire aimer de ce jeune homme si indifférent à son égard.

Mais qui pourrait pratiquer un tel maléfice ? Impossible de s’adresser à Ruggieri, car Catherine de Médicis l’aurait su. Or, elle ne connaissait pas d’autre mage. Comment faire ?

Elle songea alors à l’un de ses domestiques, Dominique Miraille.

Revenue dans son hôtel, la duchesse de Montpensier le fit appeler. C’était un vieil homme de soixante-dix ans qui avait été concierge de sa belle-sœur, la princesse de La Roche-sur-Yon, et que son intendant avait engagé à la mort de celle-ci. Miraille s’occupait du fourrage aux écuries. Il était encore fort vigoureux pour son âge et s’était récemment marié avec une fraîche jeune femme. Sa précédente épouse, une bonne vieille grosse, était morte l’année précédente, et tout le monde, la duchesse la première, avait été surpris de son nouveau mariage.

C’était une dame d’atours qui l’avait finalement renseignée. On murmurait que l’ancien concierge s’était débarrassé de sa première épouse par un sortilège. Ce caquetage avait inquiété Mme de Montpensier qui l’avait engagée à en apprendre davantage. Pour s’attirer les bonnes grâces de sa maîtresse, la dame d’atours avait fait quelques agaceries au vieil homme afin de lui faire avouer la vérité. Elle n’y était pas parvenue, mais le vieillard lui avait tout de même dit en riant que, si elle continuait à faire ainsi la galante, il la mettrait dans son lit.

— Je suis une honnête femme, monsieur Miraille ! lui avait-elle sèchement rétorqué.

— Peu importe, madame, je connais des charmes si puissants qu’ils pourraient vous faire aller contre votre volonté, avait-il ironisé.

La dame d’atours avait rapporté la conversation à la duchesse qui avait demandé à son intendant d’interroger Miraille. Si le moindre doute existait que l’homme pratique la magie, il devrait être chassé. Mais l’intendant n’avait rien découvert, sinon l’amour que la jeune épousée portait à son vieux mari, et la duchesse ne s’était plus intéressée à ces médisances.

Aujourd’hui, elle avait une bonne raison de le faire.

Quand Miraille se présenta dans sa chambre d’apparat, elle fit sortir ses dames d’honneur et resta seule avec le vieillard dont le visage affichait l’inquiétude. La duchesse était debout et fit quelques pas, une expression sévère et soucieuse sur son beau visage.

— Monsieur Miraille, de méchants bruits courent toujours sur votre compte, commença-t-elle.

— Moi, madame ? murmura le concierge, maintenant terrorisé.

— On m’a rapporté que pour vous faire aimer de votre épouse vous avez fait une statuette de cire… et pratiqué sur cette image un envoûtement… Je suis catholique craignant Dieu et je ne veux pas de sorcellerie chez moi !

— C’est un mensonge, madame ! Je n’ai jamais pratiqué les charmes, je le jure sur les Saints Évangiles ! balbutia Miraille.

— Ne niez pas, j’ai des preuves ! Vous quitterez donc cette maison sur-le-champ. Remerciez-moi de ne pas vous dénoncer au lieutenant civil.

Le vieillard se jeta à ses genoux et se mit à sangloter.

— Pitié, madame ! Que vais-je devenir à mon âge, avec ma femme et ma belle-mère ?

— Je m’en moque…

Il se coucha sur le parquet et lui baisa les pieds en pleurnichant tandis qu’elle l’observait dans un mélange de répulsion et de plaisir.

— Je pourrais cependant être indulgente…, souffla-t-elle après s’être repue de sa terreur.

— Madame, je vous en supplie ! Je ferai ce que vous me demanderez…

— Vous allez m’expliquer comment vous pratiquez votre magie… Je suis curieuse…

— Mais il n’y a pas de magie, madame, je vous jure…

— Vous vous obstinez, mon ami… Allez donc prévenir votre femme et quittez mon hôtel ! menaça-t-elle.

— Non ! glapit-il… Je vais tout vous dire.

— Enfin ! sourit-elle avec malignité.

Le concierge releva la tête, affolé, éperdu. Il n’était ni mage, ni astrologue, ni envoûteur. Sa jeune femme, c’étaient ses pécunes qui l’avaient ensorcelée, la pauvre vendant auparavant ses charmes dans la rue Gratte-Cul. Il n’avait inventé cette histoire de magie que pour cacher l’origine de la puterelle et celle de sa mère qui exerçait le même métier en se faisant passer pour une bourgeoise.

En revanche, comme tous les Parisiens, il avait souvent entendu parler de sorts et de magie. Cherchant désespérément à sortir du piège dans lequel il s’était placé en racontant des sottises, il inventa après avoir dégluti :

— Souhaitez-vous savoir comment je fais un envoûtement pour être aimé, madame ?

— Pourquoi pas…

— Je fais une statuette de cire dans laquelle j’enfonce, à l’endroit du cœur, une épingle imprégnée par un philtre.

— Si je souhaitais être aimée d’un ennemi, ou d’un être à qui je serais indifférente, ce charme opérerait-il ?

— Sans doute, madame.

Elle resta silencieuse, hésitant à se découvrir, puis elle se dit que si ce vieux serviteur parlait, elle nierait, et ce serait sa parole contre la sienne.

— Vous ferez une telle statue, maître Miraille, ainsi que le philtre.

L’ancien concierge resta la bouche ouverte, désemparé. Il ne connaissait rien à la magie… Il lui vint à l’idée qu’il fallait qu’il propose quelque chose d’irréalisable.

— Il m’est facile de faire la statuette, madame, mais pas le philtre. Pour un envoûtement, il me faut quelques éléments ayant appartenu à celui dont on veut être aimé.

— Quoi donc ?

— Des cheveux, des rognures d’ongles, ou des vêtements intimes, madame.

Une autre idée lui vint, car c’était un homme vif et plein d’esprit.

— Mais pour un charme d’amour, il faut un objet imprégné d’amour, qui soit cher à celui que l’on veut envoûter…

— Quel genre d’objet ?

— Euh… Par exemple une lettre d’amour, madame.

— Mais comment voulez-vous que je me procure cela ? s’irrita-t-elle.

— Je ne sais pas, madame… je peux faire la statuette, mais sans une lettre d’amour, je ne pourrais faire le philtre, et le charme n’agira pas.

Elle scruta son visage, tentant de voir s’il se moquait d’elle.

— Nous en reparlerons, monsieur Miraille, déclara-t-elle en le congédiant.

Quelques jours plus tard, le marquis de Mayneville revint de Champagne. Il avait rencontré le duc qui, malgré ses réticences, avait accepté la suggestion de sa sœur.

Mme de Montpensier l’ignorait mais, en vérité, son frère Guise songeait de longue date à faire disparaître Henri de Navarre. Le duc, qui portait sur le Béarnais le même jugement qu’elle, tant il le connaissait, ayant été son ami dans sa jeunesse, était très endetté et avait besoin que la guerre se termine au plus vite. Il avait compris depuis longtemps que Navarre était son principal adversaire, et il avait même déjà choisi l’homme qui le ferait disparaître. Il ne manquait que l’occasion, or sa sœur venait de la lui fournir !

Comme il avait déjà bien réfléchi à cet assassinat, il mit juste en garde Mayneville sur ses conséquences. Si le crime avait lieu à la cour de la reine, l’enquête serait conduite par le prévôt de l’hôtel, M. Rapin. Or celui-ci était aussi lieutenant criminel. Qu’il parvienne à remonter jusqu’à eux, ou que M. de Richelieu se mêle de l’affaire, ils pourraient être mis en accusation devant le parlement qui leur était hostile. Une telle implication de leur maison pourrait alors leur faire tout perdre.

Il avait donc suggéré qu’un homme à eux remplace Rapin. Mayneville lui avait proposé quelqu’un qui pourrait agréer au grand prévôt de France. Un homme qui faisait secrètement partie de la Sainte Union et qui était déjà lieutenant du prévôt d’Île-de-France.

La duchesse approuva ces mesures de précaution. Il lui serait facile d’imposer cet homme comme prévôt de la cour de la reine mère en échange de l’accord sur la trêve. Pour l’organisation de l’assassinat, son frère Guise lui laissait carte blanche, mais il lui faisait cependant connaître qu’il avait choisi l’assassin.

Il avait déjà écrit à Charles de Mayenne à ce sujet.

La guerre des amoureuses
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